Après le règne d’Ivan IV dit le Terrible (1533-1584), un épisode appelé « le temps des Troubles » (1584-1613) apparaît et ébranle la Russie. Le règne de son fils, Fédor Ier, de 1584 à 1598, est le dernier de la dynastie des Riourikides. La première dynastie moscovite s’éteint avec lui, et laisse la Russie en proie aux troubles politiques.
Irina Godounova, veuve de Fédor, conseille alors aux boïars de choisir comme chef son frère, Boris Godounov. En février 1598, celui-ci est élu par une assemblée d’ecclésiastiques, de nobles et de marchands. Il convoque une armée afin de repousser les Tatars et le taux de réponse est immense : Boris est légitimé par le peuple, il se fait couronner. Il semblerait alors que tout aille pour le mieux en Russie après la disparition des Riourikides : une nouvelle dynastie accède au pouvoir.
Cependant, ce sentiment d’équilibre ne dure pas. Les récoltes de 1601 et de 1602 sont très mauvaises à cause du climat. Malgré l’importation et la distribution gratuite de blé à Moscou pour les pauvres, Boris ne parvient pas à endiguer la disette. Alors qu’il avait restitué la liberté pour les paysans, il doit en 1603 rétablir les années interdites (une forme de servage où le paysan est attaché pendant un temps à une terre).

Les troubles apparaissent concrètement à ce moment-là. Les fantômes du passé ressurgissent. Le 15 mai 1591, le tsarévitch Dimitri (fils du tsar Ivan IV, frère cadet de Fédor) meurt égorgé. Les circonstances de sa mort sont douteuses, certains pensent qu’il est décédé pendant une crise d’épilepsie, d’autres qu’il a soit été tué par Boris Godounov, soit qu’il n’est pas mort et qu’il a été caché. Cet assassinat fait scandale et, au début des années 1600, il n’est toujours pas élucidé. Or, en février, le moine Grégoire Otrep’ev s’enfuit du monastère du Miracle et se présente comme étant le tsarévitch Dimitri. Cette usurpation crée un contre-pouvoir, terreau d’une guerre civile naissante. Il s’enfuit à Kiev afin de demander l’aide des Polonais, qui s’empressent de la lui accorder. L’alliance va plus loin avec une promesse de mariage faite entre ledit Dimitri et l’aristocrate polonaise Marina Mniszek le 25 mai 1604.
Le faux-Dimitri entre en Russie par le sud-ouest le 13 octobre 1604 avec une armée : des batailles éclatent et certaines villes lui ouvrent leurs portes. Boris Godounov meurt à Moscou en avril 1605. Le faux-Dimitri parvient donc à prendre le pouvoir avec son armée en assassinant la femme de Boris et son fils, Fédor Godounov. Mais, le faux-Dimitri est lui-même assassiné un an plus tard, le 17 mai 1606. La guerre civile commence. Elle s’avère d’autant plus violente qu’une puissance étrangère, la Pologne, y participe.

Les provinces se soulèvent petit à petit et un boïar, Vassili Chouiski, devient tsar de 1606 à 1610. Or, son pouvoir est territorialement limité. Des troupes rebelles affrontent aux portes de Moscou les troupes loyales à l’automne 1606. Les choses semblent s’arranger quand le 20 février 1607 une cérémonie du pardon collectif est célébrée à Moscou.
Mais une seconde vague de révolte surgit au printemps 1607 : un second faux-Dimitri entre en Russie. Il est orateur, riche, et soutenu par les Polonais et les Lituaniens. Ces atouts lui permettent de développer son action en Russie. En parallèle, le roi de Pologne entre en Russie. Il assiège, par exemple, Smolensk de septembre 1609 au 3 juin 1611 : la ville est prise. Une autre puissance étrangère veut aussi sa part du gâteau russe : les Suédois occupent Novgorod avec l’assentiment de la population du 16 juillet 1611 à février 1617.
Les Polonais et le faux-Dimitri rentrent dans Moscou le 21 septembre 1610. Ce dernier est assassiné en décembre. La Pologne occupe donc Smolensk et Moscou. La guerre civile prend un tournant avec une résistance anti-polonaise qui se forme suite à l’appel du patriarche Hermogène. Dès lors, un prince polonais règne sur Moscou : Ladislas Vasa (issus d’une dynastie régnant à la fois sur la Pologne, la Suède et maintenant la Russie).
Afin de faire face aux Polonais, une coalition nationale russe se forme et opère entre mars et juillet 1611. Mais c’est un échec. Le 30 août 1611, le patriarche appelle à résister. Le 26 octobre 1612, les efforts de cette résistance et de la coalition nationale libèrent Moscou.
Une assemblée du peuple – zemski sobor – se rassemble au début de l’année 1613 afin d’élire un nouveau tsar. Le 21 février 1613, un neveu d’Anastasia Romanova (femme d’Ivan le Terrible), Mikhail (Michel) Romanov, devient Tsar de Russie. Il le resta jusqu’en 1645.
La dynastie qu’il fonde perdra le pouvoir en 1917 après les révolutions russes. Le dernier tsar, Nicolas II, connaîtra avec sa famille le même sort réservé à de nombreux russes pendant le temps des Troubles : l’assassinat.
Pour aller plus loin, retrouvez notre article sur l’Histoire militaire russe entre le XIVe et le XVIIIe siècle : A l’Est rien de nouveau : de la Principauté de Moscou à la Russie impériale, pour une histoire militaire russe
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