Écoutez une chanson joyeuse et pleine d’ardeur ! La plupart d’entre vous ont entendu une nouvelle chanson – d’autres jongleurs vous l’ont chantée – mais ils ont laissé la fine fleur, ont oublié la puissante famille valeureuse : il s’agit de Raoul, qui possédait la seigneurie de Cambrai et que l’on nomma Taillefer pour sa férocité. Il avait un fils, un guerrier redoutable, qui s’appelait Raoul. Il était d’une force extraordinaire et ne cessa de faire une guerre cruelle aux fils d’Herbert, mais par la suite le jeune Bernier lui fit subir une mort douloureuse.
Il ne convient pas que je laisse de côté cette chanson : faites le silence et écoutez la chanson de Guerri le Roux et de dame Aalais, et de Raoul, seigneur de Cambrai, qui avait pour parrain l’évêque de Beauvais. Ce Raoul engagea les hostilités contre les fils d’Herbert, ainsi que vous l’entendrez sous peu dans la chanson.[1]
Telles sont les deux premières laisses[2] de la chanson de geste Raoul de Cambrai. Appartenant au genre de la littérature épique, versifiées et destinées à être récitées par des jongleurs, trouvères et troubadours, les chansons de geste narrent les hauts faits guerriers de leurs personnages principaux, événements généralement inspirés de l’Histoire. Se proclamant véridiques, elles ne le sont pourtant pas toujours. De fait, derrière ces célébrations héroïques, se trouvent bien souvent des buts cachés : justification de titres, promotion de lieux saints, propagande royale, ou encore condamnation du pouvoir politique.
En effet, les chansons de geste, et notamment celles des XIIe et XIIIe siècles, font ressortir les oppositions et discordances intrinsèques à la société médiévale française vivant la crise de l’anarchie féodale et le renouveau royal de Philippe Auguste (1165-1223). Une de ces chansons, Raoul de Cambrai, en est un exemple type.

Ce qui est communément appelé « anarchie féodale » est une période aux XIe et XIIe siècles durant laquelle le pouvoir royal connut un fort déclin : de nombreuses principautés devinrent indépendantes et de multiples conflits locaux éclatèrent entre les seigneurs. Le domaine du roi était considérablement réduit et son pouvoir sur les barons était plus théorique que concret. Pour y faire face et regagner son autorité, Philippe Auguste, couronné en 1180, reconquit le territoire grâce à l’ost royal[3], repoussant notamment les Anglais installés dans l’ouest du pays.

Il affermit également son pouvoir sur les fiefs en améliorant les méthodes d’administration du pays et en mettant en place une politique de châteaux et de fortifications. Il usa, de même, d’une politique matrimoniale, abusa du droit féodal et semait régulièrement la discorde entre les barons. Divide et impera, « diviser pour régner », aurait pu être sa devise.
Notre article a donc comme objectif de vous présenter ce texte si typique de la littérature médiévale française de cette époque qu’est Raoul de Cambrai, et de résumer les différentes théorisations qui furent établies à propos de son historicité particulièrement discutée. Et cela afin de retracer comment une anecdote historique s’est transformée en outil de critique du pouvoir.
La chanson
Raoul de Cambrai est donc un texte épique appartenant à la catégorie des chansons de geste, des récits versifiés relatant des exploits guerriers. Composé vers la fin du XIIe siècle, il narre le long conflit entre le lignage d’un certain Raoul, comte de Cambrai[4], et les descendants du comte de Vermandois[5] durant le Xe siècle.



Rattachée au Cycle de Doon de Mayence[6] dès le XIIIe siècle[7], cette chanson est cependant considérée comme étant isolée du fait qu’il ne subsiste pas de recueil la comprenant[8], ou parfois estimée comme formant un cycle en lui-même du fait de sa division interne en trois parties.
De nos jours, il ne subsiste que trois manuscrits du texte et aucun n’est intégral. Le plus complet d’entre eux date du XIIIe siècle et comporte 150 feuillets, transcrits par deux copistes travaillant indépendamment à partir d’un même exemplaire. Bien qu’ils aient copié le texte dans son intégralité, la mauvaise conservation du manuscrit a entraîné la perte d’une certaine partie de la chanson. Le deuxième manuscrit date également du XIIIe siècle, mais ne comprend en réalité que deux fragments du texte à cause de dégradations qu’il a subi au cours du temps.
Enfin, un troisième manuscrit comptant environ 250 vers subsiste. Il s’agit d’un extrait copié par un antiquaire durant le XVIe siècle. Le manuscrit médiéval original de cette copie semble toutefois différer des deux autres subsistant. Dans le cadre de cet article, nous avons choisi de travailler à partir de l’édition de Sarah Kay, qui a réussi à compléter le manuscrit le plus entier du XIIIe siècle à partir des deux autres conservés jusqu’à nos jours[9].
Comprenant 8542 vers répartis en 345 laisses[10], la chanson peut être divisée en trois parties : la première consacrée au personnage de Raoul (vers 1 à 3541) ; la deuxième à celui de son neveu Gautier et à la reprise de la lutte avec le personnage de Bernier (vers 3542 à 5373) ; et la troisième aux aventures de Bernier (vers 5374 à 8542). Les laisses sont de longueur variable selon les parties. Nous remarquons notamment une tendance à l’allongement[11] : la moyenne est de 20-21 vers pour la première partie, 27-28 pour la deuxième et 33-34 pour la dernière.
Le mètre est le décasyllabe, généralement coupé par une césure de type 4//6[12]. Il est rimé dans les deux premières parties, mais assonancé dans la troisième. Il y a une nette différence entre le style des deux premières parties et celui de la dernière qui est caractéristique d’un renouvellement de l’écriture épique médiévale plus tardif, notamment par les thèmes qu’elle aborde[13].
Dans les trois parties suivantes, nous nous attacherons ainsi à vous résumer la trame de la chanson.

Acte premier : la démesure de Raoul
La première partie de la chanson a pour personnage principal Raoul, fils de Raoul Taillefer, comte de Cambrai, et d’Aalais, sœur du roi Louis[14]. Le récit commence avec la mort du comte, alors qu’Aalais était encore enceinte de Raoul. Le narrateur explique que, trois ans après ce décès, le roi accorde la main d’Aalais et la charge du fief du Cambrésis à son nouveau favori, Giboin du Mans, et ce jusqu’à la majorité de Raoul. L’oncle de ce dernier, Guerri le Sor, proteste en vain contre la perte du fief familial. Néanmoins, Aalais réussit à refuser le mariage. Elle jure de reprendre le territoire qu’elle estime appartenir à son fils.
Le récit fait alors une ellipse de douze ans et présente le jeune Raoul faisant son écuyer de Bernier, fils bâtard d’Ybert de Ribemont, l’un des fils d’Herbert, comte de Vermandois. Raoul, quant à lui, est envoyé par sa mère Aalais à Paris où il est fait chevalier et est nommé sénéchal par le roi.
Quelque temps après, lors d’une joute se déroulant le lendemain du jour de Pâques, les deux fils d’un certain Ernaut de Douai décèdent et une rumeur accusant Raoul d’être le meurtrier se met à circuler au sein de la noblesse. Le blâme tombe sur Raoul et Ernaut jure de se venger. N’en tenant pas compte, Raoul continue son service auprès du roi et adoube Bernier.
Le narrateur fait ensuite une nouvelle ellipse, cette fois jusqu’à la majorité de Raoul. Son oncle Guerri exige au roi la restitution du Cambrésis en son nom, mais Giboin proteste et Louis refuse. Le souverain promet cependant à Raoul une compensation : le fief du premier seigneur qui viendrait à mourir.
Un peu plus d’un an après cet engagement, le comte Herbert de Vermandois meurt, laissant derrière lui quatre fils susceptibles d’hériter de ses terres. Fidèle à sa promesse, le roi donne le Vermandois à Raoul, malgré les protestations des fils d’Herbert qui refusent de perdre leur fief, quitte à devoir prendre les armes.
Raoul s’en retourne alors à Cambrai afin de convoquer ses barons dans le but d’attaquer les fils d’Herbert dans le Vermandois. Aalais objecte, souhaitant plutôt reconquérir par la force le Cambrésis. Mais son fils ne l’écoute pas. En colère, elle le maudit avant d’immédiatement regretter ses paroles.
Raoul, Bernier, Guerri et leurs hommes entament donc une incursion dans le comté du Vermandois et font halte au bourg d’Origny[15]. Raoul veut installer son campement directement dans l’abbaye s’y trouvant mais, de peur de profaner les lieux, ses hommes refusent et la troupe s’établit en dehors de la ville.
Marsent, abbesse d’Origny et mère de Bernier, supplie Raoul d’épargner la ville, ce qu’il accepte initialement. Néanmoins, deux hommes de Raoul sont tués dans la ville par ses habitants, ce qui déclenche la colère noire du jeune chevalier. Sous le coup de ses émotions, il décide d’incendier Origny et son abbaye. Les religieuses, dont la mère de Bernier, meurent au milieu des flammes. Ce dernier jure alors de se venger de son seigneur. De retour au camp, les deux hommes se disputent et Raoul finit par assommer Bernier. Un seigneur frappant son vassal constituant une faute, Bernier est libéré de son vœu de fidélité. Raoul tente de le dédommager, mais c’est en vain. Bernier le quitte et rejoint le camp de son père, Ybert de Ribemont.
Ce dernier, ses trois frères et Ernaut de Douai rassemblent leurs troupes devant Cambrai et avancent vers Origny. Eudes, l’un des frères, souhaite éviter l’affrontement et propose une réconciliation à deux reprises, soumettant à Raoul l’idée de s’allier contre Giboin et ainsi reprendre le fief de Cambrésis. Poussé par Guerri, Raoul refuse et les combats débutent. Deux fils de Guerri tombent très rapidement. Raoul fait, quant à lui, preuve d’une grande bravoure, vainquant notamment un « géant » et coupant l’une des mains d’Ernaut. Il affronte alors Bernier qui le fait tomber de cheval et Ernaut achève Raoul.
Guerri demande une trêve, puis y renonce après avoir pleuré devant le corps de son neveu. Il tue un autre des quatre héritiers du Vermandois, Herbert d’Hirson. Mais malgré les prouesses de Guerri, son armée semble perdre. Il décide donc de se réfugier à Cambrai où il retrouve Aalais. Celle-ci blâme Guerri de la mort de son fils et fait jurer à Gautier, le neveu de Raoul, qu’une fois adulte, il vengerait son oncle.
Deuxième acte : le duel
La deuxième partie de la chanson suit donc Gautier et sa quête de vengeance contre Bernier, entre cinq et sept ans après la mort de Raoul. Les conflits entre les seigneurs du Vermandois et le lignage de Raoul reprennent. Aalais rappelle sa promesse à Gautier et ce dernier se fait adouber par Guerri. Les deux hommes et leurs troupes décident alors d’attaquer Saint-Quentin[16] dans le Vermandois. Bernier, son père et ses oncles viennent défendre la ville et des combats adviennent entre les deux camps.
Un affrontement entre Gautier et Bernier a lieu, ce dernier proposant à son adversaire une réparation afin de mettre fin à la faide[17], mais Gautier refuse. La bataille se termine sans désigner de réel vainqueur. À son retour à Cambrai, Gautier est récompensé de sa bravoure par Aalais : elle le nomme son héritier. Parallèlement, Bernier reçoit le même honneur de la part de son père, et cela malgré son statut de bâtard.
Puis, Bernier rassemble ses hommes et, en guise de représailles, attaque Cambrai. Souhaitant éviter la mort d’innocents, Gautier propose à Bernier de résoudre le conflit par le biais d’un duel n’engageant qu’eux. Les deux hommes combattent, prenant pour témoins Guerri du côté de Gautier, et un certain Aliaume de Namur du côté de Bernier. À l’issue du duel, les deux hommes sont gravement blessés, en conséquence de quoi les témoins arrêtent l’affrontement et prennent leurs places dans le combat. Guerri tue Aliaume et Bernier l’accuse de trahison. Gautier s’insère entre les deux hommes afin d’éviter qu’ils ne s’entretuent. Les trois personnages s’en retournent alors dans leurs domaines pour soigner leurs blessures.

Puis, le récit fait une nouvelle ellipse et déplace l’intrigue à Paris, où le roi Louis réunit ses vassaux. L’occasion du rassemblement n’est pas précisée, mais il est stipulé qu’aucun combat n’y serait toléré sous peine de mort. Lors du repas, Bernier, Ybert, Gautier et Guerri sont placés à la même table et, sans surprise, une rixe a lieu entre les deux parties rivales. Le roi décide d’organiser un duel judiciaire entre Gautier et Bernier afin de déterminer si ce dernier a tué Raoul par trahison, mais surtout dans l’objectif de mettre fin à l’inimitié entre les deux lignages. Les deux hommes combattent donc de nouveau et l’issue est la même que celle du premier duel : ils se blessent gravement mutuellement et les barons spectateurs doivent couper court aux hostilités.
Alors qu’ils sont soignés dans la même chambre, la querelle entre Gautier et Bernier continue et ce dernier propose de nouveau une réparation. Toutes les parties en présence, y compris le roi, souhaitent que Gautier accepte. Néanmoins, Aalais arrive de Cambrai à Paris et accuse le roi d’être à l’origine de la mort de Raoul et d’être à l’origine du conflit entre les deux familles. Gautier pardonne à Bernier et au Vermandois, et les deux lignages décident de s’associer contre le roi, tenu pour responsable. De surcroît, Louis refuse de reconnaître Bernier comme étant l’héritier d’Ybert du fait qu’il n’est pas un enfant légitime. Les barons se révoltent donc contre le roi et mettent le feu à Paris, avant de se rendre à Saint-Quentin où ils discutent d’une potentielle future attaque venant du roi humilié. Chacun finit néanmoins par rentrer dans son fief.
Le dénouement chevaleresque
La troisième partie, centrée sur Bernier, commence avec le scellement de l’alliance entre Cambrésis et Vermandois par le mariage entre Bernier et la fille de Guerri, Béatrice. Toutefois, alors que les nouveaux époux s’apprêtent à célébrer leurs noces, le roi fait enlever la mariée afin de la donner à un autre seigneur. Bernier organise une contre-embuscade et s’empare de la reine et d’un prince. Un échange de prisonniers est effectué et la paix revient.
Regrettant toutes ces années de batailles, Bernier part en pèlerinage à Saint-Gilles[18] accompagné de son épouse enceinte qui accouche d’un fils, Julien, à leur arrivée. Cependant, la ville est attaquée par les armées de l’émir de Cordoue[19] et du roi sarrazin Corsuble[20] qui font prisonniers Bernier et son fils. Ce dernier est emmené à Cordoue, tandis que le premier est pris par le roi Corsuble.

Libéré après avoir vaincu un ennemi du roi, Bernier parvient à regagner Saint-Gilles où il apprend que son fils a été enlevé et son épouse remariée de force par le roi Louis (avec l’aval de Guerri). Bernier reprend son épouse et le couple rentre à Saint-Quentin où ils ont un second fils, Henri. S’inquiétant du sort de son aîné, Bernier part à sa recherche sept ans plus tard, accompagné de son neveu, Savari. Après plusieurs péripéties, Bernier retrouve son fils qui est entre-temps devenu, sous le nom de Corsabré, le champion de l’émir de Cordoue. Ils s’en retournent à Saint-Gilles, puis à Saint-Quentin.
Bernier pardonne alors à Guerri d’avoir consenti au remariage de son épouse et les deux hommes partent ensemble en pèlerinage à Compostelle. Sur le chemin du retour, ils passent par Origny et Bernier exprime son regret d’avoir tué Raoul. Cette révélation pousse Guerri à se remémorer la mort de son neveu et le décide à tuer Bernier. En conséquence, les fils de ce dernier, Julien et Henri, prennent les armes contre Guerri et Gautier. Ce dernier tue Savari, mais succombe immédiatement après sous les coups de Julien. Guerri regagne sa ville d’Arras[21] et quémande la paix. Elle lui est refusée. Il s’enfuit et disparaît, donnant la victoire finale aux héritiers de Bernier et du Vermandois.
Une seule chanson ?
Il existe ainsi une différence thématique nette dans la chanson Raoul de Cambrai entre les deux premières parties et la dernière. Alors que les deux premières semblent unies autour du sujet de la guerre entre Cambrésis et Vermandois, leur suite comprend bien plus de composants romanesques : enlèvements, mariages forcés, péripéties en territoire sarrasin… Soit des éléments qui annoncent le roman chevaleresque. La guerre en elle-même n’est présente qu’en souvenirs en dehors de la toute fin du récit.
En outre, nous remarquons de grandes différences stylistiques, toujours entre les deux premières parties et la dernière. Tout d’abord, la troisième est assonancée et non rimée[22]. Nous observons également que la narration est unilatérale dans les deux premières parties, alors que plusieurs axes narratifs se développent tout au long du récit de la troisième[23]. Enfin, lorsque nous étudions les motifs[24] et les formules[25], il ressort que le style des deux premières parties est relativement rigide : les motifs sont proches de leurs modèles canoniques et les formules sont régulières. En revanche, ces dernières sont plus longues, plus ornées dans la troisième partie. Les motifs, quant à eux, sont beaucoup plus variés et plus éloignés de la thématique guerrière. Notons, à titre d’exemple, que le motif de l’adoubement est présent dans les deux premières parties, mais pas dans la dernière.

Nous décelons également des différences, bien que moindres, entre les deux premières parties. En effet, alors que l’unité de la première partie semble reposer sur l’enchaînement temporel de faits, la deuxième présente plus de symétries, de réciprocités dans les événements qu’elle rapporte. La composition en est bien plus littéraire que la première, dont l’organisation de la matière semble plus narrative que dramatique dans la manière dont les faits sont relatés.
Ainsi, dans son introduction à son édition des manuscrits[26], Sarah Kay soumit l’idée que la mise à l’écrit du poème se serait déroulée en trois étapes. En premier lieu, il aurait existé au début du XIIe siècle une chanson assonancée portant sur la première partie du texte actuel. Puis, vers la fin de ce même siècle, un autre poète aurait remanié la chanson en rimes en y ajoutant la partie sur Gautier. Un troisième et dernier poète aurait terminé la chanson avec notre troisième partie portant sur Bernier, la rédigeant en assonances afin de lui donner un style plus ancien.
Du fait de ce manque d’unité thématique, stylistique et probablement d’auteurs, Raoul de Cambrai peut ainsi être vue, non pas seulement comme une seule chanson de geste, mais comme l’assemblage de plusieurs poèmes. Ces disparités ont, par ailleurs, provoqué une « mise de côté » de la troisième partie dans les différentes études de ce texte. Certains chercheurs, tels que Jean Rychner dans son essai sur l’art épique des jongleurs[27], ont décidé de limiter leurs recherches aux deux premières parties. Pauline Matarasso, considérée comme l’une des plus grandes spécialistes de Raoul de Cambrai, fut encore plus sévère, qualifiant cette troisième partie comme étant de « valeur médiocre »[28] et comme « ne mérit[ant] pas d’étude individuelle »[29], argumentant qu’elle constitue une suite composée par un autre poète et appartient au genre des romans d’aventure et non de la chanson de geste.
Cependant, d’autres chercheurs, comme les contributeurs au recueil L’orgueil a desmure – Etudes sur Raoul de Cambrai, estiment que, même si le récit n’est pas thématiquement et stylistiquement unifié, il fut tout de même reçu comme un tout par le public, et ce dès le début du XIIIe siècle[30]. Ils décidèrent ainsi d’inclure la partie controversée dans leurs études. Cette « unification dans l’oralité » est également ce que privilégient ceux qui rejettent la méthode dite des « analystes »[31], notamment Florence Goyet, auteure de Penser sans concepts : fonction de l’épopée guerrière[32].
Mais, au-delà de cette question de potentiels ajouts dans le texte, une question reste toujours incertaine pour les chercheurs s’intéressant à cette chanson de geste : celle de ses origines. Qui a composé Raoul de Cambrai et, surtout, quand ?
Auguste Longnon et le soldat-trouvère
Dans les laisses 120 et 121[33] de Raoul de Cambrai, il est narré que le poème fut composé par un certain Bertolai, noble originaire de Laon[34] qui aurait assisté aux combats. Cette thèse du soldat-trouvère ayant observé les événements de manière directe et qui aurait ensuite produit une chanson, laquelle se serait transmise oralement jusqu’à sa mise à l’écrit au XIIe siècle, ne fut pas discutée avant la fin du XIXe siècle.

Le premier à la questionner – mais sans pour autant la réfuter – fut Auguste Longnon dans son introduction à son édition de Raoul de Cambrai, lorsqu’il chercha à démontrer l’historicité des personnages principaux du poème en 1882[35]. Il identifia notamment Raoul comme étant Rodolphe[36] de Gouy (plus précisément Gouy-en-Arrouaise dans le Cambrésis selon Longnon), dont le chroniqueur Flodoard, dans l’entrée de l’année 943 de ses Annales, nous dit ceci :
Heribertus comes obiit, quem sepelierunt apud sanctum Quintinum filii sui ; et audientes Rodulfum, filium Rodulfi de Gaugliaco, quasi ad invadendam terram patris eorum advenisse, aggressi eundem interemerunt. Quo audito, rex Ludowicus valde tristis efficitur.
Le comte Héribert mourut ; ses fils l’enterrèrent à Saint-Quentin ; et ayant appris que Rodolphe, fils de Rodolphe de Gouy, arrivait pour envahir la terre de leur père, ils l’attaquèrent et le tuèrent. Lorsque le roi Louis eut reçu cette nouvelle, il fut fort triste.[37]
Ne se souciant pas du fait que cette entrée ne désigne pas Rodolphe de Gouy – ou Raoul Taillefer selon la chanson – comme étant comte, Longnon rapprocha également le personnage littéraire d’un autre Rodolphe : un comte qui est brièvement cité aux entrées des années 923 et 925[38]. Pour Longnon, ces trois personnes n’en étaient qu’une. Rodolphe de Gouy décédant en 926, si l’enfant était né peu de temps après sa mort comme le narre la chanson, il aurait eu environ dix-sept ans en 943, ce qui n’est pas invraisemblable.
Longnon identifia aussi Aalais comme étant la sœur historique du roi Louis IV d’Outremer, Adeilheidis, et constata l’existence d’une légende monastique, datant selon lui du XIe siècle[39], autour du personnage d’Ybert de Ribemont et des églises qu’il bâtit : la Chronique de Waulsort. Longon corrigea néanmoins la chanson sur un point : Ybert n’était pas le fils d’Herbert de Vermandois, mais son vassal. Il fut substitué au personnage historique d’Albert Ier de Vermandois.
Enfin, pour Longnon, le fameux Bertolai cité dans la chanson en était bien l’auteur. Le soldat-trouvère aurait composé Raoul de Cambrai au Xe siècle et son œuvre aurait été remaniée au XIIe siècle. La chanson narrerait ainsi des faits presque entièrement historiques.
La remise en question de Joseph Bédier
Cela étant, en 1908, Joseph Bédier vint contredire la thèse de Longnon jusqu’alors admise par tous. En effet, Bédier constata que la chanson comprend de très nombreux contresens historiques, à un point tel qu’il conclut qu’un contemporain aux faits n’aurait pas pu composer un poème si erroné[40].
En premier lieu, Bédier remarqua qu’en 943, le comte de Cambrai était nommé Isaac, et cela jusqu’en 948 environ. Raoul viendrait donc d’un autre Gouy, qui était une appellation relativement commune pour les bourgs, Gouy-en-Ostrevent plus précisément. Il ne pouvait donc pas être comte du Cambrésis.
Néanmoins, tout comme Longnon l’avait remarqué, il confirma qu’Ybert avait bien existé, son nom étant présent dans plusieurs chartes, et qu’il était bien un riche vassal d’Herbert et non son fils.
Bédier nota également que le roi Louis d’Outremer avait 23 ans en 943. Il ne pouvait donc pas être le vieil homme décrit dans la chanson. De plus, il est indiqué dans le récit que le roi Louis a baptisé le quatrième fils d’Herbert, nommé Louis. Or, dans les faits, le père de Louis d’Outremer, le roi Charles le Simple (879-929), fut prisonnier d’Herbert à partir de 923 et cela jusqu’à sa mort en 929. Il a ainsi paru illogique à Bédier que Louis d’Outremer accepte de baptiser le fils de l’ennemi de son père. Sans compter qu’il ne subsiste de nos jours aucune trace d’un fils d’Herbert nommé Louis.

Bédier remarqua également qu’en 926, année de mort de Rodolphe de Gouy, Louis d’Outremer n’avait que six ans, n’était pas encore roi et vivait exilé en Angleterre. Il ne pouvait dès lors pas avoir dépossédé Raoul de son héritage. Le roi de cette époque, Charles le Simple, était alors prisonnier d’Herbert comme nous venons de le mentionner. De fait, il ne pouvait l’avoir fait non plus.
Enfin, comme Longnon l’a théorisé, Aalais pouvait être identifiée comme la sœur de Louis d’Outremer, Adeilheidis. Néanmoins, celle-ci étant née entre 910 et 913, il est, certes, possible qu’elle ait eu un fils né en 926, mais fortement improbable d’un point de vue biologique que son petit-fils Gautier, dont la mère serait une sœur aînée de Raoul, ait eu une dizaine d’années en 943 lorsque le conflit se serait déroulé.
Ainsi, Bédier releva de multiples petites (ou grandes) incohérences historiques dans la chanson qui montreraient que le roi Louis ne représente pas Louis d’Outremer, mais un « tyran mélodrame »[41] fictif. De surcroît, le personnage soldat-trouvère Bertolai ne pouvait pas avoir existé : un poète ayant vécu les événements n’aurait pu faire autant d’erreurs.
La théorie de Bédier différa ainsi de celle de Longnon. La chanson aurait uniquement été basée sur les informations comprises dans la chronique de Flodoard et l’auteur aurait vécu, non pas au Xe, mais au XIIe siècle[42].
Il argumenta également qu’un jongleur n’étant pas capable de lire les Annales de Flodoard, un intermédiaire religieux était forcément intervenu lors d’une étape de la composition. Il émit ainsi la théorie que les chanoines[43] de l’église de Saint-Géry[44] de Cambrai, où se trouveraient deux tombes dédiées à des seigneurs appelés Raoul, auraient formé une légende monastique afin de promouvoir leur sanctuaire. Les clercs auraient ainsi fait composer à un jongleur une chanson à partir de leur légende, ce qui expliquerait les très nombreuses références à ce lieu et à son saint dans Raoul de Cambrai.
En outre, Bédier estima que, en plus de l’église de Saint-Géry, la légende de Raoul de Cambrai aurait eu un second foyer : l’abbaye de Waulsort, où fut compilée peu après 1152 par un moine l’Historia Walciodorensis monasterii, la Chronique de Waulsort, qui retrace l’histoire de l’abbaye. Le moine y fit la biographie du fondateur du lieu, le comte Ybert de Ribemont, d’après ce que Bédier appelle, tout comme Longnon l’avait fait avant lui, une « légende monastique »[45].
Copiant des éléments issus de plusieurs chansons de geste, la chronique offre de grandes ressemblances avec Raoul de Cambrai dans son récit du conflit entre Cambrésis et Vermandois[46]. Bédier remarqua également que plusieurs erreurs historiographiques commises dans la chanson se retrouvent aussi dans la chronique, notamment le fait qu’Ybert est de nouveau confondu avec Albert. De cette double confusion, effectuée à deux endroits différents mais à des époques semblables, Bédier conclut que ces deux textes ne sont pas indépendants l’un de l’autre et qu’ils sont probablement issus d’une même légende.
Après la parution de son travail, Bédier vit ses théories être longuement disputées. Longnon lui-même argumenta qu’il est extrêmement improbable que les clercs de Saint-Géry aient eu accès aux Annales de Flodoard[47] et il ne jugea pas crédible le fait que Raoul soit issu de Gouy-en-Ostrevent et non pas de Gouy-en-Arrouaise[48].
En 1910, un autre critique, Jean Acher, argumenta que la chanson de geste Raoul de Cambrai était originellement vouée à la gloire de Bernier plutôt qu’à la démesure de Raoul qui meurt relativement tôt dans le récit tel qu’il est conservé aujourd’hui[49].
Enfin, en 1926, Ferdinand Lot théorisa que Raoul Ier était comte d’Ostrevent, mais que son fils perdit ce titre du fait d’un changement de frontière[50], devenant ainsi châtelain de Gouy-en-Arrouaise[51]. Il estima également, contrairement à Bédier, qu’il y eut deux légendes autonomes, l’une monastique autour d’Ybert et l’autre épique autour de Raoul[52]. Cette dernière descendrait d’une tradition orale issue des souvenirs de la famille ou des serviteurs d’une des deux parties du conflit et complétée par l’imagination du poète. Lot posa ainsi l’hypothèse de l’existence d’une complainte à Raoul, dont la création fut pratiquement contemporaine aux faits, et qui fut fusionnée avec la légende monastique entourant Ybert, résultant alors en la chanson de geste Raoul de Cambrai.
La conclusion de Pauline Matarasso
Jusqu’en 1962 et l’ouvrage de Pauline Matarasso intitulé Recherches historiques et littéraires sur « Raoul de Cambrai »[53], la critique ne s’intéressa plus, à notre connaissance, à la genèse de cette chanson de geste.
Matarasso fit la synthèse des précédentes théories et tenta d’y trouver un juste milieu. De son étude, elle conclut que Raoul de Cambrai[54] fut bien l’œuvre personnelle d’un poète du XIIe siècle, mais que cela n’exclut pas pour autant qu’il y ait eu une tradition antérieure qui comporte les éléments légendaires. Elle ajouta que l’existence de cette tradition n’implique pas non plus qu’il y ait eu une production littéraire contemporaine aux événements.
Quant aux foyers de création désignés par Bédier, soit Saint-Géry et Waulsort, Matarasso considéra que, même « si Saint-Géri et Waulsort n’ont pas créé la légende de Raoul de Cambrai ils l’ont certainement utilisée »[55]. L’omniprésence des rappels à Saint-Géry dans la chanson fit penser à Matarasso qu’il serait très improbable que certains faits ne s’y soient pas déroulés. Elle considéra également que Waulsort fut un foyer légendaire incontestable. Cela étant dit, les différences entre la chanson et la chronique, notamment quant à savoir qui était sur le trône à l’époque des faits, poussèrent Matarasso à conclure qu’il y eut deux légendes distinctes, l’une sur Raoul et l’autre sur Ybert. Le fait que ces deux légendes confondent Ybert et Albert lui sembla improbable, mais possible.
Sur la localisation du Gouy d’où viendrait le Raoul de Flodoard, elle ne proposa pas de solution nouvelle, mais réfuta les théories de Gouy-en-Ostrevent et de Gouy-en-Arrouaise. Elle contesta également quelque peu Bédier sur le rôle des chanoines de Saint-Géry, estimant peu probable qu’ils soient les auteurs de la légende, et privilégiant plutôt la reprise de leur part d’une légende populaire[56].
Matarasso conclut alors qu’il devait exister par le passé plusieurs versions du récit, dont l’une qui devait fortement différer de la chanson subsistant de nos jours et dont Bernier était probablement le héros comme le soutenait Jean Acher[57]. Cette version aurait servi de base à la propagande du chroniqueur de Waulsort qui présenta dans son texte un Raoul extrêmement mauvais et dont les intentions étaient fortement différentes de celles de la chanson[58]. Le poète aurait, au contraire, cherché à faire de Raoul le héros de son œuvre et lui aurait donné des excuses à sa démesure, allant jusqu’à le présenter comme une victime[59].
Pour Matarasso, la composition de la chanson Raoul de Cambrai se serait ainsi effectuée en plusieurs étapes. La thèse qu’elle estima la plus plausible est celle d’une tradition orale de famille qui aurait ensuite été transmise à un jongleur. Tout d’abord, les souvenirs des batailles et des noms auraient été conservés et auraient servi de base au récit. Puis, le personnage fictif de Bernier aurait été ajouté et une légende épique créée vers le XIe siècle. Un premier poème aurait ensuite été composé. Pour finir, d’une part plusieurs variantes de la chanson auraient vu le jour et auraient été remaniées par les jongleurs jusqu’à ce qu’elles soient mises à l’écrit dans la version qui subsiste de nos jours ; et, d’autre part, le récit aurait été inclus dans la Chronique de Waulsort vers 1150.
Raoul de Cambrai serait donc l’œuvre personnelle d’un poète du XIIe siècle s’étant appuyé sur une tradition antérieure fournissant les éléments légendaires.
Le renouveau royal au cœur de la faide
Depuis la publication de l’ouvrage de Matarasso, il ne nous semble pas que la critique ait produit de nouvelles théories quant à la genèse de Raoul de Cambrai. Au contraire, plusieurs ouvrages sont venus traiter du contraste entre le cadre temporel carolingien des événements traités par le texte, et les thématiques capétiennes qu’il aborde[60], venant ainsi confirmer la thèse de Pauline Matarasso. En effet, le récit présente plusieurs problématiques typiques de la fin de l’époque de l’anarchie féodale et du règne de Philippe Auguste, soit des XIIe-XIIIe siècles.
En premier lieu, la chanson pose la question de l’hérédité du fief. D’après les coutumes anciennes, ce dernier n’était pas transmis par droit de succession[61]. Ainsi, lorsque le roi reprend le fief à la mort de Raoul Taillefer, il a légalement raison. Toutefois, dans le contexte de l’anarchie féodale, où les droits de l’individu (et plus précisément des barons) s’opposent aux prétentions royales, un changement des mentalités s’opère et les seigneurs demandent des privilèges nouveaux : le roi a alors moralement tort et provoque ce que Raoul ressent comme une injustice.
Le roi Louis, personnage composite inspiré des rois carolingiens des IXe et Xe siècles, mais aussi par Philippe Auguste lui-même, est montré comme étant l’instigateur de cette guerre entre Cambrésis et Vermandois. Derrière la question du fief, se pose une remise en cause des liens entre le roi et ses barons, ainsi qu’entre le seigneur et son vassal. La chanson montre ici les conséquences du non-respect de ces liens.
Dans une même lignée, la chanson illustre la problématique de l’opposition entre l’allégeance au lignage et l’hommage vassalique, notamment avec le cas de Bernier avant la rupture de son serment par Raoul, et avec celui des conflits entre les seigneurs et leur roi. Le texte montre les défaillances de ces deux valeurs, ces deux institutions fondamentales à la société médiévale en transition entre les régimes carolingiens et capétiens.
Raoul de Cambrai fait le procès des guerres entre lignages, des conflits entre vassaux et seigneurs, et entre les seigneurs eux-mêmes. La chanson présente un roi dont le pouvoir est faible et qui est à l’origine de cette anarchisation de la société. En quelque sorte, tout en critiquant la méthodologie royale qu’utilisa notamment Philippe Auguste (créer des conflits entre les barons afin de prendre l’ascendant sur eux[62]), la chanson vient dénoncer les défauts de la féodalité et ainsi appeler à la fortification de l’autorité du roi.

Simultanément, la chanson présente l’inexorabilité du destin qui, même s’il permet la réalisation de hauts faits, apporte une fin malheureuse à leurs héros. Elle dépeint des perdants glorifiés, des héros tragiques qui se sont battus en vain contre l’injustice régnante du fait du manque de contrôle du roi sur ses barons. Raoul en est l’exemple type. Pris de démesure, ses valeurs de chevalier héroïque disparaissent lorsqu’il tente de réparer le chaos produit par l’impuissance royale en se faisant justice par les armes. Le monde fictif de la chanson permet de comprendre que le soulèvement des barons n’est pas la solution à la crise : seul le retour d’un pouvoir royal fort pourra y mettre fin.
Ainsi, comme de nombreuses chansons de geste, Raoul de Cambrai fait une critique de la crise de la féodalité française des XIe et XIIe siècles à travers le cadre historique carolingien du Xe siècle. Même si sa genèse reste toujours incertaine, nous ne pouvons nier que la version qui subsiste de nos jours fut remaniée, si ce n’est composée, entre la seconde moitié du XIIe siècle et le siècle suivant du fait des thèmes abordés. La rivalité présentée dans cette chanson n’oppose, en réalité, pas le Cambrésis au Vermandois, mais le renouveau royal aux seigneurs allant à l’encontre du régime de Philippe Auguste.
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Bibliographie :
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[1] Raoul de Cambrai : chanson de geste du XIIe siècle, Paris, Lettres gothiques, 1996, 540 p., p. 33, version bilingue (ancien français et français contemporain) éditée par KAY Sarah et traduite par KIBLER William
[2] Une laisse est l’équivalent d’une strophe pour une chanson de geste.
[3] L’ost désignait l’armée composée, entre autres, de vassaux en service militaire pour leur suzerain. Tous les hommes libres y étaient soumis.
[4] Sis au nord du Vermandois, dans la partie nord de la France.
[5] Sis au nord de la France.
[6] Aussi appelé « Cycle des barons révoltés » ou, moins communément, « Geste de Doon de Mayence », qui est également le titre d’une autre chanson de geste de ce cycle. Il comprend des chansons d’époques diverses et toutes consacrées à des personnages révoltés. Du fait de leurs thèmes similaires, ces chansons furent rapprochées artificiellement durant le XIIIe siècle lorsque fut donné à ces personnages un ancêtre commun : Doon de Mayence.
[7] Raoul de Cambrai : chanson de geste du XIIe siècle du cycle des barons révoltés, Clermont-Ferrand, Paleo, 2008, 324 p., p. 11, version en ancien français éditée par DESGRUGILLERS-BILLARD Nathalie et LE GLAY Marcel
[8] SUARD François, Guide de la chanson de geste et de sa postérité littéraire (XIe-XVe), Paris, Honoré Champion, 2011, 535 p., p. 247
[9] Néanmoins, ne lisant pas couramment l’ancien français, notre étude est réalisée principalement à partir d’un ouvrage associant cette édition à la traduction en français contemporain de William Kibler. Raoul de Cambrai : chanson de geste du XIIe siècle, op. cit.
[10] Selon le texte édité par Sarah Kay.
[11] Les laisses plus longues étaient populaires dans les chansons tardives.
[12] La césure type 6//4 est rare dans les deux premières parties, un peu plus courante dans la troisième.
[13] BAUMGARTNER Emmanuèle et HARF-LANCNER Laurence, Raoul de Cambrai : l’impossible révolte, Paris, Honoré Champion, 1999, 191 p., p. 13
[14] Potentiellement Louis IV d’Outremer (entre 920 et 921-954), roi des Francs de 936 à 954.
[15] De nos jours appelé Origny Sainte-Benoîte.
[16] Sis au nord de la France.
[17] Système légal donnant droit à la vengeance lorsqu’une personne ou un collectif était lésé, notamment dans le cadre d’un meurtre. La faide opposait bien souvent des familles, des clans ou encore des lignages plutôt que de simples individus. Elle appartient au domaine de la justice privée, soit le droit de se faire justice soi-même.
[18] Commune sise dans l’actuel département du Gard.
[19] Cordoue n’était cependant plus un émirat mais un califat depuis 929.
[20] Personnage littéraire.
[21] Commune sise dans l’actuel département du Pas-de-Calais.
[22] Il subsiste néanmoins des preuves de l’existence d’au moins une ancienne version rimée.
[23] VALLECALLE Jean-Claude (dir.), Raoul de Cambrai, Paris, Ellipses, 1999, 126 p., pp. 100-102
[24] Des groupes de vers qui suggèrent une action de manière stylisée et qui sont utilisés afin de traiter des thèmes. DAUVERGNE Cécile, « La chanson de geste en France », dans La Revue d’Histoire Militaire, Les Lilas, La Revue d’Histoire Militaire, 2022, 9 p., [en ligne] https://larevuedhistoiremilitaire.fr/2022/10/04/la-chanson-de-geste-en-france/ (dernière consultation le 22/01/2023)
[25] Des expressions langagières caractéristiques et stéréotypées exprimant une idée essentielle. Celles-ci étaient régulièrement employées au cours des récits, et ce dans des conditions métriques identiques, notamment pour exprimer des motifs. Voir ibid.
[26] Raoul de Cambrai, Oxford, Clarendon press, 1992, 522 p., version bilingue (ancien français et anglais contemporain) éditée et traduite par KAY Sarah
[27] RYCHNER Jean, La Chanson de geste : essai sur l’art épique des jongleurs, Genève, Droz, 1955, 176 p., p. 42
[28] MATARASSO Pauline, Recherches historiques et littéraires sur Raoul de Cambrai, Paris, Nizet, 1962, 224 p., p. 13
[29] Ibid.
[30] HÜE Denis (éd.), L’orgueil a desmesure – Etudes sur Raoul de Cambrai, Orléans, Paradigme, 1999, 233 p., pp. 11-12
[31] Méthode visant à « trier » le texte, définissant ce qui est authentique de ce qui fut ajouté ou corrompu.
[32] GOYET Florence, Penser sans concepts : fonction de l’épopée guerrière, Paris, H. Champion, 2006, 585 p., p. 15
[33] Raoul de Cambrai : chanson de geste du XIIe siècle, op. cit., pp. 170-173
[34] Commune sise dans l’actuel département de l’Aisne.
[35] Raoul de Cambrai, chanson de geste, Paris, Firmin Didot, 1882, 383 p., pp. 15-33, version en ancien français éditée par LONGNON Auguste et MEYER Paul, [en ligne] https://archive.org/details/raouldecambraich00bertuoft (dernière consultation le 19/01/2023)
[36] Les deux prénoms ont une origine latine commune.
[37] FLODOARD, Annales, Paris, Brière, 1824, entrées de l’année 943, version bilingue (latin et français contemporain) traduite par GUIZOT François, [en ligne] http://remacle.org/bloodwolf/historiens/flodoard/annales.htm (dernière consultation le 19/01/2023)
[38] Ibid., entrées des années 923 et 925
[39] Il s’avère cependant que cette légende daterait plutôt du siècle suivant.
[40] BÉDIER Joseph, Les Légendes épiques : recherches sur la formation des chansons de geste, vol. 2, Paris, Édouard Champion, 1917 (1re éd. 1908), 471 p., pp. 382-394
[41] Ibid., p. 363
[42] Ibid., pp. 409-410
[43] Religieux vivant en communauté.
[44] Peut également s’écrire Saint-Géri.
[45] Ibid., p. 436
[46] La chronique est toutefois différente sur de nombreux points. Elle ne traite pas toute la troisième partie de la chanson de geste et fait mourir Bernier peu de temps après le conflit avec Gautier par exemple.
[47] LONGNON Auguste, « Nouvelles recherches sur les personnages de Raoul de Cambrai », dans Romania, t. 38, n°150, Paris, Honoré Champion, 1909, pp. 177-352, pp. 219-253, p. 220, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1909_num_38_150_5064 (dernière consultation le 21/01/2023)
[48] LONGNON Auguste, « Encore quelques mots à propos de Raoul de Cambrai », dans Romania, t. 37, n°147, Paris, Honoré Champion, 1908, pp. 337-496, pp. 491-496, p. 492, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1908_num_37_147_5033 (dernière consultation le 21/01/2023)
[49] MATARASSO Pauline, op. cit., p. 41
[50] Depuis le traité de Verdun de 843, et ce jusqu’au milieu du Xe siècle, le Cambrésis constituait une zone frontalière et était l’objet d’une lutte constante, passant d’un roi à l’autre selon les déplacements des limites des différents royaumes.
[51] LOT Ferdinand, Etudes sur les légendes épiques françaises, Paris, Honoré Champion, 1970, 292 p., p. 109
[52] Ibid., p. 94
[53] MATARASSO Pauline, op. cit.
[54] Du moins les deux premières parties de la chanson, Matarasso ayant mis de côté le dernier acte de l’œuvre.
[55] Ibid., p. 61
[56] Ibid., p. 80
[57] Ibid., p. 86
[58] Le thème de l’injustice royale n’est pas présent dans la chronique, Raoul est simplement envoyé par le roi venger l’emprisonnement antérieur de Charles le Simple par le comte du Vermandois qui continuait alors de s’opposer à l’autorité royale.
[59] Ibid., p. 90
[60] Notamment la question de l’héritage du fief et le thème du conflit entre le seigneur et son roi.
[61] LABARTHE Judith, L’épopée, Paris, Armand Colin, 2007, 357 p., pp. 79-80
[62] Il enlève notamment le comté de Vermandois à Philippe d’Alsace (1143-1191) en 1185 de cette manière.
Une réflexion sur “Raoul de Cambrai : le renouveau royal trahi par la démesure de la faide”