« Ah, destinée très dure, et maudite journée douloureuse, mauvaise fortune qui toute ma joie a tourné en déconfort ! Hélas ! Celui que j’aimais tant et si fort y trouva la mort. […] Or, c’est une mort honorable pour lui, et douloureuse pour moi. »
Adapté du Livre des Quatre Dames d’Alain Chartier, poème écrit peu après la bataille d’Azincourt.
Le matin de la Saint-Crépin 1415, sur la plaine entre les deux petits bois d’Azincourt et de Tramecourt, débuta une des batailles les plus marquantes de la guerre de Cent Ans. Ce n’était pourtant pas le premier revers français : en 1346 déjà, les troupes françaises avaient subi une lourde défaite non loin à Crécy.
À la tête des troupes anglaises, épuisées après une campagne qui avait débuté le 15 août avec le siège d’Harfleur, se trouve Henri V. C’est la première fois en cinquante ans qu’un roi anglais combat en personne dans la région. Des 8 500 hommes qui l’accompagnent, 7 000 sont des archers. En face, les troupes françaises comptent 12 000 hommes : des chevaliers et des piétons.
Alors qu’Henri V a pu disposer son armée de façon classique, les français plus nombreux se sont entassés entre les deux bois. Les nobles français, sûrs de leur victoire, se sont placés en première ligne afin d’avoir l’honneur de charger les premiers. Pourtant les troupes françaises ont peur d’avancer. C’est que d’autres troupes doivent encore arriver. Le duc de Brabant n’arrive ainsi qu’au milieu de la bataille et les ducs de Bretagne et d’Anjou n’y parviennent quant à eux qu’une fois la lutte achevée.

La bataille commence vers 11 h du matin sur un terrain boueux en raison de la pluie. Henri V fait avancer ses archers, ce qui pousse les français à charger. Le religieux de Saint-Denis dit alors des soldats français, qu’après avoir passé une nuit blanche, ils durent marcher dans « la boue, où ils s’enfonçaient jusqu’aux chevilles. Aussi, étaient-ils déjà harassés de fatigue lorsqu’ils s’avancèrent contre l’ennemi ». Ralentis, les soldats français se retrouvent à la merci d’une pluie de flèches. En outre, Henri V dispose des pieux face aux archers. Ceux-ci peuvent ainsi continuer à décocher des flèches jusqu’au moment où les chevaux les atteignent.

Les corps s’entassent, une mêlée se forme et le tout tourne à la boucherie : « Commencèrent à cheoir hommes d’armes sans nombre ; et, leurs chevaulx se mirent à fuyr arrière de leurs ennemis, à l’exemple desquelz se partirent et mirent en fuicte grant partie des François […] les archiers anglois véans ceste rompture et division en l’avant-garde, tous ensembles yssirent hors de leurs peuchons, jectèrent jus ars et flesches, en prenant leurs espées, haches et aultres armures et bastons. Sy se boutèrent par les kieulx où ilz veoient les romptures ; là abattoient et occisoient François » (Grandes Chroniques de France). Ceux qui ne sont pas tués meurent asphyxiés par les corps qui continuent de tomber sur eux, pressés contre la boue.
Le duc de Brabant finit par arriver : il n’a pas le temps de mettre son armure, il charge. Il ne sera qu’un des nombreux nobles qui perdront la vie lors de cette bataille sanglante. Comme à Crécy, encore une fois, la noblesse française est décimée. Six mille chevaliers français sont tués dont des princes de sang, des comtes et plusieurs barons. Du côté anglais, les pertes sont au total de treize chevaliers dont le duc d’York et une centaine de soldats. La victoire anglaise est écrasante.
Une fois la bataille terminée, alors que de nombreux français ont été fait prisonniers, Henry V, pensant qu’une autre bataille allait suivre, ordonne l’exécution des soldats restés vivants. Ainsi, Guillebert de Lannoy, diplomate flamand au service du duc de Bourgogne, qui avait été tiré de sous les cadavres et mis dans une maison avec une douzaine d’autres prisonniers, voit alors les anglais mettre feu à la maison. Il réussit à s’échapper mais est capturé de nouveau.
Cette bataille est donc un véritable carnage. Pourtant, elle n’est pas pour autant décisive. Le roi de France, Charles VI, atteint de « folie », n’est pas présent. Le royaume se maintient donc. Ce qui est davantage important, c’est la démoralisation du camp français et le nombre de combattants tués. Ce sont une partie des raisons qui font qu’aujourd’hui même, cette bataille reste l’une des plus connues de la guerre de Cent Ans et aussi l’une de celles qui ont fait couler le plus d’encre.
Alors que le combat était terminé et que les troupes anglaises s’apprêtaient à partir, Henri V demanda à un combattant le nom du château qui était visible depuis le champ de bataille. C’est ainsi qu’il prononça cette phrase restée célèbre et à laquelle ce sanglant épisode doit son nom : « Pour tant que toutes batailles doivent porter le nom de la prochaine forteresse où elles sont faites, ceste ci, maintenant et perdurablement, aura nom : la Bataille d’Agincourt ».
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