
Une redingote grise sous un austère bicorne, de grands soldats arborant les sombres bonnets à poils, leur fière moustache et la Légion d’honneur reçue pour avoir souri aux canons de l’Europe coalisée contre la France de 1793 à 1815, voilà ce qui apparaît au monde lorsque sonne le nom de la « Grande Armée ». De ces hommes, issus du fertile terreau français de la Révolution, qui ont permis à la France de se hisser au sommet de l’Europe, il nous reste des mémoires, les récits d’écrivains bâtisseurs de légendes et les efforts colossaux des historiens pour analyser, comprendre et raconter une des plus grandes aventures humaines de l’histoire du pays. Agrégé et docteur en histoire, enseignant-chercheur à l’université de Saint-Étienne et colonel de réserve, Jean-François Brun a contribué à ce vaste ouvrage historique depuis 20 ans en décortiquant les entrailles du colosse qui a su vaincre toutes les monarchies du continent.
Suivant la route sage et souvent efficace qui va du général aux particuliers, Jean-François Brun s’emploie à définir et à détailler les principes sur lesquels l’armée napoléonienne s’est reposée et les structures militaires qui lui ont permis de s’y maintenir, notamment la manœuvre. Il en rappelle les trois principes dans la culture militaire française : la concentration des forces, la liberté d’action et l’économie des forces. Il définit la première par la capacité des éléments d’une armée à se disperser et à se réunir rapidement pour frapper avec supériorité sur un point décisif ; la deuxième par la juste liberté d’initiative laissée aux officiers pour répondre aux imprévus des combats ; et la troisième par la capacité à employer les forces dont on dispose de manière équilibrée.
Il s’emploie ensuite à retracer les grandes évolutions des tactiques militaires européennes datant du XVIe siècle dans lesquelles s’inscrivent les doctrines des armées révolutionnaires, puis impériales, avec notamment l’enjeu de la combinaison entre la puissance de feu et la mobilité.
Dans un premier temps, est détaillée la manière dont sont prises les décisions au sein de l’armée impériale, c’est-à-dire l’équilibre entre les ordres centraux de Napoléon destinés à fixer l’orientation générale et la liberté de prendre l’initiative. Cette dernière, nécessaire pour faire face aux circonstances imprévues des campagnes et des batailles, est laissée aux maréchaux et subordonnés.
Dans un second temps, Jean-François Brun nous offre un portrait complet de la structure organisationnelle de la Grande Armée. Il passe ensuite par la dimension individuelle du soldat dans le combat et, lorsqu’il marche ou que le canon se tait, la manière dont on le loge, l’habille et le nourrit. Par là même, toute la dimension logistique des campagnes napoléoniennes est analysée : l’approvisionnement en vivres, en vêtements, la question des soins apportés aux soldats et aux chevaux. L’ouvrage a le grand avantage d’être enrichi par treize fiches thématiques sur les différentes parties de l’armée. Certes, l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie sont présentes, mais est aussi mentionnée la place qu’occupent les chevaux dans la Grande Armée et donc le traitement, souvent peu décrit en détails, hormis dans les circonstances de famine, qui leur était réservé.
Une mention particulière est à porter au dernier thème étudié par Jean-François Brun : l’armée royale italienne. Quand on parle de l’armée de Napoléon, on n’oublie pas les corps étrangers qui ont servi sous ses drapeaux, comme les glorieux lanciers polonais, hollandais ou encore la cavalerie mamelouk présente sur le plateau de Pratzen, lorsque le soleil vint éclairer la victoire d’Austerlitz. Néanmoins, il est peu de descriptions précises de l’armée transalpine créée sur le modèle de la France conquérante du nord de la péninsule.
C’est donc une description très précise, technique et complète de toutes les parties du corps militaire impérial et de la manière dont il se mouvait que ceux qui étudient l’histoire militaire, ou qui ne goûtent simplement qu’à l’épopée napoléonienne, devraient bien vite se procurer !
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Bibliographie :
BRUN Jean-François, La Grande Armée : analyse d’une machine de guerre, Paris, Pierre de Taillac, 2022, 572 p.