Le 14 février ne représente pas seulement la fête des amoureux, mais aussi l’histoire d’une fratrie de trois hommes. Il s’agit de l’anniversaire d’une alliance entre deux frères contre le troisième : la joie familiale chez les Carolingiens.
En 840, Louis le Pieux, fils de Charlemagne et empereur de 814 à 840, meurt et laisse derrière lui trois fils qui se partagent l’Empire carolingien. Sa disparition est synonyme d’éclatement et de discorde dans l’Empire. En effet, après la dilatatio imperii sous Charlemagne, l’autorité de l’empereur commence à chanceler sous Louis Ier le Pieux. Le système de succession, hérité des traditions franques, est problématique : chaque fils doit avoir sa part.
L’Empire est confié à l’aîné, à savoir Lothaire, en 840. Ses frères sont fragilisés par des conflits internes à leurs principautés (Bavière et Aquitaine). Mais les tensions sont si vives qu’une bataille rangée oppose, en juin 841 à Fontenoy-en-Puisaye, Charles et Louis contre Lothaire. Cet affrontement est très important, d’autant que l’année précédente, les armées de Charles et de Lothaire s’étaient rencontrées sans pour autant combattre. Il avait été convenu qu’en mai 841, les deux protagonistes se retrouveraient à Attigny afin de parler de la paix. Or, Charles ne s’est pas présenté, offrant ainsi un casus belli à Lothaire.
Pendant plus d’un mois, les forces des deux camps se réunissent : l’aristocratie du royaume prend place.
Le 25 juin, l’affrontement eut lieu et témoigna d’une violence inouïe. D’abord, par la nature même du conflit puisqu’il s’agit d’une guerre fratricide. La violence se trouve également sur le champ de bataille. Ce sont deux armées carolingiennes qui s’affrontent. Elles reposent sur la cavalerie lourde, une spécialité depuis les guerres de la fin du VIIIe siècle (Saxe, marche d’Espagne, Italie du Nord). Cette cavalerie lourde d’origine aristocratique est l’élite de l’armée. L’affrontement à Fontenoy consiste donc surtout en charges de cavalerie – d’une extrême violence, par nature, qui marqua d’ailleurs les contemporains. Lothaire est finalement défait par Charles et Louis.

Ces deux alliés de facto se retrouvent l’année suivante sous la neige strasbourgeoise, un 14 février 842. Ils se prêtent un serment d’assistance mutuelle en vue d’un éventuel autre conflit. Tous les guerriers présents prêtent également serment tour à tour dans un élan fraternel.
Nithard, petit-fils de Charlemagne et abbé laïc de Ponthieu, est un chroniqueur important pour cette période avec son Histoire des fils de Louis le Pieux. Il nous fournit un témoignage de ces serments qui ont une particularité qui les rend si importants puisqu’ils sont écrits et proclamés en deux langues : le tudesque (ancien allemand) et la langue romane (ancien français). C’est la première fois que nous avons une trace de cette dernière : en effet, la langue romane apparaît véritablement en 813, lorsque l’Église demande, durant un concile, de faire la prêche et les prières en langue romane, le latin n’étant plus assez compris. Les serments de Strasbourg sont la première source écrite témoignant de cette langue vernaculaire.

Enfin, il faut attendre le traité de Verdun en 843 pour voir une évolution dans le conflit avec le partage de l’Empire carolingien en trois parties : la Francia occidentalis (Ouest) appartient à Charles le Chauve ; la Francia orientalis (Est), appelée Germanie, est en la possession de Louis le Germanique ; et la Francia médiane (au centre) est reçue par Lothaire Ier, et est nommée Lotharingie, s’étendant de l’Italie à la Frise.
Par ailleurs, ce dernier reçoit la couronne impériale, ses frères devant ainsi se contenter du titre de roi. Ce traité est le premier d’une longue série, partageant toujours plus l’ancien empire de Charlemagne.

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