Sous l’Ancien Régime, le roi dirigeait la guerre. Il décidait de son déclenchement et de son déroulement. Il était donc souverain dans la guerre[1]. C’est ce que l’historien Joël Cornette a appelé « le roi de guerre »[2]. Nous connaissons à ce titre des images fortes témoignant de cette souveraineté royale dans un conflit : Henry IV sur son cheval blanc conquérant son royaume ; Louis XIV majestueux, cambré sur son équidé, au premier plan d’une bataille ; ou encore Louis XV aux côtés du maréchal de Saxe lors de la bataille de Fontenoy en 1745.
Monsieur de La Colonie, maréchal de camp des armées de l’électeur de Bavière entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle, ne s’y trompe pas, lorsqu’il couche sur le papier ces quelques lignes : « C’est l’épée qui a créé tous les monarques et les monarchies, qui les soutient depuis leur création »[3]. En démontrant la corrélation qui existe entre un monarque et la guerre, Monsieur de La Colonie amalgame le roi et celle-ci. Néanmoins, cette assimilation doit-elle puiser son origine dans l’époque moderne ? Il n’en est rien ! C’est en explorant l’époque médiévale que l’on comprend réellement la figure du « roi de guerre ».
Le Moyen Âge européen est à ce titre significatif : l’armée est dirigée par un prince, un roi. Le terme de roi se retrouve dans de nombreuses langues et n’a cessé d’évoluer au fil des siècles. En latin vulgaire du IXe siècle, le rex correspond au souverain d’un État. Dès le Xe siècle nous retrouvons une évolution sémantique du mot vers sa forme actuelle avec rei[4]. Le roi est un homme qui règne et exerce un pouvoir politique sur un royaume. Ce pouvoir est d’essence religieuse dans le Moyen Âge occidental[5]. Sa finalité est le service du bien commun et du royaume.
En effet, « le roi est digne d’un plus grand prix, s’il a bien gouverné ses sujets »[6]. Le roi est vu, au Moyen Âge, comme un ministre de Dieu sur Terre devant servir son peuple avant de satisfaire ses intérêts privés. Cette théorie sur le pouvoir royal se développe surtout à partir du IXe siècle, notamment avec le De institutione regia de Jonas d’Orléans. Ce dernier y explique que le rex doit, dans sa mission terrestre, être ministerium : il est ministre de Dieu sur Terre, autrement dit, serviteur[7].
Le roi a donc une mission devant Dieu et son peuple. Cette mission se retrouve également lors de la guerre. Du germain werra, pouvant se comprendre comme « querelle, conflit », la guerre, au Moyen Âge, à cette particularité d’être rare et limitée en moyens et en hommes. Les grandes expéditions militaires existent, certes, mais font figure d’exceptions. Les guerres se concentrent donc sur des espaces réduits géographiquement et temporellement. Elles sont faites pour parvenir à la situation jugée comme étant la norme, à savoir la paix. Guerre et paix vont paradoxalement ensemble au Moyen Âge. Le roi est donc garant de la paix – et par extension de la guerre – devant Dieu et son peuple.
Étudier le roi et la guerre au Moyen Âge implique une prise en considération de l’évolution politico-religieuse, ainsi que d’une définition des cadres. Nous analyserons donc la figure royale à l’égard de la guerre entre la fin du Ve siècle et le XVe siècle, notamment en Europe occidentale (France, Iles britanniques, Saint-Empire romain germanique, péninsule italienne, royaumes chrétiens d’Espagne).
Il est intéressant de s’interroger sur les relations qui existent entre le roi et la guerre au Moyen Âge, car cela nous permet d’envisager les rapports entre le pouvoir central des États modernes et l’armée, comme avec la dénomination de chef d’État et chef des armées par exemple. De même, une telle étude permet de comprendre quelle est la véritable place du roi à la guerre, son rôle et comment les contemporains l’envisageaient. Par ailleurs, cela permet de nuancer l’image de la guerre au Moyen Âge et des rapports entretenus entre ce fait guerrier et un pouvoir monarchique. En outre, cette étude nous permettra d’étudier qu’est-ce que la guerre durant le Moyen Âge occidental.
Le roi et la guerre : fondements intellectuels et théoriques
Le roi a, au Moyen Âge, une responsabilité guerrière. En effet, c’est une personnalité publique majeure devant défendre le bien commun et la communauté. Déjà dans l’Antiquité ce principe se retrouve en la personne du roi grec – comme le Sparte Léonidas Ier qui meurt lors de la bataille des Thermopyles en 480 av. J.-C. – ou en la personne du consul romain – à l’image d’un Lucius A. Paullus qui tombe à Cannes en 216 av. J.-C. devant le Carthaginois Hannibal. Cette imperceptible frontière entre le politique et le militaire demeure au Moyen Âge. Au poids de la tradition s’ajoutent progressivement des fondements intellectuels, créant de nouveaux liens entre le roi et la guerre.
Du mund au lieutenant de Dieu : essai d’une royauté guerrière franque, Ve-XVe siècle
Entre les Ve et le XVe siècles, la Gaule se transforme politiquement avec la mise en place d’une royauté, créant de facto un royaume franc. En dix siècles, le monarque garde une dimension guerrière dans son devoir de roi. Cependant, cette dernière évolue et se modifie au fil du temps, notamment pour des questions religieuses.
Lors des grandes invasions du Ve siècle, les Francs envahissent le Nord de la Gaule. Ce peuple de guerriers est mené par Childéric Ier, dont l’étymologie du nom démontre l’aspiration guerrière d’un roi franc : hilde signifie « guerre » et rik « puissant ». Son fils, Hlodwig (plus communément appelé Clovis Ier) est « l’illustre au combat ». Nous retrouvons cette dimension guerrière dans l’étymologie des noms de rois mérovingiens, mais aussi dans celle du mot franc : « leur nom apparaît au milieu du IIIe siècle et aurait signifié hardi, indomptable »[8].
En outre, les Francs élisaient un chef de guerre qui devenait le rex francorum, leur roi. Nous pouvons donc remarquer une proximité très forte entre le pouvoir monarchique et la direction de la guerre chez les Francs. « Dans tous les cas, en effet, s’il s’agit de communautés fondamentalement orientées vers la guerre, où la majorité des valeurs reconnues sont des valeurs guerrières, où les liens sont étroits, organiques, entre l’organisation sociale et l’organisation des armées, où l’homme libre est normalement soldat, où la fonction royale est d’abord de conduire la guerre (Heerkönigtum), où le roi est un entrepreneur de conquêtes »[9].
Cette double définition ne se retrouve pas uniquement dans le nom des Francs, mais aussi dans un aspect physique transcendantal : leur chevelure. En effet, le roi franc devait porter les cheveux longs et la barbe, étant un signe de légitimation du roi-guerrier[10]. Le monarque mérovingien revêt ainsi le mund, cette forme d’aura de protection qui émane du rex francorum. Le roi de guerre franc devait donc porter cette forme de pilosité, dont il en tirait une puissance transcendantale. Par ailleurs, lorsqu’un roi mérovingien se faisait évincer du pouvoir, ses cheveux lui étaient coupés. Ce schéma n’est pas sans rappeler celui de Samson dans l’Ancien Testament. En somme, la légitimité du roi mérovingien est avant tout guerrière.
En se christianisant, la dimension païenne du mund disparaît progressivement, mais certaines traditions franques demeurent, à l’image de la royauté guerrière. Progressivement, les intellectuels chrétiens se demandent qu’elle doit être la place du roi dans un monde chrétien. Le roi était considéré comme le lieutenant de Dieu sur la Terre[11]. Toutefois, être lieutenant de Dieu implique-t-il un rôle du roi dans la guerre ?
En réalité, celui-ci devient vite le garant de la paix, considérée comme une valeur suprême dans le christianisme médiéval. A contrario de l’Antiquité, la paix devient progressivement au Moyen Âge une normalité. Il ne peut y avoir de paix sans justice. Le roi devient donc le protecteur de cette paix et de cette justice[12], et doit – en théorie – user de la force lorsqu’une injustice vient compromettre la paix. De ce constat né la théorie de la bellum iustum – la guerre juste.

La place du roi dans la guerre juste : du roi de paix à l’auctoritas in bello
La christianisation progressive des royaumes européens entre le VIe siècle et l’an mil entraîne logiquement une remise en question de la place de la guerre dans la société. En effet, le christianisme est une religion de paix, où le message messianique du Christ vient redéfinir les relations entre les hommes à partir de cet état de paix. Autrement dit, la guerre n’est pas explicitement mentionnée dans le Nouveau Testament. Une théorie de la guerre juste chrétienne a évolué de la fin de l’Antiquité au XVe siècle, envisageant peu à peu une place de choix pour le roi dans sa définition.
Entre le Ier et le IVe siècle, le développement progressif du christianisme dans l’Empire romain amène les citoyens chrétiens devant un problème : comment concilier l’idéal chrétien de paix et la guerre ? D’autant plus que certaines paroles du Christ interdisent la violence et le meurtre. Pendant les temps de l’Église primitive, de nombreux citoyens romains chrétiens devaient servir dans l’armée. Cela était accepté de manière générale si le soldat chrétien ne faisait pas de culte polythéiste[13] (comme il en était de coutume) et qu’il cherchait à protéger la paix face à la discorde.
Certains patristiques ont dû développer une approche théologique, puis pratique de la guerre[14]. « La christianisation officielle de l’Empire à partir du IVe siècle va en revanche transformer profondément la question »[15]. C’est Eusèbe de Césarée (†340), proche du pouvoir grâce à son protecteur Constantin Ier, qui permet une évolution de la théorie dans la pensée chrétienne en associant l’Empire et l’Église dans la même dynamique universaliste. Ambroise de Milan (†397), proche de Théodose Ier, propose l’idée de la légitime défense ouvrant ainsi la voie à une théorie de la guerre chez les chrétiens[16].
C’est au début du Ve siècle que la théorie se développe grâce à Augustin d’Hippone (354-430), même s’il n’a jamais voulu explicitement écrire sur la guerre juste. Des conceptions romaines de la bellum iustum, l’évêque africain conserve la iusta causa – la cause juste[17]. C’est notamment dans la Cité de Dieu, rédigée vers 420 et dont la diffusion au Moyen Âge est très importante, qu’Augustin traite au plus près de la guerre licite et illicite. Augustin d’Hippone, en somme, « déconstruit le schéma classique du bellum iustum afin de le conserver tout en le faisant coïncider avec la conception chrétienne du rôle de Dieu dans l’Histoire de Rome »[18].
Lors du haut Moyen Âge, la notion de guerre juste n’est pas explicite. Le métissage entre la culture barbare et la civilisation romaine permet une redéfinition de celle-ci. L’exemple le plus intéressant demeure, à ce titre, les campagnes de Charlemagne en Saxe entre 772 et 804. Le Carolingien mêle la doctrine chrétienne de l’évangélisation universelle, la dimension impériale et la guerre pratiquée par les barbares. Cependant, les écrits ne portent pas explicitement sur le droit de guerre ou la guerre juste au cours de cette période.
Au XIe siècle, la chrétienté occidentale connaît un certain dynamisme et se heurte militairement aux musulmans, en Espagne[19], en Sicile, ou en Terre sainte. L’Église découvre un nouveau rôle dans le domaine de la guerre[20], notamment à partir de la seconde moitié du XIe siècle, en pleine réforme grégorienne. Ce rôle est surtout accompli par un clergé intellectuel.
C’est réellement à partir du XIIIe siècle que la guerre juste connaît une véritable définition chrétienne. Nous devons à Jean le Teutonique, « dans la Glose ordinaire du Décret (1216), les critères de la guerre juste : persona, res, causa, animus, auctoritas »[21]. Persona (personne particulière) signifie que c’est une guerre opposant des laïcs contre des laïcs, les clercs n’ayant pas le droit de combattre. Le res (chose précise) va dans le même sens puisque la guerre doit épargner les clercs et les biens de l’Église.
La causa (cause juste) est importante dans la définition, car elle signifie que la guerre doit être l’ultime moyen de défense pour la cité. L’animus (intention droite, mouvement juste) implique l’esprit de la guerre juste, à savoir l’intention droite qui est nécessaire à sa définition, interdisant de fait la guerre à des fins non pacifiques, comme celle pour la domination ou bien engendrée par la haine.
Enfin, l’auctoritas (autorité) implique que la guerre est publique – contrairement à la faide qui est combattue par l’Église – car étant juste, elle doit être engagée par une autorité souveraine. Cet auctoritas et cette dimension publique font du roi le détenteur du droit de guerre. C’est le roi qui a une auctoritas in bello (autorité dans la guerre) et contribue donc à la formation d’une guerre juste.
Les scolastiques ont fait l’amalgame de la pensée antique et de celle chrétienne au sujet de la guerre que nous venons d’étudier. Ce mélange fait apparaître le rôle de la paix comme le critère de la guerre juste afin de défendre in fine le bien commun. Le roi est protecteur de ce bien commun et doit donc combattre pour le protéger. Thomas d’Aquin (1225-1274) a consacré un De Bello dans sa Somme théologique. Il y dresse trois conditions qui font une guerre juste : l’autorité, la causalité et l’objectif juste et droit. Cette dernière condition se retrouve chez un nombre important de penseurs, qui affirment que la guerre est faite pour faire la paix et que la guerre ne doit pas être faite pour elle-même.
La guerre juste s’ordonne donc à l’idéal de paix. Cet idéal est compréhensible pour les contemporains, car la paix est une vertu chrétienne offerte par Dieu. Gilles de Rome (1243-1316) insiste sur ce point dans son De regimine principum. « La guerre juste, dans le discours de Gilles de Rome, est ordonnée à une paix située sur le même plan que la “quiétude des hommes” et le “bien commun” désigné comme la finalité propre à tout organisme politique »[22]. Il « définit la paix, identifiée au bien commun, comme la cause finale de la guerre juste »[23].
Au XIVe siècle, ces conceptions intellectuelles définissant la guerre juste se retrouvent dans certains discours ou écrits, comme dans le Livre de chevalerie de Geoffroy de Charny et surtout dans l’Arbre des batailles d’Honoré Bouvet à la fin du siècle. Ce dernier utilise le De bello et le De pace de Thomas d’Aquin afin d’écrire un véritable traité sur le droit de guerre. La guerre juste est, en théorie, un « remède pour rétablir la paix au sein du corps politique »[24].
La notion de guerre juste connaît donc une longue évolution de l’Antiquité au XIVe siècle. Elle a souvent été faite en relation avec un contexte politico-religieux particulier, lui apportant de fait une importante richesse intellectuelle. Au XIIIe siècle, les scolastiques utilisent la philosophie antique – notamment Aristote et Cicéron – et Augustin d’Hippone afin de définir le bien commun, la paix et la guerre juste en dépit des deux précédentes définitions. La guerre juste est une guerre pour le bien commun faite et voulue par le roi qui a une intention droite. Le roi prend donc une place majeure dans la définition de ce que devrait être une guerre au Moyen Âge.


Le mythe du roi-chevalier : exemple de la comparaison littéraire entre le roi Arthur et Édouard III par Jean le Bel (XIVe siècle)
Les intellectuels du Moyen Âge ont donc joué un rôle dans la formation d’un principe de guerre juste chrétienne. La place du roi – d’une autorité souveraine – y est centrale. Néanmoins, certains hommes de lettres ont développé une approche beaucoup plus didactique et moins universitaire pour théoriser ce que devrait être un roi de guerre. Prenons comme exemple le mythe du roi-chevalier chez le chroniqueur flamand Jean le Bel (1290-1370).
Jean le Bel naît « à Liège vers 1290 dans une famille patricienne, homme de guerre et chanoine de la cathédrale Saint-Lambert de Liège »[25]. Il a participé, en effet, à la guerre d’Édouard III contre les Écossais de 1327, sous la protection de Jean de Beaumont qui lui apprend à manier les armes. Par sa situation géographique – la Flandre étant dépendante de la laine anglaise – par son origine flamande – le royaume de France de Philippe le Bel a combattu entre 1297 et 1305 contre les Flamands – et par ses proches, Jean le Bel voit en la personne d’Édouard III (roi d’Angleterre de 1327 à 1377) le prétendant légitime au trône de France face aux Valois à partir de 1328.
Jean le Bel imagine également le monarque anglais comme un roi-chevalier. « Si Jean le Bel prit grand soin pour être exactement informé, il ne prit pas moins de soin pour se garder de toute exagération et de partialité en faveur de son héros, c’est-à-dire Édouard III. Certes, à ses yeux, le roi d’Angleterre est l’homme le plus preux, le plus noble de son temps, et on peut voir, dans le parallèle qu’il établit entre lui et Philippe VI, combien il le met au-dessus du roi de France. […] Cependant, si, comme il le montre, il a un faible pour Édouard III, cette préférence ne va pas jusqu’à déguiser ou cacher les faits qui pouvaient ternir son honneur »[26].
En effet, le Jean le Bel est le seul à développer dans sa chronique l’histoire du viol de la comtesse de Salisbury[27] par Édouard III, déshonorant ainsi ce dernier. Il est donc intéressant d’observer la véracité potentielle des propos de ce chroniqueur flamand, qui ne cherche à exposer que la vérité.
Dans ses chroniques, Jean le Bel cherche donc à mettre en scène un roi-chevalier idéalisé au cœur de la guerre opposant le roi de France à celui d’Angleterre. À ce titre, Jean le Bel élabore une comparaison entre Arthur – roi-chevalier mythique – et Édouard III. Prenons deux exemples.
En 1344, Édouard III imite le roi Arthur, qui avait fondé la Table ronde pour honorer ses preux chevaliers, en en créant une : « et fut là endroit ordonnée et confermée une noble compaignie de chevaliers, qu’on tenoit pour vaillans hommes, et fut faitte selonc la maniere de la Table ronde »[28]. « Le « proeu roy Edowart » était preux. Il était surtout roi, dominant ses preux de toute sa noblesse »[29]. Cet exemple est intéressant, car il nous montre l’utilisation du mythe arthurien par le roi anglais, d’une part, mais aussi le parallèle fait par Jean le Bel qui qualifie cette mise en scène chevaleresque de « Table tonde ». Quatre ans plus tard, Édouard III reprend ce modèle du roi-chevalier arthurien en créant l’ordre de la Jarretière, un ordre de chevalerie.
Le 26 août 1346, Édouard III bat Philippe VI et ses hommes lors de la bataille de Crécy-en-Ponthieu. Après ce succès militaire, il se dirige avec ses hommes vers Calais et l’assiège afin de se créer une tête de pont entre son royaume et celui de France. Le siège est éprouvant par sa durée, proche d’un an, et l’hiver particulièrement froid. En août 1347, les assiégés se rendent et, suivant la coutume après un siège, mettent en place tout un rituel de capitulation : six bourgeois sortent de la ville, misérablement vêtus, les clefs à la main et la corde autour du cou.
Cet épisode a été développé dans l’historiographie française et le roman national comme celui du sacrifice des bourgeois de Calais. Or, il s’avère que ce rituel d’humiliation et d’amende honorable est la norme au Moyen Âge[30]. Il est alors intéressant d’observer la manière dont Jean le Bel retrace cette scène de capitulation humiliante. Tout d’abord, il décrit la sortie des six bourgeois, qui viennent devant le roi d’Angleterre et lui demandent clémence et pitié. Puis, Édouard III demande « que on leur copast les testes tantost »[31]. Enfin, Wauthier de Masny, un chevalier proche du roi et de la reine intervient :
« Tous les seigneurs et chevaliers luy prierent tout en pleurant, tant comme ilz poeurent, que il eut pitié d’eulx, mais il n’y voult entendre. Adoncq parla le gentil chevalier messire Watyer de Manny et dit :
Ha ! gentil sire, vueilliez refrener vostre courage,vous avez la renommée et fame de toute gentillesse, ne vueilliez pas faire chose par quoy on puist parler sur vous en nulle villanie. Se vous n’en avez pitié, toutes gens diront que vous avez le cuer plain de toute cruaulté, comme de faire morir ces bons bourgoys qui de leur porpre volenté se sont venus rendre à vous pour sauver le remanant du poeuple. »[32]
Édouard III demeure indécis face à cette déclaration. Sa femme, la reine Philippa de Hainaut, se jette aux pieds de son époux et lui demande grâce, qu’il accepte enfin. Il est alors intéressant de remarquer la manière dont le roi anglais a changé sa position dans le récit de Jean le Bel : ce n’est pas un tyran, maître de ses seules envies, mais un roi-chevalier, car il est à l’écoute de son entourage et de ses preux chevaliers. Autrement dit, il est en même temps roi et chevalier.

Cette comparaison, filée tout au long de sa chronique, permet en outre de légitimer le roi anglais. En effet, « la légende qui s’est emparée d’Arthur en a fait un roi, et même, à partir du XIIe siècle, roi dont l’autorité s’étendait sur toute la Bretagne et les régions avoisinantes »[33]. En comparant ce « roi » mythique (car nous ne savons pas s’il a réellement existé, ni quand, ni son titre de roi) accepté comme tel par les Anglais du XIVe siècle à Édouard III, Jean le Bel légitime les entreprises guerrières à l’égard de l’Écosse : Arthur étant roi d’une Bretagne unifiée sous l’autorité d’un même monarque, alors pourquoi Édouard III ne pourrait-il pas imiter cet illustre Arthur ?
Cette légitimation d’une monarchie anglaise guerrière ne se limite pas à la chronique de Jean le Bel. Cette dimension « du champion national et guerrier »[34] est présente dès le XIIe siècle chez Geoffroy de Monmouth et chez Wace par exemple.
La Chronique de Jean le Bel envisage donc l’histoire d’un roi-chevalier au XIVe siècle, en utilisant notamment le mythe arthurien. Nous avons ici l’exemple d’un intellectuel qui théorise indirectement grâce à de la littérature historique une vision du roi vis-à-vis de la guerre : un roi-chevalier.
Le roi pour la guerre : des actes politiques et pratiques
Nous venons d’observer l’évolution intellectuelle du roi vis-à-vis de la guerre. Au cours de cette partie, il a été intéressant de souligner l’importance du roi dans la guerre juste. En effet, le roi doit faire régner la justice, car il est considéré comme un lieutenant de Dieu. Ainsi, la guerre est théologiquement et juridiquement encadrée. Le roi y tient une place toute particulière avec son auctoritas in bello. Cependant, dans les faits, qu’en est-il du roi de guerre ?
Le cérémonial royal : confirmation d’une mission guerrière
La vie d’un roi est encadrée par la religion, la politique et la guerre. Certains monarques ne se sont jamais rendus sur un champ de bataille pour combattre – par exemple Charles V (1364-1380) – mais pour autant ont connu au cours de leur règne le fait militaire. Cela se remarque par l’éducation et le cérémoniaire royal par exemple.
Bien avant le sacre, le futur roi apprend à faire la guerre. L’éducation du roi se fait de deux manières. Elle est dans un premier temps théorique, puis didactique. En effet, le jeune prince reçoit une éducation par des hommes de lettres et, en parallèle, il apprend à manier l’épée et à monter à cheval très jeune, puis à chasser. Ensuite, une fois jeune et mûr, il peut être en apprentissage du pouvoir en étant associé à son père.
Ce fut le cas pour Dagobert Ier (629-639), associé au pouvoir de son père Clotaire II en 622 (ce dernier lui concède l’Austrasie) avec qui il combat les Saxons vers 627, de Robert II le Pieux (996-1031), associé à son père Hugues Capet grâce au sacre, ou encore de Charles V, associé à son père Jean II (1350-1364) en tant que dauphin dès 1350, puis duc de Normandie en 1355. Au cours de ces expériences du pouvoir politique, le prince se confronte également à la charge militaire qu’il devrait théoriquement exercer une fois roi.
La guerre est associée au monarque dès le début de son règne lors de la cérémonie du sacre. Le sacre est un rituel présent à la fois dans l’Église – l’évêque est sacré lors d’une consécration épiscopale[35] – et dans le domaine laïque avec le roi, et cela depuis le début du Moyen Âge. Le sacre apporte une légitimité supplémentaire au pouvoir temporel du roi[36]. Le sacre est un rituel où le roi est couronné et oint. Tout un cérémonial vient encadrer ce rituel.
Le roi prête tout d’abord le serment de défendre l’Eglise, la foi, le royaume, la paix et la justice. Puis, il change de vêtement, reçoit l’épée et l’archevêque l’oint du saint chrême. Il reçoit les regalia, comme le sceptre, la main de justice ou les éperons d’or. Enfin, il est couronné par les douze pairs du royaume et l’archevêque de Reims. Nous pouvons donc remarquer qu’au cours de ce sacre le roi est confirmé dans sa mission guerrière. Il reçoit l’épée et les éperons, puis prête serment de défendre la paix, la justice et son royaume.

Le roi de guerre se montre publiquement dans son domaine royal au cours d’une autre cérémonie : les entrées royales dans les villes. En effet, chaque entrée royale doit montrer le pouvoir militaire et juridique du roi[37]. Le roi entre à la tête d’une colonne de chevaliers, acclamé par les bourgeois de la ville et les corps constitués. Il est en armure, paré de ses armoiries fleurdelisées, sur son cheval. Cette mise en scène de la personne du roi légitime son pouvoir et rappelle sa dimension militaire.

Nous pouvons donc remarquer au travers de plusieurs exemples concrets de la vie d’un monarque au Moyen Âge que le roi de guerre se retrouve au cœur d’un cérémoniaire, de l’éducation du prince à l’exercice de son pouvoir de roi. Il met cette dimension guerrière en avant au cours de ces cérémonies, notamment par son esthétique : l’épée à la main ou au fourreau, le cheval, l’armure et le cortège de chevaliers.
La bataille : un duel princier
Il ne faut pas voir dans la guerre au Moyen Âge un simple enchaînement de batailles entre des armées de chevaliers : « Dans sa forme la plus courante, la guerre médiévale était faite d’une succession de sièges, accompagnés d’une multitude d’escarmouches et de dévastations, à quoi venaient se surajouter quelques combats majeurs, quelques rencontres solennelles, dont la relative rareté venait compenser le caractère souvent sanglant »[38].
La bataille rangée était parfois interdite par les monarques, surtout après une lourde défaite[39]. La bataille champel était donc rare au Moyen Âge pour trois raisons majeures : elle était coûteuse en homme ; elle était dangereuse et décisive donc très risquée ; elle pouvait faire perdre toute légitimité au roi qui combattait et perdait. Ce dernier point doit nous interroger sur la manière dont une bataille était perçue au Moyen Âge.
La bataille est une rencontre militaire limitée à la fois dans le temps et dans l’espace. Malgré cette contraction spatio-temporelle, la bataille rangée est, parmi les formes de guerre, « l’événement majeur qui donnait son sens à une campagne, l’épisode capital qui […] était l’objet de toutes les craintes, de toutes les attentes, de toutes les espérances »[40]. Et pour cause, la bataille est un duel princier où se produit le jugement de Dieu. Autrement dit, la bataille doit théoriquement départager les deux partis qui se querellent. Le vainqueur l’est grâce à la volonté de Dieu.
Par exemple, le 14 octobre 1066, lors de la bataille d’Hastings, Guillaume le Conquérant est présenté comme un lieutenant de Dieu, soutenu par l’Église qui lui a confié la bannière de saint Pierre, se battant contre le tyran saxon Harold[41]. Nous retrouvons un schéma identique lors de la bataille de Bouvines le dimanche 27 juillet 1214 : Philippe-Auguste est présenté dans certaines chroniques comme un roi choisi par Dieu lors de la bataille face à l’empereur Otton IV. Ainsi, Richer de Senones écrit au milieu du XIIIe siècle une chronique où « Bouvines va être en effet une victoire miraculeuse, largement due au Dieu des Psaumes »[42].
De cette vision théorique de la bataille en découle une pratique : la bataille est un duel entre deux rois. N’oublions pas que la guerre est un moyen utilisé par les souverains afin de faire justice et rétablir la paix. Si deux rois ne parviennent pas à s’accorder sur celui qui a le droit et la justice, ils peuvent confier à Dieu le soin de juger de quel côté se trouvent le droit et la justice. C’est le jugement de Dieu. Celui qui vaincra, qui tuera ou fera prisonnier son adversaire dans une bataille livrée dans les formes, à champ ouvert, ce sera celui que Dieu aura désigné comme étant dans son droit.
L’Église conteste cette vision car, à son sens, le jugement de Dieu ne peut pas fonctionner dans ce contexte. Pour autant, cette vision de la bataille reste ancrée chez les laïcs. La bataille est donc un affrontement entre deux chefs de guerre. Cela se retrouve dans les représentations artistiques des batailles, notamment dans les enluminures.
Nous remarquons que le roi est à la tête des troupes dans la charge de cavalerie, ou bien tuant son adversaire alors que ce n’est pas réellement lui qui porte le coup. Par exemple, le 26 février 1266, Charles Ier d’Anjou – frère cadet de Saint Louis – remporte à Bénévent (au sud de Rome) une bataille contre le roi de Sicile Manfred de Hohenstaufen. Ce dernier est tué dans la bataille. Or, les représentations de la bataille de Bénévent montrent Charles d’Anjou tuant de sa main Manfred de Hohenstaufen, alors que ce ne fut pas le cas. En réalité, ces représentations se limitent à celle d’un homme, le chef de guerre ou le roi. Cela nous montre que la bataille est bien un affrontement entre deux princes.

Cette corrélation entre affrontement princier et jugement divin se retrouve dans la pratique du duel ou de la confrontation limitée en hommes. De nombreux exemples d’offre de combat singulier existent entre les XIIIe et XVe siècles, visibles par des défis lancés par un monarque à son rival. Retrouvons par exemple Charles Ier d’Anjou, dont le pouvoir en Sicile est ébranlé par une révolte du peuple sicilien le 31 mars 1282 dans un épisode que l’historiographie retient comme celui des Vêpres siciliennes.
Après avoir massacré les Français présents sur l’île et chassé le roi Charles, les Siciliens se tournent vers le roi Pierre III d’Aragon. Le fils de Saint Louis n’accepte pas cette révolution politique et un duel est convenu le 1er juin 1283 à Bordeaux, en terre anglaise. Ce duel doit prouver la légitimité d’un des deux rois. Cependant, c’est une mascarade. Pierre III d’Aragon arrive le matin à Bordeaux et, constatant l’absence de son rival, décide de repartir. Charles Ier d’Anjou arrive le soir et, remarquant que son adversaire n’est pas présent, part également.
Tout au long de la guerre de Cent Ans (1337-1453) nous retrouvons des histoires similaires, avec une série d’exemples de ces défis et de ces duels qui auraient dû avoir lieu, mais dont un des rivaux se dérobe. Le cas le plus significatif demeure celui des deux rois qui relancent leurs royaumes dans une guerre franco-anglaise : Philippe VI (1328-1350) et Édouard III (1327-1370). Ce dernier ne souhaite en réalité pas la guerre, mais la paix avec son cousin, contrairement à ce que l’historiographie française envisage à ce sujet[43].
En effet, Édouard III a écrit à Philippe VI pour lui proposer trois moyens afin de de trancher leur querelle au sujet de la dévolution au trône de France, plaçant ledit trône sous le jugement de Dieu : un affrontement entre les deux prétendants (individuel ou entre deux groupes de six à huit fidèles) ; s’exposer à des lions affamés ou bien guérir des malades comme un vrai roi doit le faire. Philippe VI n’accepte aucune des trois propositions, refuse le duel et oblige de facto Édouard III à lui déclarer la guerre.
C’est chose faite et, en 1339, l’ost du roi anglais se retrouve pour la première fois face à celui du roi français. Ce dernier fait transmettre une lettre de défi au Plantagenêt, permettant ainsi de légitimer sa guerre, car il y clame son bon droit et lui propose un duel. L’année suivante, nous retrouvons un schéma similaire lors du siège de Tournai par Édouard III, où un nouvel échange épistolaire se fait, mais le combat n’a jamais lieu. Les fils de ces deux monarques ont suivi des procédés parfois similaires.
Par exemple, le 19 septembre 1356 juste avant que la bataille de Poitiers ne fasse rage, Jean II propose à Édouard de Woodstock, dit le Prince noir, un combat entre deux équipes de cent chevaliers. Son offre est refusée. Au XVe siècle, nous retrouvons encore des exemples significatifs sur cette pratique, comme en 1429 après la débandade de l’armée anglaise à Orléans et à Patay. L’armée de Charles VII se dirige vers Paris et le duc de Bedford, régent anglais du royaume de France, envoie une lettre de défi à Charles VII. C’est vraisemblablement la dernière offre de ce type entre deux rois.
Les exemples se répètent au cours de cette période et nous pouvons en tirer deux conclusions. Tout d’abord, nous remarquons le désir de protéger la vie de ses hommes en exposant la sienne, même si dans la pratique ces duels n’ont pas eu lieu. Puis, il est intéressant d’observer cette crainte du jugement de Dieu dans ce qui devrait être la bataille entre deux rois. Malgré de nombreux cas où nous observons un non-lieu pour le duel, il a existé au Moyen Âge des combats limités en hommes, représentant dans sa forme un duel entre deux princes cherchant le jugement de Dieu.
Par exemple, le combat des Trente qui s’est déroulé le 26 mars 1351 (dans le Morbihan) en pleine guerre de succession de Bretagne (1341-1364). Ce combat oppose Jean IV de Beaumanoir – partisan de Charles de Blois dans la succession de Bretagne – à Robert Bemborough – homme de guerre anglais partisan de Jean III de Montfort à la succession de Bretagne. Ce dernier reçoit un défi de Jean de Beaumanoir lui proposant un jour, un lieu et les conditions pour un tournoi, qui est remporté par les partisans de Charles de Blois, car Robert Bemborough est tué dans l’affrontement aux côtés de huit de ses hommes.

En disant « le tournoi qu’était la guerre » dans Le dimanche de Bouvines, George Duby ne s’y trompe pas sur la perception de ce que devait être la bataille au Moyen Âge : un duel entre deux chefs, entre deux prud’hommes, entre deux princes, comme c’était le cas lors d’un tournoi. La bataille, événement militaire rare au Moyen Âge, devient au fil des siècles une représentation du jugement de Dieu pour départager deux rois lorsqu’ils se battent pour une cause juste, pour la paix et pour réparer une injustice.
L’armée, la guerre, le roi : entre prières, symboles et autres formes de guerre
Nous venons d’observer le principe de bataille au Moyen Âge et sa relation avec le roi de guerre. Qu’en est-il des autres formes de cette dernière ? Et qu’en est-il des relations entre le roi et ses fidèles ?
Tout d’abord, le roi est théoriquement à la tête des entreprises guerrières. Nous l’avons vu avec la bataille, c’est aussi le cas pour les sièges ou bien les chevauchées. Par exemple, le roi d’Angleterre Édouard III a excellé dans cette forme de conflit. Entre 1339 et 1359, il est à la tête de sept des neuf chevauchées anglaises. Édouard III ravage le Nord entre 1339 et 1340, en partant de Calais et passant par Saint-Omer, Lille, Tournai et Bruges ; puis, il recommence en 1342, mais en Bretagne en partant de Brest.
En 1345, le duc de Lancastre part de Bayonne et remonte jusqu’au Périgord avant de redescendre vers la Garonne à Aiguillon. L’année suivante ledit duc part de Bordeaux pour Poitiers alors qu’Édouard III sillonne le nord-ouest du royaume en partant de Calais, en descendant vers Poissy, puis en allant jusqu’au Cotentin à Saint-Vaast. Après la bataille de Crécy le 26 août 1346, la prise de Calais le 4 août 1347 par les Anglais et avec l’apparition de la peste noire, les chevauchées cessent. C’est en 1355-1356 qu’elles reprennent, avec celles du Prince Noir et du duc de Lancastre dans le Midi et jusqu’à la Loire.
Avant le traité de Calais du 24 octobre 1360, Édouard III mène une chevauchée en partant de Calais, parcourant le pays rémois et la Champagne jusqu’à Tonnerre, puis remontant jusqu’à Paris avant de finir à Chartres. Avec l’exemple de ce roi-chevalier, nous remarquons donc que le roi de guerre ne l’est pas uniquement pour les batailles rangées, mais aussi dans toutes les autres formes d’affrontements.
Le roi de guerre développe, en fonction des royaumes, une relation entre le sacré, ses sujets et la guerre. Avant une campagne, dans le royaume de France, le roi a pour coutume d’aller chercher l’oriflamme dit de Charlemagne à l’abbaye de Saint-Denis. La première mention de cette bannière royale sacrée remonte au règne de Louis VI (1108-1137). En 1147, Louis VII part pour la deuxième croisade et officialise ce départ en prenant solennellement l’oriflamme sur le maître-autel de Saint-Denis.
Philippe Auguste l’imite en 1190 lorsqu’il part en croisade, ou bien lors de la bataille de Bouvines en juillet 1214. Au XIVe siècle, l’oriflamme est toujours déployée par les troupes du roi, comme le 26 août 1346 à Crécy-en-Ponthieu où l’oriflamme est perdue au même titre que la bataille. Le roi, en outre, demande régulièrement aux abbayes et aux laïcs du royaume de prier et de faire dire des messes pour le roi, son armée, la guerre et la paix.

Le roi est donc à la tête de son armée. Cette dernière est constituée en ost, c’est-à-dire un rassemblement des vassaux et arrière-vassaux du roi. Tout un cérémonial religieux encadre l’armée, la guerre et le roi, comme avec des prières ou l’oriflamme. La constitution de cet ost et ces prières permettent de créer un lien entre le roi et les sujets de son royaume.
Le roi de guerre : à la tête des armées
La thèse de Joël Cornette sur le « roi de guerre » à l’époque moderne soulève le rapport entre la guerre, le roi et la souveraineté de ce dernier. Ces trois concepts sont donc liés, voire interdépendants. C’est pourquoi, nous retrouvons tout au long du Moyen Âge l’image d’un roi chevalier à la tête des armées. Le roi est à la guerre pour la protection du bien commun (son royaume et ses sujets), parfois il est protecteur de la foi – lors des croisades. Enfin, le roi peut être absent du champ de bataille.
Le roi dans la guerre défensive : la protection du bien commun
Le roi fait la guerre pour rétablir la justice et, in fine, la paix. La guerre est alors jugée comme offensive. Néanmoins la guerre peut également être défensive : le roi protège alors le royaume, ses sujets et le bien commun.
Le bien commun est une notion philosophique présente chez Aristote et Platon, qui est développée à partir de la définition de la communauté sociale et politique. Les Romains s’imprègnent également de cette notion, comme avec l’idée de res publica, partageant et dirigeant un même bien commun. Au XIIIe siècle, en conciliant la théologie, la patristique et la philosophie ; la scolastique a proposé une définition chrétienne du bien commun, en s’appuyant notamment sur Aristote, Augustin d’Hippone et la redécouverte du Res publica de Cicéron. Elle se retrouve, en effet, dans la Somme théologique de Thomas d’Aquin (1224-1274), puis se diffuse dans la pensée d’intellectuels comme Gilles de Rome et son De regimine principum dans les années 1280 ou encore chez Dante dans le De monarchia en 1310.
Un royaume est donc considéré comme un bien commun qui doit être défendu. Défendre la paix et les sujets d’un royaume revient, pour un roi, à défendre le bien commun comme son ministère l’impose. Rappelons-nous qu’au moment du sacre, le roi prête serment devant le peuple où il jure de défendre l’Église, la foi, le royaume, la paix et la justice. La guerre pour le bien commun est donc considérée comme une guerre juste et légitime.
Toutefois, la guerre faite pour défendre le bien commun peut devenir une source d’ennuis pour un monarque. En effet, si en temps de guerre la légitimité d’un roi ou d’un aristocrate se retrouve en grande partie dans sa capacité à défendre son royaume, ses sujets et le bien commun ; il suffit que ledit monarque manque à sa tâche pour que sa légitimité décroisse et qu’un rival apparaisse.
Par exemple, dans le royaume de France dans les années 1350, le roi Jean II dit le Bon se retrouve confronté et ébranlé dans son autorité par un cousin, Charles, roi de Navarre et comte d’Évreux, connu sous le nom de Charles le Mauvais. Ce dernier montre qu’il est plus légitime à être roi de France de deux manières : en démontrant qu’il est un prince plus proche des lys par sa filiation capétienne[44] ; et en se battant entre 1356 et 1358 aux côtés d’une faction de la population du royaume, les défendant sous couvert de la guerre pour le bien commun[45].

Le roi croisé : à la tête des armées chrétiennes
Un autre phénomène montre le roi défenseur du bien commun : le roi croisé. À présent, le roi qui part en guerre contre un hérétique ou un païen est considéré comme un défenseur du bien commun universel et un défenseur de l’Église.
La croisade est, à l’origine, un pèlerinage armé vers la Terre sainte (Palestine), prêchée indirectement par Urbain II lors du concile de Clermont le 27 novembre 1095. Le pape avait reçu quelques mois auparavant une ambassade de l’empereur byzantin, Alexis Comnène, qui demande de l’aide face aux Turcs seldjoukides qu’il ne parvient plus à contenir. La première croisade débute alors (1095-1099) et rassemble une grande partie de la chrétienté occidentale (avec par exemple une croisade populaire et la croisade des nobles).
Les contemporains ne parlent pas de croisade avant la seconde moitié du XIIe siècle, le terme utilisé étant celui de « pèlerinage armé »[46]. La croisade est donc le fait majoritaire des rois et de leurs vassaux, des milites. Les rois chrétiens ont donc un rôle à jouer, qu’il soit politique, militaire ou religieux, dans ces expéditions militaires vers l’Orient. Cela crée le roi-croisé. Ce dernier montre sa participation directe ou indirecte aux conflits en brodant sur son vêtement une croix, il se croise. Certains rois ou princes du XIIIe au début du XVe siècle envisagent de partir en croisade en faisant ainsi et développent de fait leur prestige.
Observons à présent l’exemple de la troisième croisade (1189-1192) pour comprendre les relations entre le roi et la croisade puisque trois têtes couronnées s’y retrouvent. La deuxième croisade (1146-1149) a été un échec pour les croisés puisque les Almoravides, Abbassides et Fatimides (musulmans) reprennent une partie de la Terre sainte[47].
Selahedînê Eyûbî, un Kurde plus connu sous le nom de Saladin (1138-1193), développe considérablement son influence au Levant grâce à ses qualités politiques et militaires. Vizir, puis sultan d’Égypte, il cherche à unifier les différents États musulmans afin de reprendre Jérusalem et les possessions des États latins d’Orient. En parallèle, le royaume de Jérusalem connaît une période d’instabilité politique lorsque Baudouin IV le Lépreux décède en 1185, laissant le trône à Guy de Lusignan dont l’esprit politique et tactique est peu développé.
En juillet 1187, les troupes ayyoubides de Saladin rencontrent celles des États latins à Hattin (près de Tibériade). Ces dernières connaissent une défaite cuisante, où le gros des troupes est tué et les chefs battent en retraite ou sont capturés (comme Renaud de Châtillon et Guy de Lusignan). Pour faire suite à cette écrasante victoire, Saladin poursuit son entreprise de reconquête en Palestine, en prenant notamment Jérusalem à la fin de l’année 1187, ainsi que Saint-Jean-d’Acre. En 1189, les possessions chrétiennes se limitent à Tyr, Antioche, Tripoli et le krak des Chevaliers.
Dans ce contexte, un chevalier présent sur place, Conrad de Montferrat, alerte les royaumes chrétiens d’Occident. Le pape Grégoire VIII envisage dans sa bulle Audita tremendi la troisième croisade afin de reconquérir les territoires perdus. L’affaire est de taille puisque l’Église compte sur le concours des champions de la royauté en Occident pour mener cette expédition. Elle dépêche ses légats en Normandie, à Gisors, où une conférence sur la paix se tient en janvier 1188 entre Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, et Philippe II – dit Philippe Auguste – roi de France, afin d’arrêter la guerre entre les deux monarques. Ils s’engagent à partir en croisade. Or, le départ est retardé par la révolte de Richard contre son père Henri II, puis la mort de ce dernier en juillet 1189.
En parallèle, l’Église peut compter sur le soutien de l’empereur germanique Frédéric Ier de Hohenstaufen – appelé Frédéric Barberousse – qui se croise à Mayence le 27 mars 1188. Ce dernier progresse avec difficulté à la tête de ses troupes jusqu’en Terre sainte, mais inflige de lourdes défaites aux troupes musulmanes, comme le 18 mai 1190 à la bataille d’Iconium dans le sultanat de Roum en Anatolie. Cependant, l’entreprise impériale s’arrête lorsque Frédéric Barberousse se noie le 10 juin 1190 dans le fleuve Saleph[48].
Il faut attendre le mois suivant cet événement pour voir Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste entamer leur voyage jusqu’en Orient. Ils prennent deux routes différentes et se retrouvent à Messine en Sicile d’où ils ne repartent qu’à la fin de l’hiver 1191. La querelle entre les deux monarchies, qui existe militairement depuis Louis VI le Gros, fragilise l’expédition. Elle ne cesse de la retarder alors qu’en Orient des chevaliers francs combattent avec difficulté, comme lors du siège d’Acre.
Richard Cœur de Lion continue à faire cavalier seul et se porte, avec ses troupes anglaises et angevines, à Chypre où il se heurte à l’hostilité d’Isaac Doukas Comnène qui est battu le 21 mai 1191 à Nicosie. Il rejoint alors le roi de France qui participe au siège de Saint-Jean-d’Acre. Ce dernier, qui avait débuté en août 1189, s’achève avec l’échec de Saladin en juillet 1191. Les croisés parviennent à récupérer cette importante place portuaire et stratégique.
Philippe Auguste se décide par la suite à quitter la Palestine afin de rentrer dans son royaume de France, sous motif qu’il ne peut se gouverner sans roi. Il profite de son retour dans ledit royaume pour reprendre la guerre contre les possessions anglaises en Normandie, alors que Richard Cœur de Lion s’embourbe progressivement en Terre sainte.

En effet, ce dernier enchaîne les erreurs. Le 20 août, il fait par exemple massacrer la garnison de Saint-Jean-d’Acre, puis il ère en Terre sainte ne cessant d’hésiter sur ses ambitions stratégiques. Malgré quelques victoires, comme le 7 septembre 1191 à Arsouf, ses hésitations demeurent et permettent à Saladin de renforcer les places fortifiées. Après plusieurs sièges et batailles, il décide de rentrer en Europe afin de combattre le roi de France et son frère, Jean sans Terre en pleine rébellion. Après un traité passé avec Saladin, Richard Cœur de Lion quitte la Terre sainte en octobre 1192, mettant un terme à la troisième croisade. Il emprunte une route continentale, et se fait capturer près de Vienne par le duc d’Autriche Léopold V – Philippe Auguste n’est pas complètement étranger à cette capture – à l’automne 1192.
Nous venons d’observer l’histoire de la troisième croisade où nous retrouvons un rôle majeur des monarques. Que ce soit le sultan Saladin, le roi de Jérusalem Guy de Lusignan ou bien les rois croisés des royaumes d’Occident comme Richard Cœur de Lion, Philippe Auguste et l’empereur Frédéric Barberousse. Nous pouvons donc remarquer l’importance de la royauté dans le pèlerinage armé qu’est la croisade. Il est alors intéressant de se demander si ces rois guerroient en Terre sainte pour la foi, pour l’appât du gain ou bien pour accroître leur prestige et leur pouvoir. Toujours est-il que le roi-croisé demeure dans l’idéal médiéval un protecteur de la foi, de l’Église et du bien commun universel.
Quand le roi n’est pas là : la délégation de son auctoritas in bello, Atouts et limites
Cette analyse de la troisième croisade nous montre en outre que le roi à la guerre peut encourir de nombreux risques et même y périr, comme Frédéric Barberousse. Le roi à la guerre est également synonyme d’un vide politique à la tête de son royaume. Son absence peut s’avérer problématique, comme celle de Richard Cœur de Lion l’illustre parfaitement. En effet, son absence entraîne deux complications de taille. Une interne, avec la révolte de son frère Jean sans Terre et son appropriation progressive du pouvoir ; l’autre externe, avec les entreprises militaires de Philippe Auguste contre la Normandie. Parfois, il est donc préférable de laisser le roi en dehors de la guerre. Observons ici comment s’effectue cette absence, quelles en sont les limites et les atouts.
La guerre au Moyen Âge est, comme nous l’avons vu, un enchaînement de chevauchées, de sièges et potentiellement de batailles. Généralement, le roi est à la tête de ses troupes lors de ces événements et risque donc pour sa vie. Plusieurs exemples illustrent ce risque et les conséquences néfastes.
Le 14 octobre 1066, le duc Guillaume de Normandie affronte les troupes anglo-saxonnes de Harold Godwinson. Cette bataille a été particulièrement violente et meurtrière de part et d’autre. Dans la bataille, son destrier est touché par une flèche et entraîne Guillaume dans sa chute. Il disparaît du champ de vision de ses troupes. Une panique s’empare de ces dernières jusqu’au moment où Guillaume se hisse sur un autre cheval, retire son casque et aurait harangué ses troupes en s’exclamant qu’il était vivant et vaincrai avec l’aide de Dieu. C’est un tournant dans le combat où nous pouvons remarquer l’importance de la stature du roi au cœur du champ de bataille.
À la nuit tombante, les troupes anglo-saxonnes sont battues. En effet, le roi anglais Harold meurt au cœur de la mêlée et ses hommes désertent le champ de bataille progressivement. Nous remarquons qu’au cours de la même bataille, par deux fois l’importance de la stature du roi au sein de celle-ci. Mais surtout, il est intéressant de souligner les conséquences de la mort d’un roi au combat : ses troupes se débandent et son royaume tombe entre les mains de son adversaire. Guillaume le Conquérant devient grâce à cette bataille d’Hastings roi d’Angleterre[49].

Précédemment nous avons suivi l’épopée du roi Richard Cœur de Lion en Terre sainte, puis sa capture dans l’Empire germanique. Il est libéré en 1194, rentre quelques semaines en Angleterre avant de repartir pour le continent où Philippe Auguste ébranle ses positions en Normandie. Après plusieurs campagnes, Richard assiège le château de Châlus-Chabrol le 23 mars 1199. Alors que le siège débute, le roi vient vers la zone des opérations militaires au soir du 26 mars, afin d’inspecter la situation et le travail de sape. Il « ne porte pas d’armure, car aucun combat n’est envisagé »[50].
Or, du haut des remparts un arbalétrier décoche un carreau qui vient s’arrêter dans l’épaule gauche du monarque anglaise. Quelques jours plus tard, le château se rend, mais la blessure qui s’est infectée tue Richard Cœur de Lion[51]. Par cette mort, l’entreprise militaire anglaise dans le royaume de France s’arrête brusquement et le frère de Richard, Jean sans Terre, ceint la couronne. Richard Cœur de Lion n’est pas le seul monarque à mourir en dehors de son royaume lors d’une expédition militaire. Au cours de la huitième croisade en 1270, le roi de France Louis IX meurt le 25 août 1270 à Carthage (Tunisie actuelle). Son trépas est synonyme de défaite pour la croisade et de son achèvement précoce.
Enfin, le roi peut être capturé lors d’une bataille. Cette situation est peut-être plus dangereuse que la mort du roi, car elle oblige une rançon élevée, les conséquences sont donc politico-économiques. Le 19 septembre 1356, après une chevauchée, le Prince noir, fils ainé du roi d’Angleterre Édouard III, range ses hommes en bataille face à l’arrivée de l’ost du roi de France Jean II le Bon. Après une violente bataille, le roi est capturé par les troupes anglaises et une grande partie de la noblesse tombe ou se fait capturer. Jean II est amené à Bordeaux, puis en Angleterre où il meurt en 1364. Édouard III rançonne son prestigieux prisonnier, comme il en est de coutume à la guerre au cours du bas Moyen Âge.
L’absence du roi Jean à la tête d’un royaume de France déjà meurtri par la guerre, la peste et les aspirations de Charles II de Navarre entraîne logiquement ledit royaume dans une situation critique : « Kar on dit […] la ou kas nest li souris si revelle »[52]. Cette expression devenue populaire évoque le désordre politique qui peut advenir avec la disparition ou l’absence de la source principale de l’autorité : le roi. En septembre 1356, le royaume de France perd cette source fragile d’autorité avec la capture du roi Jean. Les différentes sources d’autorité secondaire – autre que celle du roi – cherchent à apporter simultanément une pierre à l’édifice : la prévôté de Paris, les États[53], ou bien Charles, duc de Normandie et dauphin. Cette situation politique est problématique, car elle éclate le pouvoir en différentes instances[54].
Entre novembre 1357 et octobre 1360, la monarchie des Valois est en crise et le royaume de France connaît plusieurs événements politiques et militaires qui viennent l’ébranler. Par ailleurs, des querelles éclatent sur la question de la rançon de Jean II : comment payer ces 3 millions d’écus d’or ? L’impôt peut répondre à ce problème, mais se heurte au désaccord des États par exemple. Enfin, en 1360, la capture du roi Jean II à la bataille de Poitiers porte encore des fruits amers pour le royaume de France.
En effet, le 8 mai 1360 est signé le traité de Brétigny qui renforce considérablement les possessions anglaises dans l’espace du royaume de France. Un siècle et demi plus tard, un roi de France se fait à nouveau capturer en bataille : François Ier, le 24 février 1525, à Pavie. À nouveau, cette capture est lourde de conséquences pour le royaume de France. Le 14 janvier 1526 le traité de Madrid passé entre François Ier et Charles Quint vient renforcer la souveraineté de l’empereur sur la Bourgogne.

Nous pouvons donc conclure que la place du roi à la guerre peut être problématique, car il s’expose et risque pour sa vie et pour son royaume. Il existe alors la possibilité de déléguer son autorité dans la guerre à un chef de guerre afin d’éviter cela.
Outre les capitaines et les lieutenants, un personnage doit nous intéresser : le connétable. Il est à l’origine responsable des écuries royales, puis devient surtout au XIIe siècle un commandant militaire, officier de la maison du roi puis de la couronne. Au XIIIe siècle, le connétable devient véritablement le chef des armées du roi. Certains monarques délèguent entièrement leur autorité dans la guerre à ces connétables afin de ne pas combattre. Ce fut le cas de Charles V dit le Sage (1364-1380) qui n’était pas physiquement apte aux maniements des armes. Il délègue à partir de 1370 son autorité à Bertrand du Guesclin, un homme de guerre de grande qualité.
Ce dernier réussit à récupérer pour son roi les régions qui avaient été perdues lors du traité de Brétigny, effectuant une véritable reconquête. Son successeur, son fils Charles VI (1380-1422) est atteint de folie au cours de son règne. Cela le rend incapable de mener la guerre et doit donc déléguer son autorité à nouveau à un connétable. Sa folie et l’importance de la guerre expliquent pourquoi, sous son règne, sept connétables se succèdent. L’utilisation d’un connétable peut donc être intéressante pour le pouvoir monarchique. En effet, un homme formé explicitement à la guerre devrait accomplir de grandes prouesses, mais aussi éviter que le monarque soit blessé, capturé ou tué.
Par ailleurs, la délégation de l’autorité du roi dans la guerre se retrouve au travers de certains codes. Ainsi, le connétable reçoit de la part du roi au cours d’une cérémonie l’épée du connétable, dont le fourreau est orné de lys.

Conclusion
Tout au long de l’époque médiévale, la guerre est dominée par l’autorité royale. Le roi de guerre se doit de défendre son peuple, son royaume et la foi. Autrement dit, le monarque est un défenseur du bien commun. Au cours du Moyen Âge, cette théorie du roi de guerre ne cesse d’évoluer en même temps que se développent le christianisme et la notion d’État. Le roi-chevalier sert alors de modèle dans la littérature – comme chez Chrétien de Troyes ou Jean le Bel – et dans la pratique.
Le roi de guerre puise donc son existence dans la tradition historique, la réflexion intellectuelle et la légitimité à mener une armée au combat. Il est une condition à la guerre juste (avec l’auctoritas) et doit faire la guerre afin d’obtenir la paix en rétablissant la justice. Nous comprenons alors différemment cette paradoxale corrélation qui existe entre la guerre et la paix au Moyen Âge.
La figure du roi de guerre continue d’évoluer après le Moyen Âge, mais elle semble avoir connu ses heures de gloire au cours de cette période. En effet, si à l’époque moderne nous retrouvons l’idée du « roi de guerre » (Joël Cornette), le monarque s’efface progressivement des champs de bataille en déléguant de plus en plus son autorité dans la guerre à un lieutenant-général ou un maréchal. Cet effacement progressif a lieu entre les XVIIe et le XVIIIe siècles en fonction des pays. Par exemple, le roi de Suède Gustave II Adolphe charge encore en tête de ses troupes lorsqu’il meurt le 16 novembre 1632 à Lützen.
Il faut attendre l’épisode des guerres napoléoniennes pour revoir un monarque à la tête de ses armées en campagne, comme le 2 décembre 1805 à Austerlitz où trois empereurs s’affrontent. En France, Napoléon III est le dernier chef d’État à mener directement l’armée. Il est également le dernier à être capturé en guerre, le 2 septembre 1870 à Sedan, par un certain Otto von Bismarck. Aujourd’hui, la relation entre la guerre et le chef d’État demeure. L’article 15 de la Constitution de 1958 stipule que « le Président de la République est le chef des armées »[55]. Ce dernier va explicitement déléguer son autorité au chef d’état-major des armées (CEMA).

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MOEGLIN Jean-Marie, Les Bourgeois de Calais : essai sur un mythe historique, Paris, Albin Michel, 2002, 462 p.
RUNCIMAN Steven, Histoire des croisades, vol. 1, Paris, Tallandier, 2013, 761 p.
SUMPTION Jonathan, The Hundred Years War, vol. I, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1999, 659 p.
SUMPTION Jonathan, The Hundred Years War, vol. II, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2001, 680 p.
VALENSISE Marina, « Le sacre du roi : stratégie symbolique et doctrine politique de la monarchie française », dans Annales : histoire, sciences sociales, vol. 41, n°3, Paris, EHESS, 1986, pp. 507-743, pp. 543-577, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1986_num_41_3_283295 (dernière consultation le 02/11/2019)
[1] La guerre était considérée comme l’ultima ratio regum (le dernier argument des rois). Cette maxime était gravée sur les pièces d’artillerie du roi de France à partir de Louis XIV.
[2] CORNETTE Joël, Le roi de guerre : essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Édition Payot, 1993, 488 p.
[3] DE LA COLONIE Jean-François Martin, Mémoires de Monsieur de La Colonie : maréchal de camp des armées de l’électeur de Bavière, Paris, Mercure de France, 1992, 670 p., p. 588, édité par COCULA Anne-Marie
[4] « Pobl’ et lo rei communïet », LINSKILL Joseph, Saint Léger : étude de la langue du manuscrit de Clermont-Ferrand, Paris, E. Droz, 1937, 192 p.
[5] La vision chrétienne de l’autorité se retrouve dans la définition du pouvoir royal au Moyen Âge. Il ne faut cependant pas en faire un pouvoir de droit divin.
[6] D’AQUIN Thomas, De regno (« Du royaume »), Toronto, The Pontifical Institute of Medieval Studies, 1949, 111 p.
[7] Ministerium peut se traduire par serviteur, service, en français. D’ORLÉANS Jonas, De institutione regia – Le métier de roi, Paris, Éd. du Cerf, 1995, 304 p., édité par DUBREUCQ Alain
[8] CORVISIER André (dir.) et CORVISIER Philippe (dir.), Histoire militaire de la France, t. I, Paris, Presses universitaires de France, 1992, 632 p., p. 7
[9] CONTAMINE Philippe, La guerre au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 1999, 516 p., pp. 86-87
[10] Nous retrouvons dans les sceaux de certains diplômes mérovingiens des cheveux. Cette pratique doit probablement nous rappeler au mund.
[11] Nous retrouvons cette idée dans l’Ancien Testament, comme dans 1 Samuel, 12.
[12] Voir sur le sujet DAGUET François, Du politique chez Thomas d’Aquin, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 2015, 406 p., notamment pp. 281-285
[13] De nombreux martyrs ont été faits, car des soldats chrétiens refusaient de participer à des jeux en l’honneur de l’empereur divinisé ou bien de sacrifier, comme ce fut le cas pour le centurion Marcel (décapité en 298) ou encore le soldat Fabius (décapité en 300) car il refusait de porter les enseignes idolâtriques de la légion.
[14] Cependant, elle demeure, avant Augustin, assez peu développée, se limitant surtout à la question « un chrétien peut-il combattre ». Néanmoins, chacun des intellectuels chrétiens a sa propre théorie, parfois paradoxale.
[15] CHEMAIN Jean-François, « Bellum iustum » : aux origines de la conception occidentale de la guerre juste, Paris, Apopsix, 2018, 362 p., p. 271
[16] « En matière de guerre, il faut considérer si les guerres sont justes ou injustes », DE MILAN Ambroise, De officiis ministrorum, t. I, 1471, [en ligne] https://la.wikisource.org/wiki/De_officiis_ministrorum (dernière consultation le 02/11/2019)
[17] « Ce qui intéresse dans les guerres qui sont entreprises, ce sont les causes qui les font entreprendre et ceux qui en sont les auteurs », ibid.
[18] CHEMAIN Jean-François, op. cit., p. 287
[19] La reconquête qui se développe au milieu du XIe siècle en Espagne est portée par la papauté. Voir LALIENA CORBERA Carlos et SÉNAC Philippe, 1064, Barbastro, Paris, Gallimard, 2018, 228 p. ; ou bien Epistolae pontificum romanorum : ineditae, Leipzig, Veit, 1885, 288 p., p. 43, édité par LÖWENFELD Samuel : Bulle pontificale « Eos qui in Ispaniam », où la rémission des péchés est faite à celui qui meurt au cours des expéditions en Espagne contre les musulmans.
[20] Voir par exemple FLORI Jean, « Réforme, reconquista, croisade. L’idée de reconquête dans la correspondance pontificale d’Alexandre II à Urbain II », dans Cahiers de civilisation médiévale, n°160, Poitiers, Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, 1997, pp. 317-407, pp. 317-335, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1997_num_40_160_2700 (dernière consultation le 02/11/2019)
[21] MARMURSZTEJN Elsa, « Guerre et paix chez les scolastiques », dans DESSῚ Rosa Maria (dir.), Prêcher la paix et discipliner la société, Turnhout, Brepols, 2005, 462 p., pp. 123-140, p. 126
[22] Ibid., p. 131
[23] Ibid., p. 131
[24] Ibid., p. 132
[25] GUENÉE Bernard, « Jean Le Bel et le “noble roi Édouard” », dans Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 152, n°4, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2008, pp. 1369-1899, pp. 1685-1693, p. 1685, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2008_num_152_4_92263 (dernière consultation le 02/11/2019)
[26] LE BEL Jean, Chronique de Jean le Bel, t. I, Paris, Renouard, 1904, 356 p., pp. xxiv-xxv
[27] LE BEL Jean, Chronique de Jean le Bel, t. II, Paris, Renouard, 1905, 403 p., pp. 30-34
[28] Ibid., p. 35
[29] GUENÉE Bernard, art. cit., p. 1692
[30] Voir sur les bourgeois de Calais et sa réalité historique MOEGLIN Jean-Marie, Les Bourgeois de Calais : essai sur un mythe historique, Paris, Albin Michel, 2002, 462 p.
[31] Chronique de Jean le Bel, op. cit., t. II, p. 166
[32] Ibid., p. 166
[33] GAUTIER Alban, Arthur, Paris, Ellipses, 2007, 435 p., p. 153
[34] Ibid., p. 254
[35] Voir par exemple au XIIe siècle, Guernes de Pont-Sainte-Maxence sur le sacre de Thomas Becket.
[36] VALENSISE Marina, « Le sacre du roi : stratégie symbolique et doctrine politique de la monarchie française », dans Annales : histoire, sciences sociales, vol. 41, n°3, Paris, EHESS, 1986, pp. 507-743, pp. 543-577, p. 543, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1986_num_41_3_283295 (dernière consultation le 02/11/2019)
[37] GUENÉE Bernard et LEHOUX Françoise, Les entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris, CNRS, 1968, 366 p., pp. 7-30
[38] CONTAMINE Philippe, op. cit., p. 207
[39] Par exemple, pendant la guerre de Cent Ans, Charles V – alors dauphin et régent du royaume – interdit la bataille rangée après Poitiers. Durant son règne, il n’y en a qu’une de majeure, celle de Cocherel en mai 1364 contre les forces anglo-navarraises, battues par Bertrand du Guesclin, futur connétable. Durant la reconquête du royaume de France dans les années 1370, « la guerre obsessive (attaque ou défense des places), la guerre guerroyante, les chevauchées petites et grandes, les courses, les aventures, accaparaient beaucoup plus de temps et d’effort », ibid., p. 379
[40] Ibid., p. 379
[41] Voir Orderic Vital, Historia ecclesiastica, traduction française dans MAUROIS André, La conquête de l’Angleterre par les Normands, Paris, Albin Michel, 1968, 365 p.
[42] BARTHÉLEMY Dominique, La bataille de Bouvines : histoire et légendes, Paris, Perrin, 2018, 542 p., p. 272
[43] L’historiographie anglo-saxonne remet en question cela, comme les ouvrages de l’historien Jonathan Sumption. Certaines sources le démontrent également, comme les discours tenus en avril 1340 par le père François, évêque dans l’archidiocèse de Naples, auprès de la République de Venise : il démontre que le monarque anglais ne veut pas de la guerre, mais de la paix avec le royaume de France.
[44] Par exemple, nous retrouvons cette idée dans son discours à l’Hôtel de Ville de Paris le 15 juin 1358 : « au lys de tout costé », voir Chroniques des règnes de Jean II et de Charles V, t. I, Paris, Librairie Renouard, 1910, p. 185, édité par DELACHENAL Roland
[45] Il n’a de cesse de répéter devant les bonnes villes du royaume de France qu’il veut « vivre et morir en deffendant le royaume de France » (Chronique de Jean le Bel, t. II, op. cit., p. 253).
[46] Que nous retrouvons chez Urbain II, dans l’Histoire ecclésiastique d’Orderic Vital ou encore chez Foucher de Chartres.
[47] La deuxième croisade peut être résumée ainsi : « son dernier chef restait prisonnier des alliés musulmans du prince chrétien qu’il avait essayé de dépouiller. Aucune entreprise médiévale n’avait démarré dans de telles espérances : imaginée par le pape, prêchée et inspirée par la bouche d’or de Bernard de Clairvaux, conduite par les deux souverains les plus puissants de l’Europe occidentale, elle était partie pour la gloire et le salut de la chrétienté. Mais avec la retraire ignominieuse du siège de Damas et la mort inutile de milliers d’hommes, on n’avait gagné rien d’autre que d’envenimer les relations entre les chrétiens et les Byzantins, ressouder l’unité musulmane, porter un coup mortel à la réputation militaire des Francs. », RUNCIMAN Steven, Histoire des croisades, vol. 1, Paris, Tallandier, 2013, 761 p., p. 521
[48] Chronique d’Ibn al-Athîr dans GABRIELI Francesco, Storici arabi delle Crociate (« Les historiens arabes des croisades »), Turin, Giulio Einaudi, 1963, 353 p., pp. 204-205 : « Ils marchèrent sur Antioche, trouvèrent un fleuve sur leur route. Le roi y entra pour se laver et s’y noya dans un site où l’eau arrive presque jusqu’à la ceinture. Ainsi Dieu nous délivre-t-il du mal qui était sien ! ».
[49] « Se par juste guerre il conquiert un royaume, certes il doit avoir et porter nom de Roy. », DE TRÉMAUGON Évrard, Le Songe du Vergier, vol. 1, Paris, Éditions du CNRS, 1982, 501 p., p. 128, édité d’après le manuscrit royal 19 C IV de la British Library par SCHNERB-LIÈVRE Marion
[50] FLORI Jean, Richard Cœur de Lion : le roi-chevalier, Paris, Payot & Rivages, 1999, 597 p., p. 233
[51] Ce dernier a le temps de recevoir le tireur afin de le pardonner et l’épargner, voir ibid., p. 234
[52] L’expression moderne est « quand le chat n’est pas là, les souris dansent ». Roman de Charles le Chauve, XIVe siècle, 87 f., [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90592873 (dernière consultation le 02/11/2019)
[53] Les États sont, au Moyen Âge (puis à l’époque moderne), la condition politique et sociale résultant de la division du corps social dans le royaume de France, qui se rassemble en assemblée : les États généraux.
[54] Le royaume est compliqué à gouverner, comme le montre par exemple les Grandes chroniques de France, règne de Jean II, op. cit., pp. 111-113 : le dauphin Charles cherche à repousser la puissance du prévôt et des États, mais avec difficulté. C’est probablement cette tentative de soumission en été 1357 qui a poussé les États parisiens à faire libérer Charles de Navarre, qui pourrait être un contre-pouvoir aux Valois comme il l’a été tout au long de son règne.
[55] « Texte intégral de la Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur », Paris, Conseil constitutionnel, [en ligne] https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur (dernière consultation le 02/11/2019)

Très bel article Monsieur!