Représentation de Dagobert du XIXe siècle par Emile Signol, 1842. Nous y retrouvons les attributs royaux des Mérovingiens, comme la barbe et les cheveux longs, signes de puissance (le mund), la couronne inspirée du modèle byzantin, le manteau de pourpre et l’épée en or dont le pommeau est un bec d’oiseau (ce sont en réalité les objets qui ont été retrouvés dans la tombe du père de Clovis, Childéric Ier, au XVIIe siècle).

18 octobre 629 : Dagobert Ier, roi des Francs

Outre Clovis Ier (486-511), Dagobert Ier (629-639) est sans doute le roi mérovingien le plus connu dans la culture populaire. La chanson parodique de la seconde moitié du XVIIIe siècle – encore chantée par les enfants – Le Bon roi Dagobert en est la principale cause. Mais qui était ce personnage décrit dans les nombreuses strophes de cette chansonnette ?

Le royaume mérovingien avant le règne de Dagobert Ier

Le royaume mérovingien formé par Clovis Ier se fragmente progressivement après sa disparition. En effet, la loi salique prévoyait un partage des possessions du père entre ses fils. Le royaume de Clovis se divise donc entre Neustrie, Austrasie, Burgondie et Aquitaine. Ce partage vient semer le trouble dans l’espace mérovingien dans la seconde moitié du VIe siècle : cet épisode est considéré comme une guerre civile (ca 570-613). En réalité c’est une faide – une vendetta – qui vient déchirer et ensanglanter la famille princière mérovingienne et l’aristocratie. Mais en 613, Clotaire II – roi de Neustrie depuis 584 – prend le dessus et met un terme à la faide. Il s’empare des royaumes de Burgondie et d’Austrasie.

Ainsi, la royauté mérovingienne domine les espaces de la Gaule qui avaient été séparés à la mort de Clovis un siècle auparavant. Ce royaume mérovingien fut « placé sous l’autorité de Clotaire le Jeune qui, par la suite, le garda avec bonheur pendant seize ans, préservant la paix avec toutes les nations voisines »[1]. Clotaire II essaye de restructurer le royaume après une longue période de guerre interne. En 614, il réunit un important concile à Paris afin de réformer l’État et l’Église. Il récupère les dépendances d’Aquitaine et de Provence et administre le royaume surtout depuis le Bassin parisien et son palais de Clichy. Enfin, « la trente-neuvième année de son règne [622], Clotaire associa à son royaume son fils Dagobert, et l’établit roi sur les Austrasiens, gardant pour lui ce qui s’étendait vers la Neustrie et la Bourgogne, au-delà des Ardennes et des Vosges »[2].

Représentation de Dagobert du XIXe siècle par Emile Signol, 1842. Nous y retrouvons les attributs royaux des Mérovingiens, comme la barbe et les cheveux longs, signes de puissance (le mund), la couronne inspirée du modèle byzantin, le manteau de pourpre et l’épée en or dont le pommeau est un bec d’oiseau (ce sont en réalité les objets qui ont été retrouvés dans la tombe du père de Clovis, Childéric Ier, au XVIIe siècle).
Représentation de Dagobert du XIXe siècle par Emile Signol, 1842. Nous y retrouvons les attributs royaux des Mérovingiens, comme la barbe et les cheveux longs, signes de puissance (le mund), la couronne inspirée du modèle byzantin, le manteau de pourpre et l’épée en or dont le pommeau est un bec d’oiseau (ce sont en réalité les objets qui ont été retrouvés dans la tombe du père de Clovis, Childéric Ier, au XVIIe siècle).

Dagobert Ier, rex francorum

« Le roi Clotaire avait un fils du nom de Dagobert, qui était un enfant entreprenant et courageux, habile en tout et particulièrement adroit ». Ainsi était décrit le jeune Dagobert dans le Liber historiae francorum, aussi appelé La Geste des rois des Francs ; d’un auteur neustrien anonyme de la première moitié du VIIIe siècle. Le souvenir du règne de Dagobert semble donc toujours présent un siècle après ce dernier.

Né vers 610, Dagobert apprend très vite les réalités du pouvoir politique et militaire. Dès 622, il gouverne aux côtés de son père qui lui confie l’Austrasie. Le père et le fils se retrouvent face à des Saxons en 627 : « Où les Saxons firent la guerre contre Dagobert, où Clotaire mit à mort leur chef, et où il ne laissa en vie aucun d’eux qui fût plus grand que son épée »[3].

Carte du royaume des Francs en 628
Carte du royaume des Francs en 628

À partir de la mort de Clotaire, le 18 octobre 629, Dagobert règne seul sur l’ensemble de la Gaule franque. Afin de la gouverner, le jeune monarque place sa cour en Neustrie puis se déplace régulièrement dans le royaume : par exemple, en 630 il se rend en Bourgogne et en 631 en Austrasie. Cette administration est renforcée par des figures importantes, de jeunes aristocrates compétents qui sont devenus pour la plupart des évêques ou des abbés : Didier, évêque de Cahors et trésorier ; Wandrille, aristocrate austrasien et spirituel au conseil du roi ; Adon (saint Ouen) ; saint Éloi, orfèvre et batteur de la monnaie ; Philibert ou encore saint Omer. La plupart de ces personnages deviennent après la mort de Dagobert de grands ecclésiastiques qui ont contribué à l’évangélisation des marges du royaume.

Dagobert a été un roi important pour la religion chrétienne dans son royaume. Les personnages qui l’entourent le prouvent, mais aussi ses œuvres. En 630, en Burgondie, il fait justice à la manière du roi Salomon de l’Ancien Testament, n’hésitant pas à protéger le pauvre. Aussi, il développe et embellit l’abbaye de Saint-Denis[4], dans laquelle il est enterré à la droite du chœur.

Trône de Dagobert : en réalité, il daterait de la fin du VIIIe - début du IXe siècle (période carolingienne). C’est donc une nouvelle utilisation du nom de Dagobert. En effet, l’abbé de Saint-Denis, Suger, est le premier à appeler ce trésor, signe du pouvoir monarchiste, « Trône de Dagobert » au XIIe siècle.
Trône de Dagobert : en réalité, il daterait de la fin du VIIIe – début du IXe siècle (période carolingienne). C’est donc une nouvelle utilisation du nom de Dagobert. En effet, l’abbé de Saint-Denis, Suger, est le premier à appeler ce trésor, signe du pouvoir monarchiste, « Trône de Dagobert » au XIIe siècle.

Enfin, le règne de Dagobert Ier est marqué par un certain dynamisme du royaume des Mérovingiens, désormais unifié. En comparaison avec la période de la faide, une forme de tranquillité demeure dans le royaume, malgré des soulèvements sporadiques comme celui de la noblesse austrasienne en 634. Cette période de paix permet au souverain franc de s’affirmer sur les marges du royaume. Les Bretons, sous l’autorité du prince Judicaël, viennent prêter serment et instaurer la paix avec les Francs vers 635-636. Les Basques sont en grande partie contenus et se soumettent en 638. Dagobert a également entretenu des relations stables avec les Lombards, les Slaves et même l’empereur romain d’Orient, Héraclius.

« Le roi Dagobert, atteint d’une forte fièvre, tomba malade et mourut dans la villa d’Epinay »[5] en 639. Son règne personnel fut bref, d’une dizaine d’années, mais important pour l’histoire du royaume mérovingien. C’est la seconde et dernière fois que ce dernier est unifié. En effet, il est partagé entre Clovis II (Neustrie et Burgondie) et Sigebert III (Austrasie). Il connaît, grâce à Dagobert, un âge d’or de la dynastie mérovingienne, que nous retrouvons dans l’administration, la religion, l’unité et les « relations internationales ».

Dagobert a été un important homme d’État, permettant la création d’une légende. Dès le VIIIe siècle le Liber historiae francorum développe cette « légende de Dagobert », en voyant dans la figure du souverain franc celle d’un monarque qui a maintenu le royaume dans une certaine unité et religiosité, en opposition aux monarques mérovingiens qui perdaient progressivement du pouvoir au VIIIe siècle face au développement de celui du maire du palais. Les Carolingiens et les Capétiens gardent également un souvenir de Dagobert, mais ce dernier réapparait surtout au XVIIIe siècle avec la célèbre chanson Le Bon roi Dagobert. Elle fut écrite afin de critiquer Louis XVI et Marie-Antoinette, puis reprise en 1814 par les royalistes pour se moquer de Napoléon Ier lors de son retour pour les Cent-Jours, notamment les strophes 12 à 15. Dagobert a donc toujours été utilisé pour légitimer ou critiquer un certain pouvoir.

Strophes 12 à 15 du Bon roi Dagobert :

12. Le bon roi Dagobert avait un grand sabre de fer ; Le grand saint Eloi lui dit : Ô mon roi ! Votre Majesté pourrait se blesser. C’est vrai, lui dit le roi, qu’on me donne un sabre de bois.

[…]

14. Le bon roi Dagobert, se battait à tort, à travers ; Le grand saint Eloi lui dit : Ô mon roi ! Votre Majesté se fera tuer. C’est vrai, lui dit le roi, mets-toi bien vite devant moi.

15. Le bon roi Dagobert voulait conquérir l’univers ; Le grand saint Eloi lui dit : Ô mon roi ! Voyager si loin donne du tintouin. C’est vrai, lui dit le roi, il vaudrait mieux rester chez soi.

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[1] Chronique de Frédégaire, IV, 16

[2] Ibid., 18

[3] Liber historiae francorum, 41

[4] Chronique de Frédégaire, IV, 79

[5] Liber historiae francorum, 43

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