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La bataille des cinq empires : 15 mai – 28 septembre 1916 par Benoît Chenu

Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, Michel LOUSTAU.

L’année 1916 aurait pu constituer le tournant de la Grande Guerre, telle est l’opinion de M. Benoît Chenu, étayée par les archives inédites du général de Castelnau. Sa victoire de Charmes (25 août 1914) avait fait échouer le plan de Moltke, obligé de renforcer son aile gauche et de dépêcher deux corps d’armée en Prusse orientale1. Autre mauvaise surprise pour la direction suprême allemande, l’engagement massif du Royaume-Uni dans le conflit : 6 200 000 Britanniques mobilisés et 2 813 000 soldats de l’Empire2. Dans les Balkans, dont la Bulgarie, délaissée par l’Entente, tient la clef3, le tsar Ferdinand a rejoint les Empires Centraux le 6 octobre 1915. Après la défaite serbe, Falkenhayn, qui peut manœuvrer en position centrale et surclasse les Français en artillerie lourde et en aviation, décide de contraindre Paris à négocier en attaquant Verdun. La réorganisation du commandement français, voulue par Briand et Poincaré en décembre 1915, fait de Castelnau le chef d’état-major général de Joffre, qui entend bien conserver ses prérogatives. En Orient, Briand mise sur la Roumanie et les radicaux « Caillautistes » ont fait nommer Sarrail, à la colère des Britanniques4 .

À Verdun, où l’évacuation de la région fortifiée est envisagée, Castelnau, arrivé le 25 février, renverse la situation en ordonnant de défendre la ville et les forts. Mais la chute de Douaumont amène le Kronprinz à renoncer à la tactique d’usure pour attaquer sans cesse sans égard aux pertes. Secoués par la Strafexpedition de l’archiduc Eugène en Vénétie – Asiago tombe le 27 mai -, les Italiens demandent l’aide des Russes de Broussilov qui enfoncent le dispositif autrichien en Galicie et en Bukovine. Sur la Somme, si l’offensive anglaise du 1er juillet se solde par de lourdes pertes, Foch et Fayolle, au Sud, peuvent réaliser la percée tant attendue, dont l’onde de choc peut se propager jusqu’à Berlin5. Toutefois, après la conférence de Joffre, Foch, Haig et Rawlinson à Beauquesne le 3 juillet, Fayolle décide de ne pas lancer sa VIe Armée dans la brèche, au grand dam de Castelnau. Les Allemands se ressaisissent et, le 9 juillet, bloquent la trop tardive offensive française. Les thuriféraires de Joffre, Foch et Fayolle essaieront de faire oublier cette grave erreur6.

Le résultat ne se fait pas attendre. En Russie, l’effort de guerre se relâche. Dans les Balkans, le mirage roumain s’éloigne. Robertson et Castelnau, qui peut contacter Ferdinand de Bulgarie par l’intermédiaire de François d’Orléans, duc de Vendôme, savent qu’il est prêt à changer de camp si les injustices de 1913 sont réparées. À Budapest, Mihaly Karolyi et ses amis sont favorables à l’Entente, mais Briand privilégie Bucarest et Athènes7. Pourtant, l’été s’annonce mal pour le IIe Reich. Dans la Somme, le Royal Flying Corps se spécialise dans l’appui de l’artillerie et de l’infanterie au sol, et les premiers tanks Mark I apparaissent le 15 septembre. Le 28 août, les Roumains entrent en Transylvanie, tandis que les Bulgares pénètrent dans la Dobroudja. Hindenburg confie une masse de manœuvre à Falkenhayn, tandis que les Russes et Sarrail, à Salonique, n’ont pas la possibilité d’aider les Roumains. Le 6 décembre, von Mackensen entre dans Bucarest, assurant aux centraux les richesses agricoles roumaines. La France n’a plus de réserves en hommes, hormis aux colonies, et la Russie, mal gouvernée, affaiblie, est sur la voie de la révolution. Joffre cède la place à Nivelle, car Briand ne voulait pas de Pétain et les radicaux anticléricaux rejetaient Castelnau, pourtant le plus apte, de l’aveu même de Briand8. Il est permis de penser qu’une paix négociée en 1916 aurait été moins mauvaise que les traités de 1919-1920.

Cet ouvrage de référence comporte de nombreuses cartes, un glossaire, des annexes illustrées, un état des sources, une bibliographie et un index.

Michel LOUSTAU secrétaire général de la Commission Française d’Histoire Militaire

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Bibliographie

CHENU Benoît, La bataille des cinq empires : 15 mai – 28 septembre 1916, Paris, l’Artilleur-Bernard Giovanangeli, 2021, 519 p.


1 CHENU Benoît, La bataille des cinq empires : 15 mai – 28 septembre 1916, Paris, l’Artilleur-Bernard Giovanangeli, 2021, 519 p., p. 25

2 Ibid., carte p. 33

3 Ibid., carte p. 59

4 Ibid., pp. 120-126

5 Ibid., p. 312

6 Ibid., p. 387

7 Ibid., pp. 423-424

8 Ibid., p. 478

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