Jusqu’à présent, ce premier dossier de la Revue d’Histoire Militaire s’est borné à la montée en puissance des insurrections luttant pour l’indépendance et les modes d’actions pouvant être déployés. Deux camps nets ont ainsi pu être définis, en fonction de leur situation de départ, leurs moyens et effectifs : les rebelles d’une part, privilégiant l’action indirecte et comptant sur le soutien populaire et une cause attrayante pour modifier ou détruire un état de fait, et d’autre part, les loyalistes, déjà établis dans la situation initiale et dont l’action s’effectue en répercussion à celle des insurgés.
Néanmoins, il serait inexact de se représenter ces deux protagonistes comme des ensembles précisément délimités et homogènes. La frontière entre les deux est bien floue et souvent, des antagonismes peuvent apparaitre en leur sein même. La guerre d’Algérie en est l’exemple criant : aussi bien les insurgés que les loyalistes vont se déchirer sur cette question qui, aujourd’hui encore, demeure une blessure ouverte dans l’Histoire et les mémoires des deux pays.
La volonté d’indépendance algérienne est apparue progressivement : de la résistance de l’Émir Abdelkader contre la conquête française à la création de mouvements d’inspiration marxiste, le sentiment national algérien s’est développé, passant de l’égalité des droits à l’émancipation totale. En effet, par le Sénatus-consulte du 14 juillet 1865[1], les indigènes musulmans sont déclarés Français, mais pas citoyens.

Ils peuvent cependant en faire la demande, mais doivent alors renoncer à leur statut personnel musulman coutumier, puisque loi et foi y sont liées, au risque d’être rejetés par leurs pairs. Cependant, cette demande peut aussi être refusée par une administration peu encline à l’accorder. Une société à deux vitesses apparait donc, entre les citoyens français, métropolitains ou musulmans ayant renié leur statut coutumier, — très peu nombreux, 2 396 entre 1865 et 1915[2] — et le reste de l’indigénat. Malgré leur grand nombre — environ 8.5 millions de musulmans pour 1 million de métropolitains — les musulmans n’ayant pas renoncé à leur statut personnel voient leurs droits restreints par des corps électoraux limités et la proscription de la participation au Parlement.
Ces populations sont aussi davantage touchées par la pauvreté et la faim. Bien entendu, des initiatives sont entreprises pour réduire ce fossé, comme le 4 février 1919, lorsque le droit de vote de certains corps électoraux est élargi à plus de 400 000 électeurs pour les conseils municipaux et à 100 000 pour les conseils généraux et les délégations financières [3]. Mais ces efforts ne sont pas suffisants et le mécontentement s’amplifie. Lorsque l’ordonnance du 7 mars 1944 soumet musulmans et métropolitains aux mêmes lois (fin du statut pénal de l’indigène) et que les années suivantes sont marquées par des mesures promouvant une parité, quoique toujours limitée, il est déjà trop tard[4]. Dès le 8 mai 1945, les graines de l’indépendance ont commencé à germer.

8 mai, Toussaint Rouge : l’indépendance s’obtiendra par les armes

Le 8 mai 1945, en pleine ferveur de la victoire contre l’Allemagne nazie, des manifestations éclatent à Sétif et Guelma dans la région de Constantine. Les nationalistes algériens profitent de cet événement pour faire reconnaitre leurs revendications et leur cause. Des drapeaux algériens sont brandis malgré l’interdiction des autorités, et des heurts éclatent. Le déroulement précis des événements est encore flou en raison des versions divergentes dressées par les deux camps, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 100 morts, autant de blessés et une dizaine de femmes violées côté européen, des milliers de victimes côté algérien musulman en raison de la répression menée par la police et l’armée[6].

Cet épisode marque un tournant et radicalise les indépendantistes. Les événements s’accélèrent et la déflagration approche à grand pas, comme le prédit le général Duval, en charge alors de la répression : “Si la France ne fait rien, avant dix ans, tout recommencera en pire, et probablement de façon irrémédiable”[7]. En 1948, le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (M.T.L.D.), parti héritier des premiers mouvements indépendantistes successivement interdits, poursuit la quête vers l’émancipation sous l’égide de son fondateur Messali Hajd, l’un, si ce n’est le premier, des indépendantistes algériens.
L’Organisation Spéciale, dont Ahmed Ben Bella prend la tête en 1949, sert de bras armé clandestin au M.T.L.D.. Dissous en 1950 par la police[8], les ex-membres de l’O.S. n’abandonnent pas leur rêve d’obtenir l’indépendance par les armes. Celles-ci vont finalement être utilisées dans le cadre de l’insurrection qu’ils planifient au sein du Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action, groupuscule à l’origine du Front de Libération Nationale (F.L.N.) crée le 10 octobre 1954. Deux partis vont alors se concurrencer tout au long de la guerre en raison de leurs méthodes divergentes : le Mouvement National Algérien (M.N.A.) nouvelle mouture du M.T.L.D. de Messali Hajd, jugé trop modéré et réformiste, et le Front de Libération Nationale. L’insurrection éclate officiellement le 1er novembre 1954, lors de la Toussaint Rouge, lorsque le F.L.N. se lance dans un série d’attaques causant une douzaine de victimes : La guerre d’Algérie vient de débuter.


Dès Novembre 1954, l’armée française mène des opérations de “police” pour rétablir l’ordre, notamment dans les Aurès (Opération Eckhmül). Face à elle, un demi-millier d’hommes de l’Armée de Libération Nationale, bras armé du F.L.N.. Ceux-ci, conscient de leur infériorité numérique et technologique — les stocks d’armes ayant été en grande partie perdus lors de la dislocation de l’O.S. — n’ont d’autre choix que de mener une tactique de guérilla : harcèlements, attaques d’objectifs précis, embuscades…

Avant même le début de l’insurrection armée, les rebelles ont pu se préparer en découpant le territoire algérien en 6 zones, les Wilayas, subdivisées en Nahias composées de Mintakas. Chaque niveau est dirigé par un officier, respectivement un colonel, un capitaine et un lieutenant. Cette organisation géographique leur permet ainsi de savoir où les troupes peuvent se cacher, quels centres urbains sont disponibles et de mieux appréhender la topographie des sites afin de planifier correctement les opérations.
Par soucis de discrétion et par manque de moyens, l’unité rebelle régulière de base est la Katiba, équivalent d’une compagnie d’une centaine d’hommes. Peuvent s’y substituer des commandos d’une douzaine de combattants, bien entrainés et redoutables, afin d’économiser les moyens à disposition, échapper aux forces adverses et/ou frapper à divers endroits simultanément. Les forces régulières sont aussi appuyées dans leurs actions par des auxiliaires, les Mousseblines[9]. Coté français, la réponse des autorités s’avère encore limitée en 1954, en raison du retrait en Indochine et d’une sous-estimation de la menace.

Insurrection, Contre-insurrection : le jeu du chat et de la souris
Les insurgés agissent donc surtout dans la clandestinité, empêchant une estimation fiable de leurs capacités. En raison de leurs faiblesses, s’exposer au grand jour serait pour eux du suicide pur et simple. Le F.L.N. peut néanmoins compter sur deux avantages : l’étendue du territoire algérien (300 000 km² Sahara excepté[10]), utile pour se cacher et s’organiser, mais aussi les centres urbains et ruraux où il est relativement aisé de passer inaperçu, de recruter et de semer le chaos.

En effet, en provoquant un attentat, les rebelles obligent les forces loyalistes à redoubler de vigilance, contrôler les individus, quitte à dégarnir certains points et disperser les forces à disposition. De même, en incendiant une ferme, les insurgés s’assurent que les autres paysans, par peur de représailles, demandent une protection aux autorités, protection qui n’est pas forcément accordée. Les fermiers peuvent alors être amenés à négocier directement avec les insurgés. Progressivement, l’A.L.N. prend donc de l’ampleur, renforçant la portée et la puissance de ses attaques, comme lors de l’embuscade du Palestro le 18 mai 1956, où 20 marsouins perdent la vie.
Toutefois, il serait faux d’estimer que l’armée française n’est pas préparée aux conflits insurrectionnels. Comme nous l’avons vu précédemment dans ce dossier, le pays dispose d’une longue expérience en la matière, et, en 1954, la France se désengage d’Indochine et dispose donc alors d’un retour d’expérience récent. Le 3 avril 1955, une loi instituant les pleins pouvoirs à un chef militaire dans les régions rebelles comme les Aurès et la Grande Kabylie est adoptée afin de faciliter la contre-rébellion. Les opérations s’y concentrent, afin d’éliminer l’opposition dans des engagements encore assez limités. Mais tout change avec le massacre de Philippeville. Les 20 et 21 août 1955, dans cette ville du Nord-Constantinois, l’A.L.N. fait plus d’une centaine de victimes[11].
La répression qui s’ensuit provoque, selon les estimations, entre 1000 et 10 000 morts en 10 jours, ne manquant pas de radicaliser les deux camps[12]. L’état d’urgence est alors étendu à l’ensemble de l’Algérie et les forces qui y sont stationnées se préparent. Leur organisation est calquée sur le découpage administratif du territoire : Ainsi, en 1958, aux 3 igamies, les régions militaires (le Sahara est autonome), correspondent 3 corps d’armées, aux 15 départements correspondent 15 zones divisionnaires et aux 72 arrondissements correspondent 72 secteurs régimentaires[13].

Des unités spécialisées sont levées après l’appel du contingent en 1956 : 203 bataillons “107” chargés de la surveillance, de la protection et de la pacification des secteurs, complétés par des unités auxiliaires, les Harkis. Des troupes mobiles sont aussi déployées, 71 bataillons blindés ou de parachutistes, constituant des forces d’intervention offensives, chargées du quadrillage du territoire et de la traque des “fellaghas” grâce à leur puissance de feu et leur mobilité (véhicules, blindés, hélicoptères…)[14].

Ce dispositif permet ainsi un maillage du territoire et la complémentarité entre les troupes statiques et mobiles soumet les insurgés à une pression constante au moyen de la stratégie de la “tâche d’huile” : la pacification s’effectue méthodiquement et progressivement, s’étendant à mesure que les rebelles sont rejetés des agglomérations et poursuivis jusque dans leurs sanctuaires.
Cette stratégie nécessite cependant des effectifs conséquents. Ce sont ainsi plus de 400 000 hommes qui servent en août 1956[15], auxiliaires exceptés. La France agit aussi à l’étranger, notamment avec l’épisode du canal de Suez et aux abords de l’Algérie lors de la bataille des frontières (21-28 mai 1958), les bandes armées de l’A.L.N. et consorts les franchissant régulièrement pour se placer hors de portée de leurs poursuivants, ou pour s’approvisionner.

La population comme objectif : gagner les cœurs et les esprits
Militairement, le F.L.N. a donc peu de chances de l’emporter. Il lui faut alors obtenir l’adhésion de la population pour parvenir à ses fins. L’Algérie est alors divisée administrativement en plusieurs niveaux. D’abord en départements, puis en sous-préfectures, en communes mixtes et enfin en douar. C’est dans ce dernier échelon que les insurgés agissent le plus facilement. L’autorité y est généralement incarnée par un garde-champêtre indigène, aisément neutralisable ou influençable. Le recrutement s’y avère aussi plus efficace, puisque l’autorité française y est vraiment limitée. Et si le garde-champêtre se révèle loyal aux autorités, les rebelles n’hésitent pas à le menacer ou même à l’éliminer.

Néanmoins, les populations rurales sont plutôt favorables à l’insurrection, ayant subie les aléas des privations de la guerre et l’éloignement de toutes infrastructures étatiques. La propagande et l’attractivité de la cause défendue peuvent aussi permettre de s’allier les individus. En 1958, en jouant sur ces divers leviers, l’A.L.N. parvient ainsi à aligner 40 000 combattants[16], pendant qu’au même moment, le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne se fait reconnaître à l’étranger par des campagnes politique et diplomatique efficaces.
En métropole même, des individus agissent, de gré ou de force, à l’effort de guerre, en distribuant des tracts notamment pour contourner la censure qui frappe alors la presse. Le territoire national devient ainsi aussi un champ de bataille où s’opposent les différentes volontés en conflit. Attentats et manifestations s’y succèdent donc : c’est dans ce cadre que se déroule la manifestation du 17 octobre 1961[17], réprimée dans le sang par les forces de l’ordre à bout de nerfs depuis qu’une vague d’attentats les avait ciblés.

La population est donc un facteur primordial dans ce conflit. Son adhésion à l’un des deux camps est crucial. En la gagnant, on prive l’ennemi d’une source de soutien. De nombreuses mesures peuvent donc être prises dans ce but. Si la population est trop dispersée sur le territoire, elle peut être rassemblée, afin d’être plus aisément surveillée et contrôlée. Ce fut le cas avec la fermeture de la frontière tunisienne, la population étant déplacée puis rapatriée lorsque les événements se tassèrent en 1959. Le F.L.N. décida aussi d’installer la population en Tunisie, pour qu’elle ne puisse renseigner les forces françaises.

La population peut aussi être récompensée, sa loyauté achetée ou renforcée. Dans une région où celle-ci dépasse les 10 millions d’habitants en 1954, avec seulement un million d’Européens, le contrôle des civils est vital pour ne pas réitérer une défaite similaire à celle en Indochine. Les services de renseignements travaillent d’arrache-pied, notamment pour retourner des membres du F.L.N. et infiltrer leurs réseaux, malgré un succès variable : citons, par exemple, l’opération oiseau bleu, où les hommes engagés, entrainés et équipés par les forces françaises, passèrent réellement dans le camp adverse qu’ils devaient simplement infiltrer au départ[18].
Mais la population peut aussi être la victime. Le F.L.N. n’hésite ainsi pas à mener des actions de représailles, éliminant par exemple les loyalistes et opposants afin d’éviter la sédition et la trahison. Quant aux autorités, la répression qu’elles peuvent mener en répercussion aux actions rebelles n’épargne pas les populations civiles. Par crainte de tels traitements, les individus, contraints, rejoignent souvent l’un ou l’autre des deux camps en quête de protection.
Les opérations des rebelles et des loyalistes s’inscrivent d’ailleurs souvent dans un cercle vicieux : un massacre ou des exactions aboutissent à une action de répression ou de vengeance où la vindicte populaire se mêle parfois, faisant de nombreuses victimes. Le camp visé cherche alors réparation, amplifiant le cycle de violences. Citons l’exemple du village de Beni Oudjehane le 11 mai 1956. Entre 79 et 90 civils sont abattus par les forces françaises suite à la mort d’un des fantassins. La cause de sa mort reste cependant floue : alors que la version française parle d’un tir fratricide après une altercation avec un homme qui cherchait à empêcher le soldat de violer sa fille, provoquant la riposte de toute l’unité, la version d’un membre du F.L.N. cite un tir isolé d’un combattant rebelle qui, ayant fait la grasse matinée, avait été surpris par l’arrivée des forces françaises dans le village.

Le F.L.N. aussi commis de nombreux massacres, comme ceux précédemment cités de Philippeville en août 1955 dont la répression fit encore plus de victimes. Les villes deviennent alors de véritables champs de bataille où chaque quartier est un objectif en soi. Alger devient ainsi le théâtre d’une lutte âpre de janvier à octobre 1957 entre les paras du général Massu et les combattants du F.L.N., multipliant les attentats à la bombe. La ville est alors compartimentée, la population surveillée et encadrée et progressivement, les réseaux sont démantelés. Mais les civils ont souffert des bombes, des exécutions sommaires, d’arrestations, de mutilations mais aussi de tortures pratiquées par les deux camps en présence. Toutefois, ces différentes méthodes n’impactent pas que les victimes, elles divisent aussi leurs instigateurs.
Dissensions et oppositions : l’hétérogénéité des protagonistes de la guerre d’Algérie.
La guerre d’Algérie est aussi le théâtre de luttes fratricides sanglantes. S’opposant sur le futur gouvernement et les moyens à employer pour lutter, le F.L.N. et le M.N.A. ne tardent pas à se combattre mutuellement. On peut citer “la guerre des cafés” ou le massacre de Mélouza[19] qui s’inscrivent dans ce conflit d’influence entre les deux partis.

Le gouvernement français se sert d’ailleurs du M.N.A. pour lutter contre le F.L.N. en métropole. Au sein même de ces groupes, des purges ont lieu régulièrement, notamment en raison des bleuites, ces opérations montées par les services de renseignement français, à base d’infiltrations et de désinformations, pour provoquer lesdites purges dans les rangs du F.L.N.. Une trahison avérée ou une simple suspicion peut en effet rapidement déboucher sur des exécutions. Cette lutte partisane fratricide entre musulmans se poursuit même après la guerre : les Harkis, plus de 200 000 combattants auxiliaires musulmans de l’armée française, seront nombreux à tenter de fuir en métropole pour ne pas subir de représailles une fois l’Algérie indépendante[20].

Le camp des loyalistes aussi est marqué par de nombreuses tensions entre partisans de l’Algérie française et ceux favorables à l’indépendance. Certains partisans de la cause indépendantiste franchissent même le pas et passent à l’insurrection, comme l’aspirant Maillot, sympathisant communiste anticolonialiste, qui déserte le 4 avril 1956 au volant d’un camion chargé d’armes pour rejoindre un maquis communiste. Mais cette rivalité atteint son paroxysme en 1958 :

Charles de Gaulle est rappelé avec les pleins pouvoirs afin d’élaborer une nouvelle constitution. C’est le passage de la IVe à la Ve République et la question de l’autodétermination entre sécession, francisation ou association se fait de plus en plus pesante. Le général Massu, vainqueur de la bataille d’Alger et partisan essentiel du retour de de Gaulle, est renvoyé en métropole en janvier 1960 après qu’il ait critiqué la direction politique de la guerre[21].
Cette mutation n’est pas sans conséquences et fin janvier, le député d’Alger, Pierre Lagaillarde, organise une manifestation contre le choix à l’autodétermination. Celle-ci vire à l’insurrection : c’est la semaine des barricades du 24 janvier au 1er février. Cet événement souligne le fossé qui se creuse entre Français métropolitains et Français d’Algérie qui se sentent alors de plus en plus abandonnés. Ces faits conduisent à la création de l’Organisation de l’Armée Secrète le 11 février 1961, organisation paramilitaire clandestine luttant contre l’indépendance par tous les moyens, des attentats à la bombe aux assassinats ciblés en passant par le combat urbain, dont l’action atteint son point culminant avec la bataille de Bab el Oued du 23 mars au 6 avril 1962. Lors de celle-ci s’opposent les commandos deltas aux forces françaises par refus du cessez-le-feu signé avec le F.L.N.[22].

Les militaires aussi se divisent sur cette question avec le Putsch des Généraux du 21 avril 1961. Décontenancés par la nouvelle politique gouvernementale alors que l’armée est parvenue à affaiblir considérablement l’A.L.N. — en 1960, celle-ci ne dispose plus que de 10 à 12 000 hommes, mal équipés, éparpillés sur l’ensemble du territoire[23]— plusieurs officiers généraux français fomentent un coup d’état qui échoue en définitive. L’autodétermination est donc toujours à l’ordre du jour. L’indépendance est désormais proche pour l’Algérie : Le 18 mars 1962, les accords d’Evian mettent fin à la guerre.
De 1954 à 1962, la France fait face à une guerre de décolonisation particulièrement violente. Ayant appris de ses erreurs en Indochine, elle parvient, après quelques déboires, à maitriser le terrain, sans toutefois atteindre d’issues politiques. Débutant en 1954 avec les forces présentes sur le territoire, ne pensant effectuer que des opérations limitées, la France est obligée en 1956 de mobiliser le contingent pour contenir l’incendie. Il lui faut en effet surveiller le territoire mais aussi affronter un ennemi insaisissable. Pour ce faire, les troupes sont réparties entre forces fixes et mobiles, afin de quadriller le terrain et traquer l’ennemi.
Néanmoins, malgré une réussite militaire, l’armée française ne parvient à circonscrire le feu. L’action doit être populo-centrique avant d’être ennemie-centrique. Malgré des innovations sur le plan miliaire, comme l’usage d’opérations héliportées que les américains perfectionneront durant la guerre du Vietnam, la contre-insurrection pêche sur ses pans civil et politique. Le F.L.N., qui rapidement surclasse ses adversaires comme le M.N.A. ou le Parti Communiste Algérien, parvient à s’adapter et survit à ses défaites militaires.
L’autodétermination souligne finalement la lassitude de la guerre et la volonté du peuple algérien de s’émanciper de la tutelle française, malgré les rivalités au sein même des cercles indépendantistes et loyalistes. L’indépendance est finalement acquise, mais à quel prix : plus de 25 000 soldats français, 150 000 combattants indépendantistes, plusieurs centaines de milliers de civils, sans oublier les Harkis tués après l’indépendance, dont le nombre porte encore à débat, entre 30 000 et 150 000[24].
Si vous avez aimé cet article, nous vous conseillons également :
Bibliographie non exhaustive :
CHAPPELL M., WINDROW M., The Algerian War : 1954-1962, Osprey Publishing, Men-at-arms series, n°312, 1997, 48 p.
GALULA D., Pacification en Algérie, Les Belles Lettres, 2016 (première publication en anglais en 1963 sous le titre Pacification in Algeria, 1956-1958), 370 p.
KAUFFER R., Histoire mondiale des Services Secrets, Tempus, 2017, 994 p.
MONTAGNON P., Histoire de l’Algérie, Pygmalion, 2012, 418 p.
PERVILLE G., Atlas de la guerre d’Algérie, Autrement, 2011, 72 p.
PERVILLE G., La guerre d’Algérie, Puf, collection “Que sais-je ?”, 2014, 130 p.
STORA B., Histoire de la guerre d’Algérie. 1954-1962. La Découverte, 2004, 124 p.
[1]PERVILLE G., La guerre d’Algérie, Puf, collection “Que sais-je ?”, 2014, 130 p., pp. 12-13
[2]Weil P.. « Le statut des musulmans en Algérie coloniale. Une nationalité française dénaturée », Histoire de la justice, vol. 16, n°1, 2005, pp. 93-109, p. 27, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-histoire-de-la-justice-2005-1-page-93.htm#pa27 (dernière consultation le 27/07/18)
[3] Ibid., p. 36
[4]Ibid., p. 39
[5] FAIVRE M., L’Armée d’Afrique et l’armée coloniale des origines à 1962, dans L’Algérianiste, n°131, septembre 2010, 12 p., p. 8, [en ligne] http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.miages-djebels.org%2FIMG%2Fpdf%2FL_armee_d_Afrique_par_M_Faivre.pdf (dernière consultation le 13/07/18)
[6] PERVILLE G., La guerre d’Algérie, op. cit., p. 33
[7] MONTAGNON P., Histoire de l’Algérie, Pygmalion, 2012, 418 p., p. 249
[8] Ibid., pp. 254-255
[9] PETERSON, A. H., CONGER E. E., et REINHARDT Georges (C.), Symposium on the Role of Airpower in Counterinsurgency and Unconventional Warfare: The Algerian War, RAND Corporation, 1963, 89 p., pp. 26-28 [en ligne] https://www.rand.org/pubs/research_memoranda/RM3653.html (consultation le 15/07/18)
[10] GALULA D., Pacification en Algérie, Les Belles Lettres, 2016 (première publication en anglais en 1963 sous le titre Pacification in Algeria, 1956-1958), 370 p., p. 28
[11] PERVILLE G., La guerre d’Algérie, op. cit., p. 47
[12] Ibid.
[13] PETERSON, A. H., CONGER E. E., et REINHARDT Georges (C.), Symposium on the Role of Airpower in Counterinsurgency and Unconventional Warfare: The Algerian War, op. cit., pp. 24-25
[14] JACKSON P. (Major), French Ground Force Organizational development for Counterrevolutionnary Warfare between 1945 and 1962, Master Thesis : Military History, Faculty of the US Army Command and General Staff College, 2005, 141 p., pp. 109 à 114
[15] GALULA D., Pacification en Algérie, op. cit., p. 17
[16] PETERSON, A. H., CONGER E. E., et REINHARDT Georges (C.), Symposium on the Role of Airpower in Counterinsurgency and Unconventional Warfare: The Algerian War, op. cit., p. 26
[17] PERVILLE G., La guerre d’Algérie, op. cit., p. 101
[18]LACOSTE-DUJARDIN C., Opération «Oiseau bleu», 1956, Géostratégie et ethnopolitique en montagne kabyle, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 1986, n°41-42, Désert et montagne au Maghreb, sous la direction de P.-R. Baduel. pp. 167-193.
[19]Massacre de plus de 300 habitants mâles du village pro-M.N.L.A. par les membres du F.L.N. Suite à cela, un maquis nationaliste anti-F.L.N. se forme et, soutenu par les services de renseignements français, lutte contre l’A.L.N.. Malgré ses succès initiaux, le maquis sera noyauté par le F.L.N. et se retournera contre les forces françaises qu’il appuyait jusqu’alors. Ces dernières le neutraliseront. KAUFFER R., Histoire mondiale des Services Secrets, Tempus, 2017, 994 p., pp. 636-638
[20]MONTAGNON P., Histoire de l’Algérie, op. cit., pp. 320-321
[21]PERVILLE G., La guerre d’Algérie, op. cit., p. 88
[22]Ibid., pp. 109-110
[23]PETERSON, A. H., CONGER E. E., et REINHARDT Georges (C.), Symposium on the Role of Airpower in Counterinsurgency and Unconventional Warfare: The Algerian War, op. cit., p. 20
[24]MONTAGNON P., Histoire de l’Algérie, op. cit., pp. 323-325
Une réflexion sur “La guerre d’Algérie : une guerre au cœur de la population”