25 ans a forger les armes de demain

225 ans à forger les armes de demain – Section Technique de l’Armée de terre

Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, José MAIGRE.

Chaque unité, régiment ou service, de nos forces armées a ressenti, un jour ou l’autre, le désir légitime de narrer son passé, avec ses heures de gloire, ses bons et mauvais moments, tout en évoquant bien sûr son présent et ses perspectives d’avenir. La STAT, ou Section Technique de l’Armée de Terre, n’a pas échappé à la règle, ce qui nous vaut ce bel album richement illustré coordonné par le colonel Jérôme Christ et par Jean Bénech, historien et officier de réserve. Elle a une longue histoire cette Section technique car sa création remonte 225 années en arrière, au 18 floréal an III – soit le 7 mai 1795 – sous la Convention thermidorienne. Son insigne porte fièrement cette date fondatrice avec deux canons du remarquable système de Gribeauval qui la rattachent au passé des « armes savantes » de l’Ancien Régime, et ensuite au Comité d’artillerie. N’oublions pas au passage, en cette période où l’on vient de fêter le bicentenaire du décès de l’empereur, l’excellence de notre école d’artillerie, au sens large du terme, dont sont sortis des officiers de la trempe d’un Napoléon Bonaparte, ancien de Brienne, de l’École Militaire et d’Auxonne.

D’emblée, le Comité d’artillerie s’est intéressé à tout le vaste champ de la puissance de feu et à toute la panoplie de l’armement, au-delà des seules bouches à feu, canons et mortiers. Mais pas seulement : il ne s’est interdit aucune recherche qui rendrait plus efficace l’action ou la vie quotidienne du combattant au contact de l’ennemi. Il a d’ailleurs changé d’appellation en devenant en 1886 une Section technique spécifique au même titre que celles de l’Infanterie, de la Cavalerie ou du Génie, pour ne citer que les principales. Après la Seconde Guerre mondiale, et une participation active à la Résistance, ces Sections techniques ont été regroupées en une seule, commune à l’ensemble de l’Armée. Comme le dit dans sa préface le général Hervé Gomart, major général de l’armée de Terre, en passant plus d’un siècle en revue :

« Du fusil Lebel au HK 416, du canon de 75 au Caesar, du premier Schneider au char Leclerc et à toutes nos familles de véhicules blindés, du téléphone de campagne aux postes radio de dernière génération, des débuts de l’aviation militaire aux hélicoptères et drones les plus récents, la STAT reste fidèle à sa mission première d’accompagnement des grandes évolutions capacitaires de l’armée de Terre »

Travaillant en lien étroit avec la Direction générale de l’Armement, la DGA, la STAT est implantée à Satory pour ce qui est de sa portion centrale, mais aussi à Mourmelon ou au plus près de la brigade parachutiste dans la région toulousaine. La STAT – au sein de huit groupements – procède à l’évaluation des équipements et matériels proposés par les industriels, et s’assure de leur adéquation avec les besoins opérationnels remontés par les unités, et ce depuis leur conception et les premières expérimentations jusqu’au retrait du service des dits matériels et équipements. L’accent est évidemment mis sur les prévisions de coût, les délais de réalisation et les performances définies par l’État-major de l’armée de Terre, mais aussi sur les dépenses d’entretien et de rénovation prévisibles. La devise de la « maison » – Être exact – permet de bien augurer de la recherche constante du meilleur ratio qualité-prix, même si on doit se résoudre à acheter à l’étranger quand la production nationale fait défaut.

L’exemple le plus parlant à ce sujet est le remplacement du FAMAS, le fusil d’assaut conçu dans les années 70 au sein de la manufacture d’armes de Saint-Etienne. Après la fermeture programmée de Saint-Étienne en l’an 2000, il a fallu chercher ailleurs le successeur du fameux « clairon » qui avait permis à l’armée française d’égaler en efficacité les célèbres fusils d’assaut américain (M-16) ou soviétique (Kalachnikov). C’est une arme allemande qui a été choisie pour le remplacer – le HK 416 F – après plusieurs mois d’évaluation et d’essais menés par les équipes de la STAT et de la DGA en 2015-16 : « Plus de trois cent soixante critères ont été passés au crible parmi lesquels la fiabilité, la précision du tir et la compatibilité avec le système FÉLIN »[1]. Un chiffre très parlant : 190 000 balles ordinaires et d’exercice ont été tirées avant son adoption par l’armée de Terre en mai 2017 !

La STAT est une unité interarmes qui emploie aussi nombre de civils de la Défense. Cette diversité des origines professionnelles n’empêche pas un réel esprit de corps. On y trouve des personnels militaires à la compétence reconnue avec des missions spécifiques : officiers de programme, officiers de marque, sous-officiers expérimentateurs… Elle a recours aussi à un certain nombre de réservistes opérationnels aptes à renforcer immédiatement les équipes sur le terrain. Être une unité technique exigeante, qui prépare le combat du futur, ne l’empêche pas de se mesurer également aux réalités immédiates en portant aide et assistance aux forces engagées en opérations extérieures ou dans le cadre du plan Vigipirate, lorsqu’elles ont besoin de son expertise. Les hommes et les femmes de la STAT déploient quotidiennement leur savoir-faire et leur sens de l’engagement en conduisant aujourd’hui pas moins de 400 opérations de haute technologie, y compris les batteries de test ou de simulation, au profit des unités opérationnelles qui constituent l’ossature de nos forces armées… et ce n’est pas un mince mérite !

José MAIGRE membre de la Commission Française d’Histoire Militaire

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Bibliographie :

Section Technique de l’Armée de terre (STAT), 225 ans à forger les armes de demain, Saint-Rémy-en-L’Eau, éditions Monelle Hayot, 2021, 200 p.


[1] N. B. FÉLIN est un acronyme pour « Fantassin à équipements et liaisons intégrés ». Il s’agit d’un système de combat individuel développé à partir du milieu des années 1990 par la société SAFRAN qui permet d’améliorer cinq fonctions essentielles du combattant d’aujourd’hui et de demain : la communication, l’observation, la létalité, la protection, et enfin la mobilité indissociable du soutien au soldat.

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