Le phénomène Staline, Vladimir Fedorovski

Le phénomène Staline – FEDOROVSKI Vladimir

Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, Michel LOUSTAU.

Staline « superstar » dans la Russie de Vladimir Poutine ? Il semble bien que oui, selon l’auteur, orfèvre en la matière. Le « Vojd » a inspiré d’excellents biographes — Souvarine, Volkogonov, Montefiore, Radzinski, Jean-Jacques Marie, Khlevniouk — mais V. Fedorovski apporte sur le personnage des révélations et des réflexions stimulantes. Pour Staline, le système est infaillible, l’erreur ne pouvant provenir que des cadres, et le culte marxiste-léniniste engendre son « ennemi intime », l’hérétique déviationniste, comme au temps de l’inquisiteur Bernard Gui et des Cathares – l’auteur cite ici Georges Duby[1]. Après d’intéressants aperçus sur le comportement du despote envers les femmes, Vladimir Fedorovski rappelle qu’il n’a qu’un seul modèle, Ivan IV le Terrible (1530-1584).

Le Goulag, né de facto en 1919 aux îles Solovki, a suscité une effarante bataille de chiffres : 80 millions de morts pour Soljenitsyne, 815 639 victimes (1921-1953) et 4 308 487 détenus (1918-1953) selon le FSB et les néostaliniens. Pour l’Américain Rummel, le communisme soviétique a tué 61,9 millions de civils nationaux et étrangers entre 1917 et 1987 ; Sheila Fitzpatrick crédite la Grande Terreur de 15 millions de morts, dont 9 millions de déportés[2]. L’affaire Toukhatchevski est relatée en une dizaine de pages très suggestives sur la méthode du Géorgien envers tous ceux qui auraient pu lui faire de l’ombre. Pour Nicolas Werth, les Grandes Purges de 1937-1938 ont fait entre 750 000 et 850 000 morts pour plus de 2 millions d’arrestations, dont 60 000 apparatchiks et plus de la moitié des officiers de l’Armée rouge.

Pourtant – mais est-ce vraiment un paradoxe ? – ce tyran sanguinaire, bon élève au séminaire de Tiflis, possédait une bibliothèque de 20 000 volumes et s’intéressait à tout, y compris à la magie noire. Dirigeant russe le plus cultivé depuis Catherine II[3], il appréciait beaucoup Dostoïevski. Encensé par Romain Rolland et Louis Aragon, il instrumentalise Mikhaïl Cholokhov, l’auteur du Don paisible, lors de la famine du Kouban en 1933.

Atteint de cécité volontaire devant l’opération Barbarossa en dépit de tous les avertissements qui lui ont été donnés, il se ressaisit en juillet 1941, pendant qu’Hitler tire des plans sur les futures « Indes du Reich » où les seigneurs teutoniques domineront les Slaves. La « Grande Guerre patriotique » a coûté 27 millions de morts à l’URSS et 10 millions de « zeks » sont passés par le Goulag, dont 2 millions de morts, parmi lesquels les Soviétiques livrés au maître du Kremlin par les Anglo-Américains en 1945. Maréchal, généralissime, héros de l’URSS, Staline est à l’apogée de son règne, conforté par la bombe A en 1949 et la bombe H en 1952. Après avoir créé le district autonome juif du Birobidjan en Sibérie et aidé Israël, il s’en prend au « complot sioniste » et aux « blouses blanches » – neuf médecins dont six juifs, qui le soignaient – mais meurt le 5 mars 1953, peut-être empoisonné par Beria, son âme damnée[4].

Michel LOUSTAU secrétaire général de la Commission Française d’Histoire Militaire

Si vous avez aimé cet article, nous vous conseillons également :


Bibliographie :

FEDOROVSKI Vladimir, Le phénomène Staline : du tyran rouge au grand vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Stock, 2020, 318 p.


[1] FEDOROVSKI Vladimir, Le phénomène Staline : du tyran rouge au grand vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Stock, 2020, 318 p., p. 68

[2] Ibid., pp. 128-131

[3] Ibid., p. 205

[4] Ibid., pp. 304-306

Laisser un commentaire