Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, Michel Lousteau.
Parmi les vingt-cinq personnalités retenues par l’auteur, cinq ont trait à l’histoire militaire. Abd el-Kader, émir de Mascara (1808-1883), descendant du Prophète, exceptionnellement doué, était docteur de la loi coranique à douze ans. À 24 ans, il a organisé les « bases d’un proto-État centré sur l’Oranais »[1] et Bugeaud l’a qualifié d’« homme de génie ». Après sa reddition au duc d’Aumale en 1847, il a été, contrairement aux assurances données, emprisonné à Toulon. Voyant dans la chute de Louis-Philippe et l’avènement de la Deuxième République un châtiment divin, il est transféré à Pau, puis à Amboise.
En octobre 1852, Napoléon III, contre l’avis de ses ministres, libère l’illustre captif qui assiste à la proclamation de l’Empire aux Tuileries le 2 décembre. Installé à Brousse, puis à Damas, il sauve du massacre perpétré par les Druzes 12 000 chrétiens syriens en juillet 1860. Fait grand-croix de la Légion d’honneur par l’Empereur, il décline toutefois sa proposition de régner sur l’Afrique du Nord. Écrivain mystique, soufi, poète, bibliophile, lien entre l’Orient et l’Occident, il est initié au Grand Orient de France en 1864, mais le quitte en 1877 quand « les maçons français deviennent les zélateurs du jacobinisme laïc et colonial en Algérie »[2]. Quatre de ses descendants seront saint-cyriens, dont Ali, tué en Indochine le 15 mars 1949. Abd el-Kader demeure l’une des plus hautes figures de la civilisation arabo-musulmane, et la France l’a honoré à juste titre.

Né à Dijon en 1790, Jean-Baptiste Vaillant, polytechnicien, a servi dans le génie en Russie et à Waterloo. Protégé du général Haxo, il a dirigé les travaux de fortification de Paris voulus par Thiers en 1840. Maréchal de France, grand maréchal du Palais, ministre de la Guerre (1854-1859), la prise de Sébastopol lui doit beaucoup et il fait bâtir l’hôpital Bégin. Il réorganise l’armée et crée le camp de Châlons. Ministre de la Maison de l’Empereur (1860), il reçoit aussi la direction des Beaux-Arts en 1863. Passionné par les roses, les abeilles et la météorologie, très populaire à Dijon, il meurt à Paris en 1872.
Il n’est pas nécessaire de présenter Otto von Bismarck (1815-1898), premier serviteur du roi-soldat Guillaume Ier de 1862 à 1888. Trois guerres, contre le Danemark, l’Autriche et la France, lui ont permis d’unifier l’Allemagne autour de la Prusse. Le rapt de l’Alsace-Moselle en 1871, voulu en premier lieu par les militaires (Moltke, Roon) et l’opinion[3] allait, selon le mot de René Grousset, attirer la foudre sur l’Europe… Et le remarquable système diplomatique destiné à isoler la France en groupant des États rivaux (Italie/Autriche/Russie) n’a pas survécu au renvoi de son architecte par Guillaume II en 1890.
Achille Bazaine (1811-1888), maréchal de France sorti du rang, reste pour la postérité flétrie du titre de « traître qui a rendu Metz ». Or, ce courageux soldat, vu comme un sauveur par l’opinion après les défaites d’Alsace, n’avait pas les capacités nécessaires pour commander 170 000 hommes. À l’avis de Bismarck qui proposait de le laisser marcher sur Paris pour rétablir l’Empire tombé le 4 septembre, le roi Guillaume préféra celui de Moltke qui exigeait la capitulation de l’armée de Metz et le maintien d’une république mal assise[4]. Accusé de trahison par Gambetta, le malheureux Bazaine sert de bouc émissaire à tout le monde : républicains, orléanistes, légitimistes et même bonapartistes lors du procès d’Octobre 1873. Évadé de l’île Sainte-Marguerite en 1874, il meurt en exil, solitaire, à Madrid. Son fils Alfonso, capitaine espagnol, servira à titre français durant la Grande Guerre[5].
Quant au Prince Impérial Napoléon-Louis (1856-1879), sa tragique destinée fait pendant à celle de l’Aiglon. Exilé en Angleterre avec ses parents, il entre à l’Académie royale militaire de Woolwich en 1872, et en sort 7e sur 34 en 1875. Il choisit l’artillerie et représente l’espoir de l’Appel au peuple, parti fondé par Eugène Rouher. En dépit des craintes de sa mère et de la reine Victoria, il part au Natal combattre les Zoulous mais, surpris le 1er juin 1879 à Itelezi par l’ennemi, blessé, il se bat comme un lion avec son seul bras gauche, et tombe percé de dix-sept coups d’assegai. Un cairn signale l’endroit aux passants[6], et la dernière Impératrice des Français (1826-1920) est venue s’y recueillir.
Michel LOUSTAU secrétaire général de la Commission Française d’Histoire Militaire
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Bibliographie :
ANCEAU Éric, Ils ont fait et défait le Second Empire, Paris, Tallandier, 2019, 379 p.
[1] ANCEAU Éric, Ils ont fait et défait le Second Empire, Paris, Tallandier, 2019, 379 p., p. 106
[2] Ibid., p. 116
[3] Ibid., p. 320
[4] Ibid., p. 333
[5] Ibid., p. 338
[6] Ibid., p. 366