Ivan Vladimirov, "Dans les sous-sols de la Tchéka", 1919

La Tchéka

C’est en 1917, un 20 décembre (7 selon le calendrier julien) pour être plus exact, que naquit en Russie soviétique la « Commission extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution et du sabotage », plus communément désignée sous le nom de Tchéka.

Comme son nom l’indique, elle consistait en une organisation chargée de mener les opérations contre les adversaires du nouveau pouvoir en place. Avant de devenir une machine tentaculaire, la Tchéka était, au départ, une simple section spéciale du Comité révolutionnaire du Soviet de Petrograd dirigée par Félix Dzerjinski. Toutes les méthodes étaient employées : de la perquisition, à l’intimidation, en passant par l’exécution. En octobre 1917 cependant, le Comité révolutionnaire de Petrograd fut dissous pour transférer ses prérogatives à l’une des branches du Comité exécutif central panrusse, chargée de la défense de la Révolution. La section de Félix Dzerjinski changea alors de nom et devint ainsi la Tchéka. L’organisation de cette police politique était décentralisée, devant agir auprès de chaque soviet local pour mater la contre-révolution et préserver le nouvel ordre acquis.

Félix Dzerjinski
Photographie de Félix Dzerjinski, inconnu (The Daily Telegraph)

Si la Tchéka est autant connue de nos jours, c’est en raison de la « terreur rouge » qu’elle mena. Cet épisode de répression est lié au contexte particulier de l’année 1918. Les forces des armées allemandes passèrent à l’offensive en février et les armées blanches, soutenues par les puissances occidentales, reprenaient du terrain. Enfin, les socialistes-révolutionnaires et les anarchistes s’insurgèrent contre le pouvoir bolchevique qu’ils critiquaient pour ses dérives et son abandon des préceptes socialistes et révolutionnaires. Cette situation d’encerclement ne pouvait que motiver une réponse violente des autorités bolcheviques, menacées de toutes parts et désireuses de se maintenir à tous les coups. Pour assurer sa stabilité, la répression se déchaîna. Les victimes de la Tchéka s’élevèrent alors à plus de 6000 pour cette seule année (estimation basse pour la simple période de juillet à décembre), alors même que ses propres effectifs augmentaient : de quelques centaines en 1917, voici qu’elle pouvait aligner 40 000 agents à la fin de 1918 !

Cependant, la situation s’améliora. La paix de Brest-Litovsk mit un terme au conflit avec les Allemands en mars. Malgré de nombreuses défaites, les Armées blanches furent contenues, notamment grâce aux débuts de la réorganisation de l’Armée rouge par Trotski et des mesures disciplinaires drastiques. Il y eut aussi l’émergence de nombreuses insurrections paysannes (les armées vertes), dont certaines s’allièrent aux Bolcheviques, (bien entendu, d’autres combattirent avec les Blancs ou même contre ces deux camps). Enfin, la répression contre les partis de gauche et les anarchistes s’avéra efficace, alors même que ceux-ci ont, pour certains d’entre eux, fait front commun avec les forces soviétiques au nom de l’esprit révolutionnaire.

Insigne de la Tchéka
Insigne de la Tchéka, 1923, Guépéou (Wikimedia Commons)

La Tchéka, tout comme l’Armée rouge, gagna en puissance entre 1919 et 1921, atteignant des effectifs dépassant les 200 000 individus à la fin de 1921. Tour à tour, les menaces que représentaient les troupes blanches, vertes et des partis de gauche et anarchistes furent écartées. La Tchéka y fut à l’œuvre, se montrant impitoyable, même contre ses anciens alliés.

Elle tenta ainsi d’assassiner, sans succès, le communiste libertaire Nestor Makhno, figure importante de l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne, alors même que celui-ci et ses partisans avaient participé de manière décisive aux revers infligés aux forces blanches en Ukraine et s’étaient alliés par trois fois aux forces soviétiques. Il n’empêche que, politiquement, leurs projets différaient : les Bolcheviques disposaient d’une assise urbaine, tandis que les Makhnovistes en possédaient une rurale. Les premiers érigeaient un système autoritaire de soviets locaux soumis à un soviet suprême décisionnaire, alors que les seconds défendaient un modèle de soviets locaux et d’instances exécutives, mais sans parti unique, ni structures décisionnelles situées en haut de leur projet de société libertaire. Devant ce danger politique, deux agents furent envoyés pour assassiner Nestor Makhno, mais échouèrent. L’Armée rouge prit finalement le relais et vainquit la Makhnovtchina.

En 1921, la Russie soviétique était donc dotée d’institutions régaliennes importantes et les combats d’ampleurs sur son territoire étaient désormais terminés : les insurrections de Kronstadt et de Tambov furent ainsi écrasées dans le sang et la répression se poursuivit.

La Tchéka changea alors de nom l’année suivante. Elle devint l’Administration politique d’État (ou Direction politique d’État), autrement appelée Guépéou.

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