Les premières résistances à l'impérialisme de Rome : l'exemple de la guerre de Jugurtha (112-105 av. J.-C.)

Les premières résistances à l’impérialisme de Rome : l’exemple de la guerre de Jugurtha (112-105 av. J.-C.)

Entre 1808 et 1814, une guerre d’indépendance éclate en Espagne. Les Espagnols veulent retrouver leur autonomie et ne plus être sous la tutelle de l’Empire napoléonien. Quel est le rapport avec la guerre opposant le Numide Jugurtha et les Romains durant la fin du IIe siècle av. J.-C. ? La volonté de retrouver son indépendance en supprimant la tutelle instaurée par un adversaire plus fort à l’origine. En effet, il semblerait que les guerres d’indépendances ont comme terreau les empires : romain, byzantin, carolingien (avec les Gascons), napoléonien, coloniaux…

Le principe d’impérialisme peut être confondu avec celui d’injustice. Plus récemment, cette guerre contre un empire peut toujours être considérée d’actualité avec le terrorisme, notamment contre l’impérialisme américain par exemple. Dans cet article, nous allons ainsi nous intéresser à la guerre de Jugurtha, appelée ainsi par l’historien romain Salluste. En l’abordant, nous nous interrogerons sur l’essence de ce conflit dans un contexte agité pour la République romaine. Cependant, il faut garder à l’esprit que l’origine de cette guerre n’est pas liée d’emblée à l’indépendance, mais d’abord à une simple querelle dynastique.

La source principale pour comprendre cette guerre : Caius Sallustius Crispus

Caius Sallustius Crispus, communément appelé Salluste, naquit à Amiternum (en Sabine) en 86 av. J.-C. et décéda à Rome en 36 ou 35 av. J.-C.[1]. Issu d’une famille libre plébéienne, il s’instruisit à Rome, où il aurait possédé une maison. Puis, il se lança dans la politique et expliqua sa carrière dans son œuvre phare : La conjuration de Catilina[2]. Sympathisant de César, il obtint la questure en 55, avant d’être élu tribun de la plèbe en 52.

Salluste partit ensuite en Syrie en qualité de légat propréteur et, en parallèle, il fut exclu du Sénat. Il se rapprocha alors de plus en plus de César et en devint un grand partisan. Par exemple, il prit part à diverses opérations militaires – il commanda une légion en Illyrie – et obtint une seconde fois la questure grâce à son protecteur, ainsi que le rang de sénateur en 48.

En 47 et 46, il était en Afrique et devint gouverneur, puis proconsul de la province d’Africa noua. Cette dernière était une province romaine depuis 146. Ces données sont essentielles, car il put avoir accès à des archives ou bien à des témoignages en rapport à la guerre ayant eu lieu sur ce territoire avec Jugurtha. Enfin, après la mort de son protecteur César en 44, il se retira de la vie politique et se mit à l’écriture. Il est aujourd’hui considéré comme le premier historien latin.

Salluste rédigea la Guerre de Jugurtha, car il voulait raconter « la guerre que le peuple romain fit au roi des Numides, Jugurtha, [et] cela pour deux raisons : d’abord parce qu’elle fut rude, acharnée, mêlée de succès et de revers, ensuite parce que c’est alors pour la première fois qu’on osa marcher contre l’insolence de la noblesse »[3].

Ainsi, trois thèmes le motivaient dans son écriture. Comme tout auteur de l’Antiquité faisant de l’histoire ou des biographies, il y avait une finalité politique et philosophique dans ses œuvres. Ici, il écrivait aussi pour attaquer le pouvoir personnel qui était tant redouté par les Romains. Son texte pourrait presque être défini comme un panégyrique, en exaltant Marius (de la lignée politique regroupant les populares) et en critiquant Sylla (faisant partie des optimates). Enfin, il faut garder à l’esprit qu’il fut écrit près de soixante-dix ans après les événements, dans un contexte politique très tendu : les guerres civiles à Rome.

Le personnage de Jugurtha et le début du conflit

Avant de nous intéresser plus en détails à cette guerre, nous devons analyser le personnage de Jugurtha et comprendre dans quel contexte nous évoluons. Il se forma au métier des armes avec Rome, en combattant à ses côtés, en tant qu’allié, lors de la guerre de Numance (153-133)[4]. Y participa également Caius Marius, futur vainqueur de la guerre contre Jugurtha. La guerre de Numance fut l’occasion pour Jugurtha de se rapprocher des Romains – à l’instar de Cornelius Scipio Africanus[5] – et d’apprendre le latin. Par ailleurs, ce fut probablement sur la recommandation de Scipion qu’il fut adopté par le roi de Numidie, Micipsa[6].

Afrique du Nord vers le IIe siècle av. J.-C.
Afrique du Nord vers le IIe siècle av. J.-C. Eric Gaba et Gigillo83, 2010, Wikimedia Commons

En 118, ce dernier décéda, alors qu’il avait rétabli une monarchie solide. Fidèle à Rome, il avait mené dans son royaume une politique d’hellénisation, à l’image de la cité de Cirta. Il laissa alors son royaume à ses deux fils, Adherbal et Hiempsal[7], ainsi qu’à son neveu, Jugurtha. Néanmoins, des revendications internes opposèrent les héritiers et, en 116, Jugurtha fit tuer Hiempsal, après l’avoir combattu[8] :

« On finit par découvrir Hiempsal, caché dans la case d’une esclave, où la peur et l’ignorance des lieux l’avaient fait d’abord se réfugier. Les Numides, comme ils en avaient reçu l’ordre, rapportent sa tête à Jugurtha. »[9]

Adherbal, quant à lui, s’enfuit à Rome où il essaya, par un discours et des cadeaux, de trouver l’appui des Romains[10]. Jugurtha tenta alors de corrompre les puissants de Rome et la Numidie fut partagée en deux :

« On décréta que dix députés partageraient entre Jugurtha et Adherbal l’ancien royaume de Micipsa. »[11]

La partie occidentale revint à Jugurtha, tandis que la partie orientale, dont la capitale était Cirta, à Adherbal. Néanmoins, insatisfait, Jugurtha assiégea cette ville en 113[12] et s’en empara en 112. Il massacra Adherbal et les marchands italiens se trouvant dans la ville. Le Sénat romain intervint alors dans cette querelle dynastique afin de défendre ses intérêts commerciaux et éviter un soulèvement populaire à Rome. Le parti des populares convoqua Jugurtha à Rome pour s’expliquer, mais les optimates empêchèrent un discours de ce dernier devant la plèbe romaine[13].

La guerre ouverte éclata en réalité en 110. Spurius Postumius Albinus, nouveau consul, désirait remporter une victoire et à cette fin, il poussa Massiva[14], un cousin de Jugurtha, à revendiquer le trône. Toutefois, Jugurtha fit assassiner Massiva lors de sa venue à Rome. Quittant la ville pour l’Afrique du Nord, il tint ces mots célèbres : « Ville vénale, et qui ne tardera pas à périr, si elle trouve un acheteur ! »[15]. Il faisait alors allusion à la corruption qui rongeait Rome. Nous devons ainsi remarquer que les tensions politiques et la dégradation des mœurs (ici par la corruption) pouvaient être nocives pour un État et avoir des répercussions sur ses relations diplomatiques par exemple.

Représentation de Jugurtha sur un didrachme en argent
Représentation de Jugurtha sur un didrachme en argent, datation incertaine, Marcel Baron, 2018, Gallica, Wikimedia Commons

D’une querelle dynastique à la guerre avec Rome

Jusqu’à présent, nous étions en présence non pas d’une guerre d’indépendance, mais d’une querelle dynastique. Nous pouvons alors nous questionner sur la place de cette guerre dans notre dossier thématique. En réalité, les dernières années de guerre et la postérité ont retenu que Jugurtha et ses partisans cherchaient l’indépendance de la Numidie vis-à-vis de Rome. Le Sénat ayant accepté la guerre, Rome entra dans le conflit après en avoir été la médiatrice. Jugurtha continua de payer et de corrompre des politiciens romains afin de limiter et de retarder l’intervention romaine. Cependant, en 110, une armée débarqua en Numidie.

Jugurtha possédait une bonne cavalerie et il l’utilisa dans une guerre de mouvement, difficile à suivre pour les Romains. Il privilégia l’embuscade et évita la bataille rangée. Nous retrouvons alors des techniques de guérilla. En effet, connaissant ses faiblesses et les forces de son ennemi, il chercha surtout à gagner du temps et à épuiser celui-ci. L’armée romaine étant un bloc façonné pour la bataille rangée et les déplacements en colonne, Jugurtha tenta de la contourner.

Ainsi, « en pleine nuit, à l’improviste, il cerne le camp d’Aulus avec un fort contingent de Numides »[16]. Les soldats romains, surpris, furent neutralisés, tandis que d’autres parvinrent à prendre la fuite. La peur fut ressentie jusqu’à Rome. Il fallait agir vite afin d’endiguer le problème et éviter une montée en puissance de Jugurtha. Le nouveau consul choisi pour la Numidie fut Metellus[17]. Cette défaite cuisante que venait de subir Rome constituait en quelque sorte le tournant du conflit : alors qu’elle cherchait au départ à jouer la médiatrice, Rome se retrouva confrontée à une véritable guerre d’indépendance.

La Numidie entre 112 et 105 av. J.-C. et les principales batailles de la guerre de Jugurtha
La Numidie entre 112 et 105 av. J.-C. et les principales batailles de la guerre de Jugurtha, Frank Martini, Department of History, United States Military Academy, 2014, Wikimedia Commons

De l’enlisement à l’arrivée de Marius : génie militaire et réforme politique

Nous l’avons vu, cette guerre s’enlisa. Ni Rome, ni Jugurtha, ne parvinrent à prendre l’ascendant. Pour l’emporter, Jugurtha devait vaincre en une seule bataille toute l’armée romaine[18]. Pour Rome, il suffisait, au contraire, de capturer ou de tuer le chef ennemi en la personne de Jugurtha. Cela aurait ainsi permis de disloquer le clan rebelle par une action rapide. Et c’est ce qu’il se passa. Néanmoins, ce dénouement ne fut pas d’emblée prévu par l’armée romaine : il était dû au génie de Marius, qui parvint à retourner la situation au moment critique. Il faut alors observer le personnage de Marius et sa réforme militaire de 107, essentielle pour le devenir de Rome. Cela afin de comprendre la fin de la guerre et son impact pour la Cité.

Légionnaire du Ier siècle av. J.-C.
Légionnaire du Ier siècle av. J.-C., Antoine Glédel, 2008, Wikimedia Commons

Entre 112 et 110, le conflit était totalement enlisé. Après deux années de campagne, aucune victoire décisive sur Jugurtha, hormis la prise de quelques places fortes. Le commandement de la guerre fut transmis à Metellus en 109 et Marius l’accompagna. Cependant, des défaites marquèrent aussi la fin de l’année 109 : les Numides et les Romains se rencontrèrent à la bataille de Muthul et ces derniers y subirent de nombreuses pertes. Pire ! la défaite de Metellus face à Jugurtha, lors de la bataille de Zama, obligea l’armée romaine à se replier sur Carthage. À Rome, le consul fut accusé et critiqué pour sa lenteur. En parallèle, Bocchus, roi de Maurétanie, s’allia à son beau-fils, Jugurtha, contre Rome.

Élu consul[19] et en charge de la guerre de Numidie, Marius reprit le commandement des légions de Metellus. Il fit lever des troupes supplémentaires avec l’aval du Sénat pour mener la guerre en Numidie[20]. Toutefois, il ne respecta pas les institutions classiques : il accepta des volontaires parmi les prolétaires et les vétérans. Cela conduisit à une professionnalisation progressive de l’armée civique ; les volontaires engagés entraient dans la clientèle des généraux qui les enrôlaient, dépendant d’eux pour leur solde et le butin. Se développèrent ainsi des clientèles militaires.

Caius Marius fit ses premières armes, comme Jugurtha, dans la guerre contre Numance, aussi sous les ordres de Scipion. Questeur, puis tribun de la plèbe en 119, préteur en 115 et propréteur en Espagne ultérieure, Marius suivit une carrière politique et militaire. Il était l’exemple du citoyen romain servant sa cité par les armes et l’intellect. Riche chevalier, il intégra le cursus honorum en homo novus[21]. C’était un militaire énergique connaissant l’art de la guerre. Il représentait la rupture politique et sociale entre les deux ordres romains aux yeux des écrivains comme Salluste ou Plutarque. En effet, il accéda au pouvoir grâce à ses talents militaires. Il sortait de la tradition républicaine : après avoir été consul pour l’année 107, il le fut tous les ans entre 104 et 101. Au total, il fut sept fois consul.

Pseudo-Marius, copie d'époque augustéenne, Glyptothèque de Munich
Pseudo-Marius, copie d’époque augustéenne, Glyptothèque de Munich. Nous pouvons reconnaître les traits de l’homme sage et fort : sa légère calvitie, ses quelques rides et ses traits tirés sont signes de l’âge sage, DIREKTOR, 2011, Wikimedia Commons

Il réforma l’armée à partir de 107, quand il dut partir combattre Jugurtha en Numidie. En effet, c’est l’année durant laquelle il fut élu pour la première fois avec comme objectif de mettre fin à cette guerre compliquée pour Rome. Ce qui assurait jusqu’alors la supériorité militaire de Rome était sa capacité à mobiliser des hommes en plus grand nombre que les autres puissances politiques, ainsi que sa structure sociale qui permettait une certaine mobilité, en partie grâce à l’armée. La crise démographique, les guerres incessantes au IIe siècle et les conquêtes créèrent un problème de recrutement que Marius régla en levant des prolétaires volontaires et en favorisant le rengagement des vétérans[22].

L’armée romaine, juridiquement toujours formée de citoyens, mais sans rapport désormais avec la fiscalité, devint une armée de métier, dépendante d’un chef, et un moyen de promotion sociale et de gagner sa vie. Cette réforme donna naissance à une classe militaire, pour laquelle entrer dans l’armée représentait un avantage économique avant d’être un devoir civique. En outre, elle permit, à terme, l’affirmation du pouvoir personnel des chefs militaires du Ier siècle av. J.-C., comme Sylla, César, Crassus ou Pompée, et favorisa, par conséquent, le déclenchement des guerres civiles[23]. Marius transforma ainsi l’armée en un instrument politique, bien qu’il ne l’utilisât pas comme tel. L’armée demeura, par la suite, le premier acteur de la succession de conflits qui mit fin, en moins d’un siècle, à la République romaine.

Composition d’un manipule standard : deux centuries de hastati (porteurs de lances) ou de principes, ainsi qu’un groupe de velites (javeliniers légers)
Composition d’un manipule standard : deux centuries de hastati (porteurs de lances) ou de principes, ainsi qu’un groupe de velites (javeliniers légers). Cristiano64, 2015, Wikimedia Commons

Les bienfaits de la réforme et l’arrivée de Marius

Nous venons d’évoquer le personnage de Marius et sa réforme militaire, qui fut très importante et dont les bienfaits se ressentirent rapidement sur le terrain : si elle n’est pas décrite directement dans les textes, la réforme est néanmoins présente dans les écrits de Salluste, via différentes références qui modifient en profondeur l’esprit du soldat romain. Par exemple, avant sa réforme, le principe de cohorte n’existait pas dans la légion. Marius, grâce à sa charge de consul, et donc d’homme politique, put mener à bien le remaniement de la légion. Il se concentra surtout sur le recrutement et sur la formation, car les Romains pensaient que la réserve en hommes diminuait fortement.

Marius fit alors appel à des volontaires issus de la classe des capitecensi[24], qui purent ainsi entrer dans la légion. Il transforma les milices de conscrits en une armée de métier composée de volontaires. Le service militaire devint pour beaucoup un métier et non plus une parenthèse dans leurs activités régulières. Il réorganisa l’armée tactique : ce fut la fin des velites-hastati-principes-triarii (javeliniers-porteurs de lances-principes-triaires). La réforme de Marius fut donc bel et bien l’outil de sa victoire.

Composition d’un manipule de triarii (triaires), avec deux centuries de 30 triaires et un groupe de 40 javeliniers
Composition d’un manipule de triarii (triaires), avec deux centuries de 30 triaires et un groupe de 40 javeliniers. Cristiano64, 2015, Wikimedia Commons

Une fois arrivé en Afrique, Marius entreprit un maintien de l’ordre dans les cités sous domination romaine. Puis, il renforça son armée. Par exemple, le questeur Lucius Cornelius Sylla « une fois débarqué en Afrique (…) eut rejoint avec sa cavalerie le camp de Marius»[25]. Ce corps fut recruté par les soins du questeur dans le Latium et chez les alliés. Cet exemple nous montre par ailleurs comment Marius envisage la guerre contre Jugurtha. Étant présent en Afrique auprès de Metellus depuis 109 av. J.-C., le consul comprit quelle guerre lui était opposée.

La guerre d’indépendance menée par Jugurtha prit la forme d’une guérilla, avec des escarmouches, des razzias sur les arrières romains, ou encore des déplacements rapides. Pour contrer cette forme de guerre non-conventionnelle, Marius utilisa la cavalerie. La légion romaine se basait surtout sur l’infanterie. La cavalerie, toujours d’élite et placée sur les ailes, n’était donc pas très nombreuse. Or, Marius chercha à la renforcer afin de casser la guérilla imposée par Jugurtha.

Après avoir renforcé son armée, Marius chercha l’affrontement. Ces trois points constituèrent la stratégie du consul romain pour mener une contre-guérilla efficace. En effet, il fallait tenir les points stratégiques de la province. Puis, renforcer l’armée afin, d’une part, de répondre à la nouvelle réforme et, d’autre part, d’avoir assez d’effectifs contre Jugurtha et ses lieutenants. Enfin, chercher l’affrontement direct était primordial dans la contre-guérilla car, par définition, les forces conventionnelles sont supérieures, militairement parlant, à celles menant la guérilla.

Charge de la cavalerie romaine. Relief de la Colonne Trajane par Apollodore de Damas, c. 113 ap. J.-C, par Conrad Cichorius
Charge de la cavalerie romaine. Relief de la Colonne Trajane par Apollodore de Damas, ca. 113 ap. J.-C. par Conrad Cichorius. Selon Polybe (Histoires, livre VI), les cavaliers de son époque (IIe siècle av. J.-C.) n’étaient pas cuirassés, mais portaient une simple tunique. Armée d’une lance et d’un bouclier de mauvaise qualité, la cavalerie pouvait être considérée comme une cavalerie légère. Celle de Sylla se modifie légèrement grâce à la réforme de Marius : la cuirasse apparaît petit à petit. Gun Power Ma, 2008, Wikimedia Commons

La confrontation armée entre les rois rebelles et le consul romain

Cet affrontement se produisit alors que Marius prenait ses quartiers d’hiver. Ce n’était pas une bataille rangée, mais une scène de guérilla, comme Marius l’avait probablement prévu en renforçant sa cavalerie avec Sylla. Les évènements sont rapportés par Salluste, aux chapitres XCVII-CI. Jugurtha et Bocchus unirent leurs forces et tentèrent une attaque contre Marius. Ils furent repoussés grâce au sang-froid et au courage du général romain. Ils attaquèrent de nouveau, non loin de Cirta, mais manquèrent l’effet de surprise et subirent une nouvelle et sanglante défaite. Dans ce texte, Salluste avance une double opinion.

D’abord, il en fait un texte panégyrique exaltant Marius et critiquant Sylla[26]. En outre, afin d’exalter le peuple et la domination romaine, il oppose l’ordre romain au désordre barbare. Les Romains étaient inférieurs en nombre, mais ils arrivèrent à gagner face à un groupe hétérogène de barbares.

Pseudo-Sylla, copie d'époque augustéenne, Glyptothèque de Munich.
Pseudo-Sylla, copie d’époque augustéenne, Glyptothèque de Munich, Macesito, 2022, Wikimedia Commons

Observons à présent cette confrontation. Après avoir essuyé un échec devant Capsa, Jugurtha réclama du renfort et chercha à se refaire :

« Cependant Jugurtha, après avoir perdu Capsa, et d’autres places fortifiées précieuses pour lui, comme aussi une grande partie de ses trésors, envoya prier Bocchus d’amener au plus tôt ses troupes en Numidie : le moment de livrer bataille était venu. »[27]

Bocchus et Jugurtha parvinrent à rattraper l’armée de Marius, mais la nuit tombait. Il fallut alors attendre le lendemain pour livrer bataille. Cependant, « les cavaliers Maures et Gétules, non pas en ligne de combat ni suivant aucune règle tactique, mais en pelotons formés au hasard des rencontres, se précipitent sur les nôtres. »[28]. Néanmoins, les Romains continrent cet assaut.

Trois points sont à retenir sur cette première confrontation. Premièrement, en ce qui concerne la forme, nous retrouvons l’arme principale des insurgés – la cavalerie – face à celle d’excellence de Rome – l’infanterie. Ensuite, concernant le fond, nous remarquons le désordre barbare (« non pas en ligne de combat […] mais en pelotons formés au hasard ») face à l’ordre et la discipline romaine (« Malgré le trouble causé par cette alarme soudaine, les Romains n’oublient pas leur valeur […] »[29]). Enfin, après un combat acharné où nous identifions Marius au milieu de ses troupes d’élites, une retraite fut envisagée pour la nuit.

Le consul plaça alors ses hommes sur deux collines : l’une avec une source d’eau, où il envoya Sylla et sa cavalerie ; et l’autre, plus escarpée et plus grande pour installer un camp, pour le reste des troupes. Il s’appropria donc intelligemment le terrain et laissa à son ennemi l’idée que son armée était amoindrie. De fait, les troupes numides et maurétaniennes fêtèrent leur victoire et, selon Salluste, festoyèrent toute la nuit. Marius utilisa à nouveau tout son sens tactique. Le chapitre XCIX illustre cela : il fit taire ses troupes (notamment les trompettes) et, dès que le soleil se lèva, il donna l’assaut général. Les Romains déferlèrent sur les ennemis qui se réveillaient péniblement sans armes. Certains parvinrent à prendre la fuite, mais « ils eurent plus de tués dans ce combat que dans tous les précédents »[30].

Marius décida d’avancer vers Cirta, ses quartiers d’hiver. Au cours de sa marche, il se retrouva à nouveau face à Jugurtha.

« Sulla marchait avec la cavalerie à l’extrême droite ; à gauche, A. Manlius avec les frondeurs et les archers, sans compter les cohortes de Ligures ; en tête et en queue, il avait placé les tribuns avec l’infanterie légère. »[31]

Marius plaça alors ses troupes en carré. Ce fut la cavalerie de Sylla qui connut en premier le choc contre l’ennemi Or, l’avant-garde faiblit rapidement, car Jugurtha laissa penser aux Romains qu’il venait de tuer Marius. Sylla sauva la journée en faisant pivoter sa formation de cavaliers, taillant en pièce les unités numides. Enfin, Marius réapparut et parvint à rallier ses troupes, remportant ainsi la bataille contre Jugurtha.

En somme, nous remarquons que la réforme de Marius fut bénéfique sur le plan militaire pour Rome face à Jugurtha. En effet, nous venons d’observer une confrontation armée qui s’étendit sur plusieurs jours, mêlant différentes formes de guerre (guérilla d’abord, puis conventionnelle avec la mise en ordre de bataille) et différents théâtres.

Cependant, malgré des confrontations armées victorieuses et violentes, Marius ne parvint pas à disloquer l’armée ennemie en mettant la main sur Jugurtha. Salluste met l’accent sur le génie militaire de Marius : attaque surprise de nuit et en hiver. Cet auteur avance un récit volontairement épique de la bravoure des soldats devant l’adversité, et de Marius par sa stratégie et son audace. Un lien est fait entre Marius et ses troupes : ils combattirent ensemble et une confiance se tissa entre eux. En somme, Salluste présente l’image du bon chef militaire qui épargne le sang de ses soldats et garantit la victoire : « […] et pour assurer une retraite à ses troupes [alors acculées par les troupes numides][32] ». Il fait même dire à Marius :

« C’est ainsi que doit commander un chef soucieux de l’intérêt de la patrie, de la dignité des citoyens. Vivre soi-même dans la mollesse, et soumettre son armée à toutes les rigueurs de la discipline, c’est agir en tyran, non en chef. »[33]

Épilogue : la chute du roi Numide

Marius mit deux ans pour venir à bout de Jugurtha (il resta en Afrique jusqu’en 105), en continuant en grande partie la guérilla, initiée par Metellus, contre les villes. Après cette bataille, des pourparlers diplomatiques secrets eurent lieu pour que Jugurtha se rendit ou fusse livré. Vaincu, le roi de Maurétanie Bocchus trahit son allié Jugurtha:

« Bocchus avait demandé par lettre à Marius de lui envoyer Sulla pour régler sur son arbitrage leurs intérêts communs.»[34]

Il se laissa convaincre et, avec Sylla, tendit une embuscade contre Jugurtha. Il fit cela pour l’amitié envers Rome qui se dessinait. Sylla apporta ainsi Jugurtha à Marius en septembre 105 av. J.-C.[35].

Il faut donc retenir que c’est en usant des techniques employées par l’ennemi que Marius parvint à le prendre. En effet, il tenta de corrompre un de ses alliés pour le fragiliser, comme Jugurtha le faisait à Rome. De même, il le fragilisa grâce à des méthodes de contre-guérilla. Marius parvint ainsi à remporter cette guerre en usant de son génie militaire et en s’appuyant sur des hommes forts comme Sylla pour faire tomber Jugurtha. Si Salluste insiste sur le rôle joué par Marius, c’est en raison de son bord politique : il ne peut apprécier Sylla et doit encenser Marius.

Néanmoins, nous l’avons vu, Sylla joua un rôle déterminant dans cette guerre. Le questeur eut un rôle diplomatique de premier plan, en capturant Jugurtha avec l’aide de Bocchus, mais aussi militaire, avec sa cavalerie qui sauva plus d’une fois l’armée de Marius. Or la postérité retint principalement, grâce au triomphe de cette victoire et à l’œuvre de Salluste, le nom de Marius.

Conclusion

Cette guerre fut compliquée pour Rome. La tactique et la corruption menées par l’ennemi, le roi numide Jugurtha, posèrent de nombreux problèmes. Il fallut attendre l’arrivée de Marius et de Sylla pour retrouver un horizon victorieux. Les succès furent rendus possibles par la grande réforme militaire de 107 av. J.-C. initiée par Marius. Elle bouleversa le monde romain et, par extension, rendit possible son futur empire par l’affaiblissement, puis la chute progressive, de sa République.

Si, initialement, cette guerre naquit d’une querelle dynastique en Afrique du Nord, elle se transforma rapidement pour Jugurtha en une fronde contre le pouvoir romain. Le roi numide méprisait profondément ses anciens compagnons d’armes, voyant les mœurs dégradées et la corruption endémique détruire une puissance pour laquelle il avait pourtant de l’estime. Jugurtha réussit à transformer cette guerre en conflit d’indépendance : il ne s’agissait plus de posséder le trône, mais la souveraineté totale sur son territoire d’Afrique du Nord.

À observer, nous pouvons penser que cette guerre était bien loin de celles précédemment étudiées dans notre dossier. Néanmoins, dans les faits, nous pouvons y déceler des techniques de contournement, comme la guérilla employée par Jugurtha, afin d’affaiblir l’armée ennemie tout en étendant son influence à travers les cités de Numidie.

En somme, cette guerre d’indépendance fut un échec pour le roi Numide qui vit son royaume finir en lambeaux, marqué par la présence renforcée de Rome. Il périt en prison, peut-être étranglé sous les ordres de Marius. Il n’en demeure pas moins que Jugurtha fut un chef de guerre remarquable et très intelligent. Si sa guerre fut perdue, c’est davantage sur le plan diplomatique (par sa capture) que sur celui militaire.

Grâce à cette victoire, Caius Marius s’attira la reconnaissance de son armée, et celle de Rome, abattant les derniers alliés de Jugurtha (les Maures et les Gétules). Cependant, toute menace n’était pas écartée :

« On venait à peine d’annoncer la capture de Jugurtha quand survinrent les premières rumeurs sur l’irruption des Teutons et des Cimbres. »[36]

La victoire et l’aura qu’imposa Marius le portèrent aux honneurs, mais le confrontèrent également à un nouvel adversaire, menaçant directement Rome :

« Son triomphe fut célébré en grande pompe aux calendes de janvier. Et dès lors c’est sur lui que reposèrent toutes les ressources et tous les espoirs de la cité. »[37]

En effet, il fut réélu pour arrêter la progression des Teutons vers l’Italie du Nord (102 à la bataille d’Aix-en-Provence), ainsi que celle des Cimbres (en 101 à la bataille de Verceil). Ces derniers infligèrent une grave défaite aux généraux romains Q. Cépion et Cn. Manlius. Rome et l’Italie n’avaient plus tremblé ainsi depuis la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.).

Toutefois, en stoppant ces nouveaux venus, Marius devint le sauveur de Rome et acquit un rôle politique central. Entre 88 et 86, il rivalisa avec Sylla. Cette compétition pour le pouvoir entraîna la première grande guerre civile à Rome, ainsi qu’une période de terreur, jusqu’en 82, quand Sylla obtint totalement le pouvoir.

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Bibliographie :

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NICOLET Claude, Rome et la conquête du monde méditerranéen, 264-27 av. J.-C., Tome 2 Genèse d’un empire, Paris, Presses universitaires de France, 1997, 502 p.

Plutarque, Vie de Marius, 11, 2, Paris, Les Belles Lettres, 1971, 350 p., p. 105, texte édité et traduit par CHAMBRY Émile et FLACELIÈRE Robert

RICHARD Jean-Claude, « La victoire de Marius », dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, vol. 77, n°1, Paris / Rome, École française de Rome, 1965, 328 p., pp. 69-86, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1965_num_77_1_7492 (dernière consultation le 05/08/2018)

Salluste, La conjuration de Catilina. La guerre de Jugurtha. Fragments des histoires, Paris, Les Belles Lettres, 2012, 313 p., texte édité et traduit par ERNOUT Alfred

WOLFF Catherine, L’armée romaine, une armée modèle ?, Paris, CNRS Editions, 2012, 224 p.


[1] Toutes les dates, sauf expressément précisées, sont entendues « av. J.-C. ».

[2] La conjuration de Catilina, mise au jour et dénoncée par Cicéron en 62 av. J.-C., était un complot destiné à renverser le régime politique en place. Le chef des conjurés et membre du Sénat, Lucius Sergius Catilina, fut tué dans les combats qui suivirent la dénonciation publique. Outre le récit qu’en rapporte Salluste, le lecteur peut également se tourner vers les quatre discours politiques de Cicéron, les Catilinaires. Pour l’édition du texte de Salluste, voir La conjuration de Catilina. La guerre de Jugurtha. Fragments des histoires, Paris, Les Belles Lettres, 2012, 313 p., texte édité et traduit par ERNOUT Alfred

[3] Ibid., V, 1, p. 134 : « bellum quod populus Romanus cum Iugurtha rege Numidarum gessit, primum quia magnum et atrox variaque victoria fuit, dehinc quia tunc primum superbiae nobilitatis obviam est. »

[4] Il était alors commandant des archers numides et des éléphants présents.

[5] Il s’agit de Cornelius Scipio Aemilianus Africanus Numantinus, vainqueur de Numance, mais aussi destructeur de Carthage en 146 av. J.-C. Comme son grand-père adoptif, Scipion l’Africain (vainqueur de la deuxième guerre punique), il eut une brillante carrière militaire : il participa à la bataille de Pydna en 168, il combattit en Espagne en tant que tribun militaire en 151 et il fut envoyé en 150 en Afrique pour réquisitionner des éléphants. Durant les années 144-143, il faisait partie d’une ambassade envoyée en Orient, allant jusqu’aux frontières des royaumes séleucide et parthe. Ce fut à la suite de la reddition du consul Caius Hostilius Mancinus que Scipion, élu une deuxième fois au consulat, fut envoyé faire le siège de Numance. La cité capitula en 132, offrant l’occasion à Scipion de célébrer le triomphe à Rome et c’est ainsi qu’il reçut officieusement le surnom Numantinus. Voir ELVERS Karl-Ludwig, « Cornelius », dans Brill’s new Pauly : Encyclopaedia of the Ancient World, vol. 3, Boston / Leiden, 2003, LVIII p. & 1084 col., col. 819-821

[6] MEISSNER Buckhard, « Iugurtha », dans Brill’s new Pauly : Encyclopaedia of the Ancient World, vol. 6, Boston / Leiden, 2005, XVI p. & 1232 col., col. 1035-1036

[7] Frère d’Adherbal et cousin de Jugurtha, Hiempsal fut assassiné, sur ordre de son cousin, en 117. Voir MEISSNER Buckhard, « Hiempsal », dans Brill’s new Pauly : Encyclopaedia of the Ancient World, vol. 6, Boston / Leiden, 2005, XVI p. & 1232 col., col. 301

[8] MEISSNER Buckhard, « Iugurtha », art. cit.

[9] Salluste, XII, 5-6, op. cit., p. 142 : « cum interim Hiempsal reperitur occultans sese tugurio mulieris ancillae, quo initio pavidus et ignarus loci perfugerat. Numidae caput eius, uti iussi erant, ad Iugurtham referunt. »

[10] Ibid., XIV, pp. 144-149

[11] Ibid., XVI, 2, p. 150 : « Decretum fit uti decem legati regnum, quod Micipsa optinuerat, inter Iugurtham et Adherbalem dividerent. »

[12] Ibid., XXIII-XXVII, pp. 158-163

[13] Selon Salluste (XXXIV), le roi avait acheté le tribun de la plèbe C. Baebius. C’est ce dernier qui l’empêcha de parler devant l’assemblée populaire réunie (contio).

[14] Petit-fils de Massinissa, il se rendit à Rome en 112, après l’assassinat d’Adherbal, afin de s’opposer à Jugurtha. Quelques Romains le soutinrent, à l’instar de Spurius Postumius Albinus, mais il fut assassiné, sur ordre de Jugurtha, par l’un de ses alliés, Bomilcar. Voir MEISSNER Buckhard, « Massiva », dans Brill’s new Pauly : Encyclopaedia of the Ancient World, vol. 8, Boston / Leiden, 2006, LV p. & 944 col., col. 448

[15] Salluste, XXXV, 10, op. cit., p. 175 : « Urbem venalem et mature perituram si emptorem invenerit ! » Le même texte se retrouve pratiquement mot pour mot chez Tite-Live. Voir Abrégés des livres de l’histoire romaine de Tite-Live. Tome XXXIV. 1re partie, LXIV, 2, Paris, Les Belles Lettres, 2003, CCXXIV & 144 p., p. 84, texte édité et traduit par JAL Paul

[16] Salluste, XXXVIII, 4, op. cit., p. 177 : « intempesta nocte de inproviso multitudine Numidarum Auli castra circumvenit. »

[17] Cornelius Metellus Numidicus fut consul en 109 et il fut chargé de diriger la guerre contre Jugurtha. Il s’occupa de la réorganisation des troupes romaines en Afrique et remporta plusieurs victoires (Uthul, Thala). En 106, il célébra un triomphe. Voir ELVERS Karl-Ludwig, « Caecilius », dans Brill’s new Pauly : Encyclopaedia of the Ancient World, vol. 2, Boston / Leiden, 2003, XVIII p. & 1190 col., col. 880

[18] Comme ce fut le cas lors de la bataille d’Orange en 105 av. J.-C. Contre les Cimbres et les Teutons, Rome perdit les 80 000 légionnaires présents lors de la bataille. En effet, ces derniers furent encerclés par les Cimbres et les Teutons, au point de s’étouffer et de rendre tout projet de retraite impossible à mettre en œuvre.

[19] Salluste, LXXXIV, 1, op. cit., p. 224 : « Cependant, depuis que Marius avait été, comme nous l’avons dit, élu consul au grand enthousiasme de la plèbe (At Marius, ut supra diximus, cupientissumma plebe consul factus) »

[20] Ibid., LXXXVII, 1, p. 233 : « Le consul, après avoir complété ses légions et ses cohortes auxiliaires […] (Sed consul, expletis legionibus cohortibusque auxiliariis) »

[21] En tant qu’homo novus, c’est-à-dire en étant le premier homme de sa famille à assumer une magistrature du cursus honorum (la carrière des honneurs : questure, édilité, préture et consulat), Marius intégra la vie politique romaine sans avoir d’ancêtres célèbres. Cicéron, quelques décennies plus tard, fut également un homo novus quand il exerça le consulat en 63 av. J.-C.

[22] NICOLET Claude, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris, Gallimard, 1976, 543 p., p. 174

[23] Ibid., p. 174

[24] Il s’agissait des citoyens les plus pauvres de Rome, ne possédant peu ou aucun bien. Durant le recensement (census), ils étaient comptés par tête (caput, –itis). Du fait de leur statut, ils ne pouvaient pas intégrer l’armée des citoyens, pour laquelle il fallait acquérir, sur fonds propres, un minimum d’équipement. Grâce à la réforme de Marius, ils purent combattre pour Rome. Néanmoins, l’une des conséquences de leur pauvreté fut leur intégration au réseau clientélaire de leur général.

[25] Salluste, XCVI, 1, op. cit., p. 244 : « postquam in Africam atque in castra Mari cum equitatu venit »

[26] Ibid., XCV, 1 et 3-4, pp. 243-244 : « Puisque le sujet nous a fait mentionner ce grand homme, il nous a paru à propos de dire quelques mots de sa personne et de son caractère […] L. Sulla était d’une noble famille patricienne, mais d’une branche à peu près tombée dans l’oubli par la faute de ses ancêtres directs. Il avait une connaissance des lettres grecques et latines égale à celle des meilleurs érudits ; d’une ambition immense, il aimait les plaisirs, mais la gloire plus encore ; s’il consacrait ses loisirs à la débauche, jamais cependant le plaisir ne le détourna de ses affaires, sauf dans sa vie conjugale, où il aurait pu tenir une conduite plus honnête ; disert, rusé et facile en amitié ; d’une profondeur d’esprit incroyable pour dissimuler, aimant à donner, et surtout son argent. Quoiqu’il ait été le plus heureux des hommes avant sa victoire dans les guerres civiles, jamais sa fortune ne fut supérieure à son mérite, et plus d’un s’est demandé s’il était plus valeureux ou seulement plus heureux. Quant à ce qu’il fit dans la suite, j’aurais autant de honte que de répugnance à en parler. »

[27] Salluste, XCVII, 1, op. cit., p. 245 : « At Iugurtha, postquam oppidum Capsam aliosque locos munitos et sibi utilis, simul et magnam pecuniam amiserat, ad Bocchum nuntios mittit quam primum in Numidiam copias adduceret : proeli faciundi tempus adesse. »

[28] Ibid., XCVII, 4, p. 246 : « equites Mauri atque Gaetuli, non acie neque ullo more proeli, sed catervatim, uti quosque fors conglobauerat, in nostros incurrunt. »

[29] Ibid., « trepidi improviso metu ac tamen virtutis memores […] »

[30] Ibid., XCIX, 3, p. 248 : « pluresque eo proelio quam omnibus superioribus interempti »

[31] Ibid., C, 2, p. 249 : « Sulla cum equitatu apud dextumos, in sinistra parte A. Manlius cum funditoribus et sagittariis ; praeterea cohortis Ligurum curabat ; primos et extremos cum expeditis manipulis tribunos locaverat. »

[32] Ibid., XCVIII, 3, p. 247 : «[…] atque uti suis receptui locus esset »

[33] Ibid., LXXXV, 35, p. 230 : « Hoc est utile, hoc civile imperium. Namque cum tute per mollitiem agas, exercitum supplicio cogere, id est dominus, non imperatorem esse. »

[34] Ibid., CV, 1, p. 257 : « Bocchus per litteras a Mario petiuit uti Sullam ad se mitteret, cuius arbitratu communibus negotiis consuleretur. »

[35] Ibid., CXIII

[36] Plutarque, Vie de Marius, 11, 2, Paris, Les Belles Lettres, 1971, 350 p., p. 105, texte édité et traduit par CHAMBRY Émile et FLACELIÈRE Robert : « ἄρτι γὰρ ἀπηγγελμένης αὐτοῖς τῆς Ἰουγούρθα συλλήψεως, αἱ περὶ Τευτόνων καὶ Κίμβρων φῆμαι προσέπιπτον. »

[37] Salluste, CXIV, 3-4, op. cit., p. 267 : « kalendis Ianuariis magna gloria consul triomphauit. Et ea tempestate spes atque opes civitatis in illo sitae. »


Une réflexion sur “Les premières résistances à l’impérialisme de Rome : l’exemple de la guerre de Jugurtha (112-105 av. J.-C.)

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