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Les maréchaux d’Empire : les paladins de Napoléon – BRUYERE-OSTELLS Walter

Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, Vincent ARBARÉTIER.

Traitant un sujet qui n’avait pas été mis à l’ordre du jour du monde de l’édition depuis il y a vingt à trente ans, par Louis Chardigny ou Frédéric Hulot, le Professeur Walter Bruyère-Ostells s’est essayé à un style difficile qui est de retracer en un peu moins de 400 pages le destin de ceux qu’il a appelés fort justement les « paladins de Napoléon ». D’emblée, dans une première partie, il les étudie en parallèle en les caractérisant non seulement d’après leurs origines sociales, mais aussi selon leurs qualités et leurs défauts, tant au plan militaire, qu’au plan administratif ou tout simplement humain. Dans ce qu’il appelle « la fabrique des maréchaux », il montre la filiation directe de ces chefs de guerre confirmés avec les évènements tragiques de la Révolution en soulignant l’opportunité que fut pour eux l’émigration de certains chefs militaires, et les besoins énormes en officiers influés par la levée en masse.

Sur ces vingt-six hommes titulaires de cette dignité, une poignée appartenaient aux « vieux héros » qui eurent « soif de tranquillité » au crépuscule de l’empire, tels que François Christophe Kellermann, François-Joseph Lefebvre, Catherine-Dominique Pérignon, Jean Mathieu Philibert Sérurier ou Bon Adrien Jeannot de Moncey, le futur premier inspecteur de la gendarmerie. Ensuite, il y eut « les guerriers flamboyants » au premier rang desquels figure le beau-frère de Napoléon, le chef de sa réserve de cavalerie, Joachim Murat. Ensuite se pressent, parfois moins connus mais tout aussi valeureux, Nicolas Charles Oudinot, ou Jean-Baptiste Bessières, Michel Ney, Jean-Baptiste Kléber, des maréchaux qui participèrent à la légende des guerres impériales, excellents tacticiens, mais souvent des brillants seconds de l’empereur… et pas des stratèges. Tous ces guerriers reçurent d’ailleurs « d’innombrables blessures » qui témoignèrent de leur courage. La catégorie suivante concerne les « profiteurs, ambitieux et girouettes ». On y trouve Pierre Augereau, André Masséna, Jean-Baptiste Bernadotte, futur roi de Suède, Claude-Victor Perrin (dit Victor), Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont et Jean-de-Dieu Soult. Cette catégorie d’officiers « ralliés » à Bonaparte, puis à Napoléon, sont toujours prêts à « profiter de la situation » en vue de poursuivre une stratégie personnelle de réussite sociale, tout en montrant, comme les premiers, du courage sur les champs de bataille.

Ces ambitieux « sans morale » seront les premiers des maréchaux qui abandonneront l’Empereur à l’heure des revers. L’auteur nous décrit ensuite une autre sorte de maréchaux qu’il qualifie « d’hommes de sang-froid » parmi lesquels on trouve Louis-Alexandre Berthier, Louis Gabriel Suchet, Edouard Casimir Mortier, Etienne Jacques Joseph Alexandre Macdonald, ou Louis-Nicolas Davout, qui parfois, comme les précédents, ont montré quelques insuffisances, voire jouer aussi les « girouettes », mais se singularisent surtout par leurs aptitudes militaires, tactiques certes, mais surtout opératives (dirait-on aujourd’hui), et aussi, pour certains d’entre eux, stratégiques. En eux, Bonaparte a repéré leur talent militaire et a vu comment leurs services pourraient être optimisés au sien. Ces maréchaux, en effet, contrairement aux précédents, sont capables de « concevoir des campagnes ou d’opérer « en autonomie ». Enfin, la dernière des catégories décrite concerne « les maréchaux en marge, relégués ou maudits » au sein desquels on trouve Jean-Baptiste Jourdan, Guillaume Marie-Anne Brune, Laurent Gouvion-Saint-Cyr, Emmanuel de Grouchy et Josef Poniatowski.

Ces maréchaux connurent divers destins, tragiques ou incompris, parfois peu glorieux qui firent d’eux souvent des parias dans la mémoire collective de la « geste napoléonienne ». Dans une seconde partie, Walter Bruyère-Ostells nous dépeint l’œuvre parallèle de ce nouveau César et de ses « Prétoriens » lors des grandes batailles de l’Empire : bien sûr Austerlitz, mais aussi Wagram ou la Campagne de 1812, et ensuite au moment des choix fatidiques de 1814 et de 1815. Dans une troisième et dernière partie sont évoquées les « splendeurs et misères » de ces « guerriers courtisans ». Dans un chapitre intitulé « au champ d’honneur » l’auteur nous livre une « anthropologie du maréchal au combat ». Dans une autre partie, sont évoqués les « agents administrateurs de l’impérialisme napoléonien », puis leurs vies personnelles, souvent intimes, nous sont décrites dans un chapitre intitulé « le repos du guerrier » avant de finir par un dernier opus nommé opportunément « Gloire, fortune et dynasties » où sont retracés les aspects très matériels de leurs vies.

Pour conclure, il faut admettre que le Professeur Bruyère-Ostells a réussi très magistralement à définir et à nous faire saisir les points communs entre cette petite trentaine d’hommes, pourtant si différents les uns des autres, mais ayant partagé leur destin avec celui de leur maître qu’ils ont servi, souvent trahi et pour lequel ils sont parfois tombés comme leurs soldats, sur les champs de bataille. Toutefois, leur taux de mortalité reste relativement faible par rapport à celui de leurs soldats, officiers et généraux : seulement 4 pour un total de 26, à mettre en relation avec les 193 généraux, 7 500 officiers et 400 000 hommes tués en vingt ans de guerre de 1795 à 1815. Ce livre mérite à coup sûr de figurer dans toute bibliothèque de passionné de l’Empire !

Lieutenant-Colonel Vincent ARBARÉTIER, administrateur de la Commission Française d’Histoire Militaire

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Bibliographie

BRUYERE-OSTELLS Walter, Les maréchaux d’Empire : les paladins de Napoléon, Paris, Perrin, 2021, 379 p.

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