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En 1622, les armées de Louis XIII assiègent la place forte de Montpellier, où Henri II de Rohan commande les révoltés huguenots, sujets protestants du royaume de France. Alors que plus d’un an a passé depuis le début de la rébellion, le roi réunit son conseil et demande à Claude de Bullion, avocat au parlement de Paris allé à la rencontre des assiégés, son « opinion »[1] sur la suite des événements.
Sire, j’ay toujours ouy dire qu’en la guerre celuy quy en a le proffit en remporte l’honneur : c’est pourquoy je conseilleray toujours a Vostre Majesté d’aller au solide, sans vous arrester a de petites formalités quy ne sont point essentielles. Sy la ville de Montpelier vous refusoit l’obeissance et la sommission quy vous est due, et qu’ils sont obligés de vous rendre, je vous dirois qu’il la faudroit destruire, et exterminer : mais c’est un peuple allarmé et espouvanté des menaces que l’on leur a faites de les piller, et destruire, violer leurs femmes, et filles, et brusler leurs maisons, quy vous supplie au nom de Dieu que vous faciés recevoir son obéissance par monsieur vostre connestable lequel y entrera, vous en estant eslongné, avesques telles forces qu’il luy plaira, pour y faire valoir et reconnestre l’autorité de Vostre Majesté, quy est la mesme chose que sy vous y entriés vous mesme. Pourquoy voulés vous, pour une puntille de rien, ne recevoir une paix sy utile et honorable pour Vostre Majesté, et plustost entreprendre une longue guerre, dont l’evenement est douteux et la despense excessive, dans un païs ou les chaleurs sont immoderées, et exposer vostre propre personne aux outrages de la guerre et de la sayson, pouvant vous en exempter sans dommage ny blasme ? Car des maintenant Vostre Majesté peut recevoir la paix, ou pour dire mieux, la donner a vos sujets rebelles.[2]
Rapporté par François de Bassompierre, promu maréchal de France après le siège, le discours de Claude de Bullion est riche de deux enseignements. D’une part, des « menaces » de pillage, d’incendie, de destruction et, non des moindres, de viol, ont été brandies devant les rebelles de Montpellier : le pouvoir royal n’a pas rechigné à entretenir le spectre d’exactions redoutées. D’autre part, l’exercice de telles violences fait débat : Bullion, qui n’est pas militaire, préconise plutôt de cesser de faire couler le sang et de s’en tenir à une paix à portée de main. D’abord dubitatif, le roi se rallie finalement à cette seconde solution, et fait son entrée dans Montpellier après avoir signé, le 18 octobre, un traité avec le duc de Rohan mettant un terme provisoire à la rébellion et démantelant les places fortes huguenotes, excepté celles de Montauban et de La Rochelle.
Pour Bullion, la seule menace de brutalités contre le « peuple » de Montpellier devrait suffire à ramener les « sujets rebelles » du roi dans le droit chemin de la soumission à ce dernier. En faire usage ferait à l’inverse courir le risque d’hostilités prolongées et de nouveaux « outrages de la guerre », ceux-là contre le roi lui-même. La violence sexuelle, parmi d’autres violences, semble donc bien être considérée comme un traitement pouvant être fait à l’ennemi, mais choisir de la déchaîner ne va pas sans risque d’escalade, quand sa seule évocation a un effet dissuasif. L’intérêt de l’État[3], qui gagne à une paix rapide, prévaut au choix de ne pas la mettre en œuvre dans le cas présent.
Les rapports entre la violence faite aux femmes et la raison militaire, au sens des logiques qui prévalent à l’usage de la force armée, ne sont donc ni évidents ni uniformes. Nous l’avons vu, le viol par des troupiers est souvent regretté par les officiers qui le rapportent des années plus tard, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’ils luttent effectivement contre une telle pratique ou cherchent à la prévenir. A contrario, le viol peut servir d’arme de guerre, ce qui ne signifie pas pour autant que tout viol commis en temps de guerre réponde à une intention militaire ou à une visée performative[4]. En temps de guerre, le calcul préside à la prise de décision quant à l’attitude vis-à-vis de la violence sexuelle : l’empêcher, la tolérer ou l’encourager.
Dans bien des cas, la troupe comme les officiers trouvent, à un certain degré, leur compte dans l’exercice de cette violence : c’est sur cette apparente communauté d’intérêt, qui ne va pas sans ambigüité, que s’ouvre cette seconde partie de notre étude. Des efforts de canalisation et de contrôle de cette violence sont toutefois entrepris par l’État monarchique, soucieux de ne pas laisser libre cours, sur son territoire, aux pulsions sexuelles de gens de guerre qui menacent l’ordre public, comme nous l’étudierons ensuite. Enfin, l’usage méthodique et systématique de cette violence de genre par des autorités conscientes, dans des circonstances particulières, des dommages suscités par celles-ci dans la population visée seront abordés.
Une communauté d’intérêt ? Le viol, la troupe et l’officier
« Nous verrons demain, il faut bien que le soldat s’amuse… »[5], aurait répondu Jean t’Serclaës, comte de Tilly et commandant de l’armée impériale et catholique, à certains de ses subordonnés lors du sac de Magdebourg par ses troupes, un sac qui aurait vu, le 20 mai 1631, les femmes « déshonorées dans les bras de leur époux, les filles aux pieds de leur père agonisant ». Le massacre des habitants de la ville ne fait aucun doute pour l’historiographie. En revanche, les propos supposés de Tilly, rapportés un siècle et demi plus tard par l’écrivain et poète de langue allemande Friedrich von Schiller, auteur d’une Histoire de la guerre de Trente ans, ne sont pas authentiques.
La propagande protestante et de nombreux récits font état de violences massives. Le caractère sexuel de ces exactions ressort de l’image régulièrement employée du « mariage de Magdebourg » unissant l’Empereur – ou Tilly – à la Vierge, symbole héraldique de la ville protestante, une image qui semble constituer un insolent euphémisme… Toutefois, l’historiographie récente tend à relativiser tant l’importance des violences sexuelles lors de la prise de la ville que le rôle du comte de Tilly, qui pourrait au contraire avoir cherché, en vain, à ramener l’ordre parmi ses troupes[6] – une situation qui n’est pas rare.

Aux yeux du camp protestant, qu’importe. L’occasion est trop belle de contrecarrer la réputation d’intégrité et d’abstinence qui entoure Tilly. Magdebourg est ainsi érigée en symbole de la violence de guerre au XVIIe siècle, une image qu’elle a longtemps gardée[7]. De fait, même si elle n’est pas authentique, l’attitude prêtée au comte semble plausible. En guerre, et tout particulièrement au terme de longs sièges comme en connaît alors l’Europe, il est fréquent que des officiers tolèrent les violences illicites commises par leurs hommes. Ces derniers apparaissent comme gratifiés, outre du butin, d’une forme de récompense bien particulière.
Viol et discipline
Sans être au cœur du projet disciplinaire de l’armée à l’époque moderne, les mœurs sexuelles des gens de guerre sont indirectement prises en considération et marquées par ce vaste travail. À l’heure où la rationalité occupe une place croissante dans l’exercice de la guerre, la discipline militaire gagne en importance et le maniement des armes, qui en est l’objet principal, « ne se limite pas à un façonnage des corps pour aider à surmonter les fatigues de la guerre »[8], étant aussi « porteur d’un projet moral ».
Il en va ainsi des mousquetaires de la Maison du roi, qui sont soumis à une instruction et à une discipline permanentes visant non seulement à faire d’eux des troupes d’élite et de futurs officiers dans les autres unités des armées françaises, mais aussi à encadrer leur fougue de jeunes nobles[9]. Philosophie néo-stoïcienne et traités d’arts martiaux du début du XVIIe siècle visent à une moralisation de la discipline corporelle, si bien que, « instrument de la civilisation des mœurs, le contrôle de soi devient également la garantie de l’efficacité militaire »[10], visant à « l’intériorisation des principes par l’entendement ».
Le théologien et moraliste Pierre Charron écrit en 1601, dans De la Sagesse, que « cette discipline doit tendre à deux fins : à rendre les soldats vaillants et gens de bien : et ainsi elle a deux parties, la vaillance et les mœurs »[11]. Les « mœurs » définissent les « gens de bien » et, dès lors, la discipline des gens de guerre devrait y viser, au même titre qu’elle vise à la vaillance. Exercice du corps et élévation morale vont désormais de pair dans la formation du soldat, et la sexualité de ce dernier, relevant tant du corporel que du moral, ne saurait désormais être ignorée.
La prise en considération des mœurs des gens de guerre par un homme d’Église n’est pas une exception, les clercs n’étant pas étrangers au projet disciplinaire de l’État moderne. « La moralisation des troupes ne pouvait se faire sans le concours de la religion »[12], écrit André Corvisier, pionnier de l’histoire sociale des armées, soulignant le développement de l’aumônerie en France, qui reste toutefois plus marginal que dans d’autres armées européennes comme celle de l’Espagne. La guerre de Trente Ans (1618-1648)[13] représente une période charnière dans le développement de ces catéchismes, favorisé par la justice militaire qui ne se limite pas à garantir des châtiments[14]. En plus d’exercer leur ministère dans les rangs, plusieurs de ces religieux écrivent des ouvrages destinés à l’élévation des gens de guerre, une littérature qui tend, avec le temps, à s’adresser aux soldats du rang en plus des officiers[15], et où la question sexuelle n’est pas absente.
En effet, il ressort de ces écrits que la luxure est l’un des grands péchés du soldat, avec le blasphème, le jeu ou le parjure, au point d’être élevée par l’archiprêtre espagnol Juan Bautista Gil de Velasco, auteur d’un manuel paru en 1643, au rang d’« abominable vice »[16]. Le mot de luxure, désignant un trop fort penchant pour les plaisirs de la chair, n’est toutefois pas synonyme de viol : ce n’est, sous la plume de l’aumônier espagnol, pas la non-prise en compte du consentement féminin qui fait la faute, mais la sexualité trop active elle-même. Une douzaine d’années plus tard, le Français Thomas Le Blanc, qui consacre un chapitre entier de son manuel Le Soldat généreux à la nécessité pour le soldat de prendre garde à ce péché capital, pointe quant à lui explicitement le viol comme un comportement à proscrire :
Le Soldat généreux doit fuir l’impudicité, à cause qu’elle ruine & renverse les Roiaumes & les Empires, excitant les rebellions des sujets, & renforceant les ennemis par une juste vengeance de Dieu. Les Vépres Siciliénes en donnent un funeste exemple à la France : & la révolte du Comte Julien, en Espagne ; à cause que le Roy Theodoric avoit violé sa fille Cava, il amena une armée de Mores, qui prirent presque toutes les Espagnes, & les ont tenues plus de sept cens ans.[17]
L’accent est mis sur les conséquences de l’acte d’« impudicité », qui aurait été la cause de la chute d’États par le passé : même chez un clerc, et chez un clerc nommant clairement le viol, c’est en tant qu’erreurs stratégiques, potentiellement dévastatrices, que les violences sexuelles sont interdites aux soldats, alors même qu’il rappelait quelques pages plus haut que l’ivresse pouvait favoriser le « péché » de luxure. Sans doute faut-il voir derrière de tels arguments une adaptation du discours ecclésiastique à l’angle des problématiques militaires, les arguments moraux n’y suffisant plus. Comme les autres textes de ce genre, Le Soldat généreux est un manuel composé à l’aune d’une « pragmatique de la guerre »[18] : l’interdit n’est pas motivé par un devoir de respecter l’honneur d’une femme mais par les conséquences militaires – « rébellions », motivation des ennemis par la « juste vengeance de Dieu » – d’un attentat à celui-ci. En creux, l’usage de tels arguments témoigne, outre de la fréquence de telles violences et de la conception du rôle disciplinaire de l’aumônerie, d’un échec à empêcher les désordres de la soldatesque[19] par la discipline morale et l’encadrement religieux des gens de guerre.
Il ressort donc des écrits des aumôniers militaires que le viol est avant tout perçu comme un problème disciplinaire, et combattu à ce titre, plutôt que comme un crime d’une grande gravité. En attestent également les jugements de tribunaux militaires qui, notamment dans l’Empire russe, infligent bien plus souvent des peines corporelles, comme des coups, que la peine de mort prévue par les textes de lois[20]. La violence des supplices infligés à des soldats qui contreviendraient à la discipline des rangs apparaît ainsi dans L’art militaire ou les exercices de Mars du dessinateur Nicolas Guérard, publié à la fin du siècle.


Les soldats sont forcés à porter aux pieds des boulets de canon, charge lourde, s’ils se sont rendus coupables de « fripponnerie » ou surpris avec des « coureuses », autrement dit avec des prostituées. Pour des faits liés, entre autres, à leur sexualité, ils sont ainsi exposés à la vue de leurs pairs et des passants – des enfants apparaissent, semblant pointer du doigt les troupiers – du haut du « cheval de bois », position surélevée dont ils ne peuvent bouger. Vexation publique et supplice corporel vont de pair dans la punition des indisciplinés. Sur l’estampe suivante, un compère subit le « châtiment » des baguettes, consistant à « le dépouiller nud jusqu’à la Ceinture sa chemise pendante sur ses Chausses » avant de le faire frapper par ses camarades répartis en deux rangées entre lesquelles il doit passer plusieurs fois. Dans ce dernier cas, le calvaire subi vise non seulement à faire endurer au soldat une douleur infligée par ses camarades, mais également à lui ôter sa dignité corporelle par la mise à nu d’une partie de son corps.
L’« arsenal d’épouvante »[21] judiciaire – et disciplinaire – qui se montre à l’occasion de tels châtiments publics dissimule un nombre bien plus important de faits impunis, voire non poursuivis[22]. Dans l’armée aussi, « la rigueur des exemples compensait l’inexactitude », le prévôt et les archers formant une « cavalcade spectaculaire »[23] faute de véritablement parvenir à leurs fins. À défaut d’être systématiques, les coupables n’étant, pour beaucoup, pas retrouvés ou arrêtés, les châtiments se veulent spectaculaires et misent sur l’humiliation et la molestation physique de l’interpellé, sur la peur que leur supplice doit dégager, une méthode loin d’être parfaitement dissuasive.
Au contraire, ces pratiques peuvent provoquer des effets pervers, en deux manières. D’une part, le supplicié, soumis aux railleries et aux coups des siens, est blessé dans son amour-propre et son estime de soi en plus de son corps, une blessure pouvant susciter une volonté de violence[24], vindicative, sur d’autres, tandis que ses tortionnaires s’habituent à faire du mal à un autre qu’à l’ennemi. Chez l’un, la violence ainsi subie est vécue de l’intérieur comme destinée à être, à l’avenir, extériorisée, quand elle devient progressivement un acte de routine chez les autres. Ainsi, la confrontation future avec un quidam en incapacité de se défendre – par exemple, avec une femme du pays traversé – risque de s’avérer particulièrement agressive, favorisée par l’accoutumance à cette brutalité ou par la volonté d’exorciser celle-ci. C’est là un effet pervers de la discipline volontiers farouche et arbitraire qu’endurent les gens de guerre, y compris lorsque c’est précisément pour des violences faites aux non-combattants qu’ils sont sanctionnés. Ainsi, un soldat condamné au supplice des baguettes pour avoir agressé sexuellement une civile peut développer un sentiment de rancœur et une velléité de vengeance, et s’accoutumer de la sorte à une violence grandissante.
D’autre part, ces supplices sont traversés par une contradiction : exposé de la sorte aux yeux de tous, le criminel est « pris et publiquement désigné comme déviant »[25], ce qui « constitue probablement l’une des phases les plus cruciales du processus de formation d’un mode de comportement déviant stable », écrit le sociologue de la déviance Howard Becker. L’individu est alors amené à évoluer dans sa participation ultérieure à la vie sociale, dans sa propre image de lui-même et de celle que les autres ont de lui. Métaphoriquement sinon physiquement, l’insolent est marqué au fer rouge. Il est montré au public dans sa marginalité, pour sa marginalité, et peut désormais être connu de ceux de ses pairs qui ont commis le même genre d’actes déviants, qui peuvent chercher à l’intégrer dans leurs sociabilités délinquantes. Devenu indésirable aux yeux de ceux qui se refuseraient à de tels méfaits, le supplicié obtient la possibilité de rejoindre un « groupe déviant organisé », ce qui représente la « dernière étape d’une carrière déviante » selon Becker[26]. À ce titre également, la discipline et de la justice des armées peuvent faire l’effet inverse, autrement dit favoriser de nouveaux comportements illicites.
Or, nous l’avons vu, il est des moments, comme les prises et pillages de villes et de places fortes, où ceux-ci sont légion. Du point de vue du rang, ces circonstances, qui mettent aux prises des militaires et des non-combattants, constituent donc autant d’occasions d’exutoires à la violence disciplinaire subie, des exutoires dont peuvent s’accommoder les officiers. En effet, ceux-ci restent largement, surtout au début du siècle, des « entrepreneurs militaires »[27] qui, en peine de rémunérer systématiquement leurs soldats recrutés par contrat, et confrontés à des phénomènes massifs de désertion, ont tendance à tolérer les manquements aux coutumes de la guerre. En laissant leurs hommes commettre des exactions pour leur survie ou pour leur profit, comme le pillage, les officiers ne font, d’un point de vue économique, qu’externaliser un coût qui, dans le cas contraire, pourrait se payer en mutineries ou en désertion contre eux-mêmes. L’historien Paul Vo-Ha observe ainsi que le pillage, qui est en principe un manquement à la discipline, permet parfois, paradoxalement, à l’officier de maintenir le moral des troupes et, par là même, de garantir un certain ordre dans le rang[28]. En tolérant de tels agissements, un officier croit pouvoir satisfaire davantage ses troupes et donc prévenir leur insoumission. Il est même tout à fait envisageable que, dès le recrutement de leurs hommes, les officiers préméditent le recours au pillage des villes qui viendraient à être prises, conscients de leur incapacité à rétribuer leurs hommes.
Toutefois, adopter une telle attitude revient à laisser la porte ouverte à la répétition de ce genre d’exactions, donnant potentiellement lieu à une « rapide acculturation des soldats qui tentent de reproduire ces scènes lors de chaque prise de ville, outrepassant parfois la volonté des chefs »[29], une acculturation qui peut également être reliée à l’accoutumance de la violence disciplinaire. Cette alliance objective entre des soldats motivés par un butin de diverses natures et des officiers qui préfèrent laisser leurs hommes rapiner plutôt que de les payer systématiquement n’est pas inconnue du roi Louis XIV lui-même, qui écrit en 1666 :
Ce n’est pas que je ne susse bien, que l’esprit de libertinage est ordinairement l’un des motifs qui attirent le plus de gens à la profession militaire, et qu’il s’est trouvé des chefs, même de nos jours, qui se sont si bien prévalus de cette maxime, qu’ils ont long-temps entretenu des armées fort nombreuses, sans leur donner d’autre solde que la licence de piller partout.[30]
Le terme de « libertinage » employé par le Roi-Soleil désigne, dès le XVIIe siècle, une culture de la liberté de pensée et de conduite, visant à l’affranchissement vis-à-vis des diverses sujétions sociales, politiques, religieuses ou morales à l’œuvre dans la société d’Ancien Régime[31]. Le libertinage s’observe aussi bien dans les esprits que dans les mœurs, et chez les deux sexes – ce qui ne signifie pas pour autant que tous les libertins aient systématiquement prêté attention au consentement de leurs fréquentations féminines – et il est loin de se réduire à des pratiques de quelques aristocrates désœuvrés, constituant bien une indiscipline à l’égard de l’ordre établi.
Pour Didier Foucault, historien de la question, les guerres du XVIIe siècle marquent bien une « perte des repères anciens, au profit d’une jouissance spontanée et désespérée du moment présent »[32] et au détriment du christianisme, prétexte à la guerre de Trente Ans. L’auteur l’illustre à travers l’exemple d’Albrecht von Wallenstein, l’un des plus grands entrepreneurs militaires de cette guerre, luthérien converti au catholicisme et devenu généralissime des armées catholiques de l’Empire[33]. Motivé uniquement par la richesse et le pouvoir, il laisse ses troupes piller sans retenue les pays amis comme ennemis, parfois contre ses compatriotes ou son souverain. Archétypal de l’attitude de laissez-faire adoptée par de nombreux officiers à l’égard des comportements de leurs hommes, le cas de Wallenstein semble témoigner d’une réelle communauté d’intérêts avec ces soldats qui, eux-mêmes libertins, ne prêtent guère d’attention au consentement des femmes qu’ils rencontrent…

Si, comme nous l’avons montré, le viol des femmes est un corollaire presque systématique de la prise d’une place ou du pillage d’une ville ou d’un village, il est donc possible d’affirmer, sans grossir le trait, que le viol s’insère dans le champ des stratégies mises en œuvre par les officiers pour s’assurer de la docilité de leurs hommes. De fait, en plus de constituer une morbide rétribution de l’effort de guerre du combattant, cet acte lui permet d’extérioriser, en l’inversant, la violence qu’il a reçue de ses officiers et de ses pairs à l’occasion de sanctions disciplinaires. Les femmes constituent bel et bien, pour les gens de guerre, une part du butin. C’est l’un d’eux qui en parle le mieux, à savoir le lansquenet germanique Peter Hagendorf, seul soldat du rang du XVIIe siècle à avoir laissé un journal écrit de sa main qui soit parvenu aux historiens, et où il est question, à plusieurs reprises, de son rapport aux femmes. N’écrivant pas pour la postérité mais livrant un témoignage d’en bas, au jour le jour, d’une guerre dont il ne perçoit pas véritablement la logique, il ne cherche pas à édulcorer la réalité ou à l’aseptiser[34]. Lorsqu’il raconte le pillage par sa troupe de la ville bavaroise de Landshut, il précise ainsi :
Nous nous sommes arrêtés là huit jours, pendant lesquels nous avons pillé la ville. J’y ai reçu, en guise de butin, une jolie jeune fille et douze thalers d’argent, des habits et du linge blanc, ce qui m’a suffi. Quand nous sommes partis, je l’ai renvoyée à Landshut.[35]
La qualification de « butin »[36] que donne le lansquenet de la jeune fille est révélatrice : cette personne est renvoyée à son caractère de possession au même titre que l’argent et les vêtements qu’obtient Hagendorf, ce qui souligne tant la réification à l’œuvre dans de tels moments que l’ordinaire d’une telle prédation, assumée par le mercenaire. Une telle dénomination par un soldat en personne est particulièrement révélatrice. Pour autant, le lansquenet ne donne aucune précision sur son rapport à sa prisonnière : on ne sait s’il s’en sert effectivement comme d’une esclave sexuelle. Son appréciation de la beauté de la jeune fille est la seule considération qu’il en émet, ce qui peut suggérer qu’il en ait effectivement extorqué des faveurs ; peut-être considère-t-il que le sort de cette jeune fille va de soi et ne ressent-il donc pas le besoin de l’expliciter. C’est donc un semi-aveu qui est ici fait par Peter Hagendorf, qui raconte la prise du « butin » comme la délivrance de sa captive sans considération morale, n’émettant pas de regret d’en avoir ainsi pris possession et ne se présentant pas non plus comme un libérateur lorsqu’il la laisse partir. Comme dans le reste de son journal, il n’y a là « aucune prise de position, aucune mise à distance »[37] et un tel récit semble ne causer aucun embarras à son auteur.
Toutefois, quelques paragraphes plus loin, il semble apporter une justification au comportement qu’il a adopté à la suite du pillage de Pforzheim, duquel il a également ramené une jeune fille avant de la libérer[38]. De nouveau, le traitement fait à celle-ci n’est pas précisé, mais le mercenaire juge bon de souligner qu’il n’avait pas alors d’épouse, ce qui semble sonner comme une excuse[39] et donc comme une reconnaissance à demi-mot de la violence sexuelle.
Lorsqu’un officier autorise ses hommes à piller une ville ou une place prise d’assaut pour obtenir un butin, il les autorise à se saisir par la même occasion d’un butin féminin qui attire bien des convoitises. Il a, en effet, intérêt à procéder ainsi, pour éviter que ses hommes ne désertent, par exemple pour gagner une autre unité dont l’officier serait plus conciliant… De la sorte, l’officier s’attribue le droit de tirer indirectement profit de la présence de femmes dans les lieux traversés par des soldats. Si le viol n’est pas purement, dans de telles circonstances, une arme de guerre, étant donné qu’il n’a pas en lui-même d’influence sur le sort des armes, il est bien un outil dont peut bénéficier l’officier, un outil de guerre. Cette logique peut toutefois aller plus loin.
Viol et logiques d’attrition et de terreur
Au-delà de l’expression d’un défoulement sans bornes ou d’une volonté de rétribution en nature de la combativité des soldats, la violence sexuelle exercée par ces derniers s’insère dans les logiques d’hostilité. Le viol des femmes de l’ennemi est un moyen de semer la discorde et la terreur chez celui-ci. En ce sens, la violence sexuelle prend toute sa place dans les raisons militaires qui veulent qu’on s’en prenne à l’ennemi.
En effet, les femmes violées sont, dans bien des cas, les femmes de l’ennemi et elles sont prises pour cibles à ce titre. Si toutes les victimes de viol lors de la prise d’une ville ne sont pas stricto sensu les épouses des défenseurs de cette dernière, leur présence en cet endroit tend à les associer, au moins discursivement, à ceux-ci. La culture de l’honneur sous l’Ancien Régime rend cette affirmation d’autant plus vraie concernant cette période. L’honneur n’y est pas qu’une affaire individuelle, celui d’un individu étant directement imbriqué avec celui de son groupe, et un individu qui perd la face ruinant la réputation du groupe qu’il représente, tout entier[40]. En particulier, le groupe familial est perçu comme « un tout »[41], dont l’individualité des membres est niée, conduisant à l’opprobre pour tous si l’un est déshonoré. Tous les membres de ce groupe sont donc des victimes indirectes, discursives, d’un crime d’honneur commis contre l’un d’entre eux. Par essence, les membres de la communauté et de la famille de la femme violentée, en particulier les hommes qui sont censés être les garants de l’intégrité sexuelle des femmes de leur famille, sont atteints par cette offense.
Dans la société d’Ancien Régime, l’épouse d’un homme est perçue comme la propriété de ce dernier plutôt que comme son égale[42]. Dès lors, du point de vue d’un militaire, l’épouse de l’ennemi paraît-elle relever de la propriété de l’ennemi, au même titre que peut en relever une place ennemie, possession patrimoniale de l’ennemi, ou la ville qu’on pille après l’avoir conquise sur lui. Y concourt le jus in corpore, principe du droit canon consacrant le droit réciproque des époux sur le corps l’un de l’autre[43]. Il est révélateur que, chez les juristes civils comme Le Brun de la Rochette, auteur d’un traité sur Les procès civils et criminels, les abus de soldats servent d’exemple à la définition d’un certain type d’adultère :
La troisième [forme d’adultère est] quand la femme n’a pas commis la faute de sa pure et libre volonté, comme l’insolence effrénée des soldats a fait voir plusieurs fois, pendant la licencieuse impunité de nos guerres civiles, au sac et prise des villes et forteresses de ce royaume, emportées par assauts, où les plus chastes filles, et honorables matrones n’ont pu éviter la fureur de leurs sacrilèges mains et de leurs impudiques efforts, […].[44]
Le viol d’une femme mariée, notamment lorsqu’il est le fait de soldats, apparaît donc comme un adultère : cette notion semble ne pas nécessairement dépendre, aux yeux de Claude Le Brun de la Rochette, de la volonté de l’épouse. S’en prendre à l’épouse de l’ennemi, même si elle devait résister, c’est donc léser la propriété de celui-ci, et, in fine, le viser lui-même, lui infliger une nouvelle défaite. Le viol étant une manifestation de la domination des hommes sur les femmes, le viol des femmes de l’ennemi vaincu est l’expression de ce double ascendant, sur les femmes et sur l’ennemi. C’est un acte performatif, un acte qui vise également les hommes vaincus, détruisant l’illusion de puissance et de propriété qui pouvait être la leur[45]. Ceux-ci sont, symboliquement, castrés. Non seulement leurs femmes, supposées leur appartenir, leur sont prises, mais leur incapacité à les protéger est mise en relief par l’acte même du viol de celles-ci, ce qui contribue à rabaisser aussi les hommes[46].
La prise des femmes de l’ennemi se fait donc complémentaire de celle de ses places, une association d’ailleurs renforcée par l’emploi du vocabulaire du combat et de la conquête pour désigner le fait sexuel. Le viol apparaît, dès lors, comme une métaphore de l’invasion[47], ce dont témoigne son caractère quasi systématique. L’intellectuelle féministe Susan Brownmiller écrivait ainsi, en 1975, que « le viol en temps de guerre a un effet militaire tout autant qu’il répond à une impulsion spontanée »[48], son effet étant l’intimidation et la démoralisation des victimes et des hommes qui les entourent. Il est « l’acte d’un conquérant »[49], non seulement au sens où le preneur de la ville profite de son statut de conquérant pour faire ce qui lui plait des femmes, mais aussi parce que le viol contribue, en lui-même, à la conquête sur l’ennemi. Il a pour conséquence potentielle de mettre à bas celui-ci, psychologiquement et émotionnellement, et de terrifier les défenseurs des prochaines villes ou places que l’on a l’intention de conquérir, pour mieux les dissuader de se défendre. La volonté d’officiers ou de chefs de guerre de marquer des points contre l’ennemi peut, dès lors, trouver dans le déchaînement de violence sexuelle de leurs hommes une circonstance opportune.
Tel est le cas en janvier 1675, pendant la guerre de Hollande[50], lorsque la ville de Colmar, conquise par les armées françaises en 1673 puis reprise par les Impériaux en 1674, est finalement capturée à nouveau par les troupes françaises du duc de Turenne. La résistance tenace de la ville excède le capitaine général, qui la soumet plusieurs jours au pillage, laissant, comme il l’écrit lui-même dans une lettre au grand bailli trois ans plus tard, « toutes les honnestes filles et femmes violées et martyrisées à mort »[51]. La licence laissée aux troupes est assumée par Turenne, dans une stratégie punitive, visant à briser l’esprit de résistance des ennemis[52]. Il s’agit de faire comprendre à ceux-ci, et surtout aux garnisons de villes qui n’auraient pas encore été prises, ce qu’il en coûte de ne pas plier face aux armées du roi de France : de la sorte, on fait usage de terreur dans une guerre de conquête.
Il est toutefois intéressant de constater que des violences sexuelles se font également jour dans les situations non de victoire, mais de défaite ou de retraite d’une armée. De tels faits consécutifs à un échec tactique ou stratégique semblent, a priori, aller à l’encontre d’une analyse reliant le viol à une attitude de conquête. Leur signification n’est à coup sûr pas tout à fait la même que dans ces circonstances. Toutefois, le « message passé entre les hommes » par l’acte de viol, message dont la femme victime est « interprète »[53] selon les mots de Susan Brownmiller, se lit toutefois également dans de tels contextes. Autrement dit, l’intention définitive, celle de viser les hommes et de les vaincre sur le terrain de la sexualité, tout en suscitant chez eux un potentiel traumatisme sur le plus long terme, est la même, comme en attestent plusieurs épisodes.
Des épisodes ultérieurs semblent, de fait, attester de telles pratiques de la part d’une armée qui, vaincue ou en passe de l’être, bat en retraite. Ces pratiques ne sont pas sans conséquences psychologiques et émotionnelles. En 1652, l’armée du duc de Lorraine Charles IV, qui a échoué à peser dans la Fronde, se livre à une retraite de grande ampleur vers les Pays-Bas espagnols, une manœuvre qui s’accompagne de maraudes, viols et pillages dans le pays traversé[54]. Si les sources manquent pour comprendre avec certitude l’intention à l’œuvre chez les Lorrains, toujours est-il que les ravages qu’ils commettent font couler beaucoup d’encre dans une France où les mazarinades circulent rapidement, et que la mémoire collective de Picardie retient 1652 comme « l’année des Lorrains »[55].
Les troupes de Charles IV n’en sont visiblement pas à leur coup d’essai puisque, dès 1635, la Gazette les accusait d’avoir commis des « crüautez auparavant inouïes »[56] et notamment d’avoir « violé, emmené les filles » lorsqu’elles abandonnèrent le village de Moyen aux troupes françaises. Vaincues sur les champs de bataille, les armées lorraines l’ont emporté sur le long terme, parvenant à une « victoire posthume »[57], alors que la défaite semblait acquise, en laissant le pays visiblement traumatisé par leurs exactions. Les hommes du duc de Lorraine ont pris une revanche sexuelle à leur défaite militaire. S’il n’a pas tiré de profit politique à la Fronde, le duc laisse derrière lui un souvenir vivace.
L’année suivante, la ville de Vervins, au nord-est de la France, change plusieurs fois de mains et sa population féminine en fait les frais. Fin janvier 1653, alors que la guerre franco-espagnole continue, Vervins est emportée par des troupes espagnoles, dont le gouverneur ne rechigne pas à se rendre « le mesme jour qu’il avoit esté investi »[58], lorsqu’arrive le maréchal de Turenne, décidé à reprendre la ville pour le royaume de France, rapporte la Gazette. Le gouverneur quitte donc Vervins avec ses troupes dès le 28 janvier, non sans avoir « pillé la Sacristie de l’Église, la maison du Curé, avec plusieurs autres, violé quelques femmes & commis diverses crüautez au préjudice de la capitulation qu’ils avoyent accordée entrans dans la place »[59]. N’ayant visiblement pas le courage de défendre les lieux contre une armée ennemie, le gouverneur s’en prend aux plus faibles, aux femmes, comme dans une volonté, de sa part et de celle de ses hommes, de tirer un profit personnel d’une ville qu’il leur faut quitter. Non seulement le gouverneur s’attaque, parmi d’autres, aux femmes de la ville, mais il contrevient de la sorte à la parole qui fut donnée lorsque les Espagnols emportèrent la place en signant un acte de capitulation avec les assiégés, quelques jours après son émission. Davantage qu’une violence, c’est là une transgression[60], rendant ces faits d’autant plus condamnables aux yeux des troupes françaises venues reprendre la ville.
De fait, la présence d’une clause relative à la préservation de l’honneur des femmes dans une capitulation passée entre assiégeants et assiégés, mettant un terme contractuel aux hostilités, ne doit pas surprendre. En 1639, la ville franc-comtoise de Pontarlier se rend à Bernard de Saxe-Weimar, général au service de la France pendant la guerre de Trente Ans, et obtient de lui un tel engagement concernant les femmes et les religieuses[61].
En 1710 encore, la capitulation de Saint-Venant stipule qu’« aucun tort ne sera fait à la garnison sur le chemin, non plus qu’au sexe féminin »[62]. Une telle précision dans un document comme celui-ci souligne en creux la permanence, avec les décennies, de ce risque, sans quoi elle serait inutile[63]. Toutefois, pendant une guerre d’attrition comme celle de Succession d’Espagne, dont les sièges sont marqués par une généralisation des assauts[64] visant à affaiblir l’ennemi – ce à quoi la violence sexuelle, même dans le cas où elle relèverait de la seule initiative de soldats du rang échappant à la vigilance de leurs chefs, peut contribuer -, elle atteste aussi de la relative importance accordée à une telle question par les deux camps. À une échelle tactique et micro-diplomatique – il est bien question ici de documents portant sur la reddition de places assiégées et non de traités de paix entre États -, les hommes réunis à la table des négociations semblent prendre en compte ce paramètre, ce qui signifie, du même coup, que celui-ci peut servir de moyen de pression dans les pourparlers et que des seuils de violence peuvent être franchis pour contraindre l’ennemi à la discussion.
Néanmoins, l’exemple de Vervins atteste de la précarité de telles dispositions, dont le respect n’est nullement garanti. Il en va de même lorsque, en 1643, en pleine guerre civile anglaise, Bristol est prise par les troupes royalistes aux partisans des parlementaires[65] : en dépit de la promesse écrite des vainqueurs, les femmes de la ville sont violées. Même l’intérieur du royaume, lorsqu’il connaît la guerre, semble ne pas être à l’abri.
Violence sexuelle et territorialité : tentatives de canalisation et aléas
En 1673, Sébastien Le Prestre de Vauban, architecte militaire, maréchal de France et influent intellectuel auprès de Louis XIV, écrit à Louvois que « le roi devrait songer un peu à faire son pré carré »[66]. Cette expression, promise à une importante postérité, signifie, d’une part, qu’il est temps d’optimiser le réseau des places fortes aux frontières du royaume, consistant jusqu’alors largement en un ensemble complexe d’enclaves sur le pays ennemi qui, mal reliées, sont difficiles et coûteuses à entretenir : mieux les raccorder devrait permettre de mieux défendre l’espace soumis à l’autorité du roi. D’autre part, le roi pourrait, dans un tel espace rationalisé et d’un seul tenant, « tenir son fait des deux mains », autrement dit y exercer un contrôle uniforme et continu[67]. La défense du royaume est reportée sur les frontières de celui-ci, permettant que l’intérieur devienne un espace sanctuarisé d’où la violence de guerre doit être exclue[68].
Pas d’usage de la violence dans le pré carré, toute la force concentrée aux marges extérieures du royaume. La pensée de Vauban s’inscrit dans la lente germination de l’État moderne, distinguant les registres de la guerre et de la police[69]. Au contraire, à Paris, où est créée en 1667 une charge de lieutenant général de police, ce sont, aux dires du médecin Guy Patin, « les soldats du régiment des gardes et des mousquetaires », c’est-à-dire de la Maison militaire du roi, qui sont perçus comme troublant l’ordre public, amenant la ville « à la lie de tous les siècles »[70]. La violence des soldats doit viser les seuls ennemis du royaume, et donc être tournée vers l’extérieur de celui-ci ; leur insolence envers les sujets du roi est un fléau. Leur violence sexuelle, au coeur de cette logique, doit donc être réprimée à l’intérieur du pré carré, sans nécessairement l’être de l’autre côté des frontières.
« Le roi n’a ordonné aucune chose »
La leçon de Vauban représente l’aboutissement théorique d’une lente tendance à la relégation de la guerre à l’extérieur, en cours depuis le règne de Louis XIII.
Celui-ci est, nous l’avons vu, confronté dans les années 1620 à des rébellions de certains de ses sujets protestants. Leur répression donne lieu à de véritables « guerres civiles meurtrières mais assez localisées »[71] dans l’ouest et du sud-ouest du royaume, dont « bien des aspects politiques et militaires » restent « ambigus », alternant mises à sac sanglantes et pardons royaux, et ce après une « longue période de paix aux frontières », écrit Yves-Marie Bercé, historien des cultures et révoltes populaires. Le choix de faire ou de ne pas faire usage de violence contre telle ville ou place remportée est chaque fois pesé, répondant à des logiques militaires et politiques : faut-il observer les lois de la guerre comme lorsqu’on s’attaque à une place ennemie, à qui l’on peut parfois laisser la possibilité de capituler, ou faire usage de la raison d’État envers une communauté coupable du crime de lèse-majesté et pouvant donc être mise à mort à ce titre[72] ? Louis XIII fait tantôt le choix de la première option, tantôt celui de la seconde. Chaque fois, la question du respect de l’honneur des femmes n’occupe pas une moindre place dans les agissements royaux.
Dès juin 1621, la « première opération de guerre ouverte »[73] à laquelle s’adonne le roi contre les rebelles est le siège de Saint-Jean d’Angély, défendue par le baron de Soubise, frère et allié du duc Henri de Rohan. Louis XIII accorde, après de longs bombardements, son pardon « à certaines conditions » aux défenseurs, qui se voient obtenir le droit de quitter la place en armes contre une promesse de ne plus jamais porter les armes contre leur souverain. Une telle « solution militaire urgente » est « conforme à la nécessaire générosité des lois de la guerre »[74], révélant du même coup l’incapacité du pouvoir central à écraser la révolte dans l’instant. Pourtant, cette capitulation n’est pas au goût de tous les soldats du roi qui, contre l’ordre reçu, « ne laissèrent pas de se donner une bonne heure de pillage, sans qu’il fut possible de prévenir le désordre »[75], écrit Claude Malingre. Les troupes royales sont accoutumées au droit, jugé par elles imprescriptibles, au butin, une coutume qui ne va pas sans le viol des femmes de la ville prise[76].
Face à de tels débordements allant à l’encontre des logiques politiques qui ont prévalu à laisser composer la ville de Saint-Jean, Louis XIII prend, par la suite, des précautions disciplinaires, concernant notamment les femmes. Quand, le 11 décembre 1621, les troupes royales s’emparent de Monheurt, le roi, qui prévoit de détruire l’enceinte de la place forte, fait préalablement « sortir les femmes à plein bateau pour éviter l’insolence du soldat »[77], et « néanmoins plusieurs obstinées demeurèrent dedans », à leurs risques et périls puisque la ville est ensuite saccagée. Alors même que le monarque veut mettre hors de combat la ville, l’empêcher de servir à l’avenir à un effort de guerre contre lui, il veille à prévenir spécifiquement toute atteinte à l’honneur des femmes, mobilisant des moyens logistiques à cette fin. Une telle disposition témoigne d’une compréhension du viol comme une exaction, comme une violence qui n’a pas sa place dans des opérations visant à réprimer une prise d’armes contre le roi à l’intérieur de son royaume. Il s’agit pour lui, en l’occurrence, de désarmer ses propres sujets et non de les mettre à mal.
Un épisode de la guerre contre les huguenots témoigne toutefois d’une toute autre logique, celle du châtiment, mais les femmes semblent cette fois aussi faire l’objet d’une attention particulière. En effet, le 10 juin 1622, l’armée royale prend d’assaut la ville de Nègrepelisse, dont les habitants ont, l’été précédent, assassiné les 400 hommes des armées royales qui y servaient de garnison. Louis de Pontis, alors lieutenant, rapporte les mots du roi : « Je vous commande de ne pas faire de quartier à aucun homme, parce que ces gens m’ont irrité et qu’ils méritent d’être traités comme ils ont traité mes 400 soldats »[78]. L’ordre donné est implacable : il s’agit de massacrer les « hommes » de la ville. Rien n’est explicitement dit des femmes, une omission que les gens de guerre semblent interpréter à leur manière puisque, écrit Bassompierre, « tout y fut tué, hors ceux quy se peurent retirer au chasteau, et les femmes, dont quelques unes furent forcées, et les autres se laisserent faire de leur bon gré »[79]. Une telle affirmation selon laquelle certaines femmes ont consenti aux avances de gens de guerre au milieu des flammes de la ville mise à sac, quand d’autres s’y sont fait violer, est pour le moins étonnante, aussi est-elle réfutée par l’historien protestant Le Vassor et, quelques années plus tard, par Charles Loisel, auteur d’un Thresor de l’histoire générale de nostre temps[80].
De fait, l’omniprésence de la violence sexuelle lors du massacre de Nègrepelisse est bien attestée par la concordance des sources. Pontis raconte ainsi que, « ensuite de ce carnage, tous les soldats se mirent à piller et prendre les femmes qu’ils rencontroient ». L’officier est pris à partie par une « parfaitement belle fille, âgée d’environ dix-sept ou dix-huit ans »[81] qui le supplie de lui sauver « l’honneur et la vie »[82]. L’officier l’assure d’une protection en l’emmenant avec lui hors de la ville. Dans un premier temps, il veut « la faire garder » dans sa tente par quelques-uns de ses hommes mais elle n’a pas confiance en ces derniers. Elle n’a pas tort, puisque certains soldats et officiers sont « assez insolents » pour la « demander » à Pontis, y compris une fois qu’elle est installée dans la hutte de ce dernier. La pucelle est donc cachée dans le corps sans vie d’une génisse et échappe ainsi à la vue de nombreux hommes qui s’enquièrent auprès de l’officier sur elle et souhaitent la trouver, donnant ainsi « dans le panneau »[83].
Bassompierre n’a, en revanche, pas tort lorsqu’il écrit, sans plus de précision, qu’« on en sauva neanmoins ce que l’on peut »[84]. En effet, plus tard, Louis XIII apprend que Pontis a une « prisonnière » et s’en enquiert auprès de lui, lui demandant s’il a honoré sa parole en le « regardant entre deux yeux »[85] – peut-être redoute-t-il également que Pontis ait lui-même abusé de la pucelle. Fier de ce qu’a fait l’officier, il lui ordonne de la garder, avant que ce dernier propose d’envoyer « un tambour à son père » pour pouvoir la renvoyer chez les siens, prouvant ainsi au roi la « sincérité » de ses actes. Roger, premier valet de chambre du roi, accomplit ensuite une « action héroïque » en allant « acheter » auprès des soldats une quarantaine de prisonnières, les placer auprès du roi pour les renvoyer chez elles « quand l’armée se fut retirée ». Si le roi n’a rien fait pour empêcher le déchaînement de la violence sexuelle des soldats sur les femmes et les filles de Nègrepelisse, au contraire de Pontis qui a pleinement joué son rôle de garant de la discipline des troupes, son attitude après coup est révélatrice. En convoquant l’officier et en cherchant à s’assurer qu’il n’a pas profité de la situation, puis en laissant son valet de chambre procéder au rachat des nouvelles esclaves sexuelles des soldats, il cherche à limiter, sinon à réparer, les torts qui leur ont été faits. S’il semble ne prononcer aucune sanction contre ses hommes, leur garantissant au contraire une compensation financière, substituant ainsi un butin financier à un butin charnel, du moins fait-il son devoir de protecteur de l’ordre social et de la famille[86], et ce alors même qu’il a donné un ordre de carnage. Le châtiment, si ferme soit-il, du crime de lèse-majesté commis par les habitants de Nègrepelisse semble donc ne pas signifier que les soldats soient en droit d’agir comme ils le souhaitent envers les femmes, bien que cela ne leur vaille aucune punition. L’ordre de faire couler le sang ne vaut pas licence pour la chair. Le viol est une exaction, non un moyen de répression possible d’autres actes de violences.
En témoigne, par ailleurs, un bref pamphlet anonyme publié l’année même du massacre. Celui-ci, tout en parlant d’un « grand et iuste châtiment »[87] fait aux rebelles, souligne également le rachat des femmes de la ville et la sauvegarde de « l’honneur » de celles qui ont alors trouvé refuge dans le château de Nègrepelisse. Est glorifiée tant la réduction de la ville « à feu et à sang » au nom de la répression du crime de lèse-majesté que, dans le même temps, la réussite de la préservation des femmes d’un mauvais traitement.
Lorsque, plusieurs années plus tard, Louis XIII mate définitivement les révoltés huguenots en réussissant le siège de la ville de La Rochelle, il défend aux « quatre cents hommes »[88] commandés par « quatre capitaines et quatre lieutenants », dont fait partie Pontis, censés « se rendre maîtres de la ville, préparer son logement, faire nettoyer les rues et les maisons, et mettre ordre à toutes choses pour son entrée » de « causer le moindre désordre dans la ville », sous peine d’une « punition exemplaire s’il entendoit quelques plaintes ». Sans faire spécifiquement allusion au viol, il fait clairement comprendre aux hommes sélectionnés pour cette mission que, la victoire militaire ayant été obtenue, il est temps de veiller à la paix et de ne plus faire subir aux révoltés les exactions engendrées par la guerre.
Cette attitude d’opposition à la violence sexuelle des hommes de guerre, qui a ses limites, n’est toutefois pas un cas isolé sous le règne de Louis XIII. Il ressort de l’étude des archives du Service historique de la Défense que ce souverain émet à plusieurs reprises des instructions visant à prévenir cette violence, parmi d’autres. En décembre 1636, un peu plus d’un an après l’entrée de la France dans la guerre de Trente Ans, un conflit qui ne se déroule pas, à l’origine, sur le territoire du royaume, le monarque émet une « ordonnance pour empêcher divers désordres des gens de guerre ». Il y est question de « troupes, tant d’Infanterie que de Cavallerie », qui « s’eslargissent à la campagne hors des lieux de garnisons, pour y piller & fourrager » alors que le roi n’a « ordonné aucune chose par son Règlement d’octobre dernier »[89]. En creux, par la mention dans une ordonnance royale d’un autre document, d’un « Règlement » émanant de sa propre autorité, et par le rappel des sanctions applicables contre ceux qui y désobéiraient, il apparaît que les injonctions royales touchant au ravitaillement et à la discipline des troupes sur le pays ne sont guère respectées et que le pouvoir réel du souverain en la matière est donc limité, mais qu’il souhaite bien les faire respecter. Il ne faut plus porter la violence « hors des lieux de garnison », dans les espaces peuplés de non-combattants.
Pour ce faire, le roi fait à plusieurs reprises suivre les armées en circulation par des « troupes particulières servant à l’ordre public »[90]. En février 1638, il ordonne de « faire marcher des archers à la suite du prévôt général de l’armée d’Italie »[91]. Au mois de décembre de la même année, il nomme cette fois « un commissaire pour prendre la conduite et police des troupes et les faire vivre en discipline dans leurs quartiers »[92]. Depuis les années 1350, les prévôts de maréchaussée, bien armés, sont chargés de punir les désordres de la soldatesque, aussi de tels offices sont-ils régulièrement créés auprès des armées[93]. Ils sont connus, ainsi que les « archers » qui les suivent – ces derniers sont en réalité des cavaliers d’élite équipés d’armes à feu – et que les vice-baillis et vice-sénéchaux qui finissent par les assister, comme des « juges bottés » : sans compétence contentieuse, ils traquent les crimes commis en flagrant délit, qu’ils sanctionnent par l’exécution immédiate du « gibier » ainsi rencontré, selon l’adage « pris, pendu »[94]. Bien que renforcée dans son effectif et ses pouvoirs par Louis XIII, cette « police mobile »[95] exerce toutefois la justice de manière bien imparfaite, mais, au moins, la lutte contre les exactions est bien prise au sérieux.
Après la mort de Louis XIII en 1643, les troubles de la Fronde voient l’exposition de nombreuses femmes du royaume de France à la violence sexuelle de gens de guerre de diverses allégeances. De 1648 à 1653, de nombreuses mazarinades en font état. L’une d’elles, notamment, apparaît comme une sorte de journal, détaillant les désordres causés par les hostilités non à un instant T, mais à plusieurs dates différentes : « Il n’y a point de iournée qui ne produise quelque nouuelle violence », est-il écrit le 5 juin. Or les violences que rapporte cet imprimé sont régulièrement d’ordre sexuel. En effet, le 31 mai, la chose semble être devenue si habituelle que « le brigandage, le meurtre, l’incendie, les violemens & rençonnemens sont plus frequens & plus libres que dans le pays ennemy »[96]. Une telle comparaison est riche en significations : il semble désormais anormal que la violence des gens de guerre atteigne un seuil équivalent à celui qui s’observe dans une terre étrangère où l’on porte la guerre, signe que cet état de fait ne relève plus de l’ordinaire aux yeux des contemporains. La Fronde est-elle bel et bien une séquence extraordinairement violente, plus encore que les guerres conventionnelles, ou cette inflation des mentions de sévices sexuels s’explique-t-elle par une sensibilité décuplée des témoins qui les conduirait à une mise en récit plus fréquente, autrement dit par un effet de source ? Nous ne saurions trancher mais, s’il s’agit bien d’un effet de source, celui-ci témoigne en lui-même du fait que la violence sur le sol du royaume relève désormais, au milieu du XVIIe siècle, de l’irrégularité et de l’intolérable.
Lorsque, une dizaine d’années plus tard, Louis XIV en vient à exercer personnellement le pouvoir après presque deux décennies de régence mazarine, il tient à marquer une nouvelle ère. En novembre 1660, une déclaration royale « portant pardon et abolition en faveur de ceux des troupes, qui ont commis des excès et désordres durant la guerre »[97] absout les fautes commises par les « gens de guerre dans les lieux où ils ont eu à passer, loger et séjourner dans lesquels ils ont battu, & excédé des Habitants » dans les dernières années, qui furent les dernières de la guerre franco-espagnole. En soulignant qu’« il n’a pas été au pouvoir des Chefs et Officiers qui les commandaient de les contenir dans la discipline »[98], Louis XIV reconnaît clairement la responsabilité de l’État dans ces désordres, qui ne sont pas allés sans représailles de la part des non-combattants, eux-mêmes pardonnés. S’ensuit un « important travail législatif et réglementaire » qui vient, entre autres choses, « préciser la procédure pénale et l’organisation des conseils de guerre pour les crimes commis par les soldats »[99].
Dans cette optique, Louvois décide en 1668, au vu de l’impuissance des commissaires et contrôleurs de guerre face aux officiers des armées, qui ont sans doute tendance à protéger leurs hommes[100], de faire procéder certains d’entre eux, jugés respectables et intègres, à de réelles inspections auprès des militaires de tous grades, mais cette réforme n’aboutit véritablement qu’en 1694[101]. Si ces longs efforts de répression de la violence intempestive des soldats dans le pré carré finissent par porter leurs fruits, l’extérieur n’en est pas préservé. Bien au contraire.
La violence portée au-dehors
La limitation de la violence dans le pré carré est le pendant de sa relégation à l’extérieur de celui-ci. La politique de la quadrature du pré, telle que promue par un Vauban soucieux de l’économie des moyens et de l’efficacité de la défense, vise à en finir avec les enclaves et à parvenir à un territoire d’un seul tenant, protégé par une ceinture de fer, impliquant que certaines de ces enclaves soient abandonnées et les autres rattachées à des forteresses, préexistantes, à bâtir ou à conquérir, le long des frontières. L’établissement d’un tel dispositif visant à la paix à l’intérieur du royaume implique, aux marges du royaume, des campagnes dont on sait la violence sur les combattants et les non-combattants.
Les guerres de Louis XIV obéissent largement à cette logique : il s’agit d’agrandir le pré carré ou de le renforcer, selon des modalités différentes. C’est le cas pendant la brève guerre de Dévolution (1667-1668) par laquelle le Roi-Soleil obtient le rattachement à son royaume de places des Pays-Bas et de Franche-Comté qu’il revendique – frauduleusement – au titre de l’héritage de son épouse Marie-Thérèse. Quelques années plus tard, il en va de même lors de la guerre de Hollande (1672-1678) où il cherche à conquérir la Franche-Comté et une partie des Flandres. Une telle velléité de conquête, et non de destruction, implique l’emploi de la force armée mais également de ménager les populations appelées à devenir sujets du roi[102], et donc de la limiter, dans son degré comme dans sa nature, en veillant à freiner les excès des soldats. La guerre de Hollande est ainsi traversée par des injonctions contradictoires, d’une part celles d’une invasion visant à capturer des places appartenant à l’ennemi et à priver ce dernier d’éléments de son dispositif et, d’autre part, celles de l’intégration d’une partie des lieux envahis à un territoire royal dont la violence est censée être exclue.
Dès 1672, de telles contradictions apparaissent au grand jour. Le duc de Luxembourg, qui commande les armées françaises aux Provinces-Unies, entretient une correspondance avec Louvois, des échanges qui mettent en évidence les divergences entre le roi et son ministre. Au mois de novembre, Luxembourg fait état de la destruction par ses troupes de nombreux villages, dont celui d’Owremeer dont les habitants avaient fait feu sur elles : le duc se sent visiblement obligé de préciser que de tels dommages sont le résultat de circonstances particulières, signe qu’ils ne sont plus censés se faire jour[103]. L’homme d’État, qui a pourtant encouragé l’officier à se montrer sans pitié, apprend à ce dernier que
Le roi a été bien surpris de voir que le pays est encore au pillage et exposé à toutes les violences des soldats. Vous savez aussi bien que qui que ce soit que c’est le vrai moyen de ruiner les troupes et le pays… Sa Majesté m’a commandé de vous faire savoir qu’elle désire que vous y remédiez par quelque voie que ce soit, en sorte que les paysans de la campagne soient dans un aussi grand repos en payant leurs taxes qu’ils l’étaient du temps des Hollandais.[104]
De fait, alors qu’il faut veiller, au nom de la nécessité militaire, à épargner les localités pouvant servir à l’avenir d’abris ou de points d’appui aux forces françaises, le secrétaire d’État à la Guerre cherche à exploiter le pays hollandais conquis et à en tirer le plus d’argent possible[105], ce qui, on le sait, ne va pas sans atteintes répétées à l’intégrité corporelle des habitants du pays. Lorsque, en janvier 1673, Louvois apprend de Luxembourg le massacre par les troupes de ce dernier des villages de Swammerdam et de Bodegraven, qui a vu bien des femmes se faire violer[106], il ne rechigne pas à rapporter à Louis II de Bourbon-Condé, également déployé en Hollande, qu’« on grilla tous les Hollandois qui étoient dans le village de Swammerdam, dont on ne laissa pas un sortir des maisons »[107].

À l’automne de cette même année, les troupes françaises quittent le pays pour la Franche-Comté, alors possession bourguignonne. Louvois appelle le duc de Luxembourg à raser et brûler les places que celui-ci jugerait à propos, afin que les Hollandais ne puissent plus s’en servir[108]. Les conséquences potentielles d’une telle destruction ne sont pas inconnues du ministre, qui écrit à l’intendant Robert :
Je suis persuadé que ce n’est pas une chose aisée que de faire nourrir les troupes par les villes que l’on voudra abandonner, que cela excitera beaucoup de crimes et pourra causer la désertion ; mais il vaut mieux que toutes les villes de Hollande périssent et désertent que les troupes du roi.[109]
Les « crimes » que devrait « exciter » une opération de ce genre sont bien pris en compte dans les décisions du secrétaire d’État. Le viol est-il l’un de ces crimes ? Il n’est pas possible de le confirmer ou de l’infirmer à coup sûr, mais, au vu de la fréquence de cette violence, sur laquelle nous sommes déjà revenu, on peut à bon droit le supposer. À le lire, Louvois ne semble pas souhaiter de telles exactions, seulement les considérer comme un mal nécessaire, comme un risque inhérent aux directives, jugées indispensables, qu’il donne. Dans le cas présent, la violence sexuelle des troupes n’est, semble-t-il, pas exploitée en elle-même par ceux qui les commandent, mais elle apparaît comme le corollaire de pratiques qui, quant à elles, sont au cœur des logiques militaires dans la fraction du territoire ennemi qu’il s’agit de détruire et non d’emporter pour soi. Des hommes comme Louvois semblent avoir compris ce rapport de causalité entre ordres visant à l’usure de l’ennemi et licence des soldats pour leur propre compte.
L’extension du pré carré à travers les guerres successives du Roi-Soleil impliquant donc l’emploi de la force autour des frontières du royaume, elle ne va pas sans éruptions de violence sexuelle de la part des gens de guerre dans ces espaces, et dans ces espaces en particulier. À la fin de la guerre de Hollande encore, la région flamande en fait les frais. En effet, Pierre-Ignace Chavatte, artisan sayetteur vivant dans la ville de Lille rattachée au royaume de France depuis 1667, et particulièrement critique envers Louis XIV, se fait l’écho dans ses Chroniques générales des choses mémorables, témoignage remarquable d’un non-combattant, des exactions des troupes françaises dans les Flandres. Les paysans se voient, signale-t-il, obligés de livrer leur argent « sur peine d’estre pillé et bruslé »[110]. De fait, en-dehors de certains moments où le pillage est ordonné à des fins stratégiques, comme au moment de l’invasion des Provinces-Unies en 1672 et 1673, celui-ci se voit remplacer, lorsqu’il s’agit de financer la guerre, par l’imposition de contributions[111], qu’évoque Chavatte par ces mots. Les populations sont incitées à payer une rançon à l’armée d’occupation ou de passage, sans quoi cette dernière procède à son « exécution », à sa destruction par les flammes[112] qui ne va pas sans un mauvais sort fait aux femmes.
Ainsi, en 1677, la garnison royale de la ville de Maastricht brûle et rase la ville de Tongre, dans le pays de Liège, rapporte l’artisan. Les soldats y « ont violets femmes et filles et hommes et enfants bruslées et puis l’ont abandonnés »[113], sans doute après un refus des habitants de Tongre de se plier aux exigences des soldats. Le texte de Chavatte est en grande partie fondé sur les témoignages d’autres habitants du pays conquis, sans doute relativement déformés, mais il fait contrepoids aux discours officiels qui font l’éloge de la prétendument grande discipline des troupes[114], que les habitants et habitantes des régions frontalières sont loin de constater dans les faits.
C’est toutefois lors d’une guerre ultérieure que les populations des pays envahis subissent de plein fouet les conséquences de la politique louis-quatorzienne du pré carré. La volonté de se prémunir de toute invasion de son territoire implique non seulement d’établir aux frontières la ceinture de fer promue par Vauban, mais également de neutraliser les places adverses situées à proximité pour éviter qu’elles ne servent de base à une invasion de la France. Cette logique prévaut, en 1688, à la prise de Philippsburg, près du Rhin. Ce siège, engagé par le roi sans déclaration de guerre préalable, vise en principe à la démolition des fortifications et non à l’annexion[115]. S’ensuivent d’autres sièges de places de la région, comme Mannheim, Neustadt, Heidelberg et Spire, sans oublier celui de Coblence qui détruit la ville entière[116]. Cette suprématie sur une grande partie du Rhin ne suffisant pas à faire capituler les Allemands, Louis XIV décide de se livrer à une politique de la terre brûlée, visant à empêcher l’ennemi de subsister même sur les ressources locales, rendant impossible toute agression du royaume de France depuis cette région[117]. Ainsi débutent des opérations dans l’État du Palatinat et, avec elles, la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), du nom de l’alliance opposée à Louis XIV.
Dès lors, à la fin de l’année 1688 et au début 1689, les troupes du roi procèdent conjointement, dans la région du Palatinat, à trois types de pratiques de guerre courantes, qui ont déjà été épisodiquement mises en œuvre par des armées, françaises comme étrangères, par le passé, mais jamais à cette ampleur[118]. Les contributions visant à entretenir l’armée sont généralisées dans la région, conjointement à une politique du dégât visant à systématiquement priver l’ennemi de ses ressources et à « raser » les places fortes, selon la formule de Vauban, c’est-à-dire à démolir ses fortifications[119]. Cette dernière décision est d’ailleurs prise dès le 20 août, cinq semaines avant l’invasion, signe de la préméditation par le roi d’une telle politique de destruction[120]. S’agissant là non pas d’un agrandissement du pré carré mais de son couronnement par le désarmement des places ennemies à proximité de celui-ci, il n’est plus du tout nécessaire de veiller à ménager les civils. La logique est celle du ravage, supposément défensif[121], et non de la conquête.
Les exactions des troupes françaises envers les non-combattants sont alors nombreuses, d’autant plus qu’elles s’insèrent dans des logiques de réciprocité. On lit chez Villars, alors Commissaire général de la cavalerie et futur maréchal de France, qu’il y a dans les villes « une populace en furie, et même assez autorisée à des violences par les désordres que les François y avoient commis et que le bruit public grossissoit encore »[122] : côté français, « plusieurs partis avoient tiré des contributions militaires et brûlé des villages bien avant dans les terres de l’Empire ». En effet, certains habitants, qualifiés de « schenappans », de l’allemand Schnappahn, prennent les armes contre les méfaits commis à l’encontre de leurs villes et villages, suscitant des représailles du côté des soldats français, qui peuvent alors commettre des atrocités, présentées comme défensives, envers les populations[123].
Une importante production imprimée, le « bruit public » qu’évoque Villars, accompagne les faits, érigeant progressivement cet ensemble de pratiques militaires en un événement uniforme, connu comme le « sac du Palatinat », et insistant sur la transgression par les troupes françaises du jus in bello[124]. Il ressort des gazettes allemandes et anglaises une figure de l’ennemi français incendiaire, barbare et diabolique, massacreur de nourrissons, cannibale et violeur de fillettes et de femmes enceintes[125]. Faut-il déduire de ces sources que les indisciplines des troupes françaises, et notamment la violence sexuelle, sont regardées avec bienveillance par un commandement qui les exploite à dessein lors du sac du Palatinat ? Une telle supposition est à nuancer.
Tout d’abord, les ordres arrivent de Versailles et, sur le terrain, leur exécution effective n’est pas systématique, certains officiers rechignant à l’application des consignes de ravage, quand d’autres, à l’instar d’Ézéchiel du Mas, comte de Mélac, font au contraire montre d’une extraordinaire brutalité[126]. Capitaine de cavalerie au moment de l’invasion de la Hollande en 1672 où il se fait déjà remarquer pour ses pratiques incendiaires, Mélac est désormais maréchal de camp et s’accommode fort bien de ce qui lui est commandé[127], mais ce n’est pas le cas de tous.
De même, il est révélateur que le travail de destruction des places, une besogne pour laquelle l’emploi du feu peut être fort utile, n’y recoure en fait qu’à compter de mai 1689, succédant à de lentes opérations de démantèlement. Pendant des mois, la raison politique, visant à garder le contrôle sur des soldats prompts à confondre destruction rapide, incendie et autorisation de pillage individuel – souvenons-nous que le feu est plus d’une fois désigné par certains mémorialistes comme un facteur venant aggraver l’insolence des soldats -, a prévalu[128]. En août 1689, Chamlay se plaint, depuis Versailles, de l’indiscipline des troupes dont il a eu vent, estimant que ce « désordre »[129], s’il continuait, « ruineroit plus une armée qu’un combat perdu », que le pillage dans le pays de Bade « n’a servi qu’à les rendre libertins ». Il arrive même à plusieurs soldats pillant pour leur propre compte d’être pendus pour l’exemple, signe du souci de l’État pour l’exercice monopolistique de la violence[130], donnant lieu à une certaine répression de l’indiscipline. « Que la vue du feu et des caves éventrées pousse ensuite les soldats au pillage, puis à la désertion, traduit au contraire une infraction à ces règles, un dérèglement »[131], écrit l’historienne Michèle Fogel.
L’infraction est d’autant plus monnaie courante que la plupart des démolitions sont, comme le souligne entre autres le texte de Villars, le fait de petits groupes isolés, ou « partis », loin du regard de leur supérieur hiérarchique[132], si bien que la violence est d’intensité variable selon les endroits et que les éventuelles sanctions ne sauraient atteindre tous les coupables. De plus, en cohérence avec les remarques de Michèle Fogel, il ressort bel et bien que, au moment de détruire des structures, nombreux sont les soldats à se servir dans les caves condamnées, l’ivresse favorisant la désinhibition et, avec elle, de nouvelles exactions[133]…
Ces nuances ne doivent pas pour autant forcément mener l’historien à conclure que le phénomène de la violence individuelle, de l’exaction, ait alors fait l’objet d’une répression systématique par l’État, chaque fois que ce dernier en a eu la possibilité. Il n’est pas à exclure que le pouvoir monarchique, qui interdit en principe de telles violences, ait eu à gagner à celles-ci, qui servent objectivement les logiques de désordre et de ravage au sens large. La brutalité qui s’abat sur la région forme un tout, et le vécu comme la dénonciation ne dissocient pas, en eux-mêmes, violence légitime et violence illégitime : en plus de dépasser en lui-même les limites de ce qui est permis au regard du droit des gens[134], le ravage du Palatinat, application extrême de pratiques classiques, donne en lui-même lieu à des violences qui outrepassent ces limites. On aura compris la difficulté de limiter la violence de guerre, et d’en empêcher des manifestations illicites une fois celle-ci enclenchée ; cela dit, le commandement n’a-t-il pas lui-même conscience de cette difficulté et ne peut-il pas, dès lors, libérer cette violence à dessein ?
La multiplicité des partis de soldats chargés des destructions et d’officiers pour les commander peut laisser supposer que certains de ces derniers, tout au moins, ayant l’expérience d’exactions lors de précédentes campagnes, aient pu faire ce raisonnement, voire profiter eux-mêmes de la situation. Le comte de Mélac, que la mémoire collective dans l’ouest de l’Allemagne retient comme un « incendiaire » pour la destruction de plusieurs villes et places dont celles de Heidelberg, un terme imprécis accolé à un ennemi que l’on veut délégitimer[135], fait lui-même l’objet de rumeurs qui lui prêtent le viol d’une dénommée Anna Catharina Haug, fille d’un pasteur de la ville d’Esslingen am Neckar[136]. Plusieurs versions de la légende coexistent, l’une voulant que celle-ci se soit donnée à lui à contrecœur en échange de son engagement à épargner la ville, une autre indiquant qu’elle ait tenté de le piéger et de l’assassiner. Il est difficile de déterminer quelle part de vérité entoure ce récit, même s’il semble que la jeune fille ait bien accouché des mois plus tard[137] ; toujours est-il, cependant, que le viol attribué à l’un des officiers les plus impliqués dans le sac du Palatinat occupe une place non négligeable dans le souvenir de cet épisode.

Après la campagne, Mélac n’est nullement inquiété en France pour les méfaits qu’on lui prête. Au contraire, il continue à monter en grade, devenant en 1693 lieutenant général puis gouverneur militaire de la citadelle occupée de Landau, comme en reconnaissance de sa loyauté et de son efficacité dans la guerre. Il n’est, à cet égard, pas anodin de relever la publication en 1699, peu après la fin de celle-ci, des Aventures de Télémaque où Fénelon, homme d’Église et de lettres, écrit :
Les meilleurs princes mêmes, pendant qu’ils ont une guerre à soutenir, sont contraints de faire le plus grand des maux, qui est de tolérer la licence et de se servir des méchants : combien y a-t-il de scélérats qu’on punirait pendant la paix, et dont on a besoin de récompenser l’audace dans les désordres de la guerre ![138]
Sans nécessairement se limiter à Mélac, ce regret est celui de la déstabilisation des repères moraux bien réellement engendrée par la guerre, qui amène à laisser passer les torts les plus graves de ceux qui se sont bien battus.
L’indiscipline des troupes au moment du sac, clairement regrettée par certains et peut-être exploitée par d’autres, est toutefois attribuée par plus d’un à des événements qui, les années précédentes, ont mobilisé les soldats français : les dragonnades.
Le corps des femmes pour champ de bataille
En 1689 est publié à Amsterdam un pamphlet intitulé Les soupirs de la France esclave, qui aspire après la liberté. Porteur d’une critique virulente de Louis XIV, le texte anonyme[139] fait à plusieurs reprises allusion à une « violence »[140], notamment sexuelle, qui semble devenir habituelle dans une France très militarisée. Les sujets du roi comme les « voisins »[141] apparaissent comme des victimes de « crime, oppression, violence, brûlements, massacres, exactions » de la part d’un souverain qui, « le premier », s’est « avisé d’avoir toujours 150000 hommes sur pied ; de faire des Campements au milieu de la Paix, de vexer des Sujets par des passages continuels de Gens de Guerre & par des logemens ». En particulier, « les Rois » feraient prêcher « qu’ils peuvent ravir les Biens de leurs Sujets pour les employer à tel usage que bon leur semble : Qu’ils peuvent enlever des Femmes à leurs Maris, attenter à la pudicité des Femmes impunement », en une « licence sans borne »[142]. Les méfaits des gens de guerre, dont certaines ont un caractère sexuel, sont décrits, non comme de fâcheux incidents dûs à l’indiscipline des troupes, mais comme l’un des « moyens de soûtenir la Tyrannie », le monarque étant décrit comme cherchant à « se maintenir sur le Trône par des Armées »[143]. Cette violence serait volontairement entretenue par le Roi-Soleil aux innombrables armées.
De fait, lorsque ce texte est porté en librairie, Louis XIV s’est rendu coupable à la fois, très récemment, du sac du Palatinat et, sur le sol de son propre royaume, de persécutions des protestants qui y vivent, appelés huguenots, au moyen de l’exploitation des brutalités commises par les troupes en logement. Sans l’initier, les années 1680 représentent le paroxysme de cette politique faisant sciemment usage des abus des troupes à des fins politiques, élevant le viol au rang de véritable arme de guerre.
Une politique de l’exaction
Le logement des gens de guerre chez l’habitant s’accompagne régulièrement, comme nous l’avons déjà vu, de violences envers les femmes de la maison. Frappées du sceau de l’exaction, ces méfaits sont, en principe, poursuivis. Cependant, il arrive très épisodiquement que cet « épouvantail des populations »[144] soit employé sciemment, non pas pour répondre aux besoins d’une armée en campagne contre une puissance étrangère, mais bien pour pressurer ceux qui accueillent les soldats. Ce recours délibéré à l’exaction est progressivement adoubé par les autorités au XVIIe siècle.
En effet, dès 1643, le cardinal-ministre Mazarin écrit qu’« un logement de trois jours avec la licence accoutumée des gens de guerre incommode plus un homme que la taille et la subsistance d’une armée »[145]. Derrière une telle formule aux allures machiavéliennes, il faut comprendre que la « licence », apparemment habituelle, des troupes apparaît, selon l’homme d’Église – et surtout d’État -, comme plus insupportable encore que l’impôt, et c’est bien cette licence des gens de guerre, et non la simple charge de leur accueil, qui représente une gêne pour les habitants. Le repoussoir semble bien être, pour Mazarin, celui du risque d’exactions, favorisé par l’isolement visuel et sonore relatif que représente, surtout la nuit, une maison. De plus, le fait qu’il mentionne qu’« un homme » est particulièrement incommodé de la présence de soldats est évocateur : si on peut comprendre ce terme comme désignant de manière générique l’habitant d’une maison, il est également possible qu’il se rapporte en particulier à l’occupant masculin de celle-ci, confronté à d’autres hommes, ceux-là bien armés, dans une maison familiale où l’on trouve des femmes… L’emploi du singulier par le ministre tend à renforcer cette interprétation.
Si l’idée semble donc relativement ancienne, l’usage effectif de soldats en logement dans le but précis d’importuner les hommes qui doivent les recevoir semble plus tardif. En 1655, le duc de Savoie emploie ce stratagème parmi d’autres pour s’en prendre aux Vaudois des vallées piémontaises[146]. Cependant, à notre connaissance, les autorités françaises n’y recourent, quant à elles, qu’une vingtaine d’années plus tard. En Bretagne, la révolte antifiscale du papier timbré, menée par des insurgés aux bonnets rouges, est réprimée au moyen du logement en quartier d’hiver de 10 000 soldats chez les contribuables jusqu’à ce que ceux-ci paient intégralement leur dette, une mesure du ministre de la Guerre Louvois[147].
Ce dernier sait le fléau que représente, pour une ville, le logement des gens de guerre. Il a notamment eu, pendant la Fronde, maille à partir avec un notable d’Étampes qui, durant la Fronde, veilla comme ses prédécesseurs à la mairie à décharger la ville du logement des soldats, qu’il élevait en archétype du malheur public, et à contrôler leurs agissements en ville[148], aussi a-t-il pu prendre alors conscience du potentiel d’une telle menace. Bien entendu, on ne trouve pas trace d’ordres explicites qui auraient été donnés aux soldats de faire preuve de violences, encore moins envers les femmes. Cependant, la logique à l’œuvre, celle de pousser à bout les habitants en plaçant des soldats chez eux, ne fait pas de doute, de même que la conscience que peut avoir le ministre des exactions pouvant résulter de sa décision. On peut donc à bon droit supposer que le pouvoir se serve de celles-ci à dessein.
En effet, les insolences des gens de guerre sont fréquentes, au point que même le gouverneur de Chaulnes, qui a demandé cette intervention militaire, en est horrifié[149]. La marquise de Sévigné, qui n’est alors pas sur les lieux mais se tient informée de ce qui s’y passe, mentionne à plusieurs reprises la révolte dans sa correspondance, écrivant notamment à sa fille : « Les soldats vivent, ma foi, comme dans un pays de conquête »[150]. Cette remarque d’une femme choquée rappelle l’évidence nouvelle liée à la politique du pré carré : si l’on sait la violence coutumière des soldats, ceux-ci ne sont plus censés se comporter de la même manière de part et d’autre de la frontière[151].
C’est une anomalie qu’un tel usage, sur le sol du royaume, de la violence de guerre, dont la teneur se déduit des lettres de la marquise, comme quoi « il y a 5 000 hommes à Rennes dont plus de la moitié y passera l’hiver : ce sera assez pour faire des petits, comme dit le maréchal de Gramont… »[152]. Derrière la mondanité de la marquise, il ressort que la violence sexuelle des soldats n’est pas un mystère ; elle est toutefois bien plus clairement exprimée dans le récit d’un témoin anonyme de la répression, qui écrit que « des soldats qui étaient logés »[153] chez les habitants « ont violé les femmes en présence de leurs maris, lié des enfants tout nus sur des broches pour pouvoir les faire rôtir… ». Cette violence en particulier, sur laquelle le doute n’est pas permis, est bien employée par des gens de guerre qui tirent profit d’une situation où ils doivent faire céder leurs hôtes.
La violence sexuelle est présentée comme étant commise devant les maris : il s’agit de donner à voir à ceux-ci, qui sont « battus » par les soldats, la violence faite à leurs femmes pour leur faire régler leurs dettes. La brutalité est différenciée selon le sexe. Les membres d’une même famille sont pris pour cible en fonction du rôle qu’ils occupent, du moins pour ce que les soldats en perçoivent[154], dans la maisonnée. Clairement, les coups et blessures faits aux hommes réduisent à néant la force virile dont on attend habituellement qu’ils fassent preuve, tandis que le viol de leurs femmes les renvoie à une impuissance conjugale, et que la torture faite aux enfants expose la possibilité de la mort de leur descendance, de la vie qu’ils ont engendrée. C’est une violence relationnelle[155], les rapports de genre dans le cercle familial étant subvertis de manière non pas gratuite mais performative : il s’agit de provoquer les maris rendus impuissants, tout en leur promettant que les mauvais traitements sont amenés à cesser immédiatement une fois le paiement effectué. Si la violence potentielle des gens de guerre en logement est infligée à tous les membres d’une famille, en présence les uns des autres, ce sont les hommes qui sont visés en dernier ressort, en tant que chefs du foyer dont on attend qu’ils se convertissent.
Ainsi, lorsque, au début de l’année 1681, l’intendant du Poitou René de Marillac prend l’initiative de mettre en place le logement forcé des soldats chez les protestants pour les contraindre à la conversion au catholicisme, cette stratégie a déjà fait ses preuves. Il s’agit cette fois de placer des soldats en logement chez les réformés, jusqu’à ce que ceux-ci, excédés, finissent par abjurer et par signer un acte d’apostasie du protestantisme. Dès le 18 mars, en réponse aux premiers comptes rendus épistolaires de l’intendant, Louvois encourage ce dernier à poursuivre cette politique en « vous servant des mêmes moyens qui vous ont servi jusqu’à présent »[156], lesquels semblent enthousiasmer le roi. Officiellement, la violence reste interdite aux militaires ainsi logés, comme en temps normal, mais le pouvoir n’est pas dupe des torts qui peuvent ainsi être causés aux habitants. La violence des gens de guerre en logement est un secret de polichinelle, ce que la périphrase « les mêmes moyens qui vous ont servi jusqu’à présent » sous-entend. Preuve en est que le ministre suggère d’augmenter progressivement leur nombre dans chaque famille qui y est astreinte, en donnant libre cours à leurs exigences. À en croire Marillac, 38 000 conversions sont ainsi obtenues dans le seul Poitou[157].
Il est suivi, trois ans plus tard, par Nicolas Foucault, intendant du Béarn. Celui-ci est rapidement félicité par le roi, que Louvois prend garde de préserver des informations sur les abus les plus graves des gens de guerre[158], et qui parle d’un « fort bon exemple pour les autres provinces de [s]on royaume »[159], ouvrant la porte à une extension de cette politique au reste du royaume. Les dragonnades, ainsi nommées en référence aux dragons, qui représentent une partie des soldats mobilisés de la sorte, gagnent en ampleur pour atteindre un pic en 1685, année où est officiellement révoqué l’édit de Nantes qui consacrait, depuis 1598, la tolérance religieuse en France. L’exaction a donc été progressivement embrassée, par l’État, comme politique même, comme moyen de faire parvenir la raison royale à ses fins.
De fait, les dragonnades apparaissent comme une réussite numérique, donnant lieu à des conversions massives – ou, du moins, présentées comme telles par des intendants soucieux de leur image auprès du souverain, ce qui en rend impossible un chiffrage exact. Il ressort des témoignages publiés par la suite par des huguenots – plus d’une cinquantaine sont connus[160] – que des villes et villages entiers abjurent à l’annonce même de l’arrivée des militaires. En effet, nombre de ces mémorialistes parlent longuement des conversions des autres avant de mentionner leur propre abjuration, ce qui leur permet d’insister sur leur propre résilience par rapport à ceux-là plutôt que sur leur abandon final[161]. Étienne Serres, huguenot tenace et peu compréhensif de ceux de ses coreligionnaires qui cèdent – car lui ne cède pas – précise ainsi que, à Montpellier, « tout le monde perdit cœur, et se rendit à la vue de ces cruelles légions »[162]. Un nouveau converti, Isaac Dumont de Bostaquet, précise après coup ce qui a motivé sa signature :
J’avoue à ma honte, et avec une douleur extrême, dont je demanderai pardon à Dieu tant que je vivrai, que je ne pus résister à l’ordre qui fut donné en ma présence de loger vingt-cinq maîtres chez moi. La peur de voir tant de femmes et filles exposées à l’insolence du cavalier à qui tout était permis, me força de signer.[163]
Le gentilhomme normand reconnaît clairement que c’est la peur de « l’insolence » sur sa femme et ses filles qui le fait céder, avant même que les dragons, au nombre impressionnant de 25, ne soient effectivement logés chez lui. La seule menace, « implicite et subtile »[164], de violence envers les membres féminins de sa famille amène le huguenot à la conversion, à grands regrets. Alors même qu’il n’y a pas encore de soldats chez lui, c’est la « peur » qui pousse Bostaquet à l’acte. Anticipée par certains huguenots, la violence de genre est parvenue, dans le cas présent, à ses fins, puisqu’elle amène à des conversions préventives, causées par la rumeur des premières dragonnades, par la connaissance qu’ont les communautés huguenotes de ce qui est arrivé aux autres, même à l’autre bout du royaume.
Cette rumeur est tout sauf infondée. Assurément, la violence est d’autant plus généralisée qu’elle demeure largement impunie. Sans jamais être explicitement ordonné, le viol est encore moins poursuivi que d’ordinaire. Parmi bien d’autres faits, le théologien et pasteur huguenot Élie Benoist rapporte dans son imposante Histoire de l’édit de Nantes, « véritable histoire des vaincus »[165] publiée aux Provinces-Unies en cinq volumes dans la décennie qui suit la révocation, un cas de violence sexuelle aggravée qui, bien que poursuivi, ne vaut que peu d’inquiétude à ses auteurs :
Il n’y a point d’extrémité où ces barbares ministres de la passion du Clergé ne portassent leurs violences. Il n’étoit defendu aux soldats que de tuer & de violer. Toutes les autres cruautez leur étoient non seulement permises, mais commandées : & quand même il arrivoit que quelqu’un mouroit entre les mains de ces bourreaux ; ou qu’ils attentoient brutalement à l’honneur des femmes, ils en étaient quittes pour des remontrances verbales, ou pour quelques jours de prison. Deux Dragons ayant violé aux environs d’Agen une fille de quinze à seize ans, & ne pouvant après cela se défaire de sa tante, […] ils poignarderent cette vieille femme, & jettèrent son corps & celui de sa niece dans la riviere. Cette horrible action n’ayant pu demeurer cachée, on les arrêta, on leur fit leur procès, on les condamna : mais au lieu de les punir, on les traîna de Juridiction en Juridiction, sous le prétexte d’appel, & enfin on les transfera dans les prisons du Parlement, où on se contenta de les tenir quelques mois. Enfin on les élargit, & ils en furent quittes pour la peur. Comme la plupart des Officiers avoient plus d’honneur que les soldats, on craignit à la Cour que leur présence n’empêchat les conversions : & on donna des ordres fort exprès aux Intendans de ne les loger point avec leurs Troupes, principalement chez les Gentilshommes : de peur que par civilité ils ne reprimassent l’insolence des dragons.[166]
Selon l’auteur, la liberté laissée aux missionnaires bottés n’a pour limites que le meurtre et le viol, mais même ces derniers crimes font l’objet d’une tolérance dans les faits. Le cas de violence sexuelle collective et de double meurtre qu’il narre vaut à ses responsables, qui ne sont pas parvenus à dissimuler leurs actes, d’être déférés au tribunal, mais cela ne donne lieu qu’à une sanction minimale et tardive. Pire : en amont, comme « on » se doute que les officiers, étant donné leur « honneur », sont susceptibles d’empêcher leurs hommes de faire preuve de violence contre les huguenots, on écarte ceux-ci des foyers où sont logés leurs hommes. Les forfaits des gens de guerre ne sont pas uniquement blanchis, ils sont, si l’on en croit Élie Benoist, volontairement soustraits à la vigilance et à l’autorité, donc stimulés.
De fait, en novembre 1685, Louvois incite le commandant de Beaupré, chargé de convertir les huguenots de Normandie, à « faire venir beaucoup de cavalerie et [à] les faire vivre chez eux fort licencieusement » ; deux jours plus tard, il l’appelle à « permettre aux cavaliers le désordre nécessaire »[167], expression également employée dans une lettre quasi-simultanée destinée à l’intendant Foucault en Languedoc. Les ordres se précisent et font clairement référence au fait de laisser licence aux soldats, pour maximiser les conversions une fois que la méthode du logement s’est montrée prometteuse. Quoique toujours implicites, le terme de « désordre » étant imprécis, les exactions des gens de guerre font désormais l’objet d’encouragements par le ministre, et plus uniquement de tolérance : Louvois a compris le potentiel de la violence des dragons placés au domicile des huguenots, et souhaite visiblement la rendre plus importante et plus systématique.
Ce vaste laissez-faire intervient d’ailleurs à un moment de paix où la discipline des soldats s’est durcie. La période 1679-1688 représente bel et bien, écrit l’historien André Corvisier, un « apogée »[168] en la matière, la discipline n’ayant « jamais » été si stricte qu’alors. Le code militaire français, texte transposant les interdits du droit de la guerre, est en effet promulgué en 1679 par Louis XIV[169]. Dans le même temps, les « vices militaires », parmi lesquels la débauche et l’ivrognerie, sont combattus avec davantage d’ardeur que par le passé, tandis que les soldats mariés se voient refuser, en février 1685, tout grade, haute paye ou congé absolu, et alors que la répression de la prostitution aux armées, un phénomène au caractère massif[170], va croissant. Dans ce contexte, les dragonnades instituent un régime d’exception de facto, où les soldats logés jouissent de bien des droits qui leur sont pourtant refusés dans les rangs depuis peu.
Voyant leur accès habituel à la sexualité réduit d’une part et l’impunité exceptionnelle assurée de leurs potentielles exactions en logement d’autre part, sans doute les soldats ne se privent-ils pas de donner libre cours à leurs envies sur les huguenots et les huguenotes, ce sur quoi les ministres et intendants peuvent compter. Hasard du calendrier ou exploitation intentionnelle des potentielles frustrations des gens de guerre par le pouvoir ? Il serait évidemment malvenu de lire, à rebours, le tournant disciplinaire comme un choix censé préparer les dragonnades mais, a contrario, il n’est pas impossible que les autorités – à commencer par les intendants – aient jugé, dans les années 1680, le moment particulièrement opportun pour laisser un tel quartier libre à des soldats à qui l’accès à la chair est alors plus difficile que par le passé.
Ce déchaînement de la violence ne doit toutefois pas être compris comme le symptôme d’un échec de l’État à bannir la guerre du pré carré, « la résurgence des exactions incontrôlées commises par des soldats affamés et livrés à eux-mêmes »[171], mais justement comme la manifestation de « la volonté de moduler les usages de la force, à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume ». Il y a bien là un choix politique à user de violence, dans l’espace du pré carré, dans une certaine temporalité et contre une certaine population, d’une violence « méthodique et froidement raisonnée ».
De fait, on l’a vu, les logements des gens de guerre sont orchestrées, pendant la révolte du papier timbré comme pendant les dragonnades, par le secrétaire d’État à la Guerre Louvois, signe, au-delà de la seule raison administrative, que le règlement de telles questions relève bien, aux yeux du pouvoir, de la guerre. Les troupes du roi sont alors bel et bien utilisées de façon active pour contraindre ses sujets[172], pour pousser les hommes, confrontés aux violences faites à leurs femmes, à leurs enfants et à eux-mêmes, à céder devant les exigences des missionnaires bottés, ce qui correspond précisément à la manière dont le théoricien militaire prussien Clausewitz définit, un siècle et demi plus tard, la guerre : « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté »[173]. Plus matériellement, certains témoignages de huguenots rendent bien compte d’un climat de guerre, où des seuils de violence sont franchis par les militaires. Il en va ainsi de l’ouvrage Je ne changerai pas du notable montalbanais Samuel Péchels, qui écrit qu’« officiers et soldats, par la permission expresse des autorités, rivalisent de violences et de désordres »[174], de sorte que sa ville « fut aussi maltraitée que si elle eût été une place prise d’assaut ». Une telle comparaison, qui se retrouve également chez Dumont de Bostaquet[175], en dit long quand on sait que les dragonnades sont, en principe, des opérations d’un tout autre genre.
C’est en ce sens qu’on peut parler, dans ce cas précis, d’utilisation du viol comme arme de guerre. Pour cause, qualifier une violence sexuelle de la sorte implique de reconnaître à un tel acte une efficacité militaire attendue, une capacité supposée à influencer en lui-même le sort d’un conflit. En d’autres termes, pour que le viol soit considéré comme arme de guerre, « il doit être stratégique, organisé, utilisé systématiquement et pratiqué à grande échelle et sous la responsabilité d’une autorité »[176], il doit faire l’objet d’une « stratégisation ». Prêter ces caractéristiques aux viols commis par des soldats dans l’Europe du long XVIIe siècle implique donc qu’ils soient commis dans des circonstances particulières, c’est-à-dire non pas dans le cadre d’une guerre d’État à État, le sort de chacun de ceux-ci n’étant lié que de très loin à la violence faite aux populations, mais dans des conflits de nature asymétrique. Si le XVIIe siècle est marqué par les guerres interétatiques, les conflits asymétriques y existent bel et bien, et la guerre – au sens clausewitzien – du roi de France à ses sujets protestants en constitue un exemple notable.
Le viol y constitue bien une arme de guerre au vu de ses conséquences immédiates, étant censé amener, au moyen de violences faites à ses membres, et tout particulièrement à ses membres féminins, à la conversion une famille, un acte décidé par le chef de famille – et non le chef de guerre ou le chef d’État -, cible finale de l’acte. Si celui-ci est généralement un homme, mari et père des femmes et filles outragées, il arrive que les mères, à la tête du foyer, soient celles qui doivent abjurer pour mettre un terme aux violences faites, donc, à elles-mêmes.
Il en va ainsi d’une huguenote dont le fils Jean Marteilhe, plus tard galérien dans la Marine royale, rapporte que, victime de « tourments horribles »[177], dont il tait la nature, de la part pas moins de « 22 scélérats », elle refuse systématiquement de signer l’acte de conversion, avant d’être traînée chez le duc de La Force[178] qui parvient à l’y contraindre au moyen de « traitements indignes » et d’« horribles menaces », une fois de plus laissés à l’imagination du lecteur. Dans un dernier acte de combativité, elle adjoint à sa signature l’inscription « la force me le fait faire », une formule que son fils interprète comme étant « sans doute » une allusion au duc, mais qui peut également être comprise comme une protestation contre le moyen employé pour y parvenir, la « force » dont on a fait usage contre elle, voire contre celle exercée contre elle par le duc de La Force en particulier, lui-même homme de guerre et nouveau converti…
Toutefois, au-delà des logiques militaires qui y prévalent, les viols commis chez l’habitant ont une autre utilité dans la politique de persécution des huguenots : celle de s’en prendre à leur descendance.
Attenter à la filiation des huguenots

Si la violence sexuelle faite aux huguenots relève de l’arme de guerre, c’est non seulement parce qu’elle suscite la terreur et intimide celles et ceux qui en sont – en puissance ou en acte – victimes, mais parce qu’elle permet d’attenter à la filiation de l’ennemi. Certes, les dragonnades mettent aux prises un État et certains de ceux qui le peuplent selon un motif non ethnique ou racial mais religieux, donc lié à la spiritualité, ce qui rend une telle remarque étonnante. Toutefois, plusieurs sources narrant ces persécutions laissent transparaître une certaine préoccupation des différents protagonistes pour l’hérédité des huguenots, conjointement à certaines mesures et pratiques qui s’observent pendant les persécutions et qui donnent à comprendre les viols commis lors des dragonnades comme des attentats à la lignée des sujets protestants du royaume de France.
Ces violences visent en effet à subvertir les liens de parenté qui unissent les familles de huguenots. À l’époque moderne, la famille est perçue, nous l’avons vu, comme un tout, un groupe dont l’honneur est collectif ; dans cette configuration, les enfants étant tenus de ressembler à leurs parents, et tout particulièrement à leurs pères dont ils sont amenés à porter le nom, la descendance est perçue comme une « sorte d’immortalité »[179], chez les nobles comme chez les roturiers. Les viols faits par les soldats aux femmes dans les foyers qui doivent les accueillir représentent, en plus d’un moyen de pousser leurs hôtes à bout, celui de retirer au père la maîtrise de sa lignée, c’est-à-dire, selon la rhétorique de l’Ancien Régime, de le déposséder de ses enfants. Un pasteur d’Orange, nommé Chambrun, narre ainsi :
La femme criait au secours pour délivrer son mari qu’on rouait de coups, que l’on pendait à la cheminée, qu’on attachait au pied du lit, ou qu’on menaçait de tuer, le poignard sur la gorge. Le mari implorait la même assistance pour sa femme, qu’on avait fait avorter par les menaces, par les coups et mille mauvais traitements. Les enfants criaient : « Miséricorde ! on assassine mon père, on viole ma mère… »[180]
Le mari est non seulement renvoyé à une forme d’impotence, étant incapable de venir au secours de sa femme, mais aussi confronté à la subversion de sa lignée. L’association entre l’avortement provoqué par les coups et blessures, d’une part, et la violence sexuelle, que nomment les enfants, d’autre part, ne laisse pas de place au doute. Les dragons dépossèdent le père de sa descendance, empêchant la naissance d’un nouvel enfant tout en jouant, par le viol, sur la possibilité – biologiquement improbable, mais symboliquement à l’œuvre – d’en engendrer un autre. La scène se passe sous les yeux des enfants déjà nés, ainsi confrontés à la désagrégation de leur fratrie qui devait accueillir un nouveau membre, en même temps qu’à l’embarras de voir leur mère ainsi malmenée.
Le « souci des hommes d’avoir une descendance qui fût bien la leur »[181], impliquant, « dans les termes de Françoise Héritier, l’appropriation du ventre des femmes », qui est, selon l’historien Michel Nassiet, le fait premier dans les relations de genre, est ainsi subverti par les gens de guerre au logis. La violence faite aux femmes est, dans des cas tels que celui-ci, l’acte symbolique de retrait des enfants à leur mère, qui perd la maîtrise qu’elle pouvait avoir de sa descendance, mais aussi à leur père, confronté au doute que ses futurs enfants soient bien les siens.
Une telle interprétation du viol des femmes huguenotes est corroborée par l’observation d’autres actes faits, dans le même temps, à celles-ci et à leurs familles. En effet, la filiation étant « un lien social qui ne se confond pas avec l’engendrement »[182], ancrant l’enfant « dans le monde social » et notamment religieux, le tort fait à celle-ci ne se limite pas aux violences corporelles. De fait, l’appartenance à la « RPR », à la « religion prétendue réformée », fait l’objet d’une transmission héréditaire, non pas au sens où elle se perpétuerait par le sang mais dans la mesure où l’usage d’élever ses enfants dans sa propre foi est une norme, d’autant plus que les huguenots forment une communauté minoritaire et déjà menacée par le passé. Cette transmission est donc, logiquement, l’un des ressorts sur lesquels joue la politique des conversions, à travers tant les dragonnades que les textes de loi.
Ainsi, dès juin 1681, alors que commence le logement systématique des gens de guerre chez les huguenots, une déclaration royale autorise les enfants de ces derniers à la conversion au catholicisme dès l’âge de sept ans[183], âge de raison pour l’Église romaine et pourtant âge où on est encore influençable. De la sorte, on ouvre la porte à la possibilité de l’éloignement des enfants de la foi paternelle. Cela va de pair avec l’interdiction des mariages mixtes sur le sol du royaume, décidé l’année précédente, et de celle du mariage de Français à l’étranger, qui viennent limiter la possibilité de diffusion intragénérationnelle, et non uniquement intergénérationnelle de la foi protestante – si ce texte ne nomme pas clairement les huguenots, peu de doute est possible quant à la cible réelle de telles interdictions[184].
Même une fois les parents convertis, les enfants font encore l’objet d’une surveillance particulière : à partir de 1686, on procède à des enlèvements d’enfants de « Nouveaux Convertis », par soupçon de tiédeur de ces derniers, pour les faire élever dans la foi catholique et, parfois, les faire communier de force[185]. La dépossession de la descendance des huguenots est donc également éducative et physique. Ainsi, alors que les dragonnades font rage dans le royaume, le marquis de Sourches commente la politique des conversions par ces mots : « si les conversions n’étaient pas tout à fait sincères de la part des pères, on était sûr au moins de gagner les enfants »[186]. Le souci des enfants de la RPR, qu’il s’agit de convertir à l’encontre de la volonté parentale, est présent sans discontinuer pendant les persécutions. Dans ce contexte, le viol, atteinte physique à la filiation au caractère massif pendant les dragonnades, est un moyen parmi d’autres de priver les huguenots, tant spirituellement, les huguenots de leur descendance.
Conclusion générale
C’est à tort que l’historiographie des violences sexuelles en temps de guerre, actuellement en expansion, n’a consacré que peu d’attention à la période moderne. Rares, mais non inexistantes, sont les sources primaires qui attestent de l’exercice, à l’époque, de telles violences sur les femmes – et certains hommes -, et elles restent largement imprécises, partielles et, bien souvent, partiales. Ces sources sont généralement de la main de personnes qui ne sont pas étrangères au conflit et qui, à ce titre, instrumentalisent de tels faits avant de les regretter. Toutefois, les occurrences en sont trop nombreuses et concordantes pour en déduire que ces violences seraient essentiellement le fruit de l’imagination ou de mensonges.
Bien au contraire, même s’il est impossible de les quantifier, leur caractère massif ne fait pas de doute, ce phénomène devant être relié à la brutalité non seulement des combats mais aussi de la discipline des troupes. Plus d’une fois, cet état de fait sert bien un officier qui, en peine de rétribuer ses hommes, les laisse tirer le butin qu’ils souhaitent, financier et humain, d’une place conquise ou d’un village traversé, ou un chef de guerre espérant faire rendre les armes à ses ennemis en agitant la menace d’un terrifiant précédent.
Si les violences massives de la guerre de Trente Ans illustrées par les gravures de Callot et de Franck, celles de la Fronde narrées par les mazarinades ou encore celles de la guerre de Hollande dénoncées par les ennemis du royaume de France sont les premières à avoir laissé derrière elles un souvenir douloureux, la menace est restée présente tout au long du XVIIe siècle, siècle de fer pour le continent européen. En cette période où la guerre est incessante, le viol est une réalité dramatiquement courante.
Toutefois, le fait même que ces violences sexuelles soient, dès cette époque, mentionnées dans des sources aussi diverses par leur auteur, par leur lieu d’écriture ou par leurs circonstances de rédaction en dit long. Le XVIIe siècle, débuté au lendemain de la signature de l’édit de Nantes, est celui où commence, avec les juristes du droit de la guerre, sa condamnation coutumière : après l’exclusion des violeurs de l’amnistie prononcée par Henri IV, Gentili puis Grotius y voient une violence particulière, exclue des actes d’hostilité normaux du temps de guerre, une exaction. Se lit bien là une sensibilité pour la violence sexuelle, pour cette violence qui vise celles qui ne participent pas, en principe, au conflit. Loin de s’appliquer systématiquement dans les armées des différents États, cette interdiction est le signe d’une prise en compte spécifique de celle-ci, distinguant la violence légitime de la violence illégitime.
La violence sexuelle est parfois réprimée ou reléguée à l’extérieur des frontières des États et elle est parfois exploitée à dessein par ceux-là, ces attitudes contradictoires témoignant l’une comme l’autre de la perception de celle-ci comme une violence hors des codes guerriers. Les brutalités des soldats ne sont plus un tout informe relié à la nécessité de vaincre l’ennemi : elles sont distinguées et, par la même occasion, modulées. Pourtant, jamais une quelconque autorité ne parvient à pleinement maîtriser, dans un sens ou dans l’autre, la violence sexuelle des gens de guerre. Celle-ci échappe régulièrement aux chefs – comme elle échappe, bien souvent, aux historiens.
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[1] DE BASSOMPIERRE François, Journal de ma vie : mémoires du maréchal de Bassompierre, vol. 3, Paris, Renouard, 1875, 455 p., p. 111
[2] Ibid., p. 112
[3] VO-HA Paul, Rendre les armes. Le sort des vaincus XVIe–XVIIe siècles, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017, 428 p., pp. 123-124
[4] FARGNOLI Vanessa, Viol(s) comme arme de guerre, Paris, L’Harmattan, 2012, 260 p., pp. 64-65
[5] SADOUL Georges, Jacques Callot miroir de son temps, Paris, Gallimard, 402 p., 1969
[6] GANTET Claire, « La guerre des cannibales. Représentations de la violence et conduite de la guerre de Trente ans (1618-1648) » dans HASSNER Pierre, MARCHAL Roland (dir.), Guerres et sociétés. Etats et violence après la Guerre froide, Paris, Karthala, 2003, 615 p., pp. 23-48, pp. 43-44 ; BOGDAN Henry, La guerre de Trente Ans 1618-1648, Paris, Perrin, 1997, p. 138 ; SCHILLING Michael, « Militia amoris und ungleiches Paar. Zur Bildlichkeit der Magdeburgischen Hochzeit », dans KÖSTER Gabriele, POENICKE Cornelia, VOLKMAR Christoph (dir.), Magdeburg und die Reformation, t. 2, Von der Hochburg des Luthertums zum Erinnerungsort, Halle Mitteldeutscher Verlag, 2017, 492 p., pp. 267-281
[7] Début 2020, une exposition au Kulturhistorisches Museum Magdeburg, musée historique de la ville, dressait un parallèle entre la destruction de la ville en 1631 et celle survenue en 1945, sous les bombardements britanniques de la Seconde Guerre mondiale. En 2014, le président de la République fédérale allemande, Frank-Walter Steinmeier, parlait d’« Hiroshima de la guerre de Trente Ans » à propos du sac de Magdebourg, des propos rapportés par FAURE Marie-Noëlle, La Guerre de Trente Ans, Paris, Ellipses, 2019, 326 p., p. 201. Par ailleurs, le terme de « magdeburgisieren » est encore parfois employé en allemand pour désigner la destruction et l’extermination.
[8] DRÉVILLON Hervé, L’Individu et la Guerre : du chevalier Bayard au soldat inconnu, Paris, Belin, 2013, 306 p., p. 28
[9] MASSON Rémi, Les mousquetaires ou la violence d’État, Paris, Vendémiaire, 2013, 156 p., pp. 69-72
[10] DRÉVILLON Hervé, op. cit., p. 28
[11] Ibid., pp. 28-29
[12] CORVISIER André, Histoire militaire de la France, tome 1, Des origines à 1715, Paris, PUF, 1997, 626 p., p. 403, p. 447
[13] La guerre de Trente Ans (1618-1648) est communément considérée comme le conflit marquant la transition entre guerres de religion et guerres interétatiques. Elle oppose dans un premier temps catholiques (notamment le Saint-Empire des Habsbourg) et protestants (certains États d’Empire), mais est rapidement rejointe par des puissances extérieures qui n’ont pas toutes de motivation religieuse. La France notamment, avec le cardinal de Richelieu, rejoint le camp protestant par intérêt, en 1635, pour s’opposer aux Habsbourg. Conclue par les traités de Westphalie en 1648, la guerre est extrêmement meurtrière, en particulier dans l’Europe centrale.
[14] LAVENIA Vincenzo, « Foi et discipline. Catéchismes espagnols pour les soldats au temps de la guerre de Trente Ans », dans FORCLAZ Bertrand (dir.) et MARTIN Philippe (dir.), Religion et piété au défi de la guerre de Trente Ans, Rennes, PUR, 2015, 346 p., pp. 203-219, p. 207
[15] Ibid., p. 208
[16] Nous traduisons, dans ibid., pp. 205 et 211
[17] LE BLANC Thomas, Le Soldat généreux pour l’utilité de tous les soldats, afin qu’ils soient de jour en jour plus généreux et vertueux, Pont-à-Mousson, Guilleré, 1655, 364 p., p. 145
[18] BOLTANSKI Ariane, « Forger le “soldat chrétien”. L’encadrement catholique des troupes pontificales et royales en France en 1568-1569 », dans Revue historique, n°2014/1, 669, Paris, Presses Universitaires de France, 2014, 264 p., pp. 51-85, pp. 72-73
[19] De même qu’en 1568-1569, années étudiées par BOLTANSKI Ariane, ibid.
[20] MURAVYEVA Marianna G., « Le viol dans la législation militaire russe moderne (XVIe-XXe) », dans BRANCHE Raphaëlle (dir.), DELPLA Isabelle (dir.), VIRGILI Fabrice (dir.), Viols en temps de guerre, Paris, Payot & Rivages, 2011, 359 p., p. 36
[21] FOUCAULT Michel, Surveiller et punir, naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, 318 p., p. 36
[22] VIGARELLO Georges, Histoire du viol XVIe-XXe siècle, Paris, Seuil, 1998, 368 p., p. 18
[23] BERCÉ Yves-Marie, Violences et répression dans la France moderne, Paris, CNRS Éditions, 2018, 222 p., p. 13
[24] MUCHEMBLED Robert, Une histoire de la violence de la fin du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil, 2008, 498 p., p. 24
[25] BECKER Howard S., Outsiders : études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 2020 (1re éd. 1985), 308 p., traduit par BRIAND Jean-Pierre, CHAPOULIE Jean-Michel et VIAL Emmanuelle, p. 54
[26] Ibid., p. 60
[27] CHILDS John, La guerre au XVIIe siècle, Europe, Paris, Autrement, 2004, 224 p.
[28] VO-HA Paul, op. cit., p. 298 ; LYNN John Albert, Women, Armies and Warfare in Early Modern Europe 1500-1815, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, 239 p., p. 19
[29] VO-HA Paul, op. cit., p. 298
[30] Louis XIV, Œuvres, t. II, pp. 89-93, dans NIDERST Alain, Les Français vus par eux-mêmes : le siècle de Louis XIV : anthologie des mémorialistes du siècle de Louis XIV, Paris, Bouquins Éditions, 1997, 910 p., pp. 360-361
[31] FOUCAULT Didier, Histoire du libertinage : des goliards au marquis de Sade, Paris, Perrin, 2007, 487 p., pp. 226-227
[32] Ibid., p. 393
[33] Ibid., p. 394
[34] FAURE Marie-Noëlle, op. cit., p. 195
[35] HAGENDORF Peter, Tagebuch eines Söldners aus dem Dreißigjährigen Krieg, Göttingen, V&R Unipress, éd. Jan Peters, 2012, 238 p., annoté par PETERS Jan, p. 109. Nous traduisons.
[36] Le terme allemand de « Beute » peut désigner le butin ou la « proie », mais, portant dans ce contexte tant sur la jeune fille que les richesses matérielles qu’il remporte, lesquelles sont syntaxiquement mises sur le même plan, le terme de butin nous semble le meilleur.
[37] FAURE Marie-Noëlle, op. cit., p. 200
[38] HAGENDORF Peter, op. cit., p. 169
[39] LYNN John Albert, op. cit., pp. 153-154
[40] DRÉVILLON Hervé, « L’honneur, de l’intime au politique », dans CORBIN Alain (dir.), COURTINE Jean-Jacques (dir.) et VIGARELLO Georges (dir.), Histoire des émotions, t. 1, Paris, Seuil, 2016, 707 p., pp. 314-332
[41] NASSIET Michel, La violence, une histoire sociale :. France, XVIe-XVIIIe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2011, 377 p., p. 318
[42] GAUDILLAT CAUTELA Stéphanie, « Questions de mot. Le “viol” au XVIe siècle, un crime contre les femmes ? », dans Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, n°24, Paris, Belin, 2006, 362 p., [en ligne] http://journals.openedition.org/clio/3932 (dernière consultation le 07/12/2022)
[43] DUVERT Cyrille, « Viol », dans MARZANO Michela (dir.), Dictionnaire de la violence, Paris, Presses universitaires de France, 2011, 1546 p., p. 420
[44] GAUDILLAT-CAUTELA Stéphanie, « Viols et guerres au XVIe siècle, un état des lieux », dans NIVET Philippe (dir.) et TRÉVISI Marion (dir.), Les femmes et la guerre de l’Antiquité à 1918 : actes du colloque d’Amiens, Paris, Economica, 2010, 412 p., pp. 213-216
[45] BROWNMILLER Susan, Le Viol, Paris, Stock, 1976, 568 p., traduit de l’anglais par VILLELAUR Anne, p. 52
[46] BRANCHE Raphaëlle, DELPLA Isabelle, HORNE John, LAGROU Pieter, PALMIERI Daniel, VIRGILI Fabrice, « Écrire l’histoire des viols en temps de guerre », dans BRANCHE Raphaëlle (dir.), DELPLA Isabelle (dir.) et VIRGILI Fabrice (dir.), op. cit., p. 10-11
[47] Ibid., p. 17
[48] BROWNMILLER Susan, op. cit.
[49] Ibid., p. 47
[50] Nous reviendrons plus précisément sur cette guerre plus bas.
[51] CUBERO José, La femme et le soldat : viols et violences de guerre du Moyen Âge à nos jours, Paris, Imago, 2011, 355 p., p. 31
[52] Ibid., p. 31
[53] BROWNMILLER Susan, op. cit.
[54] BROWN Howard, Mass Violence and the Self. From the French Wars of Religion to the Paris Commune, Ithaca / Londres, Cornell University Press, 2019, 283 p., p. 100
[55] Ibid., p. 100
[56] « Extraordinaire du III Octobre MDCXXXV CONTENANT 1. La prise de Moyen par l’armée du Roy. 2. Et la défaite de cinq mille Imperiaux de l’armée du General Galas, par le Cardinal de la Valette », dans Gazette, Paris, Bureau d’adresse, 1635, p.
[57] RIPA Yannick, « Armes d’hommes contre femmes désarmées : de la dimension sexuée de la violence dans la guerre civile espagnole », dans DAUPHIN Cécile Dauphin et FARGE Arlette (dir.), De la violence et des femmes, Paris, Albin Michel, 1997, 201 p., pp. 131-145, p. 134
[58] « Les notables circonstances de la prise de Vervins par les Espagnols », Gazette, Paris, Bureau d’adresse, 1653, p. 149
[59] Ibid., p. 150
[60] VO-HA Paul, op. cit., pp. 298-299
[61] CUBERO José, op. cit.
[62] VO-HA Paul, op. cit., p. 315
[63] Ibid., p. 315
[64] Ibid., p. 295
[65] LAGADEC Yann, « Les sociétés en guerre au XVIIe siècle », dans ANTOINE Annie (dir.) et MICHON Cédric (dir.), Les sociétés au XVIIe siècle : Angleterre, Espagne, France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, 508 p., pp. 471-493, p. 487
[66] DRÉVILLON Hervé, dans DRÉVILLON Hervé (dir.) et WIEVIORKA Olivier (dir.), Histoire militaire de la France, t. 1, Paris, Ministère des Armées / Perrin, 2018, 864 p., p. 343
[67] Ibid., p. 343
[68] Ibid., p. 359
[69] Ibid., pp. 358-359
[70] Ibid., pp. 359-360
[71] BERCÉ Yves-Marie, op. cit., p. 80
[72] Ibid., p. 82
[73] Ibid., pp. 82-83
[74] Ibid., p. 84
[75] Ibid., p. 86
[76] Ibid., p. 85
[77] Ibid., p. 90
[78] DE PONTIS Louis, Mémoires de Monsieur de Pontis qui a servi dans les armées cinquante-six ans, sous les rois Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, Paris, Mercure de France, 366 p., 1986
[79] DE BASSOMPIERRE François, vol. 3, op. cit., p. 67
[80] Appendice – II., dans ibid., p. 428
[81] DE PONTIS Louis, op. cit., p. 88
[82] Ibid., p. 89
[83] Ibid., p. 90
[84] DE BASSOMPIERRE François, vol. 3, op. cit., p. 67
[85] DE PONTIS Louis, op. cit., p. 90
[86] Sur le rôle royal de protection de l’ordre social et familial, voir HAASE-DUBOSC Danielle, Ravie et enlevée : de l’enlèvement des femmes comme stratégie matrimoniale au XVIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1999, 465 p., pp. 22-28
[87] Le grand et iuste chastiment des Rebelles de Negrepelisse. Mis & taillez en pieces, & leur ville réduite à feu & à sang. Par l’armée Royale de Sa Majesté les 10 et 11 Iuin 1622, Rouen, Jacques Besongne, 1622, 12 p, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k100371w/f1.item (dernière consultation le 07/12/2022)
[88] DE PONTIS Louis, op. cit., p. 146
[89] SHD/GR, A¹32, 231, « Ordonnance pour empêcher divers désordres des gens de guerre », 15 décembre 1636
[90] BERCÉ Yves-Marie, op. cit., p. 13
[91] SHD/GR, A¹49, 55 : « Ordre du roi prescrivant de faire marcher des archers à la suite du prévôt général de l’armée d’Italie », Saint-Germain-en-Laye, 26 février 1638
[92] SHD/GR, A¹49, 204 : « Ordonnance nommant un commissaire pour prendre la conduite et police des troupes et les faire vivre en discipline dans leurs quartiers », Saint-Germain-en-Laye, 15 décembre 1638
[93] Ibid., p. 13
[94] Ibid., pp. 14-15
[95] BARBICHE Bernard, Les institutions de la monarchie française à l’époque moderne. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, PUF, 2012, 448 p., p. 103
[96] CARRIER Hubert, La Fronde. Contestation démocratique et misère paysanne. 52 mazarinades, t. 2, Paris, Édition d’histoire sociale, 1982, non paginé
[97] DRÉVILLON Hervé, dans DRÉVILLON Hervé et WIEVIORKA Olivier (dir.), op. cit., pp. 360-361
[98] Ibid., p. 361
[99] Ibid., p. 361
[100] BATTESTI Michèle, « Le viol, une arme de guerre multiséculaire ? », dans BAECHLER Jean (dir.) et TRÉVISI Marion (dir.), La Guerre et les Femmes, Paris, Hermann, 2018, 240 p., pp. 95-121, p. 103
[101] CHAGNIOT Jean, Guerre et société à l’époque moderne, Paris, Presses universitaires de France, 2001, 394 p., p. 120
[102] DRÉVILLON Hervé, dans DRÉVILLON Hervé et WIEVIORKA Olivier (dir.), op. cit., p. 360
[103] FONCK Bertrand, Le maréchal de Luxembourg et le commandement des armées sous Louis XIV, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2014, 641 p., p. 351
[104] Dans FONCK Bertrand, ibid., p. 351
[105] Ibid., p. 351
[106] Ce massacre a été évoqué dans notre première partie : WILFERT Alban, « La chair et le sang – La violence sexuelle dans les conflits du XVIIe siècle [1/2] Maux et mots du viol », dans La Revue d’Histoire Militaire, Les Lilas, La Revue d’Histoire Militaire, 2022, 42 p., [en ligne] https://larevuedhistoiremilitaire.fr/2022/11/30/la-chair-et-le-sang-la-violence-sexuelle-dans-les-conflits-du-xviie-siecle-1-2-maux-et-mots-du-viol/ (dernière consultation le 07/12/2022)
[107] CÉNAT Jean-Philippe, « Le ravage du Palatinat : politique de destruction, stratégie de cabinet et propagande au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg », dans Revue historique, n° 633, Paris, Presses universitaire de France, 2005, 240 p., pp. 97-132, p. 102
[108] Ibid., p. 102
[109] Ibid.
[110] CORNETTE Joël, Le roi de guerre : essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Payot, 2000 (1re éd. 1993), 486 p., p. 32
[111] LYNN John Albert, Les guerres de Louis XIV, 1667-1714, Paris, Perrin, 2010, 430 p., pp. 69-70, traduit par DEMANGEOT Bruno
[112] Ibid., p. 70
[113] CORNETTE Joël, op. cit., p. 32
[114] Ibid., p. 32
[115] LYNN John Albert, Les guerres…, op. cit., p. 203
[116] Ibid., p. 204
[117] Ibid., p. 205
[118] CÉNAT Jean-Philippe, art. cit., p. 105
[119] Ibid., p. 100
[120] FOGEL Michèle, « La désolation du Palatinat ou les aléas de la violence réglée (septembre 1688-juin 1689) », dans MARTIN Jean-Clément (dir.), Guerre et répression : la Vendée et le monde : colloque de Cholet avril 1993, Nantes, Ouest Éditions, 1993, 171 p., pp. 111-117, p. 112
[121] CÉNAT Jean-Philippe, art. cit., p. 106
[122] DE VILLARS Louis-Hector de, Mémoires du maréchal de Villars, t. 2, Paris, librairie Renouard, 1884, 412 p., p. 109
[123] VO-HA Paul, op. cit., p. 344
[124] DOSQUET Émilie, « Le ravage du Palatinat au prisme du scandale », dans Hypothèses, n° 16, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2013, 420 p., pp. 217-226, p. 223
[125] VO-HA Paul, op. cit., p. 345
[126] CÉNAT Jean-Philippe, art. cit., pp. 117 et 126
[127] DRÉVILLON Hervé, dans DRÉVILLON Hervé et WIEVIORKA Olivier (dir.), op. cit., p. 364
[128] FOGEL Michèle, art. cit., p. 115
[129] CÉNAT Jean-Philippe, art. cit., p. 123
[130] FOGEL Michèle, art. cit., p. 116
[131] Ibid., p. 117
[132] CÉNAT Jean-Philippe, art. cit., p. 117
[133] LYNN John Albert, Les guerres…, op. cit., p. 266
[134] DOSQUET Émilie, « “Tout est permis dans la Guerre, mais tout ce qui est permis ne se doit pas faire”. La “désolation du Palatinat” (1688-1689) à l’épreuve du droit de la guerre », dans CÉNAT Jean-Philippe (dir.), DRÉVILLON Hervé (dir.) et FONCK Bertrand (dir.), Les dernières guerres de Louis XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes / Service historique de la Défense, 2017, 312 p., pp. 229-252
[135] VO-HA Paul, op. cit., pp. 328-329
[136] GRIMM Gunter E., « Das Mädchen von Esslingen. Wandlungen einer Sage » (« La jeune fille d’Esslingen. Métamorphoses d’une légende »), dans Esslinger Studien (« Études sur Esslingen », n° 18, Sigmaringen, Jan Thorbecke, 1979, 224 p., pp. 167-186, [en ligne] http://www.goethezeitportal.de/fileadmin/PDF/db/wiss/epoche/grimm_maedchen.pdf (dernière consultation le 07/12/2022)
[137] Ibid.
[138] Dans LARMAGNAC-MATHERON Octave, « De Fénelon à… Sting : pourquoi la guerre est toujours une défaite », dans Philosophie magazine, Paris, Philo Éditions, 2022, [en ligne] https://www.philomag.com/articles/de-fenelon-sting-pourquoi-la-guerre-est-toujours-une-defaite (dernière consultation le 07/12/2022)
[139] Plusieurs hypothèses ont été émises quant à l’auteur de ce texte, sans qu’aucune ne fasse aujourd’hui consensus. Pour certains, il s’agit de Pierre Jurieu, pasteur calviniste exilé en Hollande, ou de Michel Le Vassor, également huguenot, que nous avons évoqué plus haut. Ce pourrait également être un opposant intérieur au royaume de France, à la Cour. L’anonymat est alors courant dans la littérature polémique.
[140] Les soupirs de la France esclave, qui aspire après la liberté, Paris, Édition d’histoire sociale, 1976 (reproduction photomécanique de l’édition d’origine parue à Amsterdam en 1689), 228 p., p. 65
[141] Ibid., p. 64
[142] Ibid., p. 43
[143] Ibid., p. 150
[144] RORIVE Jean-Pierre, Les misères de la guerre sous le Roi-Soleil : les populations de Huy, de Hesbaye et du Condroz dans la tourmente du siècle de malheur, Liège, Éditions de l’Université de Liège, 2000, 455 p., p. 182
[145] PARROTT David, Richelieu’s Army: War, Government and Society in France, 1624-1642, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, 599 p.
[146] VO-HA Paul, « Les opérations contre les Barbets, un modèle cynégétique de la guerre ? (1686-1697) », dans Revue historique des armées, n°298, Vincennes, Service historique de la Défense, 144 p., pp. 101-114, p. 102, [en ligne] https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RHA_298_0101&download=1 (dernière consultation le 07/12/2022)
[147] GARRISSON Janine, L’Édit de Nantes et sa révocation : histoire d’une intolérance, Paris, Seuil, 1985, 309 p., p.. 216
[148] JOUHAUD Christian, RIBARD Dinah et SCHAPIRA Nicolas, Histoire, littérature, témoignage : écrire les malheurs du temps, Paris, Gallimard, 2009, 405 p., pp. 164, 167, 169 et 171
[149] GARRISSON Janine, op. cit., p. 216
[150] Cité par DRÉVILLON Hervé, dans DRÉVILLON Hervé et WIEVIORKA Olivier (dir.), op. cit., p. 359
[151] Ibid.
[152] GARRISSON Janine, op. cit., p. 216
[153] Ibid.
[154] VON JOEDEN-FORGEY Elisa, « Gender and Genocide », dans BLOXHAM David (dir.) et MOSES A. Dirk (dir.), The Oxford Handbook of Genocide Studies, Oxford, Oxford University Press, 2010, 675 p., pp. 61-79
[155] Ibid.
[156] JOUTARD Philippe, La Révocation de l’édit de Nantes ou les faiblesses d’un État, Paris, Gallimard, 2018, 552 p., pp. 119-120
[157] Ibid.
[158] LYNN John Albert, Les guerres…, op. cit., p. 187
[159] GARRISSON Janine, op. cit., p. 224
[160] TRIVISANI-MOREAU Isabelle, « Parler de ce qu’on voudrait taire : mémoires protestants au risque de la confession », dans Dix-septième siècle, n°293, Paris, Presses universitaires de France, 2021, 549 p., pp. 405-418, p. 405 [en ligne] https://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2021-4-page-405.htm (dernière consultation le 07/12/2022)
[161] Ibid., p. 415
[162] SERRES Étienne, Déportés pour la foi : l’Assemblée de PUECH-MARTEL (Nîmes) ; et les Quatre Relations d’Étienne SERRES, Marseille, Laffitte Reprints, 1985, 168 p., p. 44
[163] Dans JOUTARD Philippe, op. cit., pp. 144-145
[164] CUBERO José, op. cit.
[165] BOITEL Isaure, « D’encre et de sang. Gravures hollandaises des supplices huguenots du règne de Louis XIV », dans Dix-septième siècle, op. cit., pp. 429-448, pp. 434-435, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2021-4-page-429.htm (dernière consultation le 07/12/2022)
[166] BENOIST Élie, Histoire de l’édit de Nantes, contenant les choses les plus remarquables qui se sont passées en France avant & après la publication, à l’occasion de la diversité des Religions : Et principalement les Contraventions, Inexecutions, Chicanes, Artifices, Violences, & autres Injustices, que les Reformez y ont souffertes, jusques à l’édit de révocation en Octobre 1685. Avec ce qui a suivi ce nouvel Edit jusques à présent, t. III, Delft, Adrien Beman, 1693-1695, 1019 p., pp. 850-851, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9602415q/f229 (dernière consultation le 07/12/2022)
[167] JOUTARD Philippe, op. cit., pp. 142 et 144
[168] CORVISIER André, op. cit., p. 402
[169] MURAVYEVA Mariana, « “Ni pillage ni viol sans ordre préalable”. Codifier la guerre dans l’Europe moderne », dans VIRGILI Fabrice (dir.), Clio : femmes, genre, histoire, n°39, Paris, Belin, 2014, 336 p., pp. 55-81, p. 65, [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/11856 (dernière consultation le 07/12/2022)
[170] LYNN John Albert, Women…, op. cit., pp. 67-75 ; TRÉVISI Marion, « Les suiveuses des armées françaises de l’époque moderne jusqu’au début du XIXe siècle », dans TRÉVISI Marion (dir.) et NIVET Philippe (dir.), Les femmes et la guerre de l’Antiquité à 1918 : actes du colloque d’Amiens, Paris, Economica, 2010, 412 p., pp. 223-242
[171] DRÉVILLON Hervé, dans DRÉVILLON Hervé et WIEVIORKA Olivier (dir.), op. cit., p. 363
[172] LYNN John Albert, Les guerres…, op. cit., p. 185
[173] VON CLAUSEWITZ Carl, De la guerre, Paris, Les Éditions de Minuit, 1955, 755 p., traduit de l’allemand par NAVILLE Denise, p. 51
[174] Dans GARRISSON Janine, op. cit., p. 227
[175] Dans TRIVISANI-MOREAU Isabelle, art. cit., p. 415
[176] FARGNOLI Vanessa, op. cit., pp. 64-65
[177] MARTEILHE Jean, Mémoires d’un galérien du Roi-Soleil, Paris, Mercure de France, 1989, 432 p., p. 48
[178] Les événements narrés par Jean Marteilhe se déroulant entre 1700 et 1701, il s’agit en toute logique d’Henri Jacques Nompar de Caumont (1675-1726), devenu cinquième duc de La Force en 1699 et colonel du régiment de Beauce. Son implication dans la persécution des huguenots est notoire : voir JOUTARD Philippe, op. cit., p. 170.
[179] NASSIET Michel, op. cit., pp. 254-256
[180] CUBERO José, op. cit.
[181] NASSIET Michel, op. cit., pp. 260-261
[182] STEINBERG Sylvie, « Filiation », dans RENNES Juliette (dir.), Encyclopédie critique du genre, Paris, La Découverte, 2016, 752 p., pp. 252-262, p. 252
[183] COTTRET Bernard, Le siècle de l’édit de Nantes : catholiques et protestants à l’âge classique, Paris, CNRS éditions, 2018, 312 p., p. 227
[184] BLUCHE François, Louis XIV, Paris, Fayard, 1986, 1039 p., p. 602
[185] SUIRE Éric, Pouvoir et religion en Europe : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2018, 304 p., p. 196, [en ligne] https://www.cairn.info/pouvoir-et-religion-en-europe–9782200623463.htm (dernière consultation le 07/12/2022)
[186] BLUCHE François, op. cit., p. 616