Violence et sociétés sont intrinsèquement liées. C’est en réaction à son expression à l’état naturel que l’Homme s’est organisé en société. La violence est depuis devenue monopole étatique – quoique celui-ci puisse être contesté et/ou disputé dans certains cas, notamment insurrectionnel -, la protection face aux menaces étant l’une des conditions à l’organisation puis à la sédentarisation de l’être humain. Définir une Histoire de la violence organisée se heurte cependant à de nombreux obstacles liés au manque de sources et aux développements des communautés humaines. L’archéologie apparaît alors comme la discipline maîtresse pour tenter de réfléchir les représentations de cette violence organisée durant l’Antiquité et la Protohistoire.
L’Antiquité est, des quatre périodes historiographiques que nous connaissons, la plus longue. Plus nous avançons dans le temps, plus les périodes se font courtes. L’Antiquité fait suite à la Préhistoire, elle s’étend donc conventionnellement de l’apparition de l’écriture en Mésopotamie au cours du IVe millénaire av. J.-C. à l’effondrement de l’empire romain d’occident vers la fin du Ve siècle ap. J.-C.. Du latin antiquus, signifiant « ancien, antérieur », cette époque se définit en fonction de la maîtrise de l’écriture chez certains peuples. Une communauté ne la connaissant pas fait donc partie de la protohistoire, selon la définition scientifique. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’un peuple protohistorique évolue dans un cadre antérieur à tout systèmes d’écriture. L’apparition de celle-ci n’a pas été simultanée et pour une même période, certains peuples la maîtrisaient, d’autres non.
Par ailleurs, l’Antiquité a fortement marqué l’Histoire. Les peuples et leurs intellectuels se sont souvent inspirées de cette époque pour forger leurs propres identités, interprétant l’héritage des écrivains antiques, devenus dès lors garant d’une référence universelle, depuis le Moyen Âge jusqu’à l’époque contemporaine. Autrement dit l’Antiquité, entraînée par la partialité des époques qui lui succèdent, semble avoir peu à peu emprunté un chemin pavé de nombreuses mystifications. A partir de la fin du XVIIIe siècle jusqu’à la première moitié du XXe siècle, les mouvements nationalistes ont en effet fondé leurs réflexions sur l’Antiquité afin de retracer l’histoire de leurs nations en les enfermant dans un cadre géographique et idéologique.
Cette période perd cependant son rôle politique dès la seconde moitié du XXe siècle : l’heure n’est plus à regarder vers l’arrière, mais vers l’avant. Elle prend alors un nouveau tournant : l’antiquité se développe à travers la culture populaire. L’image et l’usage que nous en avons aujourd’hui se retrouvent notamment au cinéma (300, Spartacus, Gladiator…), dans la BD (Astérix, Papyrus, Alix…), dans les jeux-vidéos (Total War Rome I & II, Assassin’s Creed Origins & Odyssey ; Age of Empires ; God of War …) ou encore à travers l’urbanisme. Les dimensions politiques et militaires y sont d’ailleurs souvent mises en scènes et imprègnent fortement l’imaginaire collectif. La représentation ainsi construite souffre alors d’un manque de réalisme, dû à des lacunes directement liées aux difficultés inhérentes à l’étude de l’Antiquité.
En effet, travailler sur cette période, et notamment sur sa thématique guerrière, implique nécessairement l’utilisation de sources diverses et variées. Leur relative ancienneté ne représente pas moins un obstacle de taille : les sources primaires littéraires les plus accessibles se retrouvent majoritairement dans les sociétés dites développées – Grèce, Proche-Orient ou Rome. Lorsque l’empire romain atteint son apogée au Ier siècle ap. J.-C., le problème de l’inaccessibilité des sources se réduit fortement, bien qu’il demeure pour les marges de l’empire à l’Est et au Nord. Les écrits mentionnant les sujets guerriers, eux, ne manquent pas, la guerre étant à cette période un phénomène normalisé : les grands auteurs font références à des batailles, des armées, des doctrines, des armements.
Néanmoins, les sources primaires de la protohistoire – qui concernent donc les peuples ne maîtrisant peu ou pas l’écriture – semblent plus lacunaires et abstraites, ce qui limite alors nos connaissances à leur propos. Heureusement, l’Historien n’est pas totalement démuni face à ses lacunes, car il lui est possible de recourir à de nombreuses disciplines comme l’archéologie et la numismatique. D’autres peuples maîtrisant l’écriture ont aussi pu décrire ces sociétés protohistoriques dont ils pouvaient être contemporains, apportant un support complémentaire.
Or, qu’il s’agisse de sources protohistoriques ou historiques, se pose forcément le problème de l’analyse puis de l’exploitation de celles-ci. Chaque source étant réalisée dans un contexte et dans un but particuliers, il est en effet difficile de fixer l’exactitude des faits présentés. Force est de constater que La guerre des Gaules de César, l’Étendard d’Ur ou les restes d’un ceinturon celte ne feront pas l’objet d’un même traitement par les historiens spécialistes des thématiques militaires. Se pose alors la problématique de cette Antiquité enfouie sous les mythes. De la description à l’interprétation, de quelle manière retranscrire fidèlement l’Histoire militaire de l’Antiquité ?
Ce nouveau dossier abordera ainsi des thèmes aussi variés que l’art de la guerre sumérien dépeint à l’aune de trouvailles archéologiques ; les évolutions technologiques majeures de la panoplie du soldat celte et leur influence sur la manière de combattre ; l’utilisation de l’écriture en tant qu’outil politique avec La guerre des Gaules de Jules César ; ou encore un bref panorama de l’armée romaine grâce à une exposition. L’Asie ne sera pas non plus en reste dans ce dossier, avec une approche des premières traces du fait guerrier au Japon, mais aussi de la philosophie de la guerre à travers les philosophes de l’antiquité chinoise et son interprétation par les généraux sur le champ de bataille.
Bonne lecture !
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