Que fête-t-on le 11 novembre?

centenaire du 11 novembre 1918

Le jour de la Saint Martin (saint patron des soldats), le 11 novembre 1918, à la onzième heure d’une journée automnale: les cloches sonnent à la volée. L’armistice est signé, la guerre semble terminée. Aujourd’hui, nous commémorons cent ans plus tard cette signature. Mais, derrière cette signature se cache beaucoup d’événements que nous devons commémorer. Depuis plusieurs semaines, les polémiques autour des commémorations pullulent. Nous allons alors dans ce bref article nous questionner sur ce “11 novembre”.

“Onze heures.Un grand silence, un grand étonnement. Puis une rumeur monte de la vallée, une autre lui répond de l’avant. C’est un jaillissement de cris dans les nefs de la forêt. Il semble que la terre exhale un long soupir. Il semble que de nos épaules tombe un poids énorme. Nos poitrines sont délivrées du cilice de l’angoisse : nous sommes définitivement sauvés. Cet instant se relie à 1914. La vie se lève comme une aube. L’avenir s’ouvre comme une avenue magnifique. mais une avenue bordée de cyprès et de tombes. Quelque chose d’amer gâte notre joie, et notre jeunesse a beaucoup vieilli.” In. La Peur publié en 1930, par Georges Chevallier (1885-1969). Texte autobiographique sur l’expérience de la guerre faite par cet auteur. La citation ci-dessus provient du récit du 11 novembre 1918, sur le font des Vosges, près de Saint-Amarin.


Afin de répondre à ces questions d’actualité, nous avons interrogé dans la rue des personnes sur le 11 novembre. Nous utiliserons certaines réponses afin de développer les nôtres.

Qu’est-ce qu’un armistice?

à partir du XVIIe siècle, ce terme se retrouve dans des traités de guerre et dans des gazettes. Il est utilisé pour décrire une suspension d’armes, mais peu de gens l’approuve. Il se démocratise surtout au XIXe siècle. Etymologiquement, ce mot tire sa racine du latin médiéval armistitium, formé du latin arma (arme) et statio (état d’immobilité). Un armistice est donc une “suspension totale ou partielle des hostilités entre deux armées, en particulier pour permettre au pays qui en fait la demande d’étudier les conditions de fin de guerre de l’adversaire” (C.N.R.T.L.). L’armistice est donc un synonyme du cessez-le-feu.

Enfin, il faut souligner que la signature d’un armistice est réservée aux militaires. En effet, c’est une convention par laquelle les belligérants suspendent les hostilités. L’armistice n’est donc pas conclu par des plénipotentiaires civils, mais par les chefs militaires suprêmes. L’état de guerre décrété par le gouvernement (en l’occurrence celui de la IIIe République) ne se modifie donc pas systématiquement. Ce sont les hostilités militaires qui cessent.

Si l’armistice est un terme assez récent pour les contemporains, le dernier armistice majeur qu’ait connu la France reste celui du 28 janvier 1871, avec l’Allemagne. Le souvenir est probablement vif, presque quarante-sept ans plus tard. À présent, l’armée française prend la position du vainqueur à la table des négociations avec les chefs allemands. Ce changement est notable.

Donc, en ce 11 novembre, l’armée allemande reconnait sa défaite, mais ne capitule pas. Cependant, en signant à 5 h 15 le traité d’armistice, les chefs allemands reconnaissent l’impossibilité de continuer la guerre. En effet, la situation politico-militaire est critique: le 9 novembre le Kaiser Guillaume II a abdiqué ; le blocus maritime de l’Allemagne a paralysé le pays ; les alliés ont réussi à repousser les troupes allemandes. Si la guerre continue, et que les plans alliés sont respectés, les troupes franco-britanniques pénétreraient en Allemagne très prochainement.

C'est en forêt de Compiègne, plus précisément dans le train d'état-major de Foch, que l'armistice est signé.  Derrière la table, de droite à gauche, se tiennent le général Weygand, le maréchal Foch et les amiraux britanniques Wemyss, G. Hope et J. Marriott. Devant, debout, le ministre d'Etat allemand Matthias Erzberger, le général Detlof von Winterfeldt, le comte Alfred von Oberndorff des Affaires Étrangères et le capitaine de vaisseau Ernst Vanselow. Tableau par Maurice Pillard Verneuil.
C’est en forêt de Compiègne, plus précisément dans le train d’état-major de Foch, que l’armistice est signé.  Derrière la table, de droite à gauche, se tiennent le général Weygand, le maréchal Foch et les amiraux britanniques Wemyss, G. Hope et J. Marriott. Devant, debout, le ministre d’Etat allemand Matthias Erzberger, le général Detlof von Winterfeldt, le comte Alfred von Oberndorff des Affaires Étrangères et le capitaine de vaisseau Ernst Vanselow. Tableau par Maurice Pillard Verneuil.
Photographie prise après la signature de l'armistice, à la sortie du wagon de Foch. Le 22 juin 1940, c'est dans le même wagon que l'armistice fut signée. Il finira dynamité en 1945, à Berlin. Au final, contrairement au tableau, sur cette photographie il n'y a que des militaires: le sens d'armistice est donc respecté.
Photographie prise après la signature de l’armistice, à la sortie du wagon de Foch. Le 22 juin 1940, c’est dans le même wagon que l’armistice fut signée. Il finira dynamité en 1945, à Berlin. Au final, contrairement au tableau, sur cette photographie il n’y a que des militaires: le sens d’armistice est donc respecté.

Pourquoi commémorer la fin d’une guerre, un siècle plus tard?

Le terme commémorer est plus fort que celui d’anniversaire. En effet, le verbe commémorer signifie « évoquer, célébrer la mémoire d’une personne, d’un évènement » (Larousse). Ne s’inscrivant pas dans un prisme politique particulier, la commémoration est une réunion physique ou mentale d’une communauté, d’une nation, autour d’un événement jugé comme fondateur ou devant être célébré. Alors, un siècle plus tard, pourquoi célèbre-t-on la mémoire d’un tel évènement?

Tout d’abord, il faut garder à l’esprit qu’il n’existe pas une forme de commémoration, mais qu’il existe des formes de commémoration. Dès la fin de la guerre, des commémorations ont lieu. Cela se retrouve dans des célébrations militaires, des hommages rendus par des institutions, par le dépôt d’une gerbe, par le simple fait de porter un Bleuet, un Poppy, une Marguerite, ou encore en relisant des mémoires de poilus.

Les différentes manières commémorer ont évolué depuis 1918. Cette évolution est sensible aux actions des pouvoirs publics et des historiens depuis un siècle. En effet, l’Etat s’implique dès 1919 à honorer et commémorer chaque enfant de la République tombé au champ d’honneur. Par exemple, l’article 5 de la loi du 25 octobre 1919 légifère sur les subventions accordées par l’Etat aux communes en proportion de l’effort qu’elles feront pour glorifier les héros morts pour la Patrie. Ou bien, ce lien fait entre les pouvoirs publics et l’ensemble des citoyens se retrouve avec la tombe du soldat inconnu. Le 11 novembre 1920, cette dernière est installée sous l’Arc de Triomphe. À partir de 1923, une flamme éternelle est allumée, et depuis, tous les jours à 18h30 elle est ravivée. C’est un bel exemple qui souligne le rapport entre le citoyen, l’Etat et le citoyen-soldat mort entre 1914 et 1918.

Enfin, la commémoration a toujours un sens fort et profond aujourd’hui, pour chacun comme pour la nation, ou pour la communauté européenne. Plusieurs données sont commémorées derrière le “11 novembre”:

  • La fin de la guerre, donc le retour à la paix.
  • Les sacrifices humains: le nombre de morts et de blessés, du ressort du raisonnable et de l’imaginable.
  • La victoire de la liberté et de la démocratie sur les empires: l’Europe ne connaitra que deux empires après 1918 : le IIIe Reich et l’URSS.

Donc, la commémoration est synonyme de paix et de mémoire. Aujourd’hui, elle prend place pour se souvenir du sacrifice de millions d’hommes sur le front; et d’hommes et de femmes à l’arrière. Par ailleurs, le contexte de la construction politique européenne tend à faire de ce jour commémoratif un événement pour l’Union européenne et l’amitié franco-allemande.

Robert Badinter, sénateur socialiste et Président du Conseil Constitutionnel, le 16 juillet 1992, lors du cinquantenaire de la rafle du Vel’ d’Hiv: “Il est dit dans la parole: les morts vous écoutent”

les victimes de la première guerre mondiale
Source: Ined.
22 septembre 1984, le Président de la République français, François Mitterrand (à gauche), et le Chancelier fédéral d'Allemagne, Helmut Kohl (à droite) devant un catafalque à l'ossuaire de Douaumont. Cette commémoration prend un caractère politique avec l'apparition d'une pierre angulaire pour la construction européenne: le couple franco-allemand.
22 septembre 1984, le Président de la République français, François Mitterrand (à gauche), et le Chancelier fédéral d’Allemagne, Helmut Kohl (à droite) devant un catafalque à l’ossuaire de Douaumont. Cette commémoration prend un caractère politique avec l’apparition d’une pierre angulaire pour la construction européenne: le couple franco-allemand.

Qu’est-ce que le devoir de mémoire?

La question de la mémoire est intrinsèquement liée à celle de la commémoration. Faire mémoire de, c’est se commémorer. Selon Baptistine, étudiante en première année de master d’histoire militaire contemporaine à la Sorbonne, “on peut se construire sur la mémoire sans dire ou penser que tout était bon. Ce n’est pas un éloge : la mémoire est une leçon. Elle peut être déformée. En effet, elle se déforme en fonction de la personne qui regarde le fait historique. Par exemple, un juif, un résistant ou un prisonnier de guerre de la Seconde Guerre mondiale ne l’observeront pas de la même manière.”

Pour Thomas, étudiant en deuxième année de master de sociologie, “la mémoire et le 11 novembre ne doivent pas être instrumentalisés. Il faudrait rendre la Première Guerre mondiale moins idéologique”. Pour, Marwan étudiant en deuxième année de master en histoire, “il faut faire mémoire afin de mieux construire une unité européenne et ne pas refaire les erreurs du passé”. Enfin, pour Claire, jeune retraitée, le 11 novembre est “l’armistice, et il faut le commémorer même cent ans plus tard. La mémoire est l’intérêt principal de la commémoration.”

Alors, faire mémoire semble être important encore aujourd’hui pour un bon nombre de personne. Chacun voit derrière cette mémoire une manière de commémorer quelque chose (le soldat, la mort, l’Europe, etc.), et de tirer des erreurs du passé. En effet, la mémoire est une leçon. Si l’Histoire permet d’éclairer le présent, la mémoire des faits historiques doit également le permettre.

Nous avons eu la chance d’interroger un étudiant britannique. Pour lui, faire mémoire le 11 novembre est important pour deux aspect s: honorer les victimes et souligner la victoire de la liberté et de sa nation. Il nous a expliqué qu’en Angleterre, les commémorations prenaient une forme sacramentelle et religieuse : la cérémonie du drapeau pour les écoliers, le jour férié, les Poppies, et les prières.

En France, la mémoire est un devoir: celui qui désigne l’obligation morale de se souvenir des morts et des événements tragiques. Mais, ce devoir n’est pas reconnu utile par la majorité des Français après la Première Guerre mondiale. En effet, il se démocratise surtout après la Seconde Guerre mondiale. Même si Alexandre Millerand en juin 1919 voulait développer un souvenir de guerre, beaucoup voulait garder en mémoire la paix, afin de ne plus recommencer.

Monument aux morts de Jougne (Franche-Comté, Doubs, 25);
Monument aux morts de Jougne (Franche-Comté, Doubs, 25);
Monument aux morts de Cognin-les-Georges (Isère, 38). Entre 1919 et 1925 plus de 36 000 monuments aux morts sont érigés en France. Chaque village, chaque ville, se dote de son monument. Dessus, généralement, est inscrit le nom des hommes morts provenant de la commune. En général, les monuments aux morts exaltent le poilu ou la nation: allégorie, drapeau et soldat se confondent sur les statues.
Monument aux morts de Cognin-les-Georges (Isère, 38). Entre 1919 et 1925 plus de 36 000 monuments aux morts sont érigés en France. Chaque village, chaque ville, se dote de son monument. Dessus, généralement, est inscrit le nom des hommes morts provenant de la commune. En général, les monuments aux morts exaltent le poilu ou la nation: allégorie, drapeau et soldat se confondent sur les statues.

Le 11 novembre doit-il rester central dans l’histoire de France?

Aujourd’hui, nous vivons toujours des commémorations le 11 novembre: dans les communes, une gerbe est déposée, les noms des morts pour la France sont clamés, la Marseillaise est chantée. Aux Invalides, les militaires rendent hommages à leurs ainés morts pour la France et la liberté. Mais quelle place doit prendre le 11 novembre dans l’histoire de France?

Afin d’y répondre, il faut observer les rapports entre la guerre, la République, et le citoyen. Sur les monuments aux morts il est généralement écrit “ses enfants morts pour la France”. Nous retrouvons alors le phénomène d’armée-nation et de citoyen-soldat atteignant son paroxysme. En effet, sous l’Ancien régime, le soldat faisait parti de l’armée du roi et se battait donc pour lui, et in fine pour le royaume. La Révolution française et la proclamation de la République change ce rapport entre le soldat et le pouvoir.

Dorénavant, c’est le citoyen qui est soldat pour défendre les intérêts et le territoire de la France et de la République (cette idéologie vient de la manière dont était vue la République romaine à cette époque: le citoyen romain se doit de défendre sa res publica). Le territoire, en se sacralisant, fait que le citoyen a un devoir suprême: le défendre. Il doit défendre la République et la France.

Entre 1914 et 1918, la France est défendue par le citoyen-soldat. Ces derniers deviennent les nouveaux héros de la patrie: ce ne sont plus des aristocrates ou des princes, mais des soldats de la nation. Toutes les origines sociales et géographiques se confondent dans la tranchée et devant la mort. La République, un siècle plus tard, réussie de facto à faire triompher une vision de la France centralisée où tous les citoyens sont égaux – ici devant la misère et la mort. Cette première observation est donc assez politique.

Il faut observer un deuxième aspect, beaucoup plus social. Entre 1914 et 1918, ce sont des millions de morts et de blessés. La France entière se mobilise. Si elle ne se bat pas, elle contribue à la guerre avec un effort de guerre. À l’arrière, la privation et la souffrance apparait. Par ailleurs, il faut remplacer les hommes qui se battent sur le front. Bref, toutes les familles françaises ont été touchées par la guerre: il n’y a pas eu de privilégiés, mais une égalité. Aujourd’hui, il est courant d’entendre dans les familles des récits des aïeux sur ce que leur père ou leur mère racontait de la guerre. Même s’il n’y a plus de témoignage direct (le dernier poilu étant décédé en mars 2008), la mémoire reste vive et doit donc être entretenue.

Enfin, dans le domaine public nous retrouvons cet héritage mémoriel vis-à-vis de ceux qui sont tombés: dans les grandes entreprises ou dans les universités, nous retrouvons des plaques commémoratives. Par exemple, les murs du Hall des Amphithéâtres de la Sorbonne sont recouverts de marbre avec le nom des étudiants et professeurs morts pour la France. Des grandes entreprises comme la SNCF ou la RATP ont des plaques commémoratives.

Plaque commémorative de 1914-1918 de la SNCF, se trouvant dans le Hall 1 de la Gare de Lyon.
Plaque commémorative de 1914-1918 de la SNCF, se trouvant dans le Hall 1 de la Gare de Lyon.

Alors, quelle place doit-on accorder au 11 novembre dans l’histoire de France? Si nous observons l’histoire de la France au sens large, le 11 novembre peut être apparenté au 24 octobre 1648 (traités de Westphalie), au 7 novembre 1659 (traité des Pyrénées), au 10 février 1763 (traité de Paris) ou encore au 9 juin 1815 (traité de Vienne). En effet, ces dates sont importantes pour l’histoire de France car elles marquent un changement profond suite à une guerre longue et éprouvante.

Cependant, si nous plaçons le 11 novembre à l’échelle de l’histoire française contemporaine, cette date apparait comme centrale. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, le principe d’armée-nation et la contribution du citoyen à la nation par l’armée atteignent leur paroxysme. De plus, la République parvient à unifier le territoire français plus rapidement. Enfin, le 11 novembre marque la fin d’une boucherie où des millions de français ont été acteurs et victimes.

Le Bleuet de France. C'est le symbole de la mémoire et de la solidarité, en France, envers les anciens combattants, les victimes de guerres, les veuves et les orphelins. Les Britanniques ont le coquelicot et les Belges la marguerite. Comme le coquelicot, le bleuet était l'une des seules fleurs qui continuaient à pousser sur les champs-de-batailles. Il fait également référence à un poème éponyme, d'Alphonse Bourgoin (1881-1953, poète et prêtre, il sert pendant les quatre années de guerre). Après la guerre, les blessés de guerre et des bénévoles fabriquaient puis vendaient des bleuets. Aujourd'hui, l'Œuvre nationale des bleuets de France les vend et récolte des dons pour les anciens combattants et les blessés de guerres.
Le Bleuet de France. C’est le symbole de la mémoire et de la solidarité, en France, envers les anciens combattants, les victimes de guerres, les veuves et les orphelins. Les Britanniques ont le coquelicot et les Belges la marguerite. Comme le coquelicot, le bleuet était l’une des seules fleurs qui continuaient à pousser sur les champs-de-batailles. Il fait également référence à un poème éponyme, d’Alphonse Bourgoin (1881-1953, poète et prêtre, il sert pendant les quatre années de guerre). Après la guerre, les blessés de guerre et des bénévoles fabriquaient puis vendaient des bleuets. Aujourd’hui, l’Œuvre nationale des bleuets de France les vend et récolte des dons pour les anciens combattants et les blessés de guerres.

Le 11 novembre 1918, fin de la guerre?

Nous venons de voir la place importante que devrait occuper le 11 novembre dans l’histoire contemporaine française. Cependant, il faut relativiser la signification de cette date et prendre un peu de hauteur: si l’armistice est signé, en Afrique des combats ont encore lieu ; l’Europe de l’Est s’embrase. Également, pour certains,

“ce n’est pas une paix, c’est un armistice de vingt ans”, maréchal Foch, juin 1919

En effet, malgré la signature de l’armistice de Rethondes, des combats opposant les troupes alliées contre les troupes allemandes continuent à faire rage sur le continent africain. Et, c’est un général allemand, invaincu pendant  la guerre, qui mène la dernière charge de la Première Guerre mondiale. En effet, le général Paul von Lettow-Vorbeck s’empare d’une possession britannique en Rhodésie septentrionale en occupant de la ville de Kasama (Zambie actuelle. Elle sera partiellement brûlée par les troupes allemandes). Apprenant donc avec du retard l’armistice en raison de la distance et des moyens de communication sommaires, il se rend avec son armée – invaincue d’après la légende – aux Britanniques, le 23 novembre 1918 à Abercorn (Mbala aujourd’hui, en Zambie). La Première Guerre mondiale se termine donc par une défaite anglaise.

Affiche (ou carte postale?) représentant le général Paul von Lettow-Vorbeck (1870-1964) à cheval, accompagné de ses troupes. Au-dessus il est écrit "Ouverture de la guerre coloniale". (Par Fritz Grotemeyer, 1918)
Affiche (ou carte postale?) représentant le général Paul von Lettow-Vorbeck (1870-1964) à cheval, accompagné de ses troupes. Au-dessus il est écrit “Ouverture de la guerre coloniale”. (Par Fritz Grotemeyer, 1918)

Le 11 novembre est la date retenue comme étant la fin de la guerre. Mais en réalité, c’est la fin des combats. La guerre, par définition, se termine avec le retour de la paix. Et la paix fut signée en juin 1919 à Versailles. Alors, entre l’armistice et le traité, le conflit peut reprendre. Certains officiers belliqueux avaient par ailleurs le projet de percer l’Allemagne après le 11 novembre, notamment dans l’entourage du maréchal Foch. Ce dernier n’a pas accepté.

Par ailleurs, si la guerre s’arrête sur les territoires français et belge, elle continue et se développe à l’Est. L’Allemagne est touchée par la guerre, comme ses voisins jusqu’en Russie. Des armées nationales luttent contre d’autres armées nationales (comme pour la Pologne). Mais, à la différence de la Première Guerre mondiale, une guerre révolutionnaire et contre-révolutionnaire se développe sur ce terreau fertile à l’instabilité. Afin d’avoir une étude plus complète sur la question, nous vous renvoyons vers l’article A l’Est, la guerre sans fin, 1918-1923, publié en octobre 2018 par La Revue d’Histoire Militaire.

Enfin, si la Première Guerre mondiale se termine en ce 11 novembre 1918, une réflexion historiographique peut être faite en prenant du recul. Entre 1914 et 1945, ne sommes-nous pas dans une continuité ? La Revue d’Histoire Militaire consacrera très prochainement un dossier, “D’une guerre à l’autre” en s’interrogeant sur cette continuit é: est-elle réelle? Si oui, dans quel cas? Comment se prépare la guerre à venir? etc. Même si les deux guerres ne sont pas exactement les mêmes (modification technologique, stratégique, idéologique et géopolitique), il est intéressant de s’interroger sur cette  prétendue continuité. Nous pouvons à nouveau citer le maréchal Foch : “un armistice de vingt ans”.

Tombe du soldat inconnu, Arc de triomphe. Véritable lieu de commémoration depuis 1923.
Tombe du soldat inconnu, Arc de triomphe. Véritable lieu de commémoration depuis 1923.

Militariser ou non la commémoration ? That is the question

Enfin, une dernière question, qui semble plus d’actualité, se pose au sujet de la militarisation ou non de la commémoration.

Sur ce point, les personnes interrogées ont plusieurs point de vue. Pour Thomas, “les militaires vont se faire un peu déposséder de l’événement. Le défilé militaire cacherait que ce n’est plus une guerre de militaire”. Pour Claire, “il devrait y avoir association des civils et des militaires dans la commémoration. Beaucoup de soldats professionnels sont tombés au front, et sont associés normalement à toutes les autres commémorations, je pense qu’il est nécessaire que l’armée soit associée, comme pour les plages du débarquement”.

Alors, quels sont les faits? Pourquoi certains s’opposent à l’aspect militaire, et d’autres au contraire l’honorent?

Le “pour” : Nous avons vu précédemment le rapport entre la nation, le citoyen et l’armée. C’est sur ce principe que nous pouvons comprendre l’aspect militaire de la commémoration du 11 novembre. Le soldat qui se bat entre 1914 et 1918 est un citoyen appelé sous le drapeau. Une cérémonie, aujourd’hui, mêlant le militaire et le civil en est le prolongement. En effet, comme au front, nous retrouvons cet aspect de citoyen et de soldat. Donc, inclure le militaire dans la commémoration tend à refaire vivre cette communion entre la nation et l’armée qu’il y a eu entre 1914 et 1918. Par ailleurs, quand nous regardons le sens d’armistice, la question militaire se pose.

Comme nous l’avons vu précédemment, un armistice est un traité signé uniquement par des militaires. L’armistice n’est donc pas politique, mais militaire. Enfin, le 11 novembre (comme le 8 mai) est devenu une date importante pour l’armée et la nation: elle commémore ses morts, ses blessés. Le bleuet de France en est l’exemple parfait: il s’agit de soutenir financièrement ceux qui ont donné de leur vie, mais surtout, de faire mémoire de ce sacrifice.

Le “contre” : Mais, pour d’autres, cet aspect trop militaire des commémorations pose problème. Tout d’abord, l’aspect sacramentaire de l’événement est parfois mal vu. Également, l’argument que nous rencontrons le plus se forme sur un syllogisme. En effet, l’armée peut être vue comme un outil de guerre, donc, l’inclure dans une fête concernant la paix semble paradoxal. Enfin, un dernier argument tend à rendre la militarisation des commémorations problématique. Il s’agit de la venue de la chancelière fédérale allemande, Angela Merkel. En effet, souligner de manière importante la victoire de 1918 pourrait froisser les rapports franco-allemands – et par extension le couple franco-allemand.

Un militaire (de la 3e division, 6e BLB) dépose avec un civil une gerbe devant une plaque commémorative. Nous pouvons voir le rapport entre le civil et le militaire dans cette photographie. Cliché prit à Guilherand-Granges (Ardèche, 07) par le 1er spahis.
Un militaire (de la 3e division, 6e BLB) dépose avec un civil une gerbe devant une plaque commémorative. Nous pouvons voir le rapport entre le civil et le militaire dans cette photographie. Cliché prit à Guilherand-Granges (Ardèche, 07) par le 1er spahis.

En ce 11 novembre 2018, n’oublions pas le sens de l’armistice. N’oublions pas le sacrifice des millions de soldats et de femmes à l’arrière. N’oublions pas le père qui perd le fils, l’épouse qui perd le mari… N’oublions pas toutes ces familles dévastées par la mort et la misère. N’oublions pas que le mécanisme de “l’ascension aux extrêmes” (C. von Clausewitz, De la guerre) s’est emballé dès le début du XXe siècle. Enfin, n’oublions pas tous ces hommes et ces femmes, qui encore aujourd’hui, sacrifient leur vie en servant dans l’armée : n’oublions pas tous ces héros du quotidien. C’est en ce sens que la Parlement a d’ailleurs adopté définitivement en février 2012 une loi instaurant cette journée “journée d’hommage à tous les morts pour la France”.

Une de La Dépêche titrant "la guerre est finie"
L'ossuaire de Douaumont est là pour honorer les morts. Aujourd'hui, il est là pour que nous n'oublions pas.
L’ossuaire de Douaumont est là pour honorer les morts. Aujourd’hui, il est là pour que nous n’oublions pas.

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6 réflexions sur “Que fête-t-on le 11 novembre?

    1. Bonjour !

      Cet hommage à l’ensemble des morts pour la France était évoqué implicitement dans l’article (“Enfin, n’oublions pas tous ces hommes et ces femmes, qui encore aujourd’hui, sacrifient leur vie en servant dans l’armée. Le 11 novembre doit rester un devoir pour chaque citoyen: n’oublions pas tous ces héros du quotidien.” notamment), la commémoration étant abordée de manière globale. Je vais faire en sorte que cette loi pour le 11 novembre paraisse plus clairement dans l’article !

      Merci pour cette remarque fort intéressante !

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