Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, Michel LOUSTAU.
Staline a nommé 38 maréchaux : cinq en 1935, trois en 1940, huit en 1943-1944 et un (Sokolovski) en 1946. Les auteurs en présentent donc dix-sept, ayant écarté d’une part Staline, Beria et Boulganine, d’autre part les « maréchaux d’arme » (troupes blindées, artillerie, génie, transmissions, aviation). Leur rétablissement en 1935 clôt une période d’antimilitarisme bolchevik qui avait aboli le nom même d’officier au profit des « commandants » – kombrig, komdiv, komkor, komandarm -, surveillés de près par les commissaires politiques, tant est grande chez les communistes la hantise du « généralat » comme disait Robespierre. Le contexte de 1935 explique ce changement : slogan stalinien « Les cadres décident de tout » et double menace, allemande – Hitler vient de rétablir le service militaire obligatoire – et japonaise sur la frontière de l’Amour.
Les raisons de l’élévation des cinq premiers sont claires : Vorochilov, commissaire du peuple à la Défense, est l’œil de Staline, Boudienny, inspecteur général de la cavalerie, a commandé la légendaire Konarmia, la Ire Armée de cavalerie de la guerre civile, Egorov est chef d’état-major général, Blücher est à la tête de l’armée d’Extrême-Orient, et Toukhatchevski, un aristocrate qui a rallié les bolcheviks, est le génie militaire reconnu de l’Armée rouge. En 1940 sont créés maréchaux Timochenko, vainqueur de la Finlande, l’érudit et courtois Chapochnikov, mentor militaire du Vojd, et l’artilleur Koulik (son armée est très importante en Russie depuis Pierre le Grand). La promotion de 1943 comprend Joukov, le sauveur de Moscou, Vassilevski, disciple de Chapochnikov, et Staline lui-même, qui ne donne pas suite à un projet d’oukase le nommant généralissime de l’URSS, mais qui l’acceptera finalement en juin 1945. Les victoires de 1944 sont suivies de l’accession au maréchalat de Koniev, dont Staline aiguillonne la rivalité avec Joukov, Govorov, défenseur de Leningrad, Rokossovki, maître d’œuvre de l’opération Bagration en Biélorussie, Malinovski, vainqueur de la Roumanie, Tolboukhine, qui a conquis Budapest et Vienne, et Meretskov, des fronts de Carélie et de Mandchourie. Nommé en 1946, Sokolovski commande les forces soviétiques en Allemagne.
Plus jeunes que les maréchaux d’Hitler, les Soviétiques sont en majorité Russes. Quatre sont issus de la classe ouvrière, neuf de la paysannerie, quatre fils d’employés, un noble (Toukhatchevski), un fils de pope (Vassilevski), deux officiers supérieurs de l’armée du Tsar (Egorov et Chapochnikov). Seuls trois étaient bolcheviks avant 1917 : Vorochilov, Blücher et Meretskov. Leur formation ne vaut pas celle de leurs homologues de la Wehrmacht, mais ils ont retenu les leçons des maîtres de l’art opératif : Sviétchine, Isserson, Triandafillov. Douze ont fait la Première Guerre mondiale, et tous la guerre civile, dont la sauvagerie les a marqués (dix millions de morts), avec la rapidité, la surprise, les attaques en profondeur[1]. La Grande Terreur ne les a pas épargnés : trois fusillés – Toukhatchevski, Egorov, Blücher – et deux torturés (Rokossovki, Meretskov). N’ont pas été maréchaux les talentueux Vatoutine et Tcherniakhovski, tués au combat. Eremenko et Bagramian sont promus en 1955, et Golikov en 1961.
Le glossaire, les cartes, les notes, la bibliographie et l’index seront utiles à des lecteurs que nous souhaitons nombreux pour un ouvrage plein d’intérêt.
Michel LOUSTAU secrétaire général de la Commission Française d’Histoire Militaire
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Bibliographie :
LOPEZ Jean et OTKHMEZURI Lasha, Les maréchaux de Staline, Paris, Perrin, 2021, 534 p.
[1] LOPEZ Jean et OTKHMEZURI Lasha, Les maréchaux de Staline, Paris, Perrin, 2021, 534 p., pp. 25-26