En ouvrant l’édition de 1727 du Dictionnaire universel d’Antoine Furetière à la page où se trouvent les mots « viol » et « violer », le lecteur attentif notera le choix des exemples donnés par l’auteur :
VIOL (subst. masc.) : Violence, attentat à la pudeur d’une femme. Le viol est un crime capital. Il a été pendu pour viol. Le viol fut deffendu aux soldats dans le pillage de la ville.
VIOLER (v. act.) : Forcer une femme ; lui ravir la pudicité ; en abuser par la force. Il la viola le poignard sur la gorge. On dit aussi absolument : Les Soldats entrerent dans la ville, pillerent et violerent.[1]
Plus haut, le terme de « soldatesque » est défini comme suit :
Terme collectif, qui se dit des soldats en general. On a abandonné cette ville au pillage, à l’insolence de la soldatesque. Il y eut grand nombre de religieuses qui pour éviter les insultes de la soldatesque, quitterent leurs abbayes.[2]
Il est remarquable que, à deux reprises, le lexicographe[3] se réfère à des soldats pour illustrer le fait de violer une femme et que, réciproquement, la « soldatesque » soit d’emblée associée au « pillage », à l’« insolence » et aux « insultes » contre des religieuses, des personnes destinées à ne pas connaître d’acte sexuel au cours de leur vie. Visiblement, pour lui, les soldats plus que quiconque sont susceptibles de commettre un tel « crime capital ». La définition du viol donnée ici est d’ailleurs minimale et dénote une certaine retenue, l’homme de lettres semblant supposer que chacun soit capable de se le représenter. Relevons également que ces définitions et les exemples qui y sont affublés ont quelque peu évolué par rapport à la première édition du dictionnaire, parue en 1690, où seul le terme de « viol »[4] était illustré par la mention de soldats, et où celui de « soldatesque » était renvoyé au « pillage » et à l’« insolence » sans qu’il y soit question de religieuses. Manifestement, en quelques décennies – et après deux guerres supplémentaires – la réputation des soldats est allée en s’aggravant tout en gagnant en précision.
Une telle association, immédiate et explicite, entre le crime de viol et l’activité de soldat dans un ouvrage réédité une douzaine d’années après la fin du très guerrier règne du Roi-Soleil (1643-1715) donne à réfléchir. Comment en est-on arrivé, au lendemain du « siècle de Louis XIV »[5], à un tel topos du soldat cruel et irrespectueux des serments de femmes d’Église et de l’ordre social ?
S’interroger à ce sujet implique de questionner non seulement les comportements effectifs des gens de guerre, mais aussi la genèse discursive d’une telle figure « du » soldat, en général, dans l’imaginaire collectif. Il ne suffit pas, en effet, que des soldats se rendent parfois coupables de violences sexuelles pour qu’ils soient d’emblée renvoyés à celles-ci dans la littérature et le champ des savoirs. Il est également nécessaire que de tels actes soient racontés, représentés, médiatisés, et ce dans des proportions significatives, ce qui relève bien moins de l’évidence à l’époque moderne que de nos jours. L’espace entre les pratiques et les imaginaires est constitué d’un élément fondamental, le discours, dont l’élaboration comme la réception ont leur importance. Toute source sur le sujet, soumise à l’historien, est elle-même un élément de ce discours. Comprendre l’émergence de ce lieu commun du soldat violeur nécessite donc de faire dialoguer le fait et le dit – ou, bien souvent, le non-dit – de cette violence sexuelle des soldats.
Si cette dernière est depuis plusieurs années au centre d’un questionnement historiographique fécond, les travaux qui en sont issus ont largement privilégié l’époque contemporaine, une période favorisée en la matière par l’abondance des sources et par un regard social de plus en plus attentif et lié à l’actualité. Rares ont été les publications centrées, en la matière, sur l’époque moderne. Quelques évocations de viols sont lisibles dans les études sur la guerre ouvertes à d’autres périodes, mais celles-ci restent pour l’essentiel rares et éparses et semblent, pour certaines, n’envisager la question que comme un à-côté du conflit. En grossissant le trait, on peut en arriver à des écueils comme celui, biaisé par la visibilité nouvelle de la question, consistant à percevoir derrière la violence sexuelle un fait propre aux conflits contemporains, du moins lorsqu’elle atteint une grande ampleur. A contrario, d’aucuns seraient tentés d’affirmer que ces violences auraient « toujours existé », comme inextricablement liées à l’acte guerrier même et sans possible variation, et seraient à ce titre dénuées d’histoire. Là aussi, on parvient de la sorte à un topos, celui du « viol de guerre ».
Cette expression est loin d’être dénuée de sens, mais elle semble suggérer que les viols sont consubstantiels à la guerre, suivant un « postulat de l’existence d’un universel de la domination masculine par la conquête et la possession de femmes-butins »[6], écrivaient en 2011 les auteurs pionniers d’une étude en français sur la question dont la formule éponyme, « viols en temps de guerre », visait à problématiser et historiciser un phénomène certes immémorial mais divers et complexe. Nous faisons donc nôtre cette dénomination, afin d’envisager les violences sexuelles des gens de guerre, dans le cadre de conflits[7], sans préjuger de leur signification et pour mieux saisir ce qui fait, dans les différents cas, leur caractère transgressif. Il ne s’agit pas de minimiser le phénomène ou de nier que le viol puisse s’insérer dans des logiques militaires ou se constituer en lui-même comme arme de guerre, un aspect qui sera au contraire au cœur de la deuxième partie de notre réflexion, mais de l’analyser dans le contexte particulier des guerres du XVIIe siècle.
Celui-ci s’entend ici, au sens large, comme le temps écoulé entre 1598 et 1715. En avril 1598, Henri IV proclame l’édit de Nantes, qui met un terme aux guerres françaises de Religion, guerres civiles, en consacrant la tolérance religieuse des protestants en France et amnistie les auteurs de nombreux crimes commis pendant ces guerres, mais non les coupables de viol. Ce fait semble donc, parmi d’autres, être compris comme ne relevant pas de la défense de la foi[8] mais, donc, de l’exaction. D’emblée, la violence sexuelle apparaît comme particulière par sa nature et sa portée. L’année 1715 marque, quant à elle, la fin du règne de Louis XIV et donc, elle aussi, d’un cycle de guerres, mais de guerres d’expansion. Ces bornes chronologiques correspondent donc à des événements liés au royaume de France. Cependant, notre étude ne se restreindra pas pour autant aux méfaits des armées françaises : nous limiter à celles-ci impliquerait de ne pas insérer les violences sexuelles dans les problématiques de réciprocité et de représailles en temps de guerre et, dès lors, d’exclure de l’analyse bien des éléments pourtant utiles à la compréhension du phénomène. De même, la période étudiée étant encore largement celle de troupes de mercenaires qui passent du service d’un souverain à celui d’un autre sans être véritablement rattachées à une quelconque nation, une telle distinction n’aurait pas d’intérêt scientifique certain. Notre travail sera donc ouvert, dans une perspective transnationale, bien que déséquilibrée, à une échelle européenne, plus large que les seules frontières du royaume de France – dont le tracé évolue d’ailleurs tout au long du siècle.
S’ouvrant, avec l’édit de Nantes, sur une réprobation royale du viol commis en temps de guerre, ce long XVIIe siècle est également celui de la condamnation de ce crime par le droit moderne de la guerre. Il s’agit d’un droit international coutumier, par opposition au droit positif – il n’existe pas, au XVIIe siècle, de tribunaux internationaux habilités à juger des États pour les crimes qu’ils auraient commis dans le cadre de guerres. Toutefois, l’influence des théoriciens de ce « droit des gens », ou jus gentium, n’est pas à négliger, donnant assez largement lieu à une codification de l’interdit du viol dans les États européens de la première modernité[9] et leur propos reflétant le regard porté sur la violence sexuelle en temps de guerre. De fait, l’année même de la signature de l’édit de Nantes, le juriste italien Alberico Gentili donne, dans l’ouvrage De Jure Belli Libri Tres, soit « du droit de la guerre livre trois », une précision très explicite quant aux violences qu’il est légal ou non de faire à une femme :
Il n’est pas légal de commettre cet acte [le viol], même s’il est parfois légal de tuer des femmes […]. Pourquoi une femme qui fait partie des combattants ne supporterait-elle pas de subir personnellement la guerre ? […] Mais il n’y a aucune raison pour qu’elle souffre une insulte aussi grave.[10]
Sous la plume de Gentili, les femmes ne sont pas exclues d’office du champ des victimes possibles de la violence de guerre, mais il est interdit d’exercer contre elles cette « insulte » qu’est le viol. Une femme qui combattrait doit être traitée comme tout autre combattant et, à ce titre, faire l’objet du même genre de violence que ses homologues masculins susceptibles de « subir personnellement la guerre », et d’aucune qui serait proche à son sexe. Le viol est considéré comme une violence particulière, n’appartenant pas au registre des actes tolérés dans le cadre d’un affrontement guerrier. Il est légal, dans ces conditions, de prendre la vie d’une femme, comme les nécessités militaires peuvent l’exiger dans un combat, mais non de prendre son honneur. C’est en effet comme transgression morale, comme crime contre les mœurs, et non comme crime de sang, que le viol est poursuivi par le droit classique[11].
Un quart de siècle plus tard, l’imposant Droit de la guerre et de la paix de l’avocat et intellectuel Hugo Grotius va dans le même sens. Constatant que, à une époque où les pratiques de viols sont banalisées, certains États « les ont permis »[12], il juge cependant que les autres « pensent mieux » car, en interdisant le viol, ils « considèrent ici non pas seulement l’outrage, mais encore l’acte lui-même de passion brutale, et [ils] remarquent que cet acte n’a pas de rapports ni avec la sécurité, ni avec la punition, et que, par conséquent, il ne doit pas plus que dans la paix être impuni ». Une telle interdiction s’insère dans le cadre d’une réflexion plus large de ces juristes quant à la guerre juste, un concept ayant trait tant au droit d’entrer en guerre (jus ad bellum) qu’à celui de la conduite des hostilités une fois celles-ci engagées (jus in bello), ce dernier droit concernant notamment l’attitude envers les non-combattants[13]. N’ayant pas d’utilité dans la réalisation des objectifs du conflit, le viol ne peut servir à résoudre celui-ci et est donc une violence inutile et, par là même, injustifiable. Se référant à des exemples issus de textes antiques, le juriste néerlandais semble associer la pratique du viol en temps de guerre à la barbarie, loin du champ des usages jugés normaux de la guerre. Un tel interdit doit être respecté « parmi les Chrétiens »[14] et « partout punissable » ce qui, relève-t-il lui-même, est loin d’être le cas dans les faits.
Dans cette première partie, nous reviendrons donc sur la violence sexuelle telle qu’elle est pratiquée et rapportée dans les conflits du XVIIe siècle et telle qu’elle se donne à comprendre comme violence aussi ordinaire qu’intolérable aux yeux des officiers et de la société d’Ancien Régime, comme violence de genre ciblant les femmes dans leur honneur tel qu’il se conçoit alors et, enfin, comme violence opportunément attribuée, dans les discours, à un ennemi contre lequel on veut nourrir un ressentiment. Nous étudierons, dans une prochaine publication, les liens étroits entre viol et conduite de la guerre.
La violence sexuelle, intolérable ordinaire de la guerre
En août 1703, en pleine guerre de Succession d’Espagne[15], le chevalier de Quincy rencontre dans un bois du Piémont une « jeune fille de quinze à seize ans tout éplorée »[16]. Comme l’officier s’en doute, celle-ci a été violée par un grenadier. Aucun soldat ne manque pourtant à l’appel immédiatement prononcé pour retrouver le coupable, aussi ce crime est-il « impuni »[17]. Pire, un « régiment irlandois »[18] de l’armée de Quincy s’en va prendre la maison où s’est réfugiée, sur conseil du chevalier, la jeune fille, suivie de bien d’autres hommes et femmes. Ces dernières sont, écrit le mémorialiste, « traitées à l’Irlandoise », une expression qui, pour être vague, laisse peu de place au doute puisque, précise le mémorialiste, le crime du grenadier « ne fut pas le plus grand ». Derrière ce récit laconique se lisent tant la difficulté des officiers à sanctionner et prévenir de tels actes que, derrière elle, l’implacable fréquence de ceux-ci dans le sillage d’une armée en campagne, au bout d’un long siècle de conflits. Sous la plume des mémorialistes militaires, la violence sexuelle apparaît comme un fait aussi intolérable qu’elle est ordinaire.
Pendant les prises de villes et de places, une violence parmi d’autres et regrettée
Les prises d’assaut et pillages de places fortes sont des circonstances propices à la violence sexuelle en temps de guerre au long XVIIe siècle. En effet, les sièges de villes constituent les arguments décisifs de nombreuses campagnes, et ils mettent aux prises, si la place est emportée, les troupes assaillantes aux assiégés, combattants comme non-combattants, dans une atmosphère de violence généralisée.
L’assaut d’une brèche faite dans l’enceinte d’une place constitue un paroxysme de violence[19]. Généralement confié à des troupes d’élite qui sont encouragées à la plus grande ardeur, il donne lieu à des déchaînements de violence où les normes guerrières sont couramment transgressées[20], après des semaines, voire des mois, de siège. Cette violence, alors omniprésente, nécessaire à la capture du lieu, s’auto-entretient, enclenchant une « dynamique de la violence »[21] telle que la grande brutalité du combat, mené à l’arme à feu comme à l’arme blanche, donne lieu à d’autres brutalités, celles-ci sur celles et ceux qui ne combattent pas. Les actes de violence commis lors d’un assaut forment un tout, un ensemble, et la distinction entre combattants et non-combattants y est brouillée au profit du seul antagonisme entre assiégeants et assiégés, ces derniers étant promis à un mauvais sort si l’assaut réussit.
Un tel contexte concourt à faire des femmes des cibles fréquentes de viols, lorsque la garnison est massacrée et de nombreux habitants abattus ou torturés. C’est cet ensemble polymorphe de violences qui ressort du récit fait par Henri-Nompar de Caumont, fils et futur successeur du duc de La Force, de la prise du château de ce dernier par les troupes de Louis XIII, venu réprimer les rébellions huguenotes dans le sud et l’ouest du royaume de France en 1622 :
Il ne peut se dire les cruautés qui furent exercées durant le siège contre quantité de pauvres gens qui n’avoient eu le temps ni la commodité de sortir de là; entre autres on fit mourir une femme à force de la violer, et on fit brûler dans de la paille un vieux homme de quatre-vingts ans qui étoit en enfantillage et n’avoit bougé du lit, il y avoit plus de dix ans ; toutes les écuries et les grandes brûlées et toutes les maisons du bourg, même le jardin qui étoit assez beau, les arbres en furent coupés, et le feu fut mis à une allée de cyprès aussi belle qu’il s’en pouvoit voir.[22]
Sous la plume de Caumont, les actes des gens de guerre qui se rendent maîtres de la place semblent relever de la litanie de « cruautés » dont la diversité n’aurait d’égale que la gratuité. La ville est sujette aux incendies et des personnes sont abattues lorsqu’une femme est violée. Le mémorialiste attribue la mort de cette dernière à cette violence sexuelle multiple, soulignant ainsi la brutalité qui a prévalu à celle-ci, dans les intentions et l’exercice de cette agression. Si la sensibilité du narrateur est favorisée par le fait que le château ainsi saccagé appartient à sa famille, cela le mène à une narration précise et sans équivoque, qui dit l’habituelle violence de tels événements, qui pourtant « ne peut se dire ».
De fait, le récit que livre Henri-Nompar de Caumont est particulièrement explicite. Tel n’est pas le cas de nombreux autres récits d’épisodes similaires par des officiers qui les ont vécus et dont le vocabulaire privilégie souvent la morale à la précision. Les épisodes de prises de villes ou de forteresses rythment les mémoires d’officiers comme ils rythment les campagnes, mais la brutalité qui leur est inhérente fait la part belle au vague. Fréquentes y sont les mentions d’« insolences », d’« outrages » ou d’« inhumanités » par des troupes qui se montrent « odieuses », rendant parfois impossible d’en cerner la teneur exacte. Nombreux sont les mots employés pour le dire, ou plutôt pour ne pas le dire. Derrière un tel demi-silence peut se lire le caractère insoutenable du souvenir de tels faits[23], une certaine pudeur aristocratique – les officiers restant, pour l’essentiel, des nobles – ou l’idée que la signification de tels termes relève de l’évidence, contraignant de fait le lecteur à se référer aux récits les plus détaillés.
La narration qu’effectue le capitaine Henri de Campion de ses campagnes au début de la participation française à la guerre de Trente Ans[24], dans la seconde moitié des années 1630, semble attester de la cristallisation d’un double habitus. Chez les soldats, les pratiques qui accompagnent les mises à sac tendent à s’élever à ce rang[25] tandis que, chez les officiers mémorialistes, on observe une retenue verbale qui va croissant. En 1637, Campion prend part au siège de Lons-le-Saunier, ville tenue par le duché de Bourgogne :
Rincourt, voyant tout en feu, fit retirer les gens de guerre et les personnes les plus considérables dans le château ; plusieurs se noyèrent dans les fossés en se pressant trop de passer sur le pont, et entr’autres la plus belle fille de la ville. Pendant ce temps, nous entrâmes, et les soldats, ne trouvant point de résistance, firent tous les maux dont ils se purent aviser, et le feu qui s’étendoit de tous côtés les rendoit encore plus licencieux. La plupart des femmes furent violées et les biens échappés au feu pillés.[26]
Là aussi, le viol apparaît comme s’inscrivant dans un ensemble protéiforme de violences. Si, cette fois-ci, il n’y a pas de combat contre la garnison, c’est le feu, chaud et destructeur, qui semble décupler l’ardeur des assaillants, décidés à faire « tous les maux » aux biens et aux personnes, et particulièrement aux femmes. Un tel raisonnement est mécaniste, comme si un désordre en appelait un autre, leur accumulation créant une matérialité physique poussant toujours à davantage de violences transgressives.
Toutefois, dans la suite de la campagne, la question du viol n’est plus évoquée aussi nettement. S’ensuit, en effet, la prise d’Orgelet, « petite ville qui fut encore pillée et brûlée »[27] par les soldats devenus « accoutumés à incendier les villages ». Campion « avoue », à l’écriture, « n’avoir jamais vu tant faire de mal qu’en ce pauvre pays, qui fut entièrement ruiné », une confession signalant la systématisation de telles pratiques et le regret d’un officier impuissant. Ces « désordres » ne sont pas, précise-t-il, étrangers au « peu de sévérité » dont fait preuve le duc de Longueville à la tête des troupes, mais elles apparaissent comme devant également être reliées au fait que les habitants « attendoient partout l’assaut et se laissoient emporter sans résistance », comme si, faute de pouvoir s’exprimer contre un ennemi armé, la violence devait trouver d’autres victimes. Viennent ensuite les prises de Saint-Laurent-de-la-Roche en six jours et de Bletterans en dix jours, dont le sort des habitants et de habitantes n’est pas mentionné : faute de précision, il serait sans doute malvenu de croire à un quelconque changement par rapport aux précédents sièges. Le non-dit en dit long.
À ce récit succède toutefois un étonnant commentaire de l’officier. Les rangs de l’armée sont, en effet, touchés par « la peste », un phénomène courant à l’époque, « à cause de la multitude de femmes et d’enfans qui y étoient et du pillage »[28], mais aussi, « à ce que je crois, en punition de tous les maux qu’on faisoit ». La superstition derrière une telle croyance peut prêter à sourire, mais elle témoigne de la certitude de Campion que de tels crimes appellent à une véritable sanction.
De fait, l’ordinaire des viols lors de la prise d’une ville ou d’une place est souligné, en creux, par les quelques sources qui signalent que, à un instant T, elles n’ont pas été commises. En 1647, la Gazette rapporte la prise de la ville catalane d’Ager par le prince de Condé et ses hommes en faisant remarquer que
ce qui est à considérer, & assez extraordinaire, c’est le bon ordre qu’y a apporté le sieur Arnaud & la retenue de nos soldats, qui dans une semblable rencontre, & dans la plus forte chaleur du sac d’une ville prise par force, & assez riche, n’ont pas touché à une Eglise, violé une seule femme, ni bruslé une seule maison, & dans une heure furent tous mis hors de la ville.[29]
L’absence d’exactions, incluant explicitement le viol, est ici relevée avec une grande fierté, ce qui semble rappeler que le contraire est une habitude, un usage ordinaire, dont l’« extraordinaire » ici souligné est littéralement le contraire, mais condamnable – sans quoi, le rédacteur ne s’en montrerait pas si fier. Fondée en 1631 par Théophraste Renaudot bénéficiant d’un privilège de librairie, autrement dit d’un monopole d’édition octroyé par le roi, la Gazette est un périodique dont la ligne éditoriale est proche de la propagande. C’est ainsi qu’elle souligne, ici, le mérite des soldats français qui se sont ainsi abstenus. L’article porte à leur crédit les circonstances de la conquête de cette localité, « prise par force » dans la « chaleur » et dont le caractère « assez riche » aurait pu tenter les combattants. La revue de ces circonstances semble répondre, comme chez Campion, à une logique mécaniste, comme si une telle configuration provoquait en elle-même la violence.
Paradoxalement, de tels récits – un cas similaire ayant été rapporté par la Gazette dix ans plus tôt, à la suite de la prise de Solré, avec la même fierté[30] – tendent à souligner le caractère très commun, sinon « systématique »[31], du viol des femmes lors des prises de villes et de places. Cet acte est le corollaire d’un assaut ou d’un pillage, les deux se confondant souvent, il se déroule à la faveur du désordre que ceux-ci créent et constitue l’une des facettes de la violence alors administrée par les assaillants contre les assiégés, combattants ou non. En témoigne le fait que, en 1655, même Thomas Le Blanc, aumônier aux armées auteur d’un manuel de conduite chrétienne du soldat, qualifie d’« inévitables au sac d’une ville »[32] les « violemens », au même titre que les « massacres », « incendies » et « brutalités ». Les cas où le « violement » – variante plus ancienne de « viol » – est évité tiennent de l’exception : si une ville ou une place est prise, les femmes courent ce risque. La recrudescence des assauts un demi-siècle plus tard, lors de la guerre de Succession d’Espagne[33], décuple ce risque, mais cette circonstance n’est pas la seule à être favorable au viol.
Violer sur le pays
Fréquents sont les viols commis par des soldats en dehors des moments de combat proprement dits. Au XVIIe siècle, le coût et l’omniprésence de la guerre sont tels que celle-ci ne peut être pleinement prise en charge par l’État en construction, aussi la pratique veut-elle que « la guerre nourrisse la guerre »[34], que les armées vivent « sur le pays » en y collectant elles-mêmes une partie de l’argent et des denrées nécessaires à leur subsistance. Il est alors fréquent que les soldats prennent des initiatives dépassant les ordres, allant spolier les paysans, y compris en territoire allié : c’est la pratique du fourrage. Profitant de leur ascendant sur ceux-ci, favorisés par leurs armes et leur combativité, certains ne se privent pas de prendre bien plus que ce qui leur est normalement dû et de s’attaquer aux femmes et aux filles des campagnes.
La violence exercée contre les paysannes à la faveur des pillages et incendies dans le « plat-pays »[35] est attestée par des sources de diverses natures. Elle apparaît, en effet, dans les témoignages visuels les mieux connus de la guerre de Trente Ans, à savoir deux ensembles d’estampes réalisées par le graveur lorrain Jacques Callot autour des « misères de la guerre » dans les années 1630. La première série, élaborée en 1632 et rétrospectivement désignée comme celle des Petites Misères à sa publication posthume en 1636, s’achève sur une eau-forte intitulée « Le pillage et l’incendie d’un village » dont les femmes ne sont pas épargnées.

En plus de brûler le village traversé et d’emporter sur leur charrette les biens saisis, les soldats s’attaquent aux habitants et un sort particulier est réservé aux femmes. À gauche de la composition, l’usage d’armes à feu donne lieu à un incendie qui n’épargne aucun bâtiment, et surtout pas l’édifice religieux dont l’importance au village est soulignée par sa position centrale. Dans le même temps, d’autres combattants menacent, de leurs armes tenues à bout de bras, les villageois, dont l’un, au centre, est transpercé d’une lame. Quant aux femmes, l’une est plaquée au sol par un soldat penché sur elle dont les intentions – il ne veut pas la tuer puisqu’il ne tient pas d’arme contrairement à son acolyte qui s’en prend à un homme – sont faciles à deviner ; l’autre, qui tente de fuir, est retenue par un soldat qui lui tire les cheveux. De fait, la coiffe étant considérée à l’époque comme le gage de la vertu féminine, c’est là la représentation d’une « forme déguisée de la violence sexuelle »[36], un code iconographique donnant à comprendre à l’observateur cultivé ce qu’il advient de cette femme. Cette œuvre illustre donc, codes visuels à l’appui, ce que signifie entre les lignes les mots de « pillage » et d’« incendie » de villages, mots qui apparaissent d’ailleurs dans bien des publications imprimées de l’époque : lorsque la soldatesque s’en vient piller un village, les hommes sont mis à mort et les femmes violées ou emmenées pour servir d’esclaves sexuelles.
L’année suivante, Callot dessine un second ensemble de scènes de guerre dans la Lorraine. Bien plus longue que la précédente avec dix-huit eaux-fortes, la série des Misères et malheurs de la guerre, communément appelées Grandes Misères de la guerre, suit une troupe de soldats à travers une succession d’épisodes de campagne, titrés « L’enrôlement des troupes », « La bataille », « La maraude » et, non des moindres, « Le pillage ».

À l’inverse de son quasi-homonyme des Petites Misères, cette estampe montre un espace intérieur, celui d’une ferme visiblement vaste et cossue. En sus des vols d’objets de valeur, du perçage de tonneaux et de la torture d’un homme pendu par les pieds au-dessus d’un feu, ce ne sont pas moins de trois viols qui y sont suggérés. À l’arrière-plan, une femme dépoitraillée est maintenue dans un lit à baldaquin par un soldat pour qu’un camarade la viole plus commodément tandis que, dans une pièce voisine visible à travers l’ouverture d’une porte à droite de la composition, une jeune fille est forcée par un soudard[37] ; à l’opposé, une femme accompagnée d’un enfant – figuration de la maternité ou de l’innocence – s’enfuit mais un soldat la rattrape en lui tirant les cheveux. Une telle disposition est révélatrice, l’un étant central et immédiatement visible tandis que la femme qui se fait tirer les cheveux est au premier plan, à gauche, et semble tenter de sortir du cadre. Le viol qui a lieu dans la pièce adjacente est la scène la plus à la droite de l’image, comme pour représenter la dernière chose qu’il serait donné au spectateur de voir. Ces trois emplacements renvoient, schématiquement, chez un public qui lit de gauche à droite, au début, au milieu et à la fin de l’action. La violence sexuelle apparaît dès lors comme omniprésente et pouvant survenir à n’importe quel moment du pillage.
Bien qu’il n’y ait guère de doute sur la signification de ces saynètes, l’acte est systématiquement sous-entendu par des images schématiques, répondant à des codes[38] : les différents protagonistes apparaissent habillés et l’acte même de pénétration n’est pas donné à voir clairement. La légende, consistant en poèmes de six vers rédigés par l’abbé Michel de Marolles, est plus explicite, évoquant le « violement », mais elle n’est ajoutée que plus tard et sa compréhension suppose a minima de savoir lire. L’influence qu’ont les œuvres de Callot par elles-mêmes n’est, quant à elle, pas sujette au doute : les estampes, tirées à 1500 voire 2000 exemplaires, ce qui en fait un « moyen de masses »[39] pour l’époque, connaissent une large diffusion dans les villes au moyen de l’affichage[40]. Étant donné que celles qui circulent en France pendant la guerre de Trente Ans font bien plus souvent la part belle à la célébration de victoires qu’à un certain quotidien de la guerre comme celui que représente Callot[41], la postérité des eaux-fortes de ce dernier, tant en termes de célébrité que d’inspiration iconographique, est révélatrice.
De fait, la réalité d’événements comme ceux dessinés par Callot ressort de la concordance des sources. Publications littéraires et documents de la pratique, édités par des non-combattants, vont dans le même sens en ce qui concerne les exactions faites à la population du plat pays, à l’instar du Journal de Jean Beauchez greffier de Plappeville au XVIIesiècle, qui est en réalité une chronique mosellane écrite par plusieurs auteurs successifs, dont Jean Beauchez fut le dernier :
Tous les hommes et garçons que [les soldats] y trouvèrent à l’un coupèrent la langue, les autres les bras, à autres la tête ; violèrent toutes les femmes et filles qu’ils pouvaient avoir entre leurs mains, les petits enfants en l’âge de six ou sept ans les pendaient aux branches d’arbres, ils prenaient d’aucuns hommes et leur faisaient avec les baillons qu’ils leur mettaient en la bouche ouvrir toute large, puis ils leur faisaient boire à ces pauvres créatures trois ou quatre seaux d’eau, mais de l’eau qui se purgeait des fumiers et après voyant qu’ils ne leur pouvaient donner argent ni or, ils sautaient a pied ferme sur les ventres de ce pauvre peuple tellement qu’on les oyait crever de bien loin.[42]
Ces faits, qui s’insèrent dans le cadre des raids commis par les troupes impériales, et en particulier croates, sous les autres du maréchal autrichien Gallas, sont contemporains des eaux-fortes de Callot[43]. Une fois de plus, la volonté de piller afin de financer une campagne se voit doublée de nombreux autres méfaits dont l’énumération ininterrompue souligne le caractère simultané et incontrôlable, qui n’est pas sans rappeler, comme chez le graveur, une certaine idée de l’enfer. Le viol de « toutes les femmes et filles qu’ils pouvaient avoir entre leurs mains » est une violence genrée qui s’insère dans cet ensemble de brutalités, aussi diverses que sophistiquées, dont les gens de guerre semblent tirer un malin plaisir qui les rattache, aux yeux de ceux qui rapportent les faits, à la perversité.
Cette « guerre »[44] entre soldats et paysans atteint son paroxysme pendant la guerre de Trente Ans, mais ne disparaît pas pour autant avec les traités de Westphalie, signés en 1648. De fait, plus d’un demi-siècle plus tard, en 1709, les habitants de Rumegies, près des frontières nord du royaume de France, sont encore victimes d’exactions de la part des forces coalisées contre Louis XIV dans la guerre de Succession d’Espagne, décrites par le curé Alexandre Dubois dans son journal :
Le 27 [juin], Bon Dieu ! quelle journée ! Le jugement dernier sera-t-il plus effroyable ? Seigneur, quand je veux me faire une idée du dernier avènement, je me le représente […] Plus de dix mille maraudeurs armés de pistolets de poche, de baïonnettes, d’épées, de grands bâtons, sont venus fondre sur cette maison et sur l’église ; et ils ont tout entièrement mis en ruine. Ils ont pris plus de cinquante vaches et bien trente chevaux ; et après avoir pillé, débilité hommes, femmes et filles, ils en ont violé plusieurs et tué à coups de bâton. Tous ces sacrilèges ont exercé leur rage sur l’église qu’ils ont forcée, pillée, profanée de la manière la plus outrageante qui se puisse imaginer […].[45]
Le clerc porte, à cette date et par la suite, une attention soutenue aux exactions qui relèvent du « sacrilège » – mentionnant deux fois « l’église » ravagée en quelques lignes – dont il livre une lecture religieuse, tout en se montrant choqué de la promotion du protestantisme par les Alliés[46]. La comparaison de son témoignage avec ceux livrés par Callot ou Beauchez des décennies plus tôt semble souligner que, au contraire, de tels actes sont légion en temps de guerre et qu’ils relèvent d’un problème de discipline durable plutôt que d’une altérité confessionnelle qui ne s’observe pas dans toutes les guerres et sur tous les fronts. Tout au long du siècle, une armée qui vit sur le pays le fait au détriment des paysans – et des paysannes. Les violences commises dans le cadre du logement des troupes en témoignent également.
Violer en logement de guerre
L’une des circonstances les plus favorables au viol de femmes par les gens de guerre est celle des quartiers d’hiver. Pendant l’essentiel du long XVIIe siècle, cette saison où les campagnes sont interrompues voit les soldats loger chez l’habitant dans les villes et villages traversés, essentiellement en territoire allié. Il faut attendre l’ouverture progressive de casernes, à la fin du siècle, pour que militaires et non-combattants fassent l’objet d’une véritable séparation. En principe, les soldats ne peuvent prétendre qu’au lit et au couvert, mais les abus sont fréquents, en particulier envers les femmes et les filles de la maisonnée.
Des décennies durant, le logement des gens de guerre ne va pas sans heurts. À de nombreuses reprises et en de multiples endroits, des habitants des localités tenues de loger les troupes tentent de résister et d’échapper à cette pratique. Dès 1636, année du début de la mise en place systématique de ce système[47], le peuple de Bu, village situé entre Paris et Orléans, prend les armes pour aller au-devant des soldats de Campion, qu’un ordre royal destine à y être logés. Le capitaine, décidé à « leur donner une correction si rude qu’ils s’en souvinssent long-temps »[48], promet à ses hommes qu’« alors on feroit main-basse sur eux, et que notre troupe auroit ensuite le pillage du bourg ». Les soldats, « rassurés et encouragés par l’espoir du butin », font preuve d’« une gaieté qui intimida les mutins au point de les faire changer d’avis ». Si les habitants de Bu laissent finalement les soldats entrer, leur détermination à refuser le logement a failli les mener à combattre une troupe armée, signe du repoussoir que représente pour eux une telle charge : ils ne cèdent que face à l’enthousiasme menaçant des militaires, prêts à piller le village… avec les exactions que cela implique, et dont les habitants semblent conscients. Seul le pillage semble constituer une pire issue que le logement.
De fait, le logement des gens de guerre représente régulièrement, pour ces derniers, l’opportunité de violences. Dans son étude quantitative sur les violences commises en France en 1643, l’historien Patrick Landier observe que les mois de janvier et de décembre, en pleine période de quartier d’hiver, sont de loin les plus violents de l’année, représentant à eux 34,1 % des faits répertoriés, soulignant l’importance des exactions dans un contexte de stationnement des troupes[49]. Celles qui se trouvent à Troyes sont rappelées à l’ordre par l’administration, à cinq reprises. Dans l’essentiel des cas (76,1 %), les exactions commises dans l’année sont le fait des soldats du rang, donc de la troupe, plutôt que des officiers, commandants, gouverneurs ou prévôts des troupes[50]. Parmi 92 délits relevés, l’auteur signale quatre viols[51], un chiffre sans doute en-dessous de la réalité puisqu’il ne s’agit là que des faits connus : bien des crimes commis entre les murs d’une maison qui permettent un isolement visuel et sonore relatifs, et non rapportés par une famille soucieuse de ne pas ébruiter l’affaire, peuvent avoir échappé à l’enquête, ainsi que des actes passés sous silence par les chefs. Il est donc impossible d’arriver à une appréciation précise de la fréquence des viols commis dans le cadre du logement, mais des éléments peuvent donner une idée de l’atmosphère générale des quartiers d’hiver.
D’une part, outre les actes de rébellion et manifestations de terreur déjà évoqués, qui constituent une manifestation de la crainte que peuvent susciter les exactions et les viols[52], les peuples tiennent parfois à se faire entendre sur le sujet. En effet, dans les cahiers de doléances rédigés à l’été 1651 en vue d’états généraux finalement reportés sine die, est réclamée une réglementation sévère des logements des gens de guerre[53]. D’autre part, des interdictions émises ponctuellement par les autorités en disent long. Il en va ainsi du règlement édicté le 10 octobre 1675 par Louis XIV et Le Tellier, fils et assistant du secrétaire d’État de la Guerre Louvois, rappelant que les militaires logés ne doivent exiger rien d’autres « qu’un lit garni, 1 place au feu, chandelle, rien d’autre sous peine de vie »[54] et qu’ils seront punis, ainsi que leurs officiers, s’ils se rendent coupables de désordre chez l’habitant. L’émission de tels textes souligne, en creux, la fréquence des heurts lors du logement des soldats.
Quelques sources rendent toutefois compte plus précisément de la violence sexuelle commise dans ces circonstances. Roger de Bussy-Rabutin, officier et libertin notoire, rapporte avec une certaine précision, dans ses Mémoires, les circonstances d’un viol subi par une jeune fille de Nîmes où loge son unité en 1647 :
Le soir que j’arrivai à Nîmes, une manière d’honnête homme, soi-disant argentier du maréchal de Schomberg, me vint faire plainte que quatre de mes chevau-légers, nommés la Garenne, la Marche, Chanfort et Petit, faisoient mille insolences dans leur logis, et même menaçoient de forcer une honnête fille qui étoit sa cousine : je leur envoyai dire que les assommerois si j’entendois encore le moindre bruit de leur part. Une heure après, comme je soupois, je vois entrer cette fille dans ma chambre qui me vint demander protection contre ces chevau-légers : et en même temps je les vois arriver, qui me disent en sa présence, qu’ils ne lui ont parlé qu’en riant, sans la toucher seulement, et qu’ils m’assuroient qu’ils ne lui diront plus rien du tout. Après les avoir fort gourmandés, je voulus renvoyer la demoiselle : elle me dit qu’absolument elle ne s’en retourneroit pas. Je commandai donc qu’on lui donnât une chambre dans mon logis […].[55]
Comme les officiers racontant les méfaits survenus lors d’un assaut ou d’un pillage, Bussy-Rabutin rapporte bien que certains de ses hommes ont tenté de « forcer »[56] cette jeune femme comme partie d’un ensemble d’« insolences ». Cet acte en apparaît toutefois comme l’acmé, souligné par l’emploi du mot « même » et contrastant avec l’honnêteté soulignée de la victime et de l’homme qui en informe le capitaine. Ce dernier lui propose d’ailleurs de lui accorder « ce qu’elle avoit refusée aux soldats », signe du peu de considération qu’il semble accorder à l’émotion d’une jeune femme qui vient d’échapper au viol, mais celle-ci, qui préfère « sauver son honneur » quitte à « hasarder sa réputation », s’y refuse.
Le lendemain, alors que la jeune fille a mystérieusement disparu, étant en fait cachée sous son lit, « deux jésuites » viennent remercier l’officier de « la bonne action » faite « d’avoir sauvé l’honneur d’une fille »[57], et il les informe de son absence. Celle-ci reparaît et Bussy-Rabutin voit chez elle « une personne à qui la peur avoit ôté le jugement et qui ne savoit ce qu’elle disoit », ne comprenant pas – ou ne voulant pas comprendre – que la jeune personne, peut-être sur le coup d’un traumatisme, ne parvient pas à s’exprimer sur ce qu’elle vient de vivre. Il part ensuite avec ses troupes à Lunel. Là-bas, le soir, l’un des quatre cavaliers accusés la veille vient le voir pour l’informer « que la fille qui avoit fait tant de bruit la veille et [qu’il] croyoi[t] si vertueuse n’étoit rien moins que cela ; qu’elle étoit dans son logis avec ses camarades » et qu’il est prêt à la lui « amener ». Plus tard, un intendant de justice, informé des plaintes, interroge le capitaine, qui lui répond : « Comment, la fille dont vous voulez parler n’a point été violée : si quelqu’un de mes chevau-légers a couché avec elle, ç’a été de gré à gré », mais il se trompe. De fait, le maréchal du Plessis-Praslin, qui « tenoit les Etats de la province », lui « demande » ses chevau-légers, dont seulement deux sont déférés, et l’un a finalement la tête tranchée. Le comte en tire une morale teintée d’autocritique :
Les réflexions qu’on peut faire sur cet événement, c’est qu’un officier qui conduit des troupes ne sauroit être trop exact, ni apporter trop de précautions pour éviter les désordres, puisqu’avec tous mes soins je ne pus empêcher le viol de cette fille ni la mort de mon chevau-léger.[58]
Ce refus de comprendre le danger que courait effectivement la jeune femme, et l’attitude qu’a Bussy-Rabutin de soutenir que celle-ci aurait consenti, amène ce dernier à laisser un crime grave être commis, quasiment sous ses yeux, par ses hommes. Ce n’est d’ailleurs qu’au terme de ce récit confus et relativement long que le capitaine nomme clairement le viol, comme s’il n’avait compris la véritable teneur des faits qu’après coup. Si la justice condamne finalement l’un des coupables, l’échec est celui de l’officier qui n’a pas su empêcher le méfait et s’est finalement, de la sorte, privé d’un soldat, et le regrette. Deux torts ont été subis, torts dans lesquels il a une importante responsabilité ; les rapporter dans ses mémoires, écrits rétrospectifs, peut être le signe d’un regret de sa part. Toutefois, une telle attitude sur le moment témoigne de la misogynie latente envers les femmes victimes de viol.
Violences de guerre, violences de genre
Dans les Vies des dames galantes, recueil écrit à la charnière du XVIe et du XVIIe siècle, l’officier français Brantôme rapporte qu’« un grand capitaine » lui aurait expliqué que « les Dames “ayment les hommes de guerre toujours plus que les autres, et leur violence leur en fait venir plus d’appétit” »[59]. La violence des militaires ferait d’eux les hommes les plus à même de faire céder les femmes à leurs avances, ou plutôt de les « passer par les piques des soldats »[60], « prendre par force et violence », leur faire « souffrir la charge de quelques uns » et « subir de grands outrages » et, plus explicitement encore, d’« être forcée ». L’emploi du vocabulaire militaire pour parler des moyens de parvenir à une relation sexuelle, qui s’observait déjà en 1555 dans Le fort inexpugnable de l’honneur du sexe féminin de l’auteur François de Billon[61], est promis à une certaine prospérité, à travers la rhétorique encore courante aujourd’hui de la « conquête » amoureuse.
Les hommes qui triomphent à la guerre, dont le métier est d’user de violence contre un ennemi, apparaissent dès lors comme les meilleurs aux choses de l’amour, où la question du consentement féminin n’est, semble-t-il, pas posée. Pour eux en particulier, les femmes sont « un butin de guerre, duquel en cela on doit triompher autant ou plus que de toute autre chose »[62] : les femmes, au même titre que les richesses ou trophées remportés au combat, apparaissent comme une rétribution de l’effort des guerriers, qui doivent pouvoir en jouir comme de toute autre récompense.
L’apologie du viol à laquelle se livre Brantôme[63] en dit long. Le viol apparaît pour l’homme qui l’accomplit, et plus encore pour l’homme de guerre, comme un événement idéal[64], de réalisation du soi masculin. La métaphore guerrière de la conquête d’une femme induit une équivalence rhétorique, et potentiellement plus que rhétorique, entre la prise du corps d’une femme et le combat, pour lequel l’usage des armes est normal. Le viol n’est donc autre qu’un acte de prise de possession des femmes. Au-delà donc d’un acte opportuniste favorisé par les circonstances du temps de guerre, le viol d’une femme par un soldat se donne à comprendre comme un acte de domination lié au genre, une « violence commise par les hommes en tant qu’hommes contre les femmes en tant que femmes »[65], autrement dit une violence de genre.
Une violence sur le corps des femmes, contre l’honneur des femmes
Le viol présente la particularité d’être une violence physique porteuse de conséquences morales. Il repose sur la complémentarité tenue pour évidente des femmes et des hommes en termes d’anatomie et de sexualité, tout en transgressant les normes de cette sexualité, censée être maritale et procréatrice. L’acte de violer représente une atteinte au genre féminin en condamnant la victime à être violentée et à être ainsi attaquée dans son honneur particulier de femme tel qu’il est pensé au XVIIe siècle. Dans son aspect physique, le viol des femmes est une violence particulière qui, en plus de reposer sur la différence anatomique des sexes, renvoie précisément la victime à cette différence vis-à-vis de son agresseur. Le viol joue de la binarité physique du genre, tout en contribuant à en renforcer l’asymétrie. La violence sexuelle est l’un des « actes, gestes et accomplissements »[66] qui sont « performatifs », contribuant à construire le genre.
Le sexe féminin est pensé, à l’époque moderne, comme une « crevasse », un « double trou », qui fait d’une femme un « garçon fendu »[67], autrement dit, un être physiquement défini par un caractère incomplet par rapport à un homme. Dans les sources relatives au sexe des femmes, celui-ci est également régulièrement désigné comme la « nature »[68] de celles-ci, renvoyant l’intimité féminine au domaine biologique, loin de la culture et de la civilisation. C’est à cette asymétrie qu’un agresseur revoie sa victime en faisant usage, pour la violer, de son propre organe sexuel ou de toute autre partie de son corps, quand il n’use pas d’une arme. Le violeur masculin marque son ascendant par un caractère actif et dominateur sur la victime, dont la passivité est parfois assurée par des acolytes qui l’immobilisent.
Plus encore, une femme ainsi violentée est assimilée à un simple « réceptacle à la génération »[69], une matrice, une fonction maternelle supposée. Un agresseur qui laisserait en vie sa victime lui fait sciemment courir un risque, celui de se retrouver enceinte. Même si le but du viol n’est pas toujours d’imposer une grossesse, au contraire de ceux qui viendraient à être commis lors de conflits à caractère ethno-racial ou génocidaire – si ce n’est peut-être dans des circonstances particulières que nous aborderons plus loin -, il va de soi que les agresseurs aient pu être conscients de cette conséquence potentielle à leur acte et que, dès lors, certains aient pu en jouer. En dehors des conséquences purement physiques d’une telle grossesse – accouchement, avortement, infanticide… -, celle-ci est tenue par la justice moderne comme une preuve du plaisir éprouvé à l’acte, puisqu’une conception est supposée être le résultat du mélange des semences masculine et féminine, censées toutes deux être émises dans le plaisir[70]. Sans doute cette croyance est-elle l’une des raisons de la grande rareté des poursuites judiciaires consécutives à un viol : comment prouver que l’on a été violée si l’on porte l’enfant de l’agresseur, signe aux yeux de la société qu’on y a trouvé plaisir ? De plus, la femme violée attendant un enfant risque de voir porter sur elle un regard soupçonneux, voire de subir l’ostracisme – en particulier si elle était mariée avant l’agression. La victime est renvoyée à la faute, au péché commis par son agresseur.
Ainsi, dans la société d’Ancien Régime, « le regard porté à la transgression morale fait obstacle au regard porté à la transgression violente »[71] et à la prise en compte de la douleur vécue par la victime. La violence en elle-même et la douleur qu’elle peut avoir procuré à la victime ne sont donc guère prises en considération[72], aussi cet aspect est-il rarement mentionné dans les sources littéraires, dont le propos condamne essentiellement le viol comme crime contre les mœurs. C’est donc l’iconographie qui rend le mieux compte de la dimension physique de la violence sexuelle.

Cette gravure apparaît dans l’ouvrage rédigé par Samuel Morland, ambassadeur extraordinaire d’Angleterre à Turin au lendemain des Pâques vaudoises, persécutions de croyants piémontais ralliés à la Réforme organisées en 1655 par le duché de Savoie. Une mise à mort comme celle-ci témoigne du caractère genré de la violence faite aux femmes vaudoises.
De fait, un tel acte est un viol doublé d’un meurtre, dans la mesure où il y a pénétration forcée avec une arme qui, enfoncée par le sexe dans le corps tout entier, donne lieu à la mort. Si l’empalement, ou supplice du pal, est une technique de torture et d’exécution ancienne, le choix dans le cas présent de transpercer le corps par le vagin n’est pas anodin. La victime est renvoyée à son sexe, à sa « nature », et ainsi animalisée. En plus d’être mise à mort, celle-ci est appelée à souffrir intensément et est renvoyée à son seul sexe. En témoigne le fait que celle-ci a visiblement été mise à nu avant d’être exécutée, ce que vient souligner, sur cette gravure, le contraste de la femme abattue dénudée avec ses bourreaux habillés et, pour l’un d’entre eux, en armure. Indubitablement, cette exécution répond à une intention destructrice. Le « trou », la « crevasse », n’est pas seulement malmené, il est détruit par le pieu. Cette image s’insère dans un courant de protestations contre la répression subie par les Vaudois, aussi est-elle bien plus explicite que nombre de sources littéraires et même iconographiques : elle se veut compréhensible par tous. Les coupables semblent d’ailleurs transporter le pieu pour le planter au sol, en y laissant la victime morte et dénudée : le viol comme le meurtre, actes simultanés, sont donnés à voir.
Le caractère public de cette violence n’est pas non plus laissée au hasard. Puisque la violence de l’acte de viol est reléguée au second plan à l’époque moderne, masquée par le rejet dont la victime est l’objet[73], les agresseurs peuvent justement chercher à montrer le tort subi.
La volonté d’humilier par l’acte de viol se donne, en effet, à lire dans certaines sources, notamment lorsque cette violence s’accompagne d’autres brutalités dans lesquelles elle est teintée d’une signification particulière. Jean Cavalier, chef des camisards, protestants des Cévennes insurgés contre le royaume de France dans les années 1700, insiste sur cet aspect lorsqu’il narre le massacre par les troupes du roi du bourg de Saint-Etienne, « habité par plus de protestants que de papistes », survenu en 1703 :
Il est vrai que quelques hommes de la troupe du capitaine La Rose, passant par ces quartiers et ne trouvant pas de résistance, les gens du pays n’étant pas armés, prirent toutes les provisions qu’ils purent trouver. Sur ce dire, ce monstre de cruauté fit venir ces prétendus criminels et, sans plus d’enquête, les fit tous fusiller, sans épargner les femmes et les enfants. Ils étaient au nombre d’une trentaine et l’on m’a dit qu’avant d’envoyer à la mort les femmes et les jeunes filles, ses soldats les avaient outragées et les avaient fait aller nues à travers les rues.[74]
Le général affirme tout d’abord sans ambages que tous les habitants du bourg sont abattus, sans distinction d’âge ou de sexe, avant de narrer le traitement infligé au préalable aux femmes et aux jeunes filles, qui s’ajoute donc à ce traitement global. Il y a là une volonté claire de s’en prendre spécifiquement aux représentantes du genre féminin, par des violences particulières, que Cavalier désigne, par le terme « outragées », comme relevant d’une atteinte à la dignité. Ce mot est toutefois sans équivoque, désignant bien à l’époque une violence physique et non une injure verbale[75], violence dont la nature se laisse clairement deviner puisqu’elle vise en particulier les femmes et jeunes filles et est conjointe à la mise à nu. Le viol et la déambulation dénudée constituent donc bien, dans le cas présent, une violence de genre en plus d’une violence de guerre, et qui s’ajoute à la mise à mort. Le caractère public de ces actes ne laisse pas de place au doute quant aux intentions du capitaine La Rose et de ses hommes : les femmes doivent être vues nues des soldats, des autres femmes et peut-être de leurs maris et enfants, et être violées de manière également publique.
L’enjeu est donc autant le traitement subi que le spectacle qu’il donne à voir, car celui-ci donne immédiatement lieu à une connaissance par toutes et tous de l’outrage subi, or « c’est la connaissance par autrui du crime de viol qui fait éclater le sentiment de honte »[76]. En témoigne le fait même que Jean Cavalier, absent au moment des faits, ait connaissance de ceux-ci, qu’on lui a « dit[s] » : sans doute a-t-il été informé par un témoin ou par une personne laissée délibérément en vie par la troupe catholique, pour que les choses se sachent chez les camisards et ajouter ainsi post mortem à l’humiliation. Dans le cas présent, le crime est collectif tant par le nombre de violeurs que par le nombre de victimes qui sont elles-mêmes témoins du viol des autres. Les victimes sont, en un sens, elles-mêmes impliquées dans ce crime, chacune voyant le viol que subit une autre, un crime dont la dimension humiliante est renforcée par sa publicité.
Cette logique de monstration de la violence sexuelle aux hommes de la famille est confirmée par la concordance des sources. De fait, quarante ans plus tôt, la Gazette avait clairement prêté cette intention à des « Turcs »[77] qui, avant de faire « 160 prisonniers » dans le village de Kenoni, en Hongrie, y violèrent « plusieurs femmes & filles […] à la veuë de leurs maris & de leurs pères : ayans massacré les vieillards & tous les autres qui leur eussent esté inutiles ». Alors même que le sort des habitants est genré, il s’agit de donner à voir aux hommes d’âge jeune et moyen celui des femmes. Les « vieillards » sont abattus car ils sont perçus comme « inutiles », en termes de rançon potentielle sans doute… mais peut-être aussi parce que le regard de ces hommes-là sur les femmes et filles violées n’a pas la portée de celui des maris et des pères. Sous les yeux des hommes, c’est l’honneur féminin qui est spécifiquement visé.
En effet, les conséquences du viol ne se limitent pas à un traumatisme physique : c’est une violence particulière, dont la dimension culturelle dans la société d’Ancien Régime en fait un crime proprement dit, dont la victime est souvent elle-même tenue pour coupable. Celle-ci est atteinte dans son honneur tel qu’on le conçoit à l’époque. L’honneur est genré : comme l’énonce sans ambigüité Furetière, cette notion
s’applique plus spécifiquement à deux sortes de vertus ; à la vaillance pour les hommes, & à la chasteté pour les femmes. Les braves sont délicats sur le point d’honneur, vont mourir au lit d’honneur à la guerre ; ils prennent au point d’honneur les moindres reproches ; ils se piquent d’honneur pour combattre au premier rang. […] Une femme de bien & d’honneur, c’est une femme pudique & chaste. Une fille qui a forfait à son honneur, qui a fait faux bond à son honneur, ne doit plus paroître dans le monde.[78]
L’honneur féminin est affaire de chasteté, d’une vertu sexuelle censée être conservée jusqu’au mariage, ce dernier renvoyant, de même que la virginité, au divin. L’acte représente, aux yeux de la société, un avilissement pour la victime, car c’est le contact subi qui fait l’indignité de cette dernière[79]. En effet, les morales du XVIIe siècle veulent que, souillant définitivement la vertu féminine, le viol change aussi l’être de la femme, la dénature.
L’honneur masculin, quant à lui, dépendrait de la « vaillance », une qualité exercée en particulier au combat. Si l’honneur des hommes et l’honneur des femmes sont donc bien différenciés par Furetière, le viol d’une femme par un homme apparaît comme un manquement aux deux. La « conquête » par un homme du corps d’une femme représente une atteinte à l’honneur de cette dernière, tout en outrepassant la vertu du guerrier, censée se manifester avant tout par le courage sur le champ de bataille. Peut-être faut-il donc lire en particulier, entre les lignes de Furetière, l’interdit du viol commis en temps de guerre : l’honneur des soldats dépendant spécifiquement de leur capacité à combattre pour l’emporter, il faudrait que ceux-là se contentent de cette victoire plutôt que de tenter de profiter en attentat à l’honneur des femmes. Le viol commis par un homme contre une femme, représente donc une transgression à l’honneur des deux sexes, mais les conséquences en sont incomparablement plus dramatiques pour les femmes. Si la femme violée est vierge et non mariée au moment de l’agression, la déchéance est appelée à se manifester par la perte d’une partie de sa valeur morale et d’échange sur le marché matrimonial si la chose est connue[80].
Femmes, filles et gentilshommes
« Femmes » et « filles » sont régulièrement distinguées dans les sources rapportant des faits de viol. Nombreux sont les documents qui mentionnent que les unes comme les autres ont fait l’objet d’un viol, mais l’usage de deux termes distincts souligne la différence entre les premières et les secondes concernant la signification de cette violence. Parmi d’autres, Jacques Nompar de Caumont, duc de La Force[81], signale ainsi la diversité des victimes de violence sexuelle lors de la prise de Clairac par les armées royales lors des rébellions huguenotes en 1621 :
Les soldats commirent mille insolences, ils en firent noyer plusieurs, les autres furent massacrés, plusieurs femmes et filles violées, sans que les chefs y apportassent l’ordre qu’ils dévoient, et sans en faire nul châtiment ni justice, contrevenant en tout cela à leur capitulation et à la foi qu’ils avoient donnée de garder la vie et l’honneur aux hommes et aux femmes, et même de leur conserver leurs biens.[82]
Comment comprendre une telle distinction ? Référons-nous à nouveau au Dictionnaire de Furetière, pour qui « FILLE, se dit absolument de l’estat de celle qui n’a point esté mariée »[83] et correspond également aux « personnes qui se sont consacrées à Dieu, qui ont fait vœu de virginité ». Pourtant, souligne l’auteur, « On appelle filles de joye, les personnes qui se prostituent dans les lieux publics »[84], autrement dit des femmes dont le pucelage n’a pas, en toute logique, été conservé. En considérant également le fait que la virginité ou l’expérience de telle ou telle personne n’est pas nécessairement connue de chaque auteur mentionnant le viol de « femmes et filles » dans une source, on peut douter que ce critère soit celui qui fonde, du moins exclusivement, la distinction entre les unes et les autres.
L’historiographie a, en effet, souligné la prédominance quantitative, parmi les viols commis à l’époque moderne dans la société civile – dont les soldats ne représentent qu’une minorité des coupables -, des crimes contre des enfants, proies faciles et manipulables pour les agresseurs[85]. Les violences sexuelles faites aux enfants ne constituent pas, à l’époque, des délits spécifiques, sui generis, étant poursuivies sous des intitulés plus larges – « abus », « viol » ou encore « fornication » – mais la pratique judiciaire voit progressivement émerger, notamment en Angleterre, l’« âge de consentement » comme notion juridique[86]. Il en va ainsi du Westminster Rape Statute, entré en vigueur en 1576, qui stipule que la pénétration vaginale d’une fille de moins de dix ans constitue dans tous les cas un viol : cette évolution juridique s’insère dans un durcissement progressif des lois, mais dont l’application demeure lâche[87].
Peut-on donc lire la mention de « filles » comme une manifestation de l’évolution de la prise en considération des enfants comme victimes de viols, signalant donc que les filles dans l’enfance sont victimes, comme leurs mères ou leurs sœurs plus âgées, de violences sexuelles de soldats, comme certaines le sont de non-combattants ? Une telle hypothèse est d’autant plus plausible que plusieurs mazarinades, courts imprimés à vocation polémique, satirique et/ou politique en circulation à travers le royaume de France pendant la Fronde (1648-1653)[88], précisent, au contraire de nombreuses autres sources, l’âge de certaines victimes. Il est ainsi question, dans une libelle rapportant des faits datés du 30 avril 1651 et attribuées aux « troupes du General Roze, dans le païs de Thierasche, Diocese de Laon »[89], d’une « fille aagé [sic] de douze à treize ans [qui] a esté violée en presence de Maistre François Iumelet Curé dudit lieu de Fondeual, & de plusieurs personnes ». Une autre, datée du 7 mai 1649, signale que « l’Armée d’Erlach » dévaste la Champagne en « brulant, pillant, tuant, violant femmes & filles iusques à l’âge de huit ans »[90].
De telles sources, particulièrement explicites – la Fronde constitue un moment exceptionnel sur le plan de l’information et des médias, les mazarinades s’insérant véritablement dans l’effort de guerre des différentes parties au conflit[91] -, permettent de comprendre que l’âge ne constitue pas, du moins pendant ce conflit, un frein à la violence sexuelle des soldats. On ne saurait certes pas déduire à coup sûr des mazarinades, émises dans les circonstances particulières de la Fronde, que des fillettes auraient subi des viols à l’occasion d’autres guerres au XVIIe siècle, mais l’étude de ces documents semble montrer que le ciblage préférentiel des enfants vaut également pour les violeurs présents dans les rangs des armées. Il est donc tout à fait possible que des enfants figurent parmi les « femmes et filles » victimes de la violence sexuelle des soldats.

Les mazarinades livrent, par leur précision, un autre enseignement concernant les victimes des gens de guerre. En effet, celle qui évoque les méfaits de l’armée d’Erlach rapporte, à la date du 3 mai 1649, que « Les femmes & les filles de tout âge, & mesme des Gentil-hommes à la veuë des parens, [sont] forcées & violées, dans les Eglises aussi ». Fait exceptionnel[92], des hommes sont explicitement mentionnés parmi les personnes violées. Ce hapax n’infirme pas pour autant la signification du viol en termes de rapports de genre, dans la mesure où le viol d’un homme peut justement correspondre à une volonté d’inférioriser, de féminiser l’ennemi masculin en renvoyant celui-ci à une masculinité passive et par là même défaillante, inférieure à celle de son agresseur. On parle en effet, à l’époque, de « berdaches » pour parler de jeunes gens connus pour des relations sexuelles supposément passives avec d’autres hommes[93] : violer un homme revient donc à le prendre comme « berdache », comme personne inférieure du fait de sa position de dominée dans un rapport sexuel.
Une telle évocation dans une source d’hommes comme victimes parmi d’autres de violence sexuelle en dit d’autant plus long que les différents protagonistes du crime de « sodomie » – le terme apparaît bien dans les textes judiciaires, qui citent l’épisode biblique de Sodome et Gomorrhe – sont en principe perçus indistinctement par la vindicte publique et poursuivis pareillement, quels que soient l’âge et la place de l’un et de l’autre dans l’acte. En matière de sodomie, les uns et les autres étant jugés complices dans l’accomplissement de celle-ci[94], la question du consentement n’est, en principe, pas posée. En France, l’acte est, selon le code militaire de 1695, passible du bûcher[95]. L’inclusion, tant dans les actes que dans les mots, d’hommes parmi les victimes de viol témoigne donc tant du franchissement de paliers de violence dans les hostilités de la Fronde que de la rupture d’un tabou chez le libelliste, diabolisant plus encore de la sorte l’armée d’Erlach qu’en ne mentionnant que des victimes féminines à leurs viols. L’emploi du mot « même » avant la mention des « Gentil-hommes », dénotant une gradation par rapport au viol de femmes, le dépassement de seuils dans l’atrocité, donne à le comprendre. Face à de telles violences, il en est, sans doute chez les hommes, mais surtout chez les femmes, qui résistent.
Des femmes face au danger
Puisque le viol représente une menace tant à l’intégrité physique des femmes qu’à leur honneur mondain, il n’est pas étonnant que certaines d’entre elles s’efforcent de se prémunir et de se défendre contre un tel crime. Nombreux sont les moyens et les stratagèmes employés par elles pour faire face au danger, de l’attitude individuelle à l’action collective, témoignant d’une perception d’elles-mêmes, en tant que femmes, comme des victimes potentielles et, en réaction, comme des actrices de leur destin. Les études de genre ont mis en avant cette capacité d’action d’un être, notamment dans un rapport inégal, à travers le vocable d’agency[96], repris par la suite par certains historiens et historiennes de l’époque moderne pour leurs propres travaux[97].
Parmi d’autres, l’attitude d’une pucelle de la région de Reims est rapportée par une mazarinade de l’année 1651. Celle-ci, « pour sauver son honneur », fuit deux jours durant « quelques malheureux soldats qui la pourchassoient à toute bride »[98], mais « son zele a la conservation de sa chasteté luy a donné la mort » car, alors qu’elle atteint un village où se réfugier, ceux-là, « enragez », l’abattent d’un coup de fusil avant de jeter son corps « dans le marais », rapporte une mazarinade. En cherchant à préserver son honneur, trésor social et familial, cette jeune fille a perdu la vie, quand il n’est pas rare qu’un agresseur prenne les deux.
Cette prégnance de l’honneur féminin, supposé être communément partagé entre filles chastes et protégé par les familles, fonde à plusieurs reprises des actions collectives, féminines, d’éloignement du danger et d’autodéfense. L’antihéroïne du romancier germanique Grimmelshausen, nommée mademoiselle Libouschka avant d’être connue sous le sobriquet de « Courage », se voit ainsi couper les cheveux par sa nourrice lorsque celle-ci apprend l’arrivée des troupes impériales à proximité de Bragodiz[99] au début de la guerre de Trente Ans. « Mademoiselle Libouschka, si vous voulez rester vierge, il faut vous faire couper les cheveux et porter des vêtements d’homme ; sinon, je ne donnerais pas un écu de votre honneur, sur lequel on m’a si formellement prescrit de veiller »[100], lui dit-elle. Bonne initiative, puisque lors du pillage « un cavalier allemand » la prend « pour un gars » et l’emmène « pour soigner les chevaux et faire du fourrage »[101], un destin qui reste préférable au viol. Par la suite, la travestie s’exerce « à jurer comme un soldat et à boire comme un templier »[102] pour éviter d’être découverte. De fait, le subterfuge ne fonctionne qu’un temps, mais Courage est tout de même parvenue à tromper le destin en trompant le genre.
Cette attitude semble d’ailleurs avoir été celle de suffisamment de femmes pour que, en 1715, l’abbé Jean Pontas, casuiste proche de Bossuet, en arrive à se prononcer sur le sujet dans son Dictionnaire des cas de conscience, où il écrit qu’il n’y a « point de péché en cela […], car quoiqu’il soit très défendu de changer les habits de son sexe, on le peut cependant dans le cas d’une juste nécessité ; celle qui est pour les femmes celle de mettre leur honneur à couvert du danger où elles pourraient tomber en portant l’habit de leur sexe »[103]. La transgression temporaire des normes du genre féminin est donc tolérée d’un point de vue religieux dans la mesure où elle sert à la préservation de ce qui fait l’honneur de ce genre, à savoir la défense de la chasteté.
Certaines initiatives de femmes vont toutefois plus loin. En 1635, la ville de Remiremont, dotée d’un important couvent de chanoinesses, est assiégée par le duc de Lorraine. Les troupes de ce dernier effectuent deux assauts dans une brèche mais la garnison les repousse à chaque fois, narre Campion, présent parmi les assiégés. Le duc propose à La Coudrelle, commandant de la place, une reddition à discrétion, sans garantie de liberté de la garnison, ce qu’il refuse. Les chanoinesses, conscientes des risques qu’elles courent en cas de prise de la ville, profitent de l’accalmie :
Les chanoinesses, cause innocente que nous fussions à Remiremont, survinrent au nombre d’environ cinquante, la plupart très-belles, et se jetant aux pieds de la Coudrelle, la dame de Valeroi, qui étoit une des anciennes, portant la parole en leur nom, lui dit : qu’elles le supplient d’avoir pitié d’elles, et que de sa réponse dépend l’honneur de toutes, en ce qu’il s’obstine à souffrir l’assaut, plutôt que d’accepter les conditions proposées par le duc de Lorraine, ce prince lui-même ne pourra répondre de la brutalité de ses soldats, au moment où ils pénétreront dans la place. La Coudrelle […] réplique : qu’il a aussi son honneur à garder, et qu’il espère y procéder de manière qu’en le sauvant, le leur ne courra aucun hasard ; il les prie en même temps de se retirer sans délai.[104]
L’inquiétude des religieuses ne suffit pas à convaincre La Coudrelle de négocier avec son ennemi. Toutefois, après un nouvel assaut meurtrier,
les chanoinesses, qui avoient été dans les alarmes qu’on peut imaginer, demandèrent permission d’envoyer quelques-unes des leurs au Duc, pour en obtenir qu’elles pussent sortir de la ville. Il y consentit, et les chargea de dire aux officiers du régiment de Normandie que l’estime qu’il faisoit de leur valeur l’engageoit à leur accorder une composition honorable.[105]
La première tentative des chanoinesses a échoué, au vu de la divergence d’intérêts entre elles et La Coudrelle, chacun ayant « son honneur à garder ». L’honneur est, on l’a vu, genré. De plus, l’honneur d’un gouverneur de place forte lui impose de défendre celle-ci le plus longtemps possible[106] et donc de ne pas capituler devant les assiégeants commandés par le duc de Lorraine. C’est finalement en allant voir ce dernier, dans le but précis d’obtenir la possibilité de quitter la ville, qu’elles reçoivent de lui non seulement cette autorisation, mais également une proposition de fin des combats plus favorable aux assiégés – une « composition honorable » permet à ces derniers de partir de la ville sans se constituer prisonniers. L’initiative des chanoinesses, visant à sauver leur propre honneur, les amène à s’improviser ambassadrices de fait, à jouer un rôle actif dans la conclusion des hostilités.
C’est leur vulnérabilité même qu’elles détournent pour écarter le danger pesant sur elles en premier lieu. Paradoxalement, leur statut de victimes collatérales potentielles, indépendantes des belligérants, les pousse à s’imposer « comme sujet[s] sur une scène d’interpellation marquant la forte présence d’un pouvoir dominant »[107], celui des assaillants masculins, sans nécessaire contradiction avec l’honneur des combattants. Ainsi se retrouvent-elles à jouer un rôle décisif, tant pour elles-mêmes que pour les hommes, de médiatrices dans la résolution pacifique du conflit.
Il arrive cependant que la violence sexuelle ne puisse être empêchée. Pendant la Fronde, Catherine de La Guette, chargée de la garde des terres de son mari frondeur, autour de Sucy-en-Brie, en l’absence de ce dernier, se retrouve ainsi confrontée à des heurts liés au logement des troupes de passage. Sitôt que celles-ci arrivent, la noble femme voit, écrit-elle dans ses Mémoires, « plus de deux cents femmes et filles réfugiées »[108] chez elle et, rapidement, les gens de guerre s’adonnent au pillage des maisons, aussi y a-t-il « même quelques femmes violées qui n’avoient pu se sauver assez vite »[109] : elle insiste donc pour que les soldats ne logent que chez elle. Cette demande n’aboutit pas, mais elle obtient que leur capitaine fasse part à son supérieur, le comte de Grancé, du « désordre » commis par ses hommes. Le capitaine, reconnaissant qu’« une femme a été violée par six coquins de cavaliers »[110], en réfère bien au comte afin, selon les mots qu’elle prête à ce dernier, « que toutes les autres soient libres de retourner chez elles et que personne ne soit assez hardi de leur rien dire ». Une fois les six cavaliers « convaincus du fait » et l’un « pass[é] par les armes, pour servir d’exemple aux autres », « toutes les vieilles femmes » rentrent chez elles, mais « les jeunes et les filles demeurèrent chez [Madame de La Guette] pour plus d’assurance ».
Si elle n’est pas parvenue à éviter le pire, Catherine a toutefois pris conscience du danger couru par les femmes et laissé ces dernières trouver refuge chez elle face à un danger dont elle a conscience – aucune source n’atteste, à notre connaissance, d’une telle démarche chez des nobles masculins – et peut-être a-t-elle, de la sorte, prévenu d’autres exactions du même genre. De même, elle a obtenu de faire connaître les faits à une autorité supérieure, plus impartiale que le capitaine, permettant que justice soit rendue.
Cette clairvoyance des risques encourus par les femmes en présence de forces armées se lit également, à la même période, chez Angélique Arnauld, abbesse janséniste du couvent du Port-Royal des Champs[111], dans la vallée de Chevreuse. En très grande partie adressée à d’autres femmes, l’importante correspondance de cette dernière, qui emploie comme Madame de La Guette le terme de « guerre » pour qualifier la Fronde, rend à plusieurs reprises compte de ses craintes concernant les religieuses. Tout au long de l’année 1652, dans ses lettres, le danger représenté par les soldats qui ravagent la région semble aller croissant. Dans les premiers mois, elle écrit à la mère prieure de Gif, autre ecclésiastique, que « les soldats qui passent à cette heure ne sont pas à craindre »[112], mais son ton se fait plus alarmiste dès le mois de mars : « il y a vraiment sujet de craindre les maux qui nous menacent »[113], mais ceux-ci ne sont « à redouter qu’à cause que nous sommes indignes »[114], ils relèvent de la « vengeance »[115] de Dieu « que nous méritons si justement » pense-t-elle en bonne janséniste[116]. Sans nommer clairement ces « maux », elle semble toutefois considérer ceux-ci comme un tout que l’humanité, par sa nature pécheresse, mériterait en totalité, ce qui implique que les éventuels viols qu’il faudrait alors déplorer seraient, au même titre que les autres « maux », attribuables aux péchés dont se seraient déjà rendues coupables celles qui le subissent alors.
Au mois de mai, ses échanges avec la reine de Pologne, Louise-Marie de Gonzague, issue de la maison française des comtes de Nevers, se teintent de grandes craintes quant à la « barbarie des soldats, qui est telle que les Turcs ne sauroient pis faire »[117], une comparaison qu’elle emploie à nouveau par la suite[118]. L’abbesse en arrive à quitter un temps, accompagnée des religieuses sous son chapitre, le Port-Royal des Champs pour celui de Paris, ville où l’on voit « force Religieuses refugiées »[119]. Deux semaines plus tard, elles sont rejointes par de « très bonnes Filles »[120] qui semblent n’avoir d’autre choix que de les rallier, « de sorte que nous sommes cent soixante ». Une telle insistance sur cette question particulière des femmes laisse entendre le genre précis d’exaction redouté par Angélique Arnauld. Non contente de veiller, comme abbesse, sur les autres femmes d’Église, celle-ci œuvre à de « grandes charités »[121], dont elle fait part à la reine de Pologne, en accueillant « toutes les femmes & filles de la campagne qui ont pu » gagner la ville alors que de « méchantes personnes les attendoient aux portes, pour sous de belles promesses les mener se perdre »[122], formule vague qui laisse libre cours à l’imagination.
Son adresse à Louise-Marie de Gonzague, à qui Angélique Arnauld prête « un fond de piété, qui lui a fait dans la jeunesse avoir compassion des pauvres, aimer la justice & hair l’iniquité »[123], n’a pas pour seul but d’informer cette dernière. Il s’agit bien d’impliquer cette noble femme dans ce groupement féminin informel transcendant les trois ordres de la société et les frontières du royaume en guerre, pour veiller à l’honneur des femmes menacé par le conflit. En disant à la reine de Pologne la « crainte » qu’elle a que « les Tartares ne continuent d’affliger [le] Royaume »[124] de cette dernière, elle dresse sans le dire un parallèle entre les malheurs causés par la guerre dans les deux États. En un mot, « toutes les armées sont également dans le même désordre »[125] et font courir le même risque aux femmes – et filles -, religieuses ou non. De la sorte, un embryon de communauté de destin féminine se crée, du moins dans les mots, autour de la conscience d’un risque encouru en commun, par-delà les États, en temps de guerre.
Ainsi se manifeste la réception féminine aux faits et rumeurs de viols par des gens de guerre : l’identification à l’infortune d’autres femmes, violentées, donne lieu à la naissance d’un collectif imaginé forgé par la réaction à une oppression dirigée contre certains membres de ce collectif. Cette correspondance et ses effets performatifs sont une manifestation de l’agency féminine, au sens d’une « subjectivation » qui précède la conscience de soi, « certes subordonnée à une domination, mais qui permet, par retournement, la formation d’une conscience de soi située donc de manière secondaire dans le processus de subjectivation »[126]. Le genre féminin se crée, pour partie, en réaction à l’oppression qui lui est faite, et contre elle.
La solidarité, certes balbutiante, semble se traduire dans les actes : pendant l’été, la reine de Pologne envoie « douze mille livres »[127] en aumône aux pauvres de France. Cette somme semble, certes, ne pas être destinée aux seules femmes, s’insérant dans un ensemble massif de dons de personnes pieuses, jusqu’à la régente du royaume de France Anne d’Autriche, témoignant d’une mutation dans le rapport de soi au collectif, avec le remplacement de la « pitié condescendante »[128] par la « compassion affirmée » à l’œuvre pendant la Fronde. Toujours est-il, cependant, que l’abbesse est parvenue à susciter la compassion et la charité de Louise-Marie de Gonzague en la sensibilisant aux risques visant proprement les femmes.
Une « Maison »[129] est d’ailleurs louée pour permettre à certaines religieuses de vivre « en clôture, en attendant que leurs Monasteres par le moyen de la paix, puissent se rétablir » : un espace, écarté des dangers du monde, est prévu pour elles.L’abbaye se fait dans le même temps « fortifier »[130] et relier au château qui l’environne. Le sort spécifique des femmes d’Église est, en effet, l’objet d’une attention particulière de l’abbesse, qui rapporte ainsi qu’« un soldat mort à l’Hôtel Dieu, a confessé » d’avoir « poursuiv[i] une Religieuse, [qui] avoit monté par le moyen de la grille jusqu’au crucifix qu’elle tenoit embrassé : ce que voyant, de rage il l’avoit tuée d’un coup de fusil »[131]. Là encore, Angélique Arnauld reste implicite sur le dessein qu’il avait en la poursuivant, mais il est aisé à comprendre. C’est, affirme-t-elle, le « crime » qui « affligeoit le plus » ce combattant : prendre une religieuse pour cible apparaît comme une violence pire que celle faite à toute autre femme.
Les religieuses, des victimes privilégiées ?
Il est notable que, parmi les documents faisant état de viols commis par des gens de guerre, une grande part mentionne des religieuses comme victimes. Une femme d’Église étant tenue au célibat et à la virginité au nom de ses vœux, violer l’une d’elles revient à transgresser les règles du premier ordre de la société et, ainsi, le sacré. Y a-t-il donc, chez les soldats qui tentent de violer des religieuses, une volonté de nuire, plus encore qu’en s’en prenant à une laïque ? Telle est l’impression que donne la lecture de la Gazette qui, pour treize mentions explicites de viols entre 1632 et 1678, rapporte à quatre reprises que les victimes, ou certaines d’entre elles, en sont des religieuses[132], en apparente disproportion avec la fraction de la société représentée par le clergé.
Il en va ainsi au bourg de Saint-Nicolas, près de Nancy, pillé en 1635 par « mille Croates » qui auraient « exercé toute sorte d’impietez, sacrileges & crüautez : ayans pillé la grande Eglise, tüé un Prestre à coups de Calice & de chandeliers en disant la sainte Messe ; violé les Religieuses & pillé tout ce qu’elles avoient ; tué des enfants, & commis plusieurs autres inhumanitez »[133]. Ici, la mention du viol des religieuses s’inscrit dans un récit plus global de transgressions envers l’Église et le sacré, tout en rappelant que ce sont des humains qui sont visés : elle fait suite à celle du meurtre du prêtre avec ses instruments liturgiques alors même qu’il prononçait un office, et précède celle, chargée de références religieuses, du massacre des enfants. Le viol est ici associé aux profanations contre le sacré, semblant représenter une offense au divin parmi d’autres. Seize ans plus tard, le récit du pillage de Cimay[134], dans le Hainaut, veut que des Lorrains y aient « violé femmes & filles, n’espargnans pas mesmes les Religieuses »[135]. En l’occurrence, le viol des nonnes est désigné comme ayant été commis conjointement à celui des autres « femmes et filles », l’usage du mot « mesme » visant à renforcer l’idée d’un acte transgressif, plus répréhensible encore que s’il n’avait été commis que sur des femmes laïques.
Dans les deux cas, le viol des religieuses fait partie d’un tout, d’un ensemble d’exactions rapportées par la Gazette, dans lequel il occupe une place importante, confirmant pour le premier le caractère sacrilège des crimes commis et soulignant, pour le deuxième, l’insolence sans bornes des pillards. C’est donc, du moins pour partie, aux yeux et sous la plume du rédacteur que la violence sexuelle envers les religieuses gagne en gravité. L’inclusion de religieuses parmi les femmes violées – et leur mention répétée dans les sources narrant de tels faits – ne témoignant pas nécessairement d’un ciblage préférentiel de ces dernières par des gens de guerre qui souhaiteraient bafouer Dieu à travers elles[136] mais, au contraire, de la considération de celles-ci comme des proies parmi d’autres. L’outrage est considéré comme pire dans son résultat, ce qui ne signifie toutefois pas nécessairement que le péril encouru par les religieuses soit a priori plus grand que celui qui pèse sur les laïques, que la vulnérabilité des religieuses soit plus grande du fait d’un mobile particulier des soldats violeurs. Dès lors, les sources qui mentionnent celles-ci en particulier comme des victimes peuvent constituer des miroirs déformants sciemment exploités par ceux qui les écrivent : attirer l’attention sur les viols de religieuses par l’ennemi permet d’accuser celui-ci des pires intentions, et donc des pires crimes.
Instrumentaliser le viol : le mythe du fait de l’ennemi
En 1635, la ville de Tirlemont est conquise par les armées des Provinces-Unies et du royaume de France. Pontis, officier français, est dépêché « avec une vingtaine de soldats »[137] devant un couvent de la ville afin de veiller à ce que les religieuses soient épargnées. « L’on étoit convenu auparavant avec le prince d’Orange que les Hollandais n’entreroient point dans la ville à cause des violences et des violements auxquels ces esprits hérétiques sont accoutumés », précise-t-il. Cependant, tout ne se passe pas comme prévu. Le prince d’Orange laisse « entrer ses soldats dans la ville contre l’accord », mais ceux-là ne sont pas seuls, aussi le maréchal de bataille voit-il une « multitude de furieux »[138], « partie Hollandais, partie Cravates [Croates], partie Français, tous enragés et pires que des démons, tous sans Dieu, sans religion et sans raison »[139] se diriger vers le couvent. Attaqué par un officier qui lui fend l’épée en deux, Pontis est vaincu et assiste, impuissant, au spectacle de ces soldats qui « brisent tout, violent et massacrent toutes les religieuses qu’ils rencontrent »[140].
S’attendant à ce que seuls les Hollandais, protestants, représentent un danger pour les femmes d’Église catholiques, Pontis est pris au dépourvu et dépassé par ces soldats aux allégeances diverses, parmi lesquels des Français. Une telle désillusion en dit long : en effet, au XVIIe siècle, les discours les plus répandus ne prêtent ce genre d’exactions qu’à l’ennemi.
Diaboliser un ennemi cruel et irrespectueux des femmes
La mention de viol commis par des ennemis, conjointe avec le passage sous silence de ceux commis par les troupes alliées, est fréquente dans les sources émanant des autorités. Cela concourt à désigner ces actes comme l’exclusivité de l’ennemi, alimentant un imaginaire de celui-ci comme transgresseur des lois de la guerre[141].
En France, les hostilités avec l’Espagne, qui ne s’arrêtent pas avec la guerre de Trente Ans mais en 1659 – on parle de guerre franco-espagnole -, voient la presse rapporter à plusieurs reprises des exactions commises par des armées ennemies contre les femmes. En 1653, le royaume est mis en difficulté par la présence des armées espagnoles en Picardie, et la Gazette livre sa vision des hostilités :
C’est tout le grand progrez qu’ont jusqu’à présent fait les ennemis depuis leur irruption, si ce n’est qu’ils veuillent tirer avantage d’avoir en si peu de temps brûlé un très grand nombre de villages, violé & meurtri quantité de païsans, mesmes quelques habitants de ladite ville de Roye, pillé les Eglises & commis tant d’autres actes d’hostilité jusques à présent inoüis, qu’ils doivent estre en horreur à toutes les Nations, puisque mesme le Comte de Pignéranda, sur la plainte qui lui en a esté faite, a avoué que ce n’estoit pas faire la guerre de la bonne sorte, mais que toutes ces crüautez s’exerçoyent aussi contre son gré & qu’il n’avoit pas le pouvoir de les empescher.[142]
Le journal de Renaudot souligne que l’avancée des troupes ennemies est moins inquiétante d’un point de vue militaire, au vu du peu de « progrez » réalisés par celles-ci, que sur le plan humain. Les Espagnols auraient avant tout commis quantité de crimes contre le droit des gens et contre des édifices religieux, un crime d’autant plus impardonnable pour des catholiques, et c’est à ce titre qu’il faut se mobiliser contre eux. En désignant ces violences comme devant « estre en horreur à toutes les Nations », l’auteur en appelle sans réserves à une condamnation générale, à l’étranger comme en France, des agissements des troupes du comte de Pignéranda. Ce dernier est présenté comme incapable d’empêcher ses hommes de se comporter de la sorte, pour mieux souligner le danger de la présence même de ces armées – quand bien même, on l’a vu, il est bien fréquent que des officiers échouent à prévenir ce genre de violences, de sorte que Pignéranda ne semble pas pire que d’autres en la matière. Cette condamnation opportuniste vise à attiser le ressentiment envers l’ennemi et, ainsi, à rallier d’autres à sa cause. Le viol subi est, parmi d’autres exactions, instrumentalisé par le périodique à cette fin.
De fait, un tel appel aux États étrangers n’est pas exceptionnel, la Gazette se faisant a contrario l’écho, une vingtaine d’années plus tard, en 1673, d’une lettre du tsar Alexis Ier au pape, narrant la prise de Kaminiek-Podolski[143] par les Turcs. Ceux-ci y auraient fait un « carnage », « profané, pillé, changé les Églises en Mosquées » et, par-dessus tout, « mesmes violé les Religieuses »[144]. Nous avons dit la portée de la mention de violences sexuelles faites aux femmes d’Église, sur lequel, une fois de plus, l’emphase est mise par le mot « mesmes » alors que sont mentionnées d’autres offenses au christianisme. Ce langage s’inscrit dans un discours ancien des érudits chrétiens à propos des Turcs, un discours essentialiste renvoyant les confrontations avec ces derniers au topos de la guerre sainte[145], ce que sert notamment l’image de la transformation de lieux de culte qui n’est pas sans rappeler la prise de Constantinople. Cette lettre, dont le but explicite est de « demande[r] à Sa Sainteté du secours en faveur de la Pologne, contre les Turcs »[146], est relayée dans un journal proche du Roi Très Chrétien, à l’autre bout de l’Europe, comme un cri de détresse adressé aux souverains catholiques contre le supposé ennemi commun infidèle, qui mettrait en péril, en s’en prenant aux Églises chrétiennes, celles qui y consacrent leur vie dans l’ensemble des États, catholiques, protestants ou orthodoxes. Le tsar instrumentalise lui aussi le viol, l’agite comme une menace que feraient planerces « Turcs ».
Dans le même temps, les soldats français ne sont pas ignorés par les textes de propagande édités par des ennemis du royaume. Eux aussi font l’objet de représentations comme criminels, et comme criminels sexuels en particulier, visant à renforcer l’hostilité à leur égard. De fait, la guerre de Hollande (1672-1678), déclenchée par le Roi-Soleil, suscite bon nombre de représentations iconographiques polémiques, des séries d’estampes où la violence sexuelle est montrée sans détour.

Cette eau-forte du graveur Romeyn de Hooghe, qui vient illustrer l’Advis fidelle aux véritables Hollandois[147], texte de propagandedu diplomate néerlandais Abraham de Wicquefort, montre les massacres perpétrés par les armées françaises commandées par le duc de Luxembourg dans les villages néerlandais de Swammerdam et Bodegrave, les 28 et 30 décembre 1672, au début de la guerre[148], tout en donnant à voir le destin particulier des femmes. L’une, au premier plan à gauche, semble crier alors qu’elle est portée par deux soldats qui la mettent de force dans un navire ; l’autre, à l’opposé, apparaît en nuances plus claires, mise à nu par plusieurs soldats qui lui tiennent chacun un membre afin de l’immobiliser. Ces gens de guerre affichent un regard lubrique, prêts à les agresser sexuellement à plusieurs. La violence est bien plus explicite que chez Callot, la représentation de femmes dénudées laissant peu de place au doute et donnant à voir une partie de l’agression même, sans se contenter de la suggérer : il s’agit de choquer.
Cette représentation est d’autant plus marquante qu’une telle exposition du nu féminin, qui transforme le public en spectateur-voyeur en le confrontant à une intrusion de l’intime, transgresse le puritanisme calviniste[149] hollandais. Les normes religieuses sont enfreintes dans le cadre d’une représentation qui, pourtant, vise à donner une image négative d’un ennemi caractérisé par son altérité et son inimitié avec les protestants. De la même manière, une trentaine d’années plus tôt, l’iconographie anglaise des massacres commis par les Irlandais, catholiques, lors de la rébellion de 1641, avait outrepassé les convenances puritaines et donné corps à un stéréotype du « sauvage irlandais »[150]. Cet acte de transgression visuelle par le graveur vise en quelque sorte à désigner en creux la transgression, plus grave, qu’a accomplie l’ennemi, nonobstant une publicité massive à ses actes qui peut revenir à jouer le jeu de celui-ci. Pour donner à comprendre la gravité du sacrilège qu’a commis l’ennemi, il serait nécessaire au graveur de se faire violence, de commettre lui-même un sacrilège mineur, nécessaire pour sonner l’alarme.
De la sorte, cette estampe vient alimenter la francophobie croissante dans les Provinces-Unies, ainsi que dans l’Empire où une copie en est réalisée immédiatement[151]. Toutefois, au contraire de nombreuses autres représentations négatives autour du royaume de France, de sa politique et de son roi, celle-ci ne donne pas à voir ce dernier en personne[152] : ce sont bien ses soldats qui sont dépeints comme les agents du mal. Si l’entrée en guerre de Louis XIV en 1672 paraît injustifiée du point de vue du jus ad bellum à beaucoup, c’est bien désormais la violence militaire en elle-même, dans les combats, celle du jus in bello, qui est prise comme objet de protestation et ce, dès les premiers mois du conflit : l’un ne va plus sans l’autre dans la rhétorique et l’esthétique.
Dans les deux cas, il s’agit, implicitement, d’appeler à l’aide contre l’ennemi, la violence sexuelle en particulier servant d’argument pour mobiliser face à lui. De là à inciter à des actes équivalents à son encontre, il n’y a qu’un pas.
Œil pour œil, viol pour viol ? Propagande et réciprocité d’exactions
Quelques rares écrits dépassent la seule volonté de dénoncer un ennemi qui serait incontestablement cruel, en justifiant, plus ou moins explicitement, des violences du même ordre.
En 1622, lors des rébellions huguenotes contre Louis XIII, un feuillet imprimé à Bordeaux rapporte que Benjamin de Rohan, baron de Soubise et chef militaire des insurgés dont on savait la tendance à autoriser à ses hommes deux heures de pillage libre après un combat, aurait dit « impudemment et arrogamment qu’on lui choisit les plus belles filles qui fussent entre eux pour en bâiller la curée à ses favoris, après s’être préalablement saoulé »[153]. Non seulement l’officier laisserait ses soldats faire preuve de violence pour leur propre loisir, mais, en retour, il profiterait de leur licence pour obtenir d’eux une part bien particulière du butin, dont il abuserait personnellement. L’historien Yves-Marie Bercé, évoquant ce document, fait remarquer que, par la suite, les troupes royales reprenant les places rebelles se voient accorder le droit à des pillages et viols généralisés[154], affirmation sur laquelle nous reviendrons. Un tel imprimé aurait-il donc servi à justifier le même genre d’exactions dans le camp adverse, voire aurait-il visé à préparer les esprits à de futures violences en en renvoyant par avance la responsabilité à l’ennemi ? L’hypothèse est permise.
Une source est toutefois plus explicite, à savoir, une fois de plus, un article de la Gazette, paru en 1642. De l’ensemble des mentions de viols dans ce périodique, celle-ci est la seule à s’accompagner d’une reconnaissance, à demi-mot, que des soldats français s’en sont eux aussi rendus coupables. En effet, en 1642, est rapporté le comportement des troupes castillanes de Dom Diego Cabalery, suivi de celui de l’armée du maréchal de La Mothe :
L’un des grands tesmoignages de l’extrémité à laquelle ils sont réduits aussi bien à la campagne comme ils l’estoyent n’aguéres dans leurs places, est la rage et l’inhumanité avec laquelle ils ont résolu de traiter les Catalans : ayans fait sçavoir aux leurs qu’ils ne leur donnassent point de quartier, & qu’ils eussent à brûler tous les lieux de Catalogne par où ils passeroyent : Ce qu’ils ont desja pratiqué dans quelques petits villages de ce païs-là ; où ils ont tout pillé, violé, tué et brûlé : En suite dequoy le Mareschal de la Mothe suivant les lois de la guerre & celle du Talion, a fait publier le mesme traitement contre les Castillans.[155]
Ce récit est tout à fait ordinaire en ce qui concerne la mention de violences, parmi lesquelles le viol, prêtées à l’ennemi. Cependant, ici, la relation de ces faits ne va pour une fois pas sans celle de la réciprocité d’exactions de la part des armées françaises, ainsi présentées comme un agissement nécessaire, justifié à la fois par les « lois de la guerre » et par la règle antique, vétérotestamentaire, du talion. L’impression donnée est celle d’une absence de choix, comme si le maréchal de la Mothe prenait cette décision à regret. La France peut d’ailleurs se targuer ainsi d’en avoir fait beaucoup pour protéger et venger ses alliés catalans, malmenés par des Castillans pleins d’« inhumanité ». En creux, il s’agit également de montrer la France comme une alliée prête à de tels sacrilèges moraux, s’aliénant pour rendre justice à des peuples malmenés par l’ennemi. Ce passage est donc, rhétoriquement parlant, un hapax, alors qu’il correspond à une réalité très fréquente que la Gazette s’efforce d’estomper par la mention de ce seul cas.
La propagande de guerre, qui fait mention de données partielles, offre ainsi un « programme d’action pour la vengeance »[156]. Même lorsqu’elle ne nomme pas clairement la réciprocité d’exactions, la logique sous-jacente est celle du « œil pour œil » et éventuellement « viol pour viol ». La mention de violences sexuelles par l’ennemi sert, même implicitement, à la justification d’actes équivalents par les armées de l’État duquel émane cette propagande. Sur le terrain, l’image d’un ennemi criminel de guerre, prédateur des femmes et filles du pays, peut contribuer à désinhiber les soldats ou, du moins, à légitimer leurs actes transgressifs. L’effet peut également s’en faire ressentir chez les officiers, qui se montreraient dès lors plus tolérants qu’à la normale avec leurs hommes.
Si ce genre de représentation de l’ennemi comme un danger sexuel a cours dans les différents camps engagés dans le conflit, chacun d’entre eux est alors en mesure de justifier des agissements présentés comme défensifs, voire, dans les cas possibles où les viols envahissent « l’espace des conversations avant celui des champs de bataille »[157], préventifs. À ce titre, les discours de propagande qualifiant l’ennemi, qu’ils rapportent des faits réels ou des mensonges, sont performatifs. Ils peuvent donner lieu à des cycles sans fin d’exactions et de représailles, loin des interdits du droit coutumier de la guerre, potentiellement de la part de toutes les armées impliquées dans le conflit.
La « soldatesque », une internationale de l’insolence ?
Comment lire les propagandes princières, qui accusent l’ennemi de viols ? Il serait sans doute abusif de considérer que toutes disent faux, accusant systématiquement les armées ennemies de crimes qu’elles n’auraient pas commis, car cela reviendrait in fine à conclure qu’aucun viol n’est commis en temps de guerre. Faut-il en déduire que toutes les armées sont comparables en termes de violences faites aux femmes ?
Répondre à cette interrogation implique de rappeler que les entités « nationales » ne sont qu’en construction à l’époque, que les troupes sont loin d’être uniformes en termes d’origine ou de confession des soldats, ni d’ailleurs des officiers. Se détacher de telles considérations assez anachroniques nécessite donc de prendre en compte des sources n’émanant non de l’un ou l’autre des belligérants, mais de non-combattants, victimes ou témoins des abus des différentes armées. L’étude croisée de celles-ci donne à voir une image commune, en quelque sorte transnationale, du soldat, figure sociale omniprésente durant le très guerrier XVIIe siècle européen.
Nous avons dit l’importance, pour la compréhension de la guerre de Trente Ans, des estampes de Jacques Callot. Celles-ci sont d’autant plus évocatrices que leur réalisation s’insère dans un long cheminement artistique de leur auteur. S’il arrivait à celui-ci, quelques années plus tôt, de représenter des violences sexuelles codifiées, les coupables n’en étaient pas les mêmes. Formé à Rome et à Florence, Callot réalisa dans cette dernière ville, pendant les années 1610, une estampe intitulée « Les massacres de Soliman »[158], où des femmes apparaissent déjà poursuivies et mises à nu, mais par des Ottomans clairement identifiables, figure de l’ennemi ou de l’étranger assez consensuelle dans l’Europe moderne. De même, sa série nommée Les Bohémiens, dessinée à son retour à Nancy, dépeint ces derniers comme des personnages dangereux, pillards et violeurs, image assez répandue en Europe depuis l’arrivée de cette population au XVe siècle.
À l’inverse, les Petites Misères de la guerre comme les Grandes Misères de la guerre ne donnent à voir aucun signe qui permettrait de rattacher les soldats à tel ou tel camp[159]. Lorrain, Callot est avant tout un non-combattant qui, dans sa jeunesse, a connu sa région paisible et prospère. Dans la décennie 1630, il ne s’agit pas pour lui de prendre parti pour ou contre tel ou tel camp, mais contre l’état de guerre, qui met les peuples de Lorraine au-devant de bien des dégâts causés par les armées. L’année de la composition des Grandes Misères, le graveur a voyagé à Houdemont, Xeuilley, Bainville et Villiers et y a entendu la détresse des paysans, pour qui Français, Suédois, Impériaux ou troupes de Charles IV sont de semblables fléaux[160]. La violence, notamment sexuelle, des soldats apparaît donc, à en croire cet artiste lorrain qui est allé au-devant des calamités de la guerre, comme n’étant pas le fait de tel ou tel ennemi des Lorrains, mais des soldats de manière générale, de « la soldatesque », engeance dangereuse et irrespectueuse. Plutôt qu’un vice oriental, la violence sexuelle est désormais, sous son pinceau, le fait de gens de guerre, définis par cette seule caractéristique.
Des écrits d’autres Lorrains qui ne portent pas les armes viennent corroborer le point de vue de Callot. Dom Cassien Bigot, prieur de Longeville, près de Metz, pointe en effet du doigt la violence, notamment sexuelle, commise par diverses armées. S’il se fait particulièrement critique de l’arrivée en Lorraine en 1632 du « roi hérétique » de Suède Gustave-Adolphe[161], au passage duquel il aurait « vu les évêques s’enfuir avec leurs prêtres et clercs, les églises profanées, les nonnains violées, les autels renversés »[162], il ne réserve pas pour autant ses reproches aux seuls luthériens. La même année, il écrit avoir
ouï-dire à un capitaine lorrain qu’ils avaient perpétré toutes sortes de méchancetés : voler, violer, piller, saccager est tout ordinaire ; si on avait épargné pour le moins les lieux sacrés : Ils ont été profanés avec autant et plus d’impiété que par les hérétiques, en sorte que la nation lorraine est [devenue] plus odieuse aux Allemands que les Suédois… Car après avoir bu et mangé jusqu’à gorge rendre, ils rançonnent les pauvres gens, ce que moi-même j’ai vu en plusieurs lieux de Lorraine où les Lorrains [mercenaires du duc] sont plus craints qu’aucune nation du monde, tant ils sont brutaux.[163]
Après avoir lui-même condamné les exactions commises par des armées suédoises perçues comme des envahisseurs, il rapporte le point de vue d’autres régions, aux yeux desquels les troupes lorraines paraissent pires encore que d’autres. En bref, la violence de guerre, dont la violence sexuelle fait partie, n’est l’exclusivité d’aucune faction ou religion.
Toutefois, derrière cette habitude communément partagée de la violence sexuelle se lit peut-être une réalité précise : les armées sont, largement pendant la guerre de Trente Ans et encore en partie pour la suite, composées de mercenaires, soldats vendant leurs services à l’un ou l’autre des belligérants contre une solde, jusqu’au jour du licenciement. Et si la violence sexuelle était une habitude de ces professionnels ?
En effet, les personnages principaux des romans de Grimmelshausen, la vagabonde Courage mais aussi Simplicius Simplicissimus, connaissent tous deux une longue errance d’une armée à l’autre, et l’un comme l’autre observent dans chacune d’elles l’ordinaire de la violence, notamment sexuelle. Le jeune et naïf Simplicissimus lui-même en fait les frais car, après avoir porté un temps l’habit de fou, il finit par remplacer celui-ci par des vêtements féminins. À peine a-t-il revêtus ces derniers qu’il est poursuivi par des « fourrageurs » auxquels il échappe en se jetant aux pied d’épouses d’officiers, dont l’une le prend pour servante[164]. L’accalmie est de courte durée, puisque « cette capitaine »[165] qui recueille la pseudo-jeune fille ne peut lui garantir une protection contre son propre mari et le valet de celui-ci, ainsi que contre ses propres penchants lesbiens. Simplicisimus refuse « bien poliment à la femme » mais, en l’habillant « comme une poupée française », cette dernière attise « encore plus le feu dont brûlaient les trois personnages ». Par la suite, sans qu’on sache précisément ce qui lui est arrivé, il parvient à se débarrasser de son habit féminin, qui s’est d’évidence avéré « plus désagréable que celui de fou »[166]. Une telle fiction picaresque donne à comprendre que la condition de femme, ou son simple paraître, représente une exposition au risque de la violence sexuelle des armées.
C’est dans un songe que Simplicissimus comprend l’inexorable logique derrière les violences de la guerre. Le jeune homme rêve d’un arbre dont les racines sont « le menu peuple » et dont les feuilles sont des soldats, au refrain « bien conforme à leurs actes » :
Endurer la faim, la soif, la chaleur et le froid,
Travailler ou crever de misère, selon les circonstances,
Exercer des violences et pratiquer l’injustice,
Voilà notre vie, à nous autres, lansquenets.[167]
Les lansquenets, qui apparaissent comme se vengeant sur plus faibles qu’eux des brutalités qu’ils subissent, sont des mercenaires qui servent bien des camps pendant la guerre de Trente Ans, et dont il se trouve amené à croiser plusieurs fois le chemin. Ceux-là apparaissent également sur les eaux-fortes de Hans Ulrich Franck, graveur germanique perçu par certains comme un alter ego de Callot. Comme dans celles de ce dernier, aucun élément de ses estampes ne permet d’identifier telle ou telle faction ; en revanche, les titres nomment clairement les soldats comme des lansquenets. Les uns tuent quand les autres emmènent avec eux des filles, occupées à refaire leur coiffe – on a dit la signification de la chevelure féminine – loin des regards…

Les diverses images du soldat sont donc moins, au XVIIe siècle, distinguées par leur allégeance, de toute façon souvent temporaire, que par leur discipline. À l’idéal du guerrier chrétien respectueux du droit coutumier de la guerre s’oppose « le mercenaire sans merci, imperméable à la justice et à la morale »[168], dont les femmes ne sont pas les dernières victimes.
Cela n’empêche toutefois pas chaque État de faire preuve d’une mémoire sélective concernant les violences sexuelles et de systématiquement exploiter l’image d’un ennemi violeur de femmes pour mobiliser, y compris militairement, contre lui. En effet, lorsque, le 15 août 1636, la place de Corbie, en Picardie, tombe entre les mains des armées espagnoles, le pouvoir français instrumentalise la peur suscitée par la menace de ces armées sur Paris. En plus de s’en prendre à la « lascheté que les habitants ont montré à se défendre » – le marquis de Soyecourt, gouverneur de la place, est traduit en justice pour sa reddition jugée trop hâtive -, la Gazette espère pousser des Parisiens moins lâches à rejoindre les rangs en agitant la peur de ces envahisseurs qui « ont violé toutes les femmes : pillé & saccagé la ville, avec des désolations estranges »[169]. Le pouvoir a compris l’importance que peut prendre, dans un camp comme dans l’autre, une telle exaction dans un conflit. Plutôt qu’un à-côté de la guerre, le viol, administré ou subi, est bien un élément pouvant servir la raison militaire. Cet aspect sera au cœur de la suite de notre réflexion.
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Bibliographie
Sources primaires
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[1] FURETIÈRE Antoine, Dictionnaire universel, contenant generalement tous les mots françois, tant vieux que modernes, & les Termes des sciences & des arts, La Haye, A. et R. Leers, 1727, non paginé, [en ligne] https://archive.org/details/bub_gb_MVpZ4zxi3sgC/page/n5/mode/2up (dernière consultation le 26/11/2022)
[2] Ibid.
[3] Il ne s’agit très probablement pas d’Antoine Furetière lui-même, celui-ci étant mort en 1688, avant même la première édition de son dictionnaire, qui connut un grand succès posthume. L’édition de 1727 est le résultat, précise la page de garde, des revue, correction et augmentation de M. Basnage de Beauval et de M. Brutel de La Rivière. L’un de ceux-là est donc l’auteur de la définition publiée en 1727.
[4] FURETIÈRE Antoine, Dictionnaire universel, contenant generalement tous les mots françois, tant vieux que modernes, & les Termes des sciences & des arts, La Haye, A. et R. Leers, 1690, non paginé, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50614b/f3.item.r=.langFR# (dernière consultation le 26/11/2022)
[5] VOLTAIRE, Œuvres historiques, Paris, Gallimard, 1987 (1re éd. 1957), 1813 p.
[6] BRANCHE Raphaëlle, DELPLA Isabelle, HORNE John, LAGROU Pieter, PALMIERI Daniel et VIRGILI Fabrice, « Introduction – Écrire l’histoire des viols en temps de guerre », dans BRANCHE Raphaëlle (dir.), DELPLA Isabelle (dir.) et VIRGILI Fabrice (dir.), Viols en temps de guerre, Paris, Payot & Rivages, 2011, 359 p., p. 8
[7] S’entend par opposition aux violences sexuelles que peuvent commettre ces militaires dans le cadre de leur couple ou de différends privés, et plus généralement en temps de paix. Ceux-là figurent bien, mais plus rarement, dans certaines sources (également étudiées dans notre mémoire de recherche : WILFERT Alban, « Le soldat et la chair. Réalités et représentations des sexualités militaires au long XVIIe siècle (1598-1715), entre viol et séduction », Paris, École d’Histoire de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2020, 304 p., mémoire de master 2 sous la direction de DRÉVILLON Hervé) et leur signification n’est pas forcément la même. Sont également, pour cette raison, exclus de l’analyse les actes commis dans le cadre de garnisons et de cantonnements en période de paix et les violences exercées entre soldats d’une même armée.
[8] GAUDILLAT-CAUTELA Stéphanie, « Viols et guerres au XVIe siècle : un état des lieux », dans NIVET Philippe (dir.) et TRÉVISI Marion (dir.), Les femmes et la guerre de l’Antiquité à 1918 : actes du colloque d’Amiens, 15-16 novembre 2007, Paris, Economica, 2010, 412 p., pp. 219-220
[9] MURAVYEVA Mariana, « “Ni pillage ni viol sans ordre préalable”. Codifier la guerre dans l’Europe moderne », dans VIRGILI Fabrice (dir.), Clio : femmes, genre, histoire, n°39, Paris, Belin, 2014, 336 p., pp. 55-81, [en ligne] https://doi-org.ezpaarse.univ-paris1.fr/10.4000/clio.11856 (dernière consultation le 26/11/2022)
[10] GENTILI Alberico, De Jure Belli. Libri Tres, Thomas Erskine Holland (éd.), Oronii, Y. Typographeo Clarendoniano, 1877, dans ibid., p. 59
[11] VIGARELLO Georges, Histoire du viol – XVIe-XXe siècle, Paris, Seuil, 1998, 368 p., p. 40
[12] GROTIUS Hugo, Le droit de la guerre et de la paix, Paris, PUF, 1999, 828 p., p. 636
[13] MURAVYEVA Mariana, art. cit., p. 59 ; l’autrice parle de « civils », une notion toutefois jugée anachronique par d’autres ; nous emploierons nous-même plutôt le terme de « non-combattant ».
[14] GROTIUS Hugo, op. cit., p. 637
[15] La guerre de Succession d’Espagne (1701-1713) est la dernière guerre du règne de Louis XIV et la plus difficile pour lui. Elle est déclenchée par une coalition de puissances européennes s’opposant au testament du roi d’Espagne Charles II qui désignait le duc Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, comme héritier. Finalement gagnée par les Bourbons, la guerre place à la tête du royaume d’Espagne cette dynastie, qui s’y trouve toujours. Le royaume d’Espagne a des possessions en Italie, d’où la présence du chevalier de Quincy sur cette péninsule.
[16] QUINCY Joseph Sevin de, Mémoires du chevalier de Quincy, vol. 1, Paris, H. Laurens, 1898, 426 p., p. 308, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6562452s (dernière consultation le 26/11/2022)
[17] Ibid., p. 309
[18] Forme vieillie d’« irlandais ».
[19] VO-HA Paul, Rendre les armes : le sort des vaincus : XVIe-XVIIe siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017, 428 p., p. 291 ; NASSIET Michel, La violence, une histoire sociale : France, XVIe-XVIIIe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2011, 377 p., p. 49
[20] MASSON Rémi, Les mousquetaires ou la violence d’État, Paris, Vendémiaire, 2013, 156 p., p. 49
[21] KRAMER Alan, « Les “atrocités allemandes” : mythologie populaire, propagande et manipulations dans l’armée allemande », art. cit. par AUDOIN-ROUZEAU Stéphane, L’enfant de l’ennemi : viol, avortement, infanticide pendant la Grande guerre, Paris, Aubier, 1995, 222 p., p. 48
[22] LA FORCE Jacques-Nompar de Caumont, LA FORCE Henri-Nompar de Caumont et MONTPOUILLAN Jean de Caumont, Mémoires authentiques de Jacques Nompar de Caumont, duc de la Force, maréchal de France, et de ses deux fils les marquis de Montpouillan et de Castelnaut, suivis de documents curieux et de correspondances inédites de Jeanne d’Albret, Henri III, tome IV, Paris, éditions Charpentier, 1843, 658 p., p. 353, [en ligne] https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=nyp.33433071360840&view=1up&seq=11 (dernière consultation le 26/11/2022)
[23] BENZONI Elena, « Les sacs de ville à l’époque des guerres d’Italie (1494-1530) : les contemporains face au massacre », dans EL KENZ David (dir.), Le massacre, objet d’histoire, Paris, Gallimard, 2005, 557 p., pp. 157-170, p. 164
[24] La guerre de Trente Ans (1618-1648) est communément considérée comme le conflit marquant la transition entre guerres de religion et guerres interétatiques. Elle oppose dans un premier temps catholiques (notamment le Saint-Empire des Habsbourg) et protestants (certains États d’Empire), mais est rapidement rejointe par des puissances extérieures qui n’ont pas toutes de motivation religieuse. La France notamment, avec le cardinal de Richelieu, rejoint le camp protestant par intérêt, en 1635, pour s’opposer aux Habsbourg. Conclue par les traités de Westphalie en 1648, la guerre est extrêmement meurtrière, en particulier dans l’Europe centrale.
[25] VO-HA Paul, op. cit., pp. 302-303
[26] DE CAMPION Henri, Mémoires, Paris, Mercure de France, 1990, 367 p., pp. 86-87
[27] Ibid., p. 87
[28] Ibid., p. 88
[29] « La prise des ville et chasteau d’Ager vers la frontiére du Royaume d’Aragon sur les Espagnols », Gazette, n° 123, Paris, Bureau d’adresse, 1647, p. 949, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62768875/f5 (dernière consultation le 26/11/2022)
[30] VO-HA Paul, op. cit., p. 314
[31] VIGARELLO Georges, op. cit., p. 22
[32] LE BLANC Thomas, Le Soldat généreux pour l’utilité de tous les soldats, afin qu’ils soient de jour en jour plus généreux et vertueux, Pont-à-Mousson, Guilleré, 1655, 364 p., p. 248
[33] VO-HA Paul, op. cit., p. 295
[34] CHILDS John, La guerre au XVIIe siècle, Paris, Autrement, 2004, 224 p., p. 73, traduit de l’anglais par MENSAH Marthe
[35] Le terme apparaît chez de nombreux mémorialistes militaires.
[36] HAFFEMAYER Stéphane, « “De bonnes barbaries bien avérées ?” : la fabrication des massacres de la révolte irlandaise (1641-1642) », dans BENIGNO Francisco (dir.), BOURQUIN Laurent (dir.) et HUGON Alain (dir.), Violences en révolte : une histoire culturelle européenne, XIVe-XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, 314 p., pp. 165-184, p. 177
[37] SADOUL Georges, Jacques Callot miroir de son temps, Paris, Gallimard, 1969, 408 p., p. 336
[38] LYNN John Albert, Women, Armies, and Warfare in Early Modern Europe 1500-1815, New York, Cambridge University Press, 2008, 239 p., p. 154
[39] SADOUL Georges, op. cit.
[40] DUCCINI Hélène, « La guerre de Trente Ans en France : discours et représentations », Le temps des médias, Paris, Nouveau Monde Editions, n° 4, Paris, Nouveau Monde éditions, 2005, 192 p., pp. 137-150, p. 141, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2005-1-page-137.htm (dernière consultation le 26/11/2022)
[41] Ibid., pp. 141-142
[42] DRÉVILLON Hervé, Les rois absolus : 1629-1715, Paris, Belin, 2011, 637 p., p. 50
[43] Ibid., p. 50
[44] LYNN John Albert, op. cit., pp. 47-50
[45] Dans OURY Clément, La guerre de succession d’Espagne : la fin tragique du Grand Siècle, Paris, Tallandier, 2020, 518 p., pp. 401-402
[46] Ibid., p. 402
[47] PARROTT David, Richelieu’s Army: War, Government and Society in France, 1624-1642, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, 599 p.
[48] DE CAMPION Henri, op. cit., p. 77
[49] LANDIER Patrick, « 1643 : étude quantitative d’une année de violences, en France, pendant la Guerre de Trente Ans », dans Histoire, économie et société, vol. 1, n°2, Paris, Sedes, 1982, pp. 171-328, pp. 187-212, p. 189 [en ligne] https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1982_num_1_2_1288 (dernière consultation le 26/11/2022)
[50] Ibid., p. 189
[51] Ibid.
[52] STEINBERG Sylvie (dir.), Une histoire des sexualités, Paris, Presses universitaires de France, 2018, 517 p., p. 192
[53] BERCÉ Yves-Marie, La naissance dramatique de l’absolutisme : 1598-1661, Paris, Seuil, 1992, 278 p., p. 180
[54] RORIVE Jean-Pierre, Les misères de la guerre sous le Roi-Soleil : les populations de Huy, de Hesbaye et du Condroz dans la tourmente du siècle de malheur, Liège, Éditions de l’Université de Liège, 2000, 455 p., pp. 132-133
[55] BUSSY-RABUTIN Roger de, Mémoires, Paris, Jean Anisson, 1696, 458 p., pp. 130-131, [en ligne] https://archive.org/details/lesmmoiresdeme01buss (dernière consultation le 26/11/2022)
[56] Synonyme – ou euphémisme ? – courant, voir notamment LETT Didier (dir.), STEINBERG Sylvie (dir.) et VIRGILI Fabrice (dir.), Clio : femmes, genre, histoire, Paris, Belin, 2020, n° 52, 326 p.
[57] BUSSY-Rabutin Roger de, op. cit., p. 132
[58] Ibid., p. 132
[59] BRANTÔME, Second volume des Dames, op. cit. dans DAUMAS Maurice, Le système amoureux de Brantôme, Paris, L’Harmattan, 1998, 211 p., p. 75
[60] Dans DAUMAS Maurice, ibid., p. 75
[61] STEINBERG Sylvie (dir.), Une histoire des sexualités, op. cit., p. 190
[62] DAUMAS Maurice, op. cit., p. 76
[63] Ibid., p. 71
[64] Ibid., p. 75
[65] SIMONETI Ilaria, « Violence (et genre) », dans RENNES Juliette (dir.), Encyclopédie critique du genre, Paris, La Découverte, 2016, 752 p., pp. 681-690, p. 681
[66] BUTLER Judith, Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l’identité, Paris, La Découverte, 2005, 283 p., p. 259, traduit de l’anglais par KRAUS Cynthia
[67] OUDIN Antoine, Curiosités françoises, pour supplément aux Dictionnaires, ou Recueil de plusieurs belles proprietez, avec une infinité de Proverbes et de Quolibets, pour l’explication de toutes sortes de livres, par Antoine Oudin, secrétaire interprète de sa Majesté, Paris, Antoine de Sommaville, 1640, 615 p., dans DUCHÊNE Roger, Être femme au temps de Louis XIV, Paris, Perrin, 2004, 428 p., p. 139
[68] Voir STEINBERG Sylvie, « Quand le silence se fait : bribes de paroles de femmes sur la sexualité au XVIIe siècle », Clio : histoire, femmes et sociétés, n°31, Paris, Belin, 2010, 330 p., pp. 79-110, [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/9594#xd_co_f=ZDhmYzU2MjgtOTg0ZC00YzFlLWFmMGQtM2VkYThhZDRhZmU3~ (dernière consultation le 26/11/2022)
[69] PERROT Michelle, Mon histoire des femmes, Paris, Seuil, 2006, 245 p., p. 81
[70] STEINBERG Sylvie (dir.), op. cit., p. 193
[71] VIGARELLO Georges, op. cit., pp. 40-41 et 44
[72] Ibid.
[73] Ibid.
[74] CAVALIER Jean, Mémoires sur la guerre des Cévennes, op. cit. dans NIDERST Alain, Les Français vus par eux-mêmes : le siècle de Louis XIV anthologie des mémorialistes du siècle de Louis XIV, Paris, Robert Laffont, 1997, 910 p., pp. 761-762
[75] NASSIET Michel, op. cit., p. 53
[76] BERNARD Alexis, « Les victimes de viol à Lyon aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans GARNOT Benoît (dir.), Les victimes, des oubliées de l’histoire ? : actes du colloque de Dijon, 7 & 8 octobre 1999, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 535 p., pp. 455-467, p. 456 ; HAFFEMAYER Stéphane, art. cit., p. 174
[77] « De Pribourg, le 9 Décembre 1662 », Gazette, n° 2, Paris, Bureau d’adresse, 1663, p. 14
[78] FURETIÈRE Antoine, op. cit., éd. 1690
[79] VIGARELLO Georges, op. cit., p. 39
[80] STEINBERG Sylvie (dir.), op. cit., p. 193
[81] Père d’Henri Nompar de Caumont nommé plus haut.
[82] LA FORCE Jacques Nompar de Caumont, dans LA FORCE Jacques-Nompar de Caumont, LA FORCE Henri-Nompar de Caumont et MONTPOUILLAN Jean de Caumont, op. cit., pp. 185-186
[83] FURETIÈRE Antoine, op. cit., 1690
[84] Ibid.
[85] VIGARELLO Georges, op. cit., pp. 67-71 ; BERNARD Alexis, art. cit., pp. 457-463
[86] NOLDE Dorothea, « Les violences sexuelles faites aux enfants. Un état des recherches », dans LETT Didier (dir.), STEINBERG Sylvie (dir.), VIRGILI Fabrice (dir.), Clio : femmes, genre, histoire, n° 52, Paris, Belin, Paris, Belin, 2020, 326 p., p. 144
[87] Ibid., p. 144
[88] La Fronde est une période marquée, dans le royaume de France, par des troubles politiques d’ampleur, peu après la mort de Louis XIII et alors que son successeur, Louis XIV, est trop jeune pour exercer véritablement le pouvoir, confié à sa mère régente et au cardinal Jules Mazarin. Parfois résumée à une réaction de la noblesse inquiète de la montée de l’autorité royale centralisatrice et absolutiste, elle soulève toutefois des problématiques plus larges et populaires. Elle atteint, parfois, l’intensité d’une véritable guerre civile. Elle s’achève avec les retours triomphaux du roi et de Mazarin, qui a donné son nom aux imprimés polémiques de la période, à Paris.
[89] « 40. Relation véritable de ce qui s’est passé ès environs de la Ville de Rheims, depuis le 20 May 1651. Et l’Estat deplorable du Pays – Tirée de diuerses Lettres escrites de ladite Ville de Rheims », dans CARRIER Hubert, La Fronde. Contestation démocratique et misère paysanne. 52 mazarinades, t. 2, Paris, EDHIS, 1982, non paginé
[90] « 37. La Champagne desolee par l’Armée d’Erlach – Paris, 1649 », ibid.
[91] BROWN Howard G., Mass Violence and the Self. From the French Wars of Religion to the Paris Commune, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 2019, 283 p., pp. 26, 86 et 88
[92] Cette source est, à l’heure où nous écrivons ces lignes, la seule que nous connaissions à rapporter clairement des viols d’hommes par des gens de guerre. Certaines mentionnent des crimes qui, en incluant le viol sans pour autant s’y restreindre, ont pris pour cible des hommes et des femmes, mais la teneur des méfaits contre chacun reste sujette à interprétation, au contraire des faits précis évoqués dans cette mazarinade.
[93] STEINBERG Sylvie (dir.), op. cit., pp. 206-207
[94] VIGARELLO Georges, op. cit. ; NOLDE Dorothea, art. cit., pp. 144-147 ; GODARD Didier, Le goût de Monsieur : l’homosexualité masculine au XVIIe siècle, Montblanc, H&O éditions, 2002, 254 p., pp. 12-13
[95] MURAVYEVA Mariana, art. cit., p. 69
[96] Notion à l’origine forgée par BUTLER Judith, op. cit., ; on la trouve parfois traduite en « agentivité », comme chez GUILHAUMOU Jacques, « Autour du concept d’agentivité », Rives méditerranéennes, Aix-en-Provence, PU de Provence, 2012/1, pp. 25-34, [en ligne] https://doi.org/10.4000/rives.4108 (dernière consultation le 26/11/2022)
[97] LYNN John Albert, op. cit., p. 95 ; HOWELL Martha, « The Problem of Women’s Agency in Late Medieval and Early Modern Europe », dans MORAN Sarah Joan (éd.) et PIPKIN Amanda (éd.), Women and Gender in the Early Modern Low Countries 1500-1750, Brill, 2019, 326 p. ; MONTENACH Anne (éd.) et SIMONTON Deborah (éd.), Female Agency in the Urban Economy: Gender in European Towns, 1640-1750, Londres/New York, Routledge, 2013, 271 p.
[98]« 40. Relation véritable de ce qui s’est passé ès environs de la Ville de Rheims… », dans CARRIER Hubert, op. cit., non paginé
[99] Aujourd’hui Prachatice, en République tchèque.
[100] VON GRIMMELSHAUSEN Hans Jakob Christoffel, La vagabonde Courage, Paris, Libretto, 2013, 179 p., p. 22, traduit de l’allemand par COLLEVILLE Maurice
[101] Ibid., p. 23
[102] Ibid., p. 25
[103] PELLEGRIN Nicole, « Le genre et l’habit. Figures du transvestisme féminin sous l’Ancien Régime », Clio : histoire, femmes et sociétés, Paris, Belin, n° 10, 1999, 23 p., p. 5, [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/252 (dernière consultation le 26/11/2022)
[104] DE CAMPION Henri, op. cit., p. 70
[105] Ibid., p. 71
[106] VO-HA Paul, op. cit., pp. 153-163
[107] GUILHAUMOU Jacques, art. cit., p. 25
[108] LA GUETTE Catherine de, Mémoires de Madame de La Guette, Paris, P. Jannet, 1856, 218 p., p. 70, [en ligne] https://fr.wikisource.org/wiki/M%C3%A9moires_de_Madame_de_La_Guette (dernière consultation le 26/11/2022)
[109] Ibid., p. 71
[110] Ibid., p. 72
[111] Le jansénisme est un mouvement religieux interne au catholicisme, qui connut son essor au XVIIe siècle en France à partir du texte de l’Augustinus de l’évêque Cornelius Jansen, considérant notamment l’humanité comme irrévocablement pécheresse et, par là même, incapable d’accéder au salut sans le concours de la grâce divine. L’abbaye du Port-Royal des Champs en est, à bien des égards, le cœur. Perçu comme s’opposant à l’absolutisme royal et aux doctrines de l’Église, le jansénisme est déclaré hérétique par celle-ci au moyen de la bulle pontificale Unigenitus de 1713, année qui voit également la destruction de l’abbaye après sa dissolution par le pouvoir royal en 1709.
[112] ARNAULD Jacqueline Marie Angélique, Lettres de la Reverend Mere Marie Angelique Arnauld, abbesse et reformatrice de Port-Royal, Utrecht, Aux dépens de la Compagnie, 1742, t. 2, 651 p., pp. 57-58, [en ligne] https://archive.org/details/taylorinstituti00ahlagoog (dernière consultation le 26/11/2022)
[113] Ibid., p. 62
[114] Ibid.
[115] Ibid., pp. 57-58
[116] BROWN Howard G., op. cit., pp. 80 et 106
[117] ARNAULD Jacqueline Marie Angélique, op. cit., p. 101
[118] Ibid., p. 210
[119] Ibid., p. 87
[120] Ibid., p. 113
[121] Ibid., p. 141
[122] Ibid.
[123] Ibid., p. 161
[124] Ibid., pp. 162-163
[125] Ibid., p. 161
[126] GUILHAUMOU Jacques, art. cit., pp. 25-34
[127] ARNAULD Angélique, op. cit., p. 165
[128] BROWN Howard G., op. cit., p. 96
[129] Ibid., p. 210
[130] Ibid., p. 112
[131] Ibid., p. 140
[132] Gazette, Paris, Bureau d’adresse, 1632 ; 1635 (trois occurrences) ; 1637 (trois occurrences) ; 1642 ; 1651 ; 1653 ; 1663 ; 1673 ; 1678, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32780022t/date (dernière consultation le 26/11/2022)
[133] « De Nancy, le 8 Novembre 1635 », Gazette, Paris, Bureau d’adresse, n° 165, 1635, p. 661, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6439110h/f674.item (dernière consultation le 26/11/2022)
[134] Actuelle ville de Chimay.
[135] « De Liège, le 10 Iuin 1651 », Gazette, n° 76, Paris, Bureau d’adresse, 1651, p. 616, [en ligne], https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63914641/f635.item (dernière consultation le 26/11/2022)
[136] RIPA Yannick, « Armes d’hommes contre femmes désarmées : de la dimension sexuée de la violence dans la guerre civile espagnole », dans DAUPHIN Cécile (dir.) et FARGE Arlette (dir.), De la violence et des femmes, Paris, Albin Michel, 1997, 201 p., pp. 131-145, p. 134
[137] DE PONTIS Louis, op. cit., p. 225
[138] Ibid., p. 226
[139] Ibid., p. 225
[140] Ibid., p. 226
[141] VO-HA Paul, op. cit., p. 326
[142] « Ce qui s’est passé en Picardie depuis l’entrée des Espagnols en France jusques à leur retraite », Gazette, Paris, Bureau d’adresse, 1653, pp. 853-854, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6488812t/f200.item (dernière consultation le 26/11/2022)
[143] En Ukraine actuelle.
[144] « La lettre du grand duc de Moscovie au pape, par laquelle il demande à Sa Sainteté, du secours en faveur de la Pologne, contre les Turcs », Gazette, Paris, Bureau d’adresse, 1673, pp. 1085-1096, pp. 1093-1094, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64416954/f479.item (dernière consultation le 26/11/2022)
[145] VO-HA Paul, op. cit., p. 352
[146] Gazette, n°137, op. cit., p. 1085
[147] DE WICQUEFORT Abraham, Advis fidelle aux véritables Hollandois. Touchant ce qui s’est passé dans les villages de Swammerdam, & les cruautés inoüies, que les François y ont exercées, La Haye, Jean et Daniel Steucker, 1673, 202 p.
[148] BOITEL Isaure, L’image noire de Louis XIV : Provinces-Unies, Angleterre (1668-1715), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016, 551 p., p. 179
[149] HAFFEMAYER Stéphane, art. cit., p. 177
[150] Ibid., p. 182
[151] BOITEL Isaure, op. cit., p. 179
[152] Ibid., pp. 179-180
[153] Cité dans BERCÉ Yves-Marie, Violences et répression…, op. cit., p. 104
[154] Ibid., p. 104
[155] « De Narbonne le 28 Septembre 1642 », Gazette, Paris, Bureau d’adresse, 1642, n° 131, pp. 959-960, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6439214h/f294.item (dernière consultation le 26/11/2022)
[156] NAHOUM-GRAPPE Véronique, « Guerre et différence des sexes : les viols systématiques (ex-Yougoslavie, 1991- 1995) », dans DAUPHIN Cécile (dir.) et FARGE Arlette (dir.), op. cit., pp. 159-183, p. 166
[157] Ibid., p. 166
[158] SADOUL Georges, op. cit., p. 130
[159] Ibid., p. 345
[160] Ibid., p. 333
[161] La Suède de Gustave-Adolphe, protestante, est alliée à la France, et donc ennemie du duché de Lorraine, pendant la guerre de Trente Ans.
[162] Dans SADOUL Georges, ibid., p. 289
[163] Ibid., p. 289
[164] VON GRIMMELSHAUSEN Hans Jakob Christoffel, Simplicissimus l’aventurier, Arles, Actes Sud, 1988, pp. 150-151, traduit de l’allemand par LERY André
[165] Ibid., p. 151
[166] Ibid., p. 153
[167] VON GRIMMELSHAUSEN Hans Jakob Christoffel, Les aventures de Simplicius Simplicissimus = Abenteuerlicher Simplicius Simplicissimus, Paris, Aubier, 1988, 862 p., pp. 118-119, traduit de l’allemand par COLLEVILLE Maurice, édition bilingue
[168] MURAVYEVA Mariana, art. cit., p. 60
[169] « De Paris, le 23 Août 1636 », Gazette, Paris, Bureau d’adresse, n° 126, 1636, pp. 521-524, p. 524, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6586029z/f530.item (dernière consultation le 28/11/2022)
Une réflexion sur “La chair et le sang – La violence sexuelle dans les conflits du XVIIe siècle [1/2] Maux et mots du viol”