Introduction :
S’étendant de 794 à 1185, l’époque Heian 平安時代 vint clore l’Antiquité japonaise. Pouvant être traduite par le mot « paisible », cette époque est considérée de nos jours comme l’âge d’or de la littérature classique japonaise. Poésie de type waka 和歌[1], roman de Genji[2] et autres journaux de voyages témoignent, en effet, de cette effusion littéraire de ces quatre siècles.
Par ailleurs, à l’exception des trois conflits armés qui vinrent la conclure[3], l’époque Heian est considérée comme une époque de paix, qui ne vit que très peu de guerres et de rébellions. Néanmoins, cette vision est erronée. De fait, les plaintes pour cause de banditisme, piraterie et guerres privées furent innombrables et la cour impériale ne cessa d’essayer de résoudre ces problèmes.
Ainsi, le Xe siècle, par exemple, fut un temps de réforme du système militaire japonais. Ce même siècle vit l’émergence d’un nouvel ordre guerrier sur l’archipel : celui des bushi 武士. Cet article a donc pour objectif de présenter l’évolution de ce système et la manière dont les guerriers japonais surent en tirer profit.
Pour ce faire, nous explorerons l’un des exemples les plus fameux de cette époque : les conflits dans lesquels fut impliqué Taira no Masakado 平将門 entre 935 et 940. L’histoire de Masakado est particulièrement tragique. Entraîné dans des guerres privées contre des membres de sa famille, il finit par être considéré comme ennemi de l’État et fut sévèrement réprimé. Il posa le plus grand défi que dut subir l’autorité de la cour impériale en 300 ans. Il présente un parfait exemple de la manière dont les conflits de cette époque pouvaient se dérouler dans le cadre de la loi impériale – ou non.
La source principale mobilisée pour l’étude de ce cas est le Shōmonki 『将門記』, la Chronique de Masakado. Chronique guerrière, cette œuvre se situe à la croisée du texte épique et du récit historique. Elle fut compilée et terminée avant 1099[4], et narre l’histoire de ces conflits dans lesquels fut impliqué Taira no Masakado. Du fait de son aspect littéraire et sa tendance à l’exagération, ce texte ne peut être utilisé tel quel et doit être remis en question. Néanmoins, la majeure partie des faits narrés est considérée comme « fiable » par l’ensemble des spécialistes de cette époque[5].

Bushi, guerre et maintien de l’ordre au Xe siècle au Japon
La professionnalisation des guerriers
Entre 645 et 757, le gouvernement japonais lança une série de mesures administratives, inspirées de la Chine des Tang (618-907), dans le but de créer un État centralisé[6]. La première pierre angulaire de ce projet fut la réforme de Taika 大化 (la Grande Réforme) en 645, qui inaugura la période de l’État régi par les Codes, le système du ritsuryō 律令制. Soit environ un siècle de réformes, concernant notamment l’administration territoriale et la bureaucratie, avec la création d’une organisation composée de ministères, bureaux et autres fonctionnaires, qui ne fut que très peu modifiée jusqu’à l’ère Meiji 明治 (1868-1912)[7]. Le contrôle des ressources militaires de l’État et le pouvoir d’exercer la force martiale, quant à eux, étaient la prérogative exclusive de l’empereur et de sa cour[8].
Sous le ritsuryō, l’armée impériale était composée de garnisons, gundan 軍団, assemblées grâce à la conscription et présentes dans toutes les provinces. Le service militaire était un devoir qui incombait aux hommes adultes et valides. Les forces impériales étaient donc formées d’unités comprenant principalement des paysans conscrits. Les « citoyens soldats »[9] pouvaient avoir des fonctions de police[10], de garde, ou encore de garde-frontière en temps de paix, ou être intégrés à une armée en temps de guerre. Il n’y avait pas de grande armée permanente, les régiments provinciaux étaient au cœur du système et leurs membres, les paysans, passaient la majorité de leur temps dans les champs agricoles plutôt que sur le champ de bataille. L’armée était constituée d’une cavalerie, vouée à l’archerie montée, et d’une infanterie.
Néanmoins, la conscription fut remise en question dès la moitié du VIIIe siècle[11]. En effet, il y avait, en premier lieu, une certaine difficulté pour le gouvernement à l’enforcer : elle était basée sur un registre également utilisé pour la taxation des villageois, qui avaient une fâcheuse tendance à essayer d’éviter les deux et donc à frauder.
En outre, la technologie tactique la plus avancée de cette époque était l’archerie montée[12]. Or, la conscription paysanne était principalement vouée à l’infanterie, ce qui limitait fortement les capacités militaires de l’empire. La cour essaya en vain d’agrandir sa cavalerie mais, à cette époque au Japon, les cavaliers n’étaient pas fabriqués : ils naissaient. En effet, pour entrer dans la cavalerie, il fallait au préalable disposer d’un certain talent avec le cheval et l’arc, car il était trop difficile – et trop coûteux – de former les villageois conscrits à l’archerie montée[13]. Il était donc nécessaire de posséder ou d’avoir accès à un cheval. Toutefois, l’usage des rares chevaux présents sur l’archipel était monopolisé par une certaine partie de la population : l’élite de la société provinciale.

La conscription fut alors progressivement abandonnée dans les provinces et remplacée par des milices composées uniquement de cette élite, ainsi que par un vide institutionnel qui facilita l’émergence de troupes privées, mais aussi celle du banditisme.
Aux VIIIe et IXe siècles, une détérioration des conditions économiques, causant de nombreuses violences et corruptions locales, se mit en place sur l’archipel[14]. De fait, il y eut un recul du pouvoir de la cour sur les provinces, favorisant l’émergence d’une instabilité sociale, couplée à une insécurité croissante[15]. Ce phénomène de dégradation de l’ordre fit que les instances provinciales, religieuses et privées s’armèrent de plus en plus, amplifiant ce délitement des droits régaliens de l’État. Bandits, brigands et pirates, dont les actions visaient en particulier les convois transportant les taxes, se mirent à faire légion sur l’ensemble du territoire.
À partir du tournant du IXe siècle, les plaintes concernant les brigands, bandits ou pirates arrivaient de manière constante à la cour[16]. Certains adeptes martiaux provinciaux, par exemple, se rendaient compte que le service militaire n’était pas la seule manière d’utiliser leurs talents et se réunissaient en bandes, menant des raids sur les convois de taxes, volant au passage les chevaux ou bateaux utilisés pour le transport. Ces bandes pouvaient comprendre des personnes de toutes les strates de la population et être mises en place de manière officielle par des temples ou des fonctionnaires. Le problème devint endémique dès le milieu du IXe siècle.
De fait, sous le ritsuryō, un écart se développa entre paysan riche et paysan pauvre[17]. Écart qui n’était pas pris en compte dans le modèle homogène de la cour et qui rendait la récolte des taxes difficile. Il y eut donc une modification : les taxes n’étaient plus collectées directement par la cour, mais par le biais du gouverneur de la province. Ce dernier choisissait la manière dont il effectuait cette tâche et la déléguait généralement aux élites locales qui allaient alors directement faire la récolte au sein du « cercle » qu’elles dominaient. À chacune de ces étapes, l’intermédiaire en profitait usuellement pour se servir. De très nombreuses pétitions demandant des destitutions arrivaient à la cour et de plus en plus de petites résistances aux différents pouvoirs naissaient et prenaient la forme de brigandage ou de maraudes armées[18].
Les gouverneurs, notamment, s’enrichissaient prodigieusement sur le dos de la population. Ce poste devint de plus en plus puissant et producteur de richesse, car il prenait en charge la fiscalité. Une certaine partie de la noblesse qui ne réussissait pas à obtenir une bonne fonction à la cour[19], se mit à émigrer en province afin de faire fortune et construire des réseaux locaux pour garder une certaine emprise sur le territoire, avant de revenir s’installer confortablement à la capitale[20].
À partir du IXe siècle, il y eut ainsi une compétition pour les richesses et l’influence dans les provinces entre trois groupes :
-les gouverneurs provinciaux ;
-les élites provinciales résidentes ;
-les temples, sanctuaires, princes et autres fonctionnaires de la cour[21].
En parallèle, une militarisation croissante des puissances locales se mit également en place. Les gouverneurs étaient généralement entourés de guerriers talentueux afin d’assurer leur protection personnelle et leurs prérogatives contre les hors-la-loi et les résistances armées[22]. Cela leur permettait aussi de maximiser les profits à tirer des contribuables en les intimidant. Les aristocrates de la capitale engageaient également des hommes en arme dans le but d’escorter les convois de taxes vers la capitale[23]. Des groupes de notables armés émergèrent, notamment dans les provinces périphériques, et se mirent à maintenir une certaine sécurité avec leurs moyens privés, s’imposant face au délitement du pouvoir impérial central[24].
Les fonctionnaires eux-mêmes pouvaient être formés aux arts martiaux, et cela dès le IXe siècle[25]. Les compétences martiales se mirent alors à faciliter certaines carrières. Elles ouvraient les portes à de nouveaux postes à la cour dans des unités militaires ou dans le service privé de figures importantes[26]. Ces talents pouvaient, par ailleurs, renforcer la position d’un fonctionnaire provincial à la cour – et ainsi accélérer l’avancement de sa carrière[27]. Cette possibilité était très attractive pour les jeunes nobles de bas rangs, soit de futurs gouverneurs, notamment du fait de l’extrême compétition existante à la cour.
En effet, l’atmosphère politique de la cour durant l’époque Heian était telle que le parrainage et le patronage[28] de puissants aristocrates étaient vitaux pour tout jeune homme espérant réussir. Au sein de la classe dirigeante, trois strates séparées par de grandes disparités sociales pouvaient être distinguées :
-les kugyō 公卿, « hauts dignitaires »[29] ;
-la noblesse de moyen ou bas rang (par exemple les gouverneurs de province) ;
-l’élite provinciale, généralement formée aux armes.

Des coopérations et factions « verticales » entre ces strates se formèrent afin de faciliter un avancement « horizontal »[30]. Par exemple, un noble de moyen rang pouvait avoir comme patron un kugyō l’aidant politiquement. Ou, lorsqu’une personne appartenant à l’élite de la cour décidait de « s’installer » en province pour profiter du système foncier sans pour autant y déménager, elle pouvait utiliser un gouverneur de province et/ou des membres de l’élite provinciale pour accomplir ses affaires en son nom. Il s’agissait ici de relations de clientélisme nées de besoins mutuels, dans lesquelles l’usage des forces armées était, par ailleurs, mis en valeur. Des réseaux verticaux entre des membres de strates socio-politiques différentes se formaient ainsi pour obtenir des gains, notamment à travers les postes provinciaux.
En outre, au milieu du Xe siècle, l’habileté aux armes au sein de la cour commençait à être identifiée à certaines familles, et non plus seulement à des individus[31]. Ce développement était conforme à une tendance généralisée au milieu et à la fin de l’époque Heian pour les maisons aristocratiques centrales à s’identifier héréditairement à certaines professions et postes[32]. Naquirent ainsi les miyako no musha 京の武者 (litt. « guerrier de la capitale »), des hommes du quatrième ou cinquième rang de la cour[33], qui utilisaient la profession des armes comme un moyen d’avancement professionnel plus général : ils recherchaient le patronage de la haute noblesse et la reconnaissance de l’État en servant de gardes du corps et de police dans – et aussi à l’extérieur de – la capitale[34].
Les alliances latérales, quant à elles, étaient difficiles à maintenir du fait de la compétition extrême qui avait cours au sein d’une même strate. Néanmoins, ce n’est pas pour autant que les alliances entre guerriers n’existaient pas. En effet, dès la fin du VIIIe siècle, et comme nous l’avons noté précédemment, un nombre particulièrement important de plaintes remontaient à la cour à propos de bandes armées. Le gouvernement émit même des édits à leurs propos[35]. Ces bandes pouvaient être très diverses, certaines étaient même composées d’Emishi 蝦夷[36]. Des rapports concernant les bandits et pirates parvinrent à la cour durant toute l’époque Heian. Néanmoins, après le Xe siècle, deux développements peuvent être observés :
-ces bandes étaient si répandues que la cour avait renoncé à les éliminer et se concentrait plutôt sur le contrôle de celles qui commettaient des crimes spécifiques ;
-l’État apprenait que les organisations militaires privées pouvaient être utiles, qu’elles pouvaient être cooptées pour ses propres besoins militaires et policiers.
Des bandes s’associaient parfois entre elles, se « prêtant » des guerriers et des ligues de guerriers se créaient. Cependant, les alliances étaient difficiles à maintenir : les objectifs et intérêts allaient souvent à leur encontre. Néanmoins, le modèle organisationnel prédominant pour la coopération guerrière était hiérarchique, centré sur une figure de statut transcendant. De manière générale, une personne descendant de la noblesse établie en province, ou une personne descendant d’une élite provinciale ancienne. Ou alors, une personne prétendant avoir du sang noble, chose qui amenait du prestige et du statut.
Durant le milieu du Xe siècle, le processus de ligue évolua au point où les leaders guerriers les plus puissants pouvaient terroriser des régions entières et pouvaient avoir des milliers de guerriers sous leurs ordres [37]. Cependant, ces chefs guerriers étaient tout de même dépendants de leurs connexions à la cour pour maintenir leurs positions politiques et économiques. Ce besoin provoqua un autre type d’alliances guerrières : entre les chefs guerriers provinciaux majeurs et les plus éminents de la noblesse guerrière de la capitale, notamment les miyako no musha.
Comme leurs homologues provinciaux, les guerriers de la capitale avaient des organisations centrales de vassaux armés qui vivaient et opéraient avec eux dans la capitale et voyageaient à leurs côtés vers les postes provinciaux. Ces relations étaient bénéfiques pour les deux parties. Les chefs guerriers provinciaux gagnaient des connexions avec la cour, ce qui pouvait faciliter la création d’une relation patron-client avec une figure supérieure de l’aristocratie, soit une montée en puissance générale. Pour les miyako no musha, les alliances avec l’élite provinciale guerrière pouvaient expandre leur efficacité en tant que serviteurs martiaux de l’État ou de la haute aristocratie quand ils opéraient en province.

Enfin, notons qu’aucune régulation n’existait pour ces différentes alliances[38]. Le lien entre le seigneur et son vassal avait une nature particulièrement amorphe. Les arrangements formels en vertu desquels des avantages spécifiques étaient accordés en échange de services définis ne se développèrent que bien plus tard dans l’histoire du Japon. La première organisation guerrière véritablement durable – le système de gokenin 御家人, « vassaux », conçu par Minamoto no Yoritomo 源頼朝 et son successeur – fut également le premier réseau de vassalité à recevoir les sanctions de la loi et des documentations.
Certains estiment que ce qui maintenait les liens était la parenté. Néanmoins, le système d’héritage qui était en cours rend cette hypothèse improbable[39]. Les intérêts communs surpassaient les liens de sang à cette époque. L’intégrité des réseaux militaires privés durant l’époque Heian était aussi forte que la perception des adhérents que l’affiliation était à leur avantage. En pratique, la loyauté était basée presque entièrement sur, mais aussi sévèrement limitée par, l’intérêt personnel du guerrier.
Durant les années 930, des réseaux militaires privés d’envergure commencèrent à apparaître, centrés sur les principaux guerriers provinciaux[40]. Ces réseaux, bien qu’initialement combattus par le gouvernement, comblèrent le vide du système militaire de l’État créé avec le démantèlement des régiments provinciaux ritsuryō au début de l’époque Heian. Sans la conscription, la cour n’avait aucun mécanisme formel pour enrôler des troupes quand elle en avait besoin. Des organisations militaires privées pourraient alors être cooptées pour fournir un tel mécanisme. Néanmoins, les réseaux de guerriers de ce temps manquaient de bases institutionnelles solides. Les liens étaient faibles. Sans impératif de loyauté, tout pouvait changer selon les circonstances.
Ainsi, au début du Xe siècle, les combattants japonais avaient assemblé des réseaux de forces privées que le gouvernement utilisait à des fins militaires et policières[41].
La privatisation par le titre
Ainsi, le gouvernement finit par conclure qu’il était plus efficace – et probablement moins cher – de se reposer sur les talents militaires acquis de manière privée par l’élite provinciale plutôt que de continuer à tenter de conscrire et entraîner les paysans de manière générale. Néanmoins, cette évolution se fit de manière progressive.
Peu à peu, le gouvernement cessa d’essayer de recruter et d’entraîner la population dans son ensemble et se concentra plutôt sur la cooptation des compétences acquises en privé d’élites douées sur le plan martial à travers une série de nouveaux postes et titres militaires qui légitimaient l’utilisation des ressources martiales personnelles de ce groupe au nom de l’État[42].
De fait, la cour passa d’une force militaire conscrite et formée publiquement à une force composée de mercenaires professionnels formés et équipés en privé. « Public », dans ce contexte, désigne la notion d’une personne morale – l’État – ayant une existence au-delà de la somme de ses parties, ainsi que des activités ouvertement sanctionnées par les lois et les règles de procédure de cette entité. « Privé » fait donc référence aux affaires personnelles et aux relations des unités – les familles et les individus – qui composaient le collectif.
Les vastes changements sociopolitiques qui s’opérèrent au Japon durant l’époque Heian élargirent également d’autres voies pour transformer les compétences d’armes en réussite personnelle. En l’occurrence, l’intérêt du gouvernement pour les talents martiaux des élites provinciales et les descendants des familles nobles centrales de rangs inférieurs concordaient avec les demandes croissantes pour ces mêmes ressources engendrées par la concurrence pour la richesse et l’influence parmi les premières maisons nobles de la cour. Les besoins étatiques et personnels servirent à créer des opportunités d’avancement sans cesse croissantes pour ceux qui avaient du talent militaire.
À partir de la fin du VIIIe siècle, l’art des armes offrait de plus en plus à un jeune homme ambitieux le moyen de mettre la main sur une carrière dans la fonction publique et/ou au service d’un puissant aristocrate de la capitale. Plus ces opportunités devenaient grandes, plus ces jeunes gens s’engageaient dans le métier des armes. Le résultat fut l’émergence progressive d’un ordre de combattants professionnels dans les campagnes et à la capitale, connu sous le nom de bushi.
À partir du IXe siècle, la cour, sans soldatesque propre, dépendait ainsi de manière croissante des membres d’un ordre émergent de mercenaires professionnels pour agir comme ses « dents et griffes » [43] dans les affaires militaires et policières. Les guerriers reçurent alors de nouveaux titres militaires qui légitimaient leur utilisation des ressources martiales personnelles au nom de l’État. Lorsqu’une situation urgente survenait, un titre était donné à un chef guerrier et ce titre devenait ensuite permanent, car l’« urgence » continuait sur le long terme. Ces postes militaires ou de police furent créés et modifiés afin de suivre le rythme d’évolution de l’ordre guerrier émergent. Les personnes nommées aux titres donnés pour combattre les réseaux de bandes étaient également des guerriers provinciaux, ce qui permettait à la haute aristocratie de garder un contrôle sur eux : seule la cour était légitime dans l’usage de la force.
Néanmoins, l’institutionnalisation de cette privatisation de la force armée impériale fut difficile et un système viable ne fut mis en place qu’au milieu du Xe siècle. Les deux problématiques majeures étaient la manière d’appeler les troupes et qui les dirigeait[44]. Finalement, la tendance croissante des troupes « gouvernementales » à être recrutées et mobilisées par le biais de chaînes de commandement privées, devint le résultat de la croissance des réseaux martiaux privés parmi les combattants professionnels. Cette croissance, à son tour, fut à la fois alimentée par et dérivée de la création par l’État de divers nouveaux postes militaires et de police à travers lesquels il pouvait exploiter le leadership guerrier[45].
Dans la capitale, la plupart des responsabilités en lien avec le maintien de l’ordre en vinrent à être exercées par l’agence « extra-codale » kebi.ishi-chō 検非違使庁, le Bureau de police[46]. Au cours des quelque cent premières années de son histoire, le nombre de membres du personnel attachés au Bureau de la police impériale augmenta de manière régulière et, à partir du milieu du Xe siècle, les miyako no musha y furent intégrés[47]. Il y avait un véritable effort d’accroître la force armée de la police militaire (les guerriers intégrant avec eux des partisans martiaux privés), mais cela restait tout de même limité durant l’époque Heian.
Dans la plupart des cas où la cour jugeait nécessaire d’utiliser les ressources militaires des chefs guerriers au sein de la capitale (Heian-kyō 平安京, actuelle Kyōtō 京都), elle leur donnait des ordres spéciaux directement ou, plus souvent, via leurs patrons kugyō. Petit à petit, le Bureau de police se mit à fonctionner autour de la capitale et non plus seulement de manière interne. Au milieu du Xe siècle, ses agents pouvaient agir dans le Kinai 機内[48] entier afin de poursuivre et d’arrêter des fugitifs ayant commis des crimes dans la capitale. Leur zone fut, par ailleurs, élargie dans les siècles qui suivirent. Néanmoins, les policiers avaient besoin d’une autorisation spéciale afin de sortir du Kinai dans le cadre d’une poursuite de criminels.

En outre, une seconde sorte de Bureau de police apparut dans les provinces au milieu du IXe siècle. Il y eut deux phases. Tout d’abord, il s’agissait d’officiers provinciaux du gouvernement central. Puis, le bureau fut absorbé par les gouvernements provinciaux, devenant un département composé de fonctionnaires nommés localement. Soit la transformation graduelle d’un bureau contrôlé par le gouvernement central à un département géré par un gouvernement local. Il est également à noter que les agents de ce Bureau de police provincial étaient initialement nommés par le Conseil d’État[49], selon les besoins, en réponse à des demandes de gouverneurs de province pour lutter contre l’augmentation endémique du banditisme[50]. Toutefois, ce poste provincial perdit en valeur petit à petit, du fait de l’apparition d’un nouveau titre : celui d’ōryōshi 押領使, « envoyé pour soumettre le territoire ».
Le titre d’ōryōshi est né à la fin du VIIIe siècle d’un mandat pour les officiers qui dirigeaient des unités militaires spéciales des provinces de l’Est dans lesquelles ils étaient nécessaires comme renforts, et était souvent détenu par des hommes qui occupaient également des postes de fonctionnaires provinciaux[51]. Les membres du kebi.ishi-chō, en revanche, n’étaient initialement que des versions provinciales des policiers de la capitale. Aux yeux des chefs guerriers provinciaux, il est possible que cette différence de valeur rendait le titre d’ōryōshi plus prestigieux, et par conséquent plus désirable. Les membres supérieurs de la société rurale ayant perdu leur intérêt pour le Bureau de police en province à la fin des années 890, la cour se concentra alors sur l’évolution du poste d’ōryōshi[52].
Peu utilisé jusqu’au début du Xe siècle, ce titre subit alors une redéfinition et devint la pierre angulaire du système militaire et policier de l’époque Heian. L’ōryōshi était, depuis sa première utilisation, un bureau militaire. Le titre désignait un officier qui dirigeait des troupes dans une certaine mesure et de manière temporaire. La cour demandait aux gouverneurs de choisir pour ce poste des gens compétents, courageux, valeureux, capables de manier l’arc… Ils rassemblaient, déplaçaient des troupes et il est également supposé qu’ils aient directement dirigé des forces lors de combats. Il semblerait que le poste d’ōryōshi ait été conçu pour exploiter les talents militaires des élites rurales. Les compagnies qui suivirent les ōryōshi au IXe siècle étaient, par ailleurs, composées de combattants experts issus des rangs de la noblesse provinciale.
Il était indispensable à la cour de s’appuyer sur des leaders de grands réseaux guerriers privés dans les provinces pour répondre à des menaces. Mais surtout, il lui était nécessaire de gagner leur loyauté pour qu’ils ne rejoignent pas l’adversaire. La cour utilisa ainsi le titre d’ōryōshi afin de lier le succès personnel de ces guerriers au sien et de les récompenser de leur allégeance.
Les ōryōshi de la première moitié du Xe siècle étaient donc l’élite provinciale guerrière, les leaders d’organisations militaires privées, cooptés par la cour pour se battre en son nom. Le titre d’ōryōshi avait pour but de légitimer l’usage des ressources martiales privées de l’ordre guerrier provincial au nom de l’État.
Dans les années 930, faisant face à une situation qui appelait un type d’officier pour lequel aucun titre adéquat existait, la cour créa simplement un nouveau titre militaire extra-codal : celui de tsuibushi 追捕使, « envoyé pour soumettre et capturer »[53]. Les tsuibushi, qui proliférèrent notamment durant les années 930-940, étaient nommés sur des « routes »[54] pour une tâche spécifique. Toutefois, ce titre évolua très rapidement et la différence avec celui d’ōryōshi disparut quasiment entièrement durant la seconde moitié du Xe siècle.

Initialement réservé à la noblesse de cour, le titre de tsuibushi fut alors donné à des guerriers provinciaux. Les tsuibushi et les ōryōshi devinrent rapidement les principaux outils de maintien de l’ordre du gouvernement durant les campagnes contre les bandits et les pirates. Il s’agissait de figures locales, sélectionnées par un gouverneur qui pétitionnait la cour. Cette dernière était celle qui nommait la personne sélectionnée à travers un édit du Conseil d’État. La cour gardait ainsi la main sur les affaires militaires et policières de la province. Notons cependant que tous les tsuibushi et ōryōshi n’étaient pas particulièrement consciencieux dans leurs tâches de gardiens de la paix.
En 941, un quatrième et dernier titre apparut[55]. Celui de tsuitōshi 追討使, « envoyé pour poursuivre et abattre ». Il était généralement attribué à des membres des maisons de miyako no musha. Dans la plupart des cas, le gouverneur de la province dans laquelle (ou celle voisine) il y avait des troubles recevait ce titre. Une fois le problème réglé, ce gouverneur recevait la charge d’une nouvelle (et plus profitable) province en récompense. Ce titre était plus ou moins égal à celui de tsuibushi mais, contrairement à ce dernier, il était temporaire. Les officiers étaient envoyés par la cour dans le cadre de missions spécifiques. De fait, lorsqu’un tsuibushi était assigné à une certaine partie du territoire, l’aspect « mission extraordinaire » disparaissait. Le titre de tsuitōshi venait donc le remplacer pour des tâches de maintien de l’ordre particulières.
Ainsi, même si de grands changements institutionnels avaient lieu, le principe de base ne changeait pas de celui du ritsuryō : la cour et le Conseil d’État décidaient de tout (en dehors de ce qui concernait les crimes mineurs, gérés directement par les provinces) et étaient les seules autorités pouvant détacher des troupes.
Les ordres de la cour pour capturer des criminels ou réprimer des rébellions étaient livrés par le Conseil d’État sous la forme de mandats, qui donnaient six pouvoirs de base :
-l’autorisation de mobiliser des troupes ;
-l’autorité totale pour le commandant sur ses troupes, dont celle de punir ceux qui violaient les ordres ou échouaient à se présenter pour accomplir leur devoir ;
-l’autorisation pour le commandant à prendre toutes les mesures qu’il estimait nécessaires à l’accomplissement de sa mission, dont celui d’utiliser la force mortelle ;
-l’annulation de l’immunité contre l’arrestation ou la poursuite des moines, aristocrates de haut rang et autres privilégiés ;
-l’autorisation pour les forces gouvernementales de réquisitionner de la nourriture et des fournitures au besoin ;
-l’autorisation d’accorder des récompenses pour les guerriers qui se sont battus au nom du gouvernement.
Toute activité militaire effectuée sans mandat était considérée comme une guerre privée et était sujette à punition stricte, et cela même si la personne appartenait à la haute aristocratie.
Le gouvernement provincial était le principal responsable de l’exécution des mandats de poursuite et de capture du Conseil d’État. Ces mandats étaient envoyés en premier aux provinces dans lesquelles la perturbation avait lieu.
Ainsi, à la fin du VIIIe siècle, le gouvernement central cherchait à démanteler les institutions militaires. Il voulait remplacer des soldats paysans peu fiables par une élite martiale qualifiée issue de la couche supérieure de la société rurale et de la couche inférieure de la noblesse de cour. Ils expérimentèrent et construisirent petit à petit un nouveau système. La pierre angulaire de ce dernier fut la création de nouveaux titres, qui furent mis en place à l’horizon du milieu du Xe siècle[56]. L’évolution des postes militaires surnuméraires au cours de la période Heian reflète la croissance de l’ordre guerrier.
Notons que la cour n’abandonna pas les affaires militaires[57]. Au contraire, l’application de la loi et la défense, comme la plupart des opérations du gouvernement durant l’époque Heian, furent simplement privatisées, sous-traitées à des professionnels, jusqu’à parvenir, après 150 ans d’expérimentations, à un modèle relativement stable caractérisé par une dépendance toujours croissante à l’égard des compétences et des ressources martiales privées des élites provinciales et des couches inférieures de l’aristocratie centrale. Il y eut ainsi des ajustements au système en accord avec les évolutions du nouvel ordre guerrier. La cour encouragea le développement des bushi, tout en les maintenant sous sa coupe.
Les troupes impériales étaient enrôlées et mobilisées grâce à la corvée de service public militaire, mais le recrutement était privatisé. La cour a externalisé les services militaires et de police, passant d’une armée conscrite et formée publiquement à une force contractuelle menée par des guerriers professionnels[58]. Le gouvernement central conservait le droit exclusif de sanctionner l’usage de la force armée. L’objectif important qu’il se gardait à l’esprit était de faire en sorte que le contrôle de cet aspect vital de la gouvernance – les armes – restait aussi fermement que possible entre ses mains.
Jusqu’à la fin du XIIe siècle et le conflit de Genpei 源平争乱 (1180-1185)[59], la noblesse civile sut tenir les guerriers au pas en les dressant contre eux-mêmes. Les bushi étaient mis en concurrence les uns avec les autres pour des titres qui leur permettaient d’exercer la force armée et pour les récompenses qui accompagnaient le service militaire à la cour. Lorsqu’une révolte se dressait, les autres guerriers étaient facilement persuadés que la coopération avec l’État était une voie plus sûre vers le succès.

Il est alors clair que le pouvoir militaire au Japon fut privatisé et féodalisé bien avant que le pouvoir de gouverner ne le fut[60]. Toutefois, durant l’époque Heian, l’autorité était bien civile. Les guerriers servaient la cour, ils n’étaient pas (encore) ses adversaires.
Le visage de la guerre au Xe siècle
Comme l’indique l’historien japonologue Karl Friday dans son ouvrage Samurai, Warfare and the State in Early Medieval Japan :
« La guerre – conflit armé entre bandes ou corps organisés – pourrait bien être un phénomène omniprésent, se produisant à tout moment et en tout lieu où les humains se sont regroupés en troupes exclusivement définies. Cependant, la guerre est tout sauf une construction universelle. Alors que partout et à tout moment les hommes ont pris les armes, les buts et les objectifs qu’ils s’efforcent d’atteindre sont aussi variés que les vêtements qu’ils portent et les langues qu’ils parlent. Le sens de la guerre est très spécifique à des moments et à des lieux spécifiques, et toujours susceptible de changer suivant l’évolution sociale ou technologique. »[61]
Nous nous chargerons donc dans cette partie d’essayer de présenter brièvement le champ de bataille japonais du Xe siècle.
En premier lieu, notons que le Japon n’a généré aucun dialogue significatif sur les circonstances qui rendaient juste et approprié pour l’État de diriger sa puissance militaire sur ses propres sujets ou sur des étrangers, et a plutôt tiré la base philosophique dont il avait besoin pour de telles décisions des principes chinois – principalement confucéens – durant sa conception des Codes[62]. Ces principes servirent alors durant les siècles qui suivirent et la guerre juste fut celle qui était décidée par la cour.
Comme nous l’avons vu précédemment, les institutions militaires étaient formées de guerriers armés et entraînés de manière privée, puis chargés de nouveaux titres qui légitimaient leur utilisation de ressources martiales personnelles au nom de la cour. Nous avons néanmoins remarqué que ce quasi-monopole des armes par les bushi, ne signifiait pas qu’ils étaient autonomes. L’usage des armes n’était acceptable que quand il était autorisé au préalable par le gouvernement central et par un mandat.
Toutefois, ce n’était pas pour autant que les guerriers ne participaient pas à des guerres privées[63]. Par exemple, des bushi participaient aux divers conflits politiques en acceptant les ordres de leurs patrons aristocrates. La différence entre ordres privés (patrons) et publics (Conseil d’État) se faisait, par ailleurs, de plus en plus mince. Certains guerriers prenaient même parfois l’initiative de lancer illégalement des conflits, tentaient des auto-agrandissements par la force armée, ou encore entraient dans les querelles de leurs vassaux. Les bushi prirent aussi grand soin de dissimuler leurs guerres privées sous le manteau de l’autorité de l’État, utilisant leurs titres pour accomplir leurs objectifs personnels.

Entre le Xe et le XIIIe siècle, la notion de guerre juste japonaise s’est alors élargie, laissant de plus en plus de place à l’existence d’un combat légitime, même en l’absence de légalité formelle. En parallèle de la montée en puissance des guerriers, la volonté de l’État de tolérer au moins des activités militaires à petite échelle, menées pour améliorer ou préserver le profit personnel, s’est développée à un rythme à peine inférieur à celui de sa dépendance à l’égard de guerriers privés pour faire appliquer la loi. Les guerres privées furent alors de plus en plus présentes, non pas parce que la cour les acceptait, mais parce qu’elle ne pouvait plus les stopper.
La privatisation et la professionnalisation firent que le visage de la guerre fut façonné par des mercenaires dont les carrières étaient déterminées par la réputation construite sur des prouesses individuelles[64]. Cela avantagea les armes et les tactiques qui présentaient de nombreuses opportunités de montrer le talent et les prouesses d’individus ou de petits groupes. Les armées et les bandes de guerriers étaient des conglomérats disparates, assemblés pour des campagnes spécifiques et démobilisés immédiatement après. Il était donc très compliqué de mettre en place des tactiques de groupe de grande envergure : les armées n’étaient pas suffisamment articulées. Enfin, les forces étaient plus utilisées pour le maintien de l’ordre que pour protéger des frontières. Toutes ces raisons favorisaient le choix de la cavalerie.
Bien évidemment, cette cavalerie restait accompagnée de piétaille afin de former des unités mixtes. Néanmoins, la valeur principale de l’infanterie – qui était généralement de piètre qualité – était son habileté à harceler et à distraire les cavaliers adverses. Il s’agissait d’une force auxiliaire, mais pas inutile.

Dans les batailles en zone urbaine, les guerriers de l’époque Heian combattaient souvent à pied. Ils enrôlaient ou employaient également des fantassins, les armaient d’arcs et d’armes d’hast, et les déployaient dans la plupart des types de batailles[65]. Ces troupes étaient bel et bien composées de combattants actifs, pas seulement de palefreniers ou serviteurs des cavaliers. Néanmoins, les qualifier d’infanterie est généreux.
En terrain découvert, les fantassins ne pouvaient s’opposer aux charges de la cavalerie adverse que lorsqu’ils avaient la possibilité de se disposer de manière à présenter un bloc dense et profond que les chevaux refuseraient de heurter, et qu’ils avaient assez de courage pour tenir tête à la charge sans s’enfuir. Cela nécessitait que les unités d’infanterie soient nombreuses et aient de l’expérience du combat ensemble. Une infanterie efficace ne pouvait donc être déployée que par une autorité de commandement suffisamment forte pour rassembler assez de troupes et suffisamment riche pour les entretenir pendant leur entraînement. De manière générale, les guerriers manquèrent de ressources pour accomplir cet objectif jusqu’au XVIe siècle au Japon.

Il est également nécessaire de remarquer que les tactiques de l’archerie montée sur l’archipel n’étaient pas celles du continent, seulement développées à partir d’elles[66]. D’une part, à cause des montures japonaises. En effet, de manière générale, un cheval peut porter uniquement un tiers de son propre poids sans sévèrement compromettre sa vitesse de course[67]. Une selle, avec un cavalier portant une armure lourde et des armes, pouvait facilement excéder cette limite pour les poneys de cette époque[68].
En outre, un cheval au galop place presque huit fois son poids usuel sur ses sabots, les montures japonaises ne pouvaient pas tenir cet effort pendant un temps long et avaient donc une endurance très faible. L’infanterie rattrapait rapidement la cavalerie lors des charges. Il était, par ailleurs, difficile de contrôler les poneys, notamment lorsque les cavaliers avaient les deux mains occupées à tirer à l’arc.
Les arcs, quant à eux, étaient largement inférieurs à ceux trouvables sur le continent à la même époque. Leur portée était généralement de 10 à 20 mètres, voire moins. La qualité des armures étant, en revanche, appropriée pour une défense face à un ennemi utilisant l’arc, il était particulièrement difficile de toucher un adversaire depuis une distance de plusieurs mètres.
Bien que les guerriers se rendissent au combat vêtu d’armures lourdes, portant au moins deux sabres et employant régulièrement une variété d’armes d’hast et auxiliaires, la technologie préférée était l’archerie montée. Une combinaison de montures chétives, d’armures lourdes et de la rareté des terrains ouverts aurait alors empêché les charges dévastatrices et les retraites simulées favorisées par les guerriers des steppes. La tactique japonaise impliquait plutôt des individus et des petits groupes encerclant et manœuvrant les uns autour des autres, tels des aviateurs de combat aériens.

Les Japonais connaissaient déjà des technologies et tactiques considérées comme plus « sophistiquées », telles que l’arbalète ou des stratégies de coordinations de forces mixtes[69]. Cependant, l’usage de l’archerie montée était en continuité presque rituelle avec le système militaire du ritsuryō. Elle disposait d’un aspect symbolique qui transcendait ses mérites militaires pratiques dans un pays où le précédent historique avait une valeur extrêmement importante aux yeux du gouvernement. De plus, malgré ses nombreux défauts – dont le fait qu’il était difficile pour un cavalier de tirer sur sa droite – elle gardait certaines qualités et était tout de même ce qui dominait le champ de bataille à cette époque sur l’archipel.
Revenons également sur l’une des autres raisons du choix de la cavalerie que nous avons précédemment cité : la structure des armées. En effet, les armées de cette époque étaient composées de multiples et diverses bandes de guerriers dirigées par des bushi individuels[70]. Elles étaient assemblées temporairement, irrégulières, incapables de s’entraîner ensemble et donc insensibles au commandement et au contrôle à grande échelle. Toutefois, cela ne signifiait pas que les guerriers combattaient en tant qu’individus, indépendamment de leurs camarades.
Au contraire, les armées étaient constituées de composantes plus petites, qui étaient à leur tour constituées d’unités encore plus petites, mais capables de combattre et de s’entraîner ensemble régulièrement. Ces dernières seulement avaient la capacité de se coordonner et de coopérer sur le champ de bataille.
Une fois l’ennemi engagé, les armées combattaient alors avec peu ou pas de directives de leurs commandants. Les officiers supérieurs, qui étaient généralement dans les rangs, étaient rarement en mesure d’exercer un contrôle important sur le combat (au-delà de l’orchestration initiale de l’attaque ou de la défense). Les batailles tendaient donc à être des agrégats de combats moindres : mêlées de duels à l’arc et de bagarres entre petits groupes, ponctuées d’avancées et de reculs généraux, et de volées de flèches lancées par des archers à pied, protégés par des murs de boucliers portatifs.

Les guerriers menant l’offensive avaient alors un problème tactique épineux : une armée se repliant peut presque toujours se déplacer plus rapidement qu’une armée similaire la poursuivant, car cette dernière a besoin de garder ses rangs et de continuer à être prête à combattre au cas où elle la rattrape[71]. Il était difficile de forcer son adversaire à se battre. Notamment du fait que, pour un criminel pourchassé par exemple, l’évasion était tout autant une victoire que s’il avait défait son ennemi sur le champ de bataille[72]. Le combat ne pouvait avoir lieu que lorsque les deux parties pensaient que la confrontation directe était à leur avantage. La seule solution était en ce cas de prendre l’adversaire au dépourvu.
L’embuscade et l’attaque surprise étaient ainsi des stratégies particulièrement privilégiées aux Xe et XIe siècles[73]. Néanmoins, elles n’étaient efficaces que s’il était possible de déterminer avec quasi-certitude où se trouvait l’ennemi. Les attaques se déroulaient donc généralement sur les maisons adverses, notamment de nuit. Les cibles de ces raids n’étaient, par ailleurs, pas uniquement le chef antagoniste. Les champs et maisonnées alentour étaient également visés.
Les résidences guerrières du Xe siècle étaient pratiquement indiscernables de celles des autres élites rurales et ne différaient des demeures des aristocrates de la capitale que par la taille et l’opulence[74]. Il s’agissait de grands complexes, de 150 mètres carrés ou plus, construits à côté des champs agricoles du guerrier dans ou très près des basses terres alluviales des rivières. Les maisons principales, les écuries et les autres bâtiments clefs étaient entourés de fossés remplis d’eau d’environ un mètre de large et 30 centimètres de profondeur, qui servaient à chauffer et à stocker l’eau, et de basses (un ou deux mètres de haut) clôtures ou haies en bois, en chaume ou en végétation naturelle.
Les complexes résidentiels de ce type étaient des centres économiques et non des bases militaires. Inflammables, mal fortifiés et trop vastes pour être défendus de manière aisée, ils offraient peu de protection contre les sièges. Les stratégies défensives basées sur des fortifications et des forteresses n’eurent de rôle majeur au Japon qu’à partir de la moitié du XIe siècle[75].
Prendre les terres de son opposant n’était pas encore possible dans le cadre politique de l’époque[76]. Qu’il s’agisse de guerre privée ou de mission militaire au nom de la cour, aucun droit légal n’était attaché à une propriété capturée. Ainsi, les campagnes militaires étaient focalisées sur la destruction ou la capture de guerriers adverses, pas sur la prise de terres. L’objectif impliquait d’éliminer l’ennemi plutôt que de simplement occuper ses terres ou l’en chasser.
Les raids étaient donc des expédients tactiques dont les objectifs stratégiques sous-jacents n’étaient pas l’immobilier lui-même, mais les humains dont les moyens de subsistance y étaient liés, et cela pour menacer la capacité de l’ennemi à combattre grâce à la destruction de sa base économique. Il s’agissait de tentatives calculées de détruire ses chances de lever davantage de troupes et de frapper, ou encore pour l’obliger à combattre en le prenant par surprise s’il fuyait le combat[77].
Ainsi, le champ de bataille de l’époque Heian ne ressemblait pas à ce que les textes épiques mis à l’écrit durant les siècles suivants ont pu décrire. Cette vision d’une bataille codifiée, voire ritualisée, est restée très présente dans l’imaginaire occidental, mais aussi japonais. L’usage des attaques surprises et de l’arc plutôt que du sabre peut donc paraître surprenant. Néanmoins, ce dernier par exemple, n’était utilisé qu’en dernier recours, lorsque le guerrier ne disposait plus de flèches ou était dans l’impossibilité de tirer[78]. Tous les bushi étaient entraînés à l’usage du sabre[79] et à la lutte, mais l’arc et les flèches étaient largement mis en avant dans les stratégies.

Une autre différence avec l’imaginaire que nous pouvons parfois rencontrer porte sur les notions d’honneur et de fidélité. Ces deux vertus étaient particulièrement importantes. Toutefois, ne nous trompons pas : le pragmatisme leur était couramment préféré. Les guerriers rejoignaient, ou refusaient de rejoindre, les réseaux militaires de parents plus prestigieux pour les mêmes considérations qui auraient pu les amener à suivre des chefs guerriers totalement indépendants, et qui étaient fondées sur une communauté d’intérêts et non pas sur une lignée[80].
Les liens et alliances entre les petites unités composant les armées étaient particulièrement instables[81]. L’intégralité des armées et des réseaux militaires était seulement aussi forte que la perception des membres que l’affiliation fonctionnait à leur avantage. Comme le mentionne l’historien japonologue Pierre-François Souyri dans sa Nouvelle histoire du Japon, « les vertus guerrières ne pèsent pas lourd quand, à la veille de la bataille, il faut choisir son camp »[82].
La rébellion de Masakado
Guerre privée dans l’Est
L’histoire de Taira no Masakado commence dans la province de Shimōsa 下総国, et de manière plus globale dans l’Est du pays, dans lequel s’était installé son grand-père, un prince impérial qui ne pouvait pas accéder au trône et qui reçut le nom de Taira. Descendant de l’empereur Kanmu 桓武天皇, Masakado était un « gentleman de la campagne », éleveur de chevaux pour la cour, leader guerrier et influenceur local[83]. La vie et la carrière de Masakado mettent en lumière une ère de changement, durant laquelle les anciens paradigmes de pouvoir et de richesse cédaient la place à de nouveaux[84]. Masakado incarnait un nouveau type d’aristocrate provincial au Xe siècle, un type qui était en pleine ascendance.

En province, comme nous l’avons constaté, trois groupes se disputaient les richesses et l’influence :
-les gouverneurs ;
-l’élite locale provinciale ;
-les temples, sanctuaires, les princes et/ou les fonctionnaires de la cour.
À l’axe de cette compétition, se trouvait la classe dont Masakado et ses principaux adversaires étaient issus : les nobles de rang intermédiaire dont la carrière était centrée sur les nominations[85].
La famille de Masakado était établie dans les districts de Toyoda 豊田郡 et de Sashima 猿島郡, dans le nord de la province de Shimōsa[86], élevant des chevaux pour la cour et s’enrichissant grâce à cela[87]. À cette époque, l’élevage de chevaux n’était pas seulement une source de rendement pécuniaire. En effet, les montures de guerre étaient un élément essentiel de l’équipement militaire pour la classe guerrière émergente, elle-même définie par sa maîtrise de l’archerie montée. En outre, cette activité facilita l’obtention, pour le père de Masakado et pour ce dernier, d’un accès à un patronage aristocratique dans la capitale et leur a permis de recruter et d’équiper des partisans, renforçant considérablement leur force politique et militaire.

Ils possédaient deux pâturages, ce qui représentait environ 600 chevaux et probablement un nombre similaire de bétail, soit un troupeau important et une source de richesse considérable pour Masakado et son père.
Il ne subsiste que peu de sources concernant l’enfance et la jeunesse de Masakado. Néanmoins, il est relativement certain qu’il ait été le troisième fils de son père, qu’au moins un de ses frères aînés soit mort avant sa naissance et le second avant que leur père ne décède. De plus, nous pouvons supposer que Masakado naquit vers 900 : à la moitié des années 930, il avait des enfants plus ou moins en bas âge et non pas des enfants adultes. Il fut probablement élevé dans le district de Sōma 相馬郡, près de la maison d’enfance de sa mère, et il aurait accompagné son père en Mutsu 陸奥国 pendant au moins une partie du temps où ce dernier y servit en tant que commandant des Quartiers généraux de la Pacification.
Vers la fin de son adolescence, il fut envoyé à la capitale où son père s’était arrangé – grâce, sans doute, à des pots-de-vin d’or et de chevaux – pour qu’il entre au service du futur régent et ministre des Affaires suprêmes, Fujiwara no Tadahira 藤原忠平. Cependant, malgré ce patron appartenant à la très haute aristocratie, Masakado échoua à obtenir un rang ou un poste quelque peu signifiant[88].


L’échec à la capitale de Masakado est étrange : il disposait d’un bon lignage, d’un excellent patron, avait des ressources, nous savons qu’il était intelligent, courageux et que, par la suite, il se montra politiquement astucieux et persuasif durant des débats… Il aurait dû avoir une carrière prospère au sein du gouvernement. Toutefois, il repartit en Shimōsa les mains vides.
Peu après son retour, il épousa une de ses cousines, une fille de son oncle paternel Taira no Yoshikane 平良兼, et il s’établit en tant que gentleman guerrier de la campagne en Shimōsa. Notons cependant que Masakado et son beau-père ne s’entendaient pas bien. Nous ne savons pas exactement pourquoi, mais il est probable que Yoshikane n’ait pas souhaité que Masakado épouse sa fille[89]. Par ailleurs, contrairement à la coutume, Masakado s’est établi sur le domaine hérité de son père plutôt que chez son épouse (et donc chez Yoshikane). Il est également possible que leur relation se soit dégradée pour des questions d’héritage[90].
Néanmoins, malgré cela, la paix régnait, jusqu’au début du deuxième mois de l’année 935[91]. Masakado chevauchait vers le nord avec un petit groupe de guerriers. Il se dirigeait vers les terres contrôlées par Minamoto no Mamoru 源護, qui était à l’époque l’un des plus puissants chefs de clan de l’ouest de la province de Hitachi 常陸国. Cependant, à quelques kilomètres au nord de la rivière Kinu 鬼怒川, frontière entre les provinces de Shimōsa et de Hitachi, les fils de Mamoru et leurs troupes lui tendirent une embuscade à côté du village de Nomoto 野本. Voyant Masakado se diriger vers eux, ils levèrent leurs bannières, lancèrent leurs chevaux au galop et se mirent à tirer à l’arc en criant et chargeant leur adversaire.

Toutefois, cette embuscade était relativement mal préparée : les fils de Mamoru et leurs troupes attaquaient avec le vent de face, soit un flagrant désavantage lorsque l’arme utilisée est l’arc. Ainsi, bien qu’inférieurs en nombre et surpris, Masakado et ses hommes gagnèrent la bataille grâce à un mélange de chance et de détermination.
La raison exacte du voyage de Masakado vers les terres de Mamoru et celle de l’embuscade sont inconnues. Mamoru avait des filles mariées dans la famille de Masakado et il est possible que ce dernier lui rendît simplement visite, escorté par des hommes en armes afin de se protéger d’éventuels brigands. Une autre hypothèse est que Masakado avait été envoyé par Taira no Maki 平真樹, qui était en dispute avec Mamoru à propos d’une frontière, dans le but de servir d’intermédiaire entre les deux parties[92]. Mamoru aurait alors mal interprété les actes de Masakado. Cependant, nous ne pouvons avoir aucune certitude sur le « pourquoi » du conflit initial.
En guise de réponse à cette embuscade, Masakado rassembla quelques troupes additionnelles et chevaucha à travers le sud-ouest de Hitachi, rasant et pillant les maisons et les biens des partisans de Mamoru, tuant de nombreuses personnes sur son passage. Avec ce raid, Masakado cherchait à détruire la possibilité pour Mamoru de mobiliser plus de troupes.
Néanmoins, durant l’embuscade, en plus des trois fils de Mamoru, un des oncles de Masakado, Taira no Kunika 平国香, qui combattait du côté de Mamoru, fut tué par les troupes de Masakado. Ce décès fit entrer Masakado en conflit avec deux autres de ses oncles paternels : Taira no Yoshimasa 平良将[93] et, plus tard, Taira no Yoshikane. En effet, Mamoru était si énervé de cette défaite, qu’il fit appel à Yoshimasa, qui était son beau-fils. Et ce dernier se dépêcha alors de lever des troupes et d’aller en Hitachi à la poursuite de Masakado.
Traqué, Masakado avait plusieurs possibilités. S’il décidait de rentrer en Shimōsa, il laissait l’initiative à Yoshimasa et se rendait vulnérable à des raids, car il n’aurait pas pu conserver suffisamment de troupes pour se protéger. Toutefois, s’il lançait une attaque préventive contre Yoshimasa, il passait de victime se défendant à agresseur criminel selon la loi. Il décida donc de prendre une autre direction : celle que l’historien Karl Friday nomme « defensive offense »[94]. Durant huit mois, il chevaucha en Hitachi, feignant d’attaquer, mais sans jamais le faire. Ainsi, Yoshimasa continua de le poursuivre et était trop occupé pour préparer une attaque sur la base économique de Masakado.
Le 21e jour du dixième mois de l’année 935, Masakado conduit des troupes vers un village nommé Kawawa 川曲村, dans la partie la plus à l’est de la province de Hitachi. Yoshimasa l’apprit et s’y précipita afin d’enfin affronter sa proie. Cependant, il s’agissait d’un piège de Masakado et ses troupes tuèrent aisément plus de 60 hommes de Yoshimasa avant de disperser le reste. Le lendemain, Masakado reprit tranquillement le chemin de Shimōsa.
Après cette humiliante défaite, Yoshimasa concentra ses efforts sur la sécurisation d’alliés pour reprendre le combat contre Masakado. Il se mit ainsi à courtiser son frère Yoshikane qui, rappelons-le, était l’oncle et le beau-père de Masakado, et n’était pas en bons termes avec lui. Par ailleurs, Yoshikane était gouverneur assistant de Shimōsa et le chef de cette branche de la famille Taira. Yoshikane mit plus de six mois à choisir son camp, mais décida finalement de rallier son frère.
Cette décision n’était probablement pas due à l’état de sa relation avec Masakado, mais plutôt au fait que ce dernier était alors placé relativement bas sur l’échelle des pouvoirs locaux, contrairement à Mamoru (qui était également le beau-père de Yoshikane) et Yoshimasa, qui étaient de grandes puissances de la région et des officiers influents des gouvernements provinciaux de Hitachi et de Kazusa 上総国. La certitude de succès était plus grande en choisissant leur camp. En outre, ces positions les rendaient plus légitimes aux yeux du gouvernement.
Ainsi, le 26e jour du sixième mois de l’année 936, Yoshikane rassembla des troupes et se dirigea vers Hitachi. Les autorités des gouvernements provinciaux de Kazusa et de Shimōsa tentèrent de stopper son avancée, mais Yoshikane prétendit qu’il allait visiter sa belle-famille. Il évita ensuite la route principale et les points de contrôle, comme s’il était en fuite, et arriva à Minori 美野里, à l’ouest de la rivière Sakura 桜川, le lendemain. Il y rencontra Yoshimasa et leur neveu Taira no Sadamori 平貞盛.
Lors de cette rencontre, Yoshimasa, pourtant à l’origine de ce complot contre Masakado, décida de se retirer et de laisser l’initiative à Yoshikane. Toutefois, la présence de Sadamori est bien plus notable ici. Ce dernier était le fils de Taira no Kunika, l’oncle de Masakado mort lors de l’embuscade de Nomoto. Initialement, il n’avait aucunement l’intention de venger son père, mais cherchait plutôt la réconciliation avec son cousin. Yoshikane le fit changer d’avis et Sadamori rejoint finalement le camp de ses oncles.
Peu après cette rencontre, Yoshikane, suivi d’une colonne de troupes particulièrement large pour cette époque, s’introduisit dans la province de Shimotsuke 下野国, se dirigea vers le nord-ouest, puis vers le sud en Musashi, avant de couper dans l’est vers la demeure de Masakado se situant dans le nord-ouest de la province de Shimōsa. En suivant ce trajet tortueux, ils évitaient les multiples rivières présentes dans la région, mais peut-être également les potentiels éclaireurs de Masakado. Néanmoins, si le plan de Yoshikane était la furtivité, il échoua : il fut rapporté à Masakado que Yoshikane était en route et il décida de partir l’intercepter à la fin du septième mois de l’année 936.
![Copie d’un rouleau illustré centré sur Tahara no Tōta Hidesato[95] (3e rouleau sur trois), Tahara no Tōta Hidesato gekan 田原藤太秀郷 下巻](https://i0.wp.com/larevuedhistoiremilitaire.fr/wp-content/uploads/2023/06/1-1.png?resize=720%2C405&ssl=1)
Selon le Shōmonki, Yoshikane avait plusieurs milliers d’hommes avec lui, ce qui est une exagération. Il est plus probable qu’il ait eu un maximum de quelques centaines d’hommes, ce qui était déjà colossal pour l’époque. En face, les troupes de Masakado étaient plus fatiguées de la guerre et surtout moins nombreuses : environ une centaine de cavaliers et deux centaines de fantassins.
Lorsque Yoshikane se rendit compte que Masakado approchait, il plaça ses troupes en formation de bataille et les aligna derrière des rangées de boucliers. Masakado stoppa ses hommes et forma ses propres lignes en dehors de la portée des flèches ennemies. Il maintint l’attention de Yoshikane sur ses cavaliers, cachant presque son infanterie dans des rizières et des bois environnants. Voyant leur supériorité numérique, les troupes de Yoshikane abandonnèrent leur position et chargèrent. Cependant, avant qu’elles n’atteignent la cavalerie, les archers de l’infanterie de Masakado tirèrent une volée de flèches, tuant plus de 80 cavaliers adverses. Le reste des hommes de Yoshikane s’enfuit en panique et fit retraite derrière les murs du kokuga 国衙, le Bureau provincial du gouvernement[96], qui était relativement proche du champ de bataille.
Si Masakado lançait une attaque contre le Bureau provincial du gouvernement, il s’exposait à des charges de criminel d’État pour avoir attaqué un siège gouvernemental et des fonctionnaires. Coincé, il décida de suivre la loi et de se retirer, laissant Yoshikane et ses hommes s’enfuir. Mais il ne s’en tint pas à cela : il déposa immédiatement des doléances officielles auprès des autorités provinciales de Musashi 武蔵国, Awa 安房国, Kazusa, Shimōsa, Hitachi, et Shimotsuke.
Néanmoins, durant le neuvième mois de l’année 936, Masakado reçut une citation à comparaître devant la cour pour répondre d’accusations portées par Minamoto no Mamoru contre lui en 935 après les événements de Nomoto. Le 17e jour du dixième mois, il partit pour la capitale. Arrivant avant son accusateur, il réussit à convaincre le Bureau de police et le Conseil d’État que les circonstances entourant ses actions en Hitachi étaient atténuantes, se protégeant ainsi d’une sévère punition pour motif de guerre privée[97].
Il ne fut pas pour autant relâché. Toutefois, deux mois plus tard, la cour déclara une amnistie générale pour commémorer la cérémonie de majorité de l’empereur Suzaku 朱雀天皇. Entièrement pardonné, Masakado repartit de la capitale le 11e jour du cinquième mois de l’année 937 et arriva en Shimōsa à l’été 937.
Cependant, Yoshikane n’en avait pas terminé et Masakado dû remonter en selle afin d’enquêter sur des rumeurs indiquant que son ennemi avait repris la marche contre lui. Le 6e jour du huitième mois, Yoshikane et une large armée encerclèrent Masakado et son petit groupe d’éclaireurs au gué de Kogai 小貝, près de la frontière entre les provinces de Hitachi et de Shimōsa. En sous-nombre et non préparés au combat, Masakado et ses hommes s’enfuirent. Alors qu’ils essayaient de se regrouper, Yoshikane lança des raids sur des habitations et pâturages autour d’une des deux demeures principales de Masakado, celle de Kamawa 鎌輪.

Après avoir passé quelques jours à repenser sa stratégie et, surtout, rassembler des troupes supplémentaires, Masakado refit face à Yoshikane au gué de Horikoshi 堀越. Cet affrontement fut une immense défaite pour Masakado. Yoshikane en profita alors pour continuer ses raids durant une dizaine de jours, essayant en vain de traquer Masakado qui s’était échappé, avant de finalement disperser ses troupes et revenir en Kazusa. Masakado, quant à lui, se cachait avec sa femme et ses enfants.
Le 19e jour du huitième mois, alors que Yoshikane quittait la province de Shimōsa, Masakado renvoya sa famille à sa résidence de Kamawa par bateau. Cependant, ils furent interceptés par des hommes de Yoshikane avertis par un espion. L’épouse de Masakado fut envoyée au complexe de Yoshikane en Kazusa. Tandis que Masakado préparait un plan pour la sauver, les fils de Yoshikane, qui étaient les frères de l’épouse, la prirent en pitié et l’aidèrent à s’échapper. Elle parvint à rentrer dans le district de Toyoda sauve. Néanmoins, le destin des enfants de Masakado n’est pas connu de nos jours.
Son épouse sauvée, Masakado repartit à la poursuite de Yoshikane à la tête de 1800[98] hommes. Souhaitant éviter le risque d’une confrontation avec son ennemi parfaitement préparé – cette fois –, Yoshikane battit retraite. Masakado incendia la demeure de Yoshikane et passa une semaine à le poursuivre, mais il finit par rentrer en Shimōsa les mains vides.

Toutefois, c’était la fin de l’automne et le riz n’était pas encore récolté. Cette semaine de destruction de Masakado représentait une perte conséquente de richesse pour Yoshikane. Il évita une bataille qui aurait pu être décisive, mais n’en ressortit pas dans une bonne position.
Yoshikane proposa alors à un porteur de Masakado de le trahir en échange de récompenses. Il accepta et espionna l’autre résidence principales de Masakado, Iwai 岩井, pour Yoshikane. Dans la nuit du 14e jour du douzième mois de l’année 937, ce dernier quitta sa résidence avec environ 80 cavaliers, entamant le parcours d’une trentaine de kilomètres le séparant d’Iwai.
Cependant, ils furent repérés par une sentinelle de Masakado qui infiltra alors les rangs de Yoshikane et chevaucha en leur compagnie sans se faire repérer. Lorsque les troupes atteignirent le pont Kamo, proche de la frontière entre les districts de Sashima et de Toyoda, la sentinelle s’élança au galop afin de prévenir Masakado de l’arrivée de son ennemi. Yoshikane fit une pause d’une ou deux heures avant d’encercler la demeure de Masakado juste après l’aurore (5-7h). Masakado était coincé à l’intérieur de son compound avec moins de dix guerriers.
Toutefois, le plan de Yoshikane échoua : grâce à sa sentinelle, Masakado ne fut pas pris par surprise. Il put préparer sa défense et lancer un appel aux renforts. Finalement, ce furent les troupes de Yoshikane qui furent prises au dépourvu. En effet, ce fut Masakado qui lança l’offensive et attaqua en premier ! Par ailleurs, il est également possible que l’attaque vînt de plusieurs côtés si ses renforts étaient déjà arrivés pour le soutenir. Masakado et ses hommes repoussèrent facilement l’attaque, tuant environ la moitié des hommes de Yoshikane. L’autre moitié s’enfuit.
Par la suite, Masakado découvrit le traître et l’exécuta. Yoshikane, quant à lui, s’en retourna en Kazusa et n’engagea plus d’action militaire contre son neveu. Masakado avait réussi à se débarrasser de ses trois ennemis, le tout en restant dans les bonnes grâces de la loi et de la cour.
Au nom de la cour
Durant le onzième mois de l’année 937, le Conseil d’État délivra un mandat dans les provinces de Musashi, Awa, Kazusa, Hitachi et Shimotsuke déclarant Yoshikane, Mamoru, Sadamori et deux fils de Yoshikane hors la loi. Ce même mandat députait Masakado de la mission de capture des criminels. Ce mandat avait probablement pour origine la « contre-plainte » qu’avait déposée Masakado à la capitale lorsqu’il avait été contraint de s’y rendre pour répondre des accusations de Mamoru. Il pouvait également s’agir d’une réponse particulièrement tardive de la cour aux charges qu’avait déposées Masakado après sa bataille contre Yoshikane en Shimotsuke.
Qu’importe la raison de cette décision : l’impact était particulièrement conséquent pour le statut et la chance de Masakado. Même si peu de provinces agirent concrètement contre Yoshikane et ses co-conspirateurs, ce mandat légitimait Masakado et sanctionnait les futures actions militaires (rationnelles) qu’il pourrait entreprendre contre eux. Cela plaçait sa mobilisation sous l’autorité de l’État. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, même si les guerriers disposaient de moyens martiaux, seule la cour pouvait autoriser leur usage.
La cour tolérait au moins des conflits armés à petite échelle, menées pour améliorer ou préserver un profit personnel – tant que cela n’était pas trop perturbateur[99]. Néanmoins, il y avait tout de même des limites à ne pas dépasser et Masakado et les autres leaders guerriers de son époque les connaissaient très bien. Cependant, la fortune ne sourit que peu longuement pour Masakado : il se fit des amis, mais aussi des ennemis, durant les temps qui suivirent.
Nous ne pouvons déterminer à quel point son cousin Sadamori était impliqué dans les combats entre Masakado et Yoshikane. Toutefois, Sadamori étant cité dans le mandat d’arrêt, nous pouvons supposer qu’il y prit part.
Lorsque Sadamori apprit qu’il était inclus dans le mandat, il réalisa qu’il s’agissait d’une très mauvaise chose pour sa carrière à la cour, soit sa priorité jusqu’alors. Ainsi, durant le deuxième mois de l’année 938, il repartit pour la capitale. Ce mouvement rendit Masakado particulièrement suspicieux : il appela une centaine de cavaliers – ce qui n’était pas un petit nombre pour l’époque – et se mit à la poursuite de son cousin.
Il le rattrapa dans le nord de la province de Shinano, mais cela n’était pas la décision la plus intelligente à prendre. En effet, Masakado se pensait légitime, car disposant d’un mandat. Néanmoins, celui-ci ne couvrait pas la plupart des provinces qu’il traversa pour rattraper Sadamori.
Lorsque ce dernier apprit que Masakado approchait, il décida de stopper son avancée et de se battre. Cela n’était pas non plus la meilleure solution : tuer Masakado n’arrangerait rien au mandat, au contraire. Cependant, Sadamori n’avait pas vraiment d’autre choix. Il n’avait aucune chance de pouvoir rejoindre la capitale sans être rattrapé. Au moins, s’arrêter ainsi lui permettait de choisir le lieu de l’affrontement. Il s’agissait alors d’un avantage logistique majeur.
Tel que nous l’avons indiqué précédemment, les chevaux de guerre japonais étaient de qualité quelque peu médiocre. Ceux de Masakado étaient probablement particulièrement fatigués lorsqu’ils rattrapèrent Sadamori. Ce dernier exploita cette faille et se prononça pour un champ de bataille sur un terrain ouvert. Ainsi, ses propres chevaux, relativement reposés, pouvaient manœuvrer amplement, maximisant leur avantage sur les hommes et les montures épuisés de Masakado.
Le 29e jour du deuxième mois de l’année 938, Sadamori plaça ses hommes en petits groupes, les éparpilla dans un champ et les fit descendre de cheval pour se reposer et attendre l’ennemi, partiellement cachés par les herbes hautes. Lorsque Masakado et ses troupes s’approchèrent, Sadamori et les siens se précipitèrent à leur rencontre. La mêlée pouvait débuter.

Sadamori et ses hommes parvinrent un temps à tenir tête à leurs adversaires grâce à leur meilleure condition physique. Néanmoins, le surnombre de Masakado fit la différence. Vaincu, Sadamori se sépara de la grande majorité de ses hommes et s’enfuit dans les montagnes, suivi de près par quelques rares guerriers de sa troupe. Lorsque Masakado s’en rendit compte, il était trop tard pour le poursuivre. Il décida alors de rentrer en Shimōsa les mains vides.
Sadamori parvint finalement – et difficilement – à la capitale et son but semblait avoir changé. Il ne souhaitait plus simplement blanchir son nom et reprendre sa carrière. Il voulait véritablement dénoncer Masakado en plaidant sa cause à la cour. Cependant, même s’il fut suffisamment convainquant pour se faire innocenter des événements de 936, il ne le fut pas assez pour tourner le Conseil d’État contre son cousin. Enfin, presque. En effet, le Conseil d’État délivra une directive à la province de Shimōsa dans le but de convoquer Masakado à la cour pour être davantage questionné.
Masakado en fut outragé : Sadamori était un criminel recherché, il aurait dû être arrêté à peine arrivé à la capitale ! Il décida ainsi de ne pas se rendre à la cour, mais plutôt de rencontrer l’officier ayant délivré l’ordre en Shimōsa afin de s’expliquer et de faire comme si toute cette affaire n’était qu’un malentendu. Cela ne satisfit ni le gouvernement provincial de Shimōsa, ni le Conseil d’État.
Durant le sixième mois de l’année 939, Sadamori s’en retourna en Hitachi avec une copie de la directive convoquant Masakado. Cependant, les fonctionnaires provinciaux ne lui accordèrent que très peu d’attention. En parallèle, Masakado, agissant toujours selon le mandat de 937, rassembla ses hommes pour traquer son cousin.
Souhaitant mettre de la distance entre Masakado et lui, Sadamori reprit la route de la capitale et, en chemin, il rencontra un ancien camarade, Taira no Koresuke 平維扶, qui se rendait dans la province de Mutsu pour y prendre le poste de gouverneur. Sadamori y vit une opportunité. Il demanda à Koresuke s’il pouvait l’accompagner, et Koresuke accepta. Toutefois, alors qu’ils s’apprêtaient à prendre la route ensemble, Masakado encercla leur camp. Discrètement, Sadamori prit la fuite. Koresuke l’abandonna et se rendit – seul – en Mutsu.
Durant des mois, Sadamori se cacha dans les montagnes. Il finit cependant par revenir à la capitale provinciale de Hitachi et se réfugia dans les bureaux du gouvernement de cette province.

En parallèle de toute notre histoire, un autre conflit se mit en marche. Un prince du nom d’Okiyo 興世王 avait été envoyé dans la province de Musashi afin de servir en tant que gouverneur surnuméraire. En tandem avec le gouverneur assistant, Minamoto no Tsunemoto 源経基, le prince était particulièrement intéressé par les bénéfices qu’il pouvait soutirer des taxes de sa province. Au cours de leurs récoltes quelque peu abusives, ils se tournèrent vers le district d’Adachi 足立郡, dans le nord-est de Musashi. Toutefois, ils rencontrèrent beaucoup de résistance de la part du magistrat de district, Musashi Takeshiba 武蔵武芝, qui jouissait d’une excellente réputation.


En effet, la famille de Takeshiba disposait d’un accord avec le gouvernement provincial permettant à son district de payer moins de taxes. Or, Okiyo et Tsunemoto, deux descendants de la lignée impériale, nouveaux venus dans la province, ne connaissaient pas ce précédent local[100]. Ils envoyèrent des ordres demandant la récolte de taxes en Adachi et Takeshiba s’en plaignit. La réponse des deux nobles fut de lever des troupes, se rendre dans le district et de détrousser plusieurs maisons appartenant à Takeshiba et à ses partisans. Cela amena de très nombreuses protestations.
Takeshiba ne souhaitait pas entrer en conflit ouvert avec l’autorité publique. Il décida de se cacher dans la montagne, mais il déposa plusieurs appels pour le retour des propriétés confisquées. C’était en vain.
Masakado entendit parler de ces événements au début de l’année 939 et il proposa ses services en tant que médiateur pour résoudre le conflit. Il retrouva Takeshiba dans la montagne et les deux hommes se dirigèrent vers les bureaux provinciaux de Musashi. Lorsque cette nouvelle fut transmise à Okiyo, le prince se dépêcha de rentrer aux bureaux pour les accueillir. Les trois hommes burent ensemble, mais Tsunemoto était absent. Néanmoins, nous ne savons pas s’il a refusé de venir, s’il était en retard ou tout simplement s’il n’était pas au courant par exemple.
Soudainement, sans raison apparente et au même moment, un groupe de partisans de Takeshiba encerclèrent le camp de Tsunemoto, ce qui fit que ce dernier et ses hommes s’enfuirent en panique. Il s’agissait probablement d’un souci de communication entre Takeshiba, qui était parti boire, et certains de ses suivants. Cependant, Tsunemoto était désormais convaincu qu’Okiyo, Masakado et Takeshiba complotaient contre lui[101]. Il se rendit immédiatement à la capitale où il dénonça Masakado et Okiyo, les accusant d’être entrés en rébellion contre l’État.
Les accusations de Tsunemoto mirent la capitale en émoi. Heureusement pour Masakado, son patron, Fujiwara no Tadahira, le protégea d’être immédiatement considéré comme coupable. Tadahira ordonna que Tsunemoto soit interrogé par le Bureau de police et il commanda des prières et cérémonies à des temples et des sanctuaires dans le but d’aider le succès de l’enquête. Il envoya ensuite à Masakado des instructions sur la manière dont il devait répondre aux charges de Tsunemoto.
Masakado répondit avec une déclaration sous serment, datée du 2e jour du cinquième mois de l’année 939, supportée par des affidavits des gouvernements provinciaux de Hitachi, Shimōsa, Shimotsuke, Musashi et Kōzuke 上野国.
La cour souhaitait envoyer trois plénipotentiaires pour enquêter directement en Musashi. Toutefois, les personnes nommées ne quittèrent pas la capitale. En effet, le 3e jour du dixième mois de l’année 939, ils approchèrent Fujiwara no Arihira 藤原在衡, le second contrôleur de gauche, afin de demander des troupes assignées pour les escorter dans leur mission : ils avaient peur de partir seuls.
La requête leur fut refusée. Néanmoins, ce jugement inquiéta les enquêteurs suffisamment pour qu’ils demandent une audience auprès de Tadahira dix-neuf jours plus tard avec pour objectif de le convaincre de changer d’avis. Le 4e jour du douzième mois, ils essayèrent de nouveau. Quinze jours plus tard, exaspéré de ce délai, Tadahira envoya un ordre : les trois hommes devaient se mettre en route le 28e jour au plus tard. Le 9e jour du premier mois de l’année 940, du fait qu’ils n’avaient toujours pas quitté la capitale, les trois hommes furent dépouillés de leur mandat et blâmés[102].
En parallèle, le 9e jour du sixième mois de l’année 939, le Bureau de police rendit les conclusions de son enquête sur les allégations de Tsunemoto. Le Bureau recommandait que ce dernier soit blâmé pour fausses allégations. Tsunemoto fut alors incarcéré par la garde des portes, section de gauche.
À l’automne 939, l’humeur était sombre à la capitale.
Quant à Masakado, beaucoup de doutes planaient sur lui malgré les trois acquittements. Par ailleurs, il avait de nouveaux ennemis, Sadamori et Tsunemoto, et son nouvel ami, le prince Okiyo, n’était pas une personne particulièrement recommandable. Son avenir semblait désormais incertain.
Ennemi de l’État
Au début de l’année 939, pour une raison qui nous est inconnue, un certain Fujiwara no Korechika 藤原維幾, qui était alors gouverneur de Musashi, fut nommé gouverneur assistant de Hitachi. Malgré ce changement de titre, il ne s’agissait pas là d’une dégradation de son statut. En effet, la province de Hitachi était plus riche, ce qui impliquait plus de revenus pour lui. Par ailleurs, à cette époque, certains postes de gouverneur étaient réservés à certains princes impériaux et c’était le cas pour Hitachi. Dans les faits, l’assistant était le réel décisionnaire. En outre, il avait des connexions familiales dans cette province.

Néanmoins, dès sa prise de poste, un guerrier du nom de Fujiwara no Haruaki 藤原玄明, qui était plus ou moins un bandit en réalité, lui causa de nombreux soucis. Korechika en vint à demander à la cour l’autorisation de l’arrêter, mais Haruaki s’enfuit et quitta la province, avec sa famille et sa maison. Il se réfugia en Shimōsa, demandant l’asile à Masakado. Ce dernier accepta et fit de Haruaki un client sous sa protection.
Ainsi, lorsque Korechika pétitionna l’extradition de Haruaki vers la province de Hitachi, Masakado écarta toutes les demandes, insistant sur le fait que l’homme recherché avait déjà quitté les lieux. Curieusement, le gouvernement provincial de Shimōsa refusa d’agir selon les mandats de Hitachi, s’en remettant aux souhaits de Masakado – et à son influence locale.
Notons alors deux choses. Premièrement, le prince Okiyo, qui était également un invité de Masakado en Shimōsa, n’était probablement pas apprécié de Korechika non plus. En effet, Korechika était gouverneur de Musashi lorsque le conflit entre Takeshiba, Tsunemoto et Okiyo se déroula. Il n’intervint pas durant cette affaire et laissa Masakado démêler cette histoire seul.
Deuxièmement, Korechika avait pour épouse une tante de Masakado. Il semblerait que, lorsque les autres oncles de Masakado se liguèrent contre lui, Korechika ait pris leur parti. De même, à la mi-939, Korechika était aligné avec l’ennemi probablement le plus contrariant de Masakado : Sadamori.
Comme nous l’avons indiqué précédemment, Sadamori était rentré à la capitale provinciale de Hitachi à l’été 939 après avoir été chassé dans la montagne durant des mois par les hommes de Masakado. De fait, il avait toujours une fonction au sein de l’administration de cette province.
Par conséquent, deux camps s’étaient formés : Sadamori et Korechika d’un côté, Masakado, Okiyo et Haruaki de l’autre. Et, le 21e jour du onzième mois de l’année 939, persuadé que Sadamori était revenu prendre résidence dans le bureau provincial du gouvernement de Hitachi, Masakado rassembla une armée particulièrement conséquente[103]. Ils traversèrent Hitachi et se dirigèrent vers la capitale provinciale, mais furent stoppés par Sadamori qui aurait disposé d’un ost trois fois plus grand.
Masakado annonça son intention de présenter une pétition officielle, demandant l’annulation du mandat contre Haruaki et l’autorisation de sa réinstallation dans la province. Confiant en son expérience du combat face à Masakado et en sa supériorité numérique, Sadamori refusa et invita son cousin à se battre. Néanmoins, Masakado ne se laissa pas intimider et lui donna une leçon quant aux dangers de se penser gagnant à partir du moment où l’on dispose d’un avantage au combat.

De fait, l’armée de Hitachi de Sadamori avait été assemblée à la hâte à travers deux chaînes de commande se chevauchant :
-des troupes mobilisées sur la base de relations personnelles et privées ;
-un groupe beaucoup plus conséquent, appelé et conscrit sous son autorité d’officier du gouvernement provincial.
La grande majorité de ses troupes était donc considérablement peu enthousiaste à l’idée de risquer sa vie pour son commandant.
Ainsi, lorsque Masakado lança sa charge, une grande partie des guerriers de Shimōsa ne tint pas la ligne et fut décimée. Facilement vainqueur, Masakado encercla les bureaux provinciaux du gouvernement et en fit bloquer les sorties. Korechika se rendit immédiatement et lui offrit des excuses écrites. Il lui donna également son sceau officiel et les clefs des bâtiments et entrepôts gouvernementaux. Masakado le plaça sous confinement gardé – ce qui lui sauva la vie.
S’ensuivirent deux jours de pillage, d’incendies et de meurtres dans les bureaux et les alentours par les troupes de Masakado.

Cette attaque sur les bureaux provinciaux était en dissonance avec l’habitude de rester dans la loi de Masakado, qui se justifia en expliquant que la situation lui avait été imposée : il aurait été provoqué au combat.
Néanmoins, des questions subsistent. Pourquoi Masakado provoqua-t-il ses ennemis en entrant en Hitachi avec une telle armée ? Par ailleurs, pourquoi avait-il fait de Haruaki son client ? Le Shōmonki nous indique que Masakado aimait les outsiders comme Takeshiba et Haruaki. Cependant, ces deux personnages ne pourraient pas être plus différents l’un de l’autre. Haruaki était un criminel rapace. Takeshiba, quant à lui, était exemplaire, un magistrat se défendant contre l’injustice, il attirait la sympathie. De même, Okiyo, même s’il était loin d’être parfait, était un prince, sa compagnie apportait du prestige à Masakado. Haruaki ne lui amenait rien en dehors d’une détérioration de sa relation avec la province de Hitachi – qui était déjà relativement mauvaise – et un risque pour sa réputation de manière générale.
Néanmoins, Haruaki était un partisan de Masakado. Il avait des liens avec lui avant sa fuite en Shimōsa. En outre, son nom indique qu’il descendait d’une lignée relativement correcte. L’historien Karl Friday a ainsi théorisé que Haruaki aurait été le fils ou le frère de Fujiwara no Harumochi 藤原玄茂, un fonctionnaire de la province de Hitachi et associé proche de Masakado. Si cette hypothèse s’avérait correcte, cela justifierait la protection de Masakado. Cela expliquerait également pourquoi Masakado pensait un pardon possible sans usage de la violence.
Notons également que cette potentielle relation entre Haruaki et Harumochi pourrait amener une autre possibilité : Harumochi aurait pu commencer la bataille dans les rangs de Hitachi, mais changer de camps (avec ses hommes) au commencement des combats, ajoutant ainsi du désordre et de la confusion au sein des troupes de Sadamori et Korechika.
Par ailleurs, Haruaki n’était pas juste l’ami d’un ami, il était l’ennemi de l’ennemi. Pour Masakado, les problèmes de Haruaki étaient causés par l’animosité que lui aurait portée le fils de Korechika, Fujiwara no Tamenori 藤原為憲. Masakado pensait que Tamenori, Korechika et Sadamori avaient injustement pris les armes contre lui.
Enfin, il est également possible que le rassemblement de troupes de Masakado eût été effectué dans le but de décourager de potentiels adversaires, comme Tamenori, de s’allier avec Sadamori contre lui. Cela expliquerait pourquoi il amena une armée dans ce qu’il appelait une mission juridique. Masakado voyait ici son armée comme un moyen de dissuasion plutôt que comme une provocation à un défi. Il s’agissait d’un moyen d’éviter les combats.
Mais qu’importe son intention, Masakado était désormais un criminel d’État. Bien conscient qu’il allait bientôt devoir affronter des armées de la cour déléguées pour l’appréhender ou le détruire, Masakado resta en Hitachi le temps de reprendre contrôle de ses troupes, avant de se retirer dans sa base en Shimōsa. Il arriva à Kamawa avec ses prisonniers (dont Korechika) le 29e jour du onzième mois.
De la même manière qu’après chacune de ses victoires, il choisit de se replier sur sa base pour contempler ses mouvements suivants. Une semaine et demie plus tard, il repartit, cette fois vers le nord en Shimotsuke, suivi d’un nombre conséquent de partisans. Le 11e jour du douzième mois de l’année 939, il traversa la frontière et installa son armée devant les bureaux du gouvernement de cette province. Les fonctionnaires étaient terrifiés, surpris et absolument pas préparés au combat. Ils ne disposaient pas de troupes suffisantes pour se défendre.
Le nouveau gouverneur et le gouverneur sortant[104] se rendirent immédiatement. Masakado prit possession des bureaux, confisqua le sceau et les clefs, s’appropriant les allocations et les fonds de fonctionnement du gouverneur. Enfin, il renvoya les deux hommes, leurs familles et suivants à la capitale sous bonne garde. C’était consternant pour les déportés.
Quatre jours plus tard, Masakado se rendit dans la province de Kōzuke et y prit les bureaux au gouverneur assistant. Tout comme en Shimotsuke, il renvoya le fonctionnaire à Heian-kyō sous escorte armée. Alors que les nouvelles des victoires de Masakado se propageaient, les gouverneurs des autres provinces de l’Est abandonnèrent leurs postes et s’enfuirent à la capitale.
Le 19e jour, Masakado annonça la nomination de ses frères et de certains de ses partisans aux postes des fonctionnaires, ayant fui ou ayant été capturés, des provinces de Shimotsuke, Kōzuke, Hitachi, Kazusa, Awa, Sagami 相模国, Izu 伊豆国 et Shimōsa. Il décida alors de faire un tour des provinces de l’Est, confisquant les sceaux et clefs des bâtiments gouvernementaux sur son passage. Masakado demanda également aux fonctionnaires n’ayant pas pris la fuite de rester à leurs postes et de continuer leur travail de manière normale.

Du côté de la cour, le 2e jour du douzième mois de cette même année 939, les nouvelles des événements s’étant déroulés en Hitachi parvinrent à la capitale. Le 27e jour, un rapport corroborant arriva de Shinano. Puis, le 29 au matin, un second message venant de Shinano transmit les informations provenant de Kōzuke et Shimotsuke. Le soir même, le gouverneur de Musashi atteignit Heian-kyō et fut immédiatement interrogé par le Conseil d’État.
Aussitôt, la cour ordonna une mobilisation de troupes en Shinano et expédia des envoyés spéciaux pour prendre en charge la défense de barrières gardant les entrées de la région de la capitale. Le 1er jour du premier mois de l’année 940, des tsuibushi furent députés pour les routes du Tōkai 東海道, du Tōsan 東山道 et du San.yō 山陽道. Huit jours plus tard, la cour libéra Minamoto no Tsunemoto et le promut en rang.
Le 11e jour, le Conseil d’État émit une directive spéciale adressée aux gouverneurs des provinces des routes du Tōkai et du San.yō, promettant titres et rangs aux personnes qui tueraient Masakado et/ou ses partisans[105]. Le 18, il désigna les officiers qui prendraient en charge la campagne militaire au nom de la cour. Fujiwara no Tadabumi fut nommé général de la pacification dans les provinces orientales (seitō taishōgun 征討大将軍), et son frère Fujiwara no Tadanobu, ainsi que Fujiwara no Kunimoto, Taira no Kiyomoto et Minamoto no Tsunemoto furent déclarés ses lieutenants généraux (fukushōgun 副将軍). Taira no Kintsura, fils de Taira no Yoshikane et cousin de Masakado, et Fujiwara no Tōshikata furent nommés généraux de divisions (gungen 軍艦). Le 8e jour du deuxième mois, Tadabumi et sa force expéditionnaire partirent pour Shimōsa.
Notons ici que la composition de ce groupe suivait les dispositions du ritsuryō. En effet, sous le régime des Codes, les forces expéditionnaires étaient composées d’une ou plusieurs armées, chacune comptant entre trois mille et douze mille hommes[106]. Chacune d’entre elles était commandée par un général (shōgun 将軍), assisté d’un nombre variable de lieutenants généraux, de généraux de division, de généraux de brigade (gunsō 軍曹) et/ou de majors (rokuji 録事), selon le nombre de troupes. Lorsque trois de ces armées étaient assemblées, un général de campagne (taishōgun 大将軍) était désigné pour commander l’ensemble du corps expéditionnaire.
Néanmoins, malgré cette disposition suivant le précédent historique, les personnes nommées étaient typiques de cette époque de changement : Tadabumi était un aristocrate typique des généraux nommés jusqu’alors, mais ses officiers étaient, pour la très grande majorité, des guerriers doublés de fonctionnaires provinciaux. En outre, avec ces nominations, une partie de ces guerriers reçut également des titres dans les provinces prises par Masakado.
En nommant les pairs et les ennemis personnels de Masakado à des postes gouvernementaux dans ces provinces et en leur octroyant des titres de commandants des troupes appelées contre lui, la cour a cherché à coopter des intérêts et des ressources privés à sa cause. Masakado était devenu l’ennemi n°1, menant une des plus grandes rébellions que vit l’époque Heian. La cour se devait de l’éliminer si elle tenait à sa survie.
Masakado, empereur ?
Ainsi, au 1er jour du premier mois de l’an 940, Masakado était à la tête de huit provinces. Mais que voulait-il réellement ? Initialement, il se rendait en Hitachi pour protester contre la manière dont Haruaki était traité et non pas pour conquérir. Alors pourquoi cette prise des sept autres provinces ?
Il est de tradition d’affirmer qu’il s’agissait ici d’une première étape pour la conquête du pays. Le Shōmonki nous transmet que cette ambition naquit chez Masakado juste après son retour de Hitachi en Shimōsa. Le prince Okiyo l’aurait encouragé[107]. Quitte à devenir un criminel en prenant une première province, autant aller jusqu’au bout. Masakado aurait été en accord avec cette réflexion. Son objectif aurait été de prendre les huit provinces de l’Est, puis de se tourner vers la capitale et le reste du pays. Étant lui-même descendant d’une branche de la lignée impériale (3e génération), cela aurait été son droit.
Toujours selon le Shōmonki, après avoir conquis les autres provinces et nommé ses fonctionnaires, Masakado aurait été interrompu par un oracle du bodhisattva Hachiman 八幡大菩薩[108] : ce dernier aurait désigné Masakado comme son enfant et lui aurait donné un rang impérial. Les partisans de Masakado se seraient alors mis à l’appeler Nouvel empereur, shinnō 親王.

Rassuré par cette affirmation divine, Masakado aurait nommé sa cour, mis en place un système bureaucratique et fait préparer des sceaux impériaux pour lui et pour son Conseil d’État. Il aurait également établi des plans pour la construction d’un palais impérial en Shimōsa.
À partir de cet épisode, le ton du Shōmonki change. Masakado est désormais présenté comme le « méchant » de l’histoire, se rebellant de manière scandaleuse contre l’ordre divinement établi du royaume de l’empereur. Il est ainsi montré rejetant des avertissements par exemple.
Néanmoins, c’est également à partir de ce passage que l’historicité du Shōmonki est particulièrement remise en question par les historiens et spécialistes de littérature japonaise[109]. L’un des exemples les plus flagrants est la question de l’oracle : le culte de Hachiman était établi sur certaines zones de l’archipel à cette époque, mais ne le fut pas avant la fin du XIe siècle dans l’Est du Japon !
Cependant, le plus important ici est qu’il n’existe, à notre connaissance, aucune autre source primaire faisant état de la volonté de Masakado d’établir une cour et, surtout, de prendre le titre de Nouvel empereur. Ce terme n’est jamais utilisé dans aucune autre source de cette époque subsistant de nos jours. Masakado fut peut-être surnommé ainsi par ses hommes, mais il ne s’agissait pas d’un véritable titre et Masakado ne se proclamait certainement pas « Nouvel empereur ».

Par ailleurs, un autre point concernant l’historicité du Shōmonki et les plans de Masakado est à soulever. En effet, le texte nous indique que, le 15e jour du douzième mois de l’année 939, soit le jour où il aurait pris la province de Kōzuke, Masakado aurait envoyé une lettre à son patron, Fujiwara no Tadahira. Cette lettre est citée dans le Shōmonki, mais elle n’est pas même mentionnée dans les notes journalières de Tadahira, ce qui pourrait nous laisser douter de son historicité. Toutefois, cette lettre est considérée comme authentique par les spécialistes[110]. Il s’agirait alors de l’unique source subsistante présentant les évènements du point de vue de Masakado.
Nous traduisons :
« Masakado s’adresse humblement à vous.
J’ai à présent vu de nombreuses gelées et de nombreux cycles d’étoiles sans recevoir vos gracieuses instructions. Je désire profondément une audience avec vous et ne sais guère comment expliquer la précipitation des événements récents. Je vous serais profondément reconnaissant de votre auguste indulgence.
Il y a quelques années, j’ai été convoqué pour répondre à une plainte déposée par Minamoto no Mamoru et d’autres. Lorsque, effrayé par ce mandat, je me hâtais de me rendre à la capitale et me présentais, on m’apprit que j’avais déjà été gracié et que je pouvais donc rentrer chez moi immédiatement. Je suis retourné dans mon village. Par la suite, j’ai oublié les affaires militaires, vivant désormais paisiblement, les cordes d’arc desserrées.
Néanmoins, durant ce temps, l’ancien secrétaire de Shimōsa, Taira no Yoshikane, a soulevé des milliers de guerriers et m’a attaqué. Je ne pouvais pas vraiment tourner le dos et courir. Pendant que je me défendais, de nombreuses personnes furent tuées ou blessées, et beaucoup de biens volés, par Yoshikane. Tout cela fut transmis au tribunal dans un rapport du gouvernement provincial de Shimōsa. Le tribunal a alors émis un mandat ordonnant à diverses provinces de travailler ensemble pour poursuivre et capturer Yoshikane et les autres.
Toutefois, j’ai reçu un nouveau messager, convoquant Masakado et d’autres à la cour. Cependant, comme j’étais mal à l’aise avec cela, je ne me suis pas rendu à la capitale. À la place, j’ai envoyé une explication détaillée à l’émissaire du gouvernement, Anaho Sumiyuki.
Puis, cet été, alors que je m’inquiétais et que j’attendais des nouvelles, Taira no Sadamori arriva en Hitachi portant un mandat me convoquant. Les fonctionnaires provinciaux m’envoyèrent à plusieurs reprises des remarques concernant ce mandat. C’est le même Sadamori qui, [ayant été nommé dans le mandat émis contre Yoshikane], avait échappé à la capture et s’était infiltré dans la capitale. Les nobles auraient dû l’arrêter et l’interroger alors. Qu’au contraire, ils lui aient délivré un mandat entérinant ses accusations, c’est le comble de l’hypocrisie !
Plus tard, le troisième contrôleur de droite, Minamoto no Sukenori, est venu avec un document qui transmettait vos souhaits. Il a déclaré qu’il avait été décidé, sur la base des accusations portées par le gouverneur assistant de Musashi, Tsunemoto, que je devais être interrogé. Pendant que j’attendais l’arrivée des enquêteurs, Tamenori, le fils du gouverneur assistant de Hitachi, Fujiwara no Korechika, abusait intentionnellement de son autorité publique et se plaisait à porter de fausses accusations.
À cette époque, ayant reçu une requête de l’un de mes partisans guerriers, Fujiwara no Haruaki, je partis pour Hitachi pour enquêter. Mais Tamenori était d’un seul esprit avec Sadamori. À la tête de trois mille guerriers fougueux, ils se sont volontairement approprié les armes, l’équipement et les boucliers de l’arsenal gouvernemental et m’ont mis au défi de me battre. J’ai donc encouragé mes hommes et réveillé leurs esprits. Ainsi, nous avons terrassé les guerriers de Tamenori.
Je ne sais pas combien d’âmes ont péri durant mon occupation ultérieure de la province, uniquement que les sujets qui ont vécu tout cela sont devenus mes prisonniers. Le gouverneur assistant, Korechika, m’a présenté une lettre d’excuses déclarant que c’était son incapacité à éduquer son fils Tamenori qui avait conduit cette affaire à dégénérer en rébellion armée.
Bien que ce n’était pas mon intention initiale, ayant frappé une province, le crime n’était pas léger et [mon action] aurait tout aussi bien pu s’étendre à une centaine de territoires. Ainsi, scrutant le jugement de la cour, j’ai saisi les autres provinces du Bandō[111].
Je vous rappelle respectueusement que je suis un descendant de la cinquième génération de l’empereur [Kanmu]. Donc, même si je prenais définitivement possession de la moitié du pays, pourrait-on dire que cela n’était pas mon destin ? Les hommes qui, dans les temps anciens, se sont emparés du royaume avec une florissante puissance militaire, sont présents dans tous les livres d’histoire. Je possède de Célestes compétences militaires. En y réfléchissant, est-ce que quelqu’un parmi mes pairs peut se comparer à moi ? Et pourtant, la noblesse ne m’accorde aucune recommandation et prononce des admonestations à mon encontre à maintes reprises. En pensant à tout cela, il y a beaucoup de choses honteuses, mais qu’en est-il de l’honneur ? Je vous serais très reconnaissant si vous pouviez considérer et comprendre cela.
Plusieurs décennies se sont écoulées depuis ce jour de ma jeunesse où je me suis engagé pour la première fois à votre service. Et, maintenant, j’ai livré cette affaire de manière inattendue à un monde dans lequel vous êtes chancelier et régent ! Inutile de dire que mon regret est extrême. Bien que j’aie des plans pour renverser des provinces, aurais-je pu vous oublier, mon ancien maître ? Si vous voulez bien considérer [ma lettre] un instant, je serais très joyeux. Je cherche à transmettre beaucoup avec peu.
Respectueusement,
Masakado »[112]
Comme nous pouvons le lire dans notre traduction de cette lettre, Masakado plaida son manque de fourberie, indiqua qu’il avait été injustement calomnié et diffamé par ses ennemis, et mit en avant sa fidélité à la loi. Il y demanda également à plusieurs reprises de l’indulgence, de la sympathie, de la considération, à Tadahira. Masakado souligna qu’il était une victime des circonstances et non pas un rebelle contre l’autorité de la cour en contant sa version des faits.
Cette lettre nous indique que Masakado ne semblait pas (encore) résigné à rompre tous les liens avec l’autorité centrale. Bien entendu, elle doit être lue avec un minimum de scepticisme. Néanmoins, pourquoi Masakado aurait-il daigné écrire cette lettre s’il souhaitait véritablement renverser l’empereur ? Deux réponses existent à cette question :
-Masakado aurait changé d’avis après l’envoi de la lettre ;
-Masakado avait un autre objectif.
De très nombreux ouvrages – occidentaux et japonais – sur l’histoire du Japon indiquent que Masakado souhaitait créer un royaume dans l’Est de l’archipel. Toutefois, cette hypothèse n’est pas crédible et son origine, à savoir le passage du Shōmonki dont l’historicité est critiquable, fut probablement mise à l’écrit dans l’objectif de diaboliser Masakado ou de dramatiser les événements.
La lettre fut rédigée avec un ton d’excuses et propitiatoire. Dans certains paragraphes, les teneurs sous-jacentes de la rationalisation, de la supplication et de la négociation sont claires. Lorsqu’elle est considérée dans son contexte complet, cette lettre nous laisse l’impression d’un homme qui ne voulait pas ou ne pouvait pas se concilier avec une existence totalement indépendante de la cour[113].
Pourquoi cette lettre à Tadahira ? Déplorer son cas ? Pour que son point de vue des faits soit officiellement conservé ? Pour marchander ? Cette lettre peut, en effet, être entendue comme une tentative de négociation : Masakado s’y disculpa et excusa ses actions, les atténua et ce, jusqu’à la prise des bureaux de Hitachi. Il reconnut alors sa culpabilité pour son attaque des autres provinces avant de mettre en avant son pedigree et son talent afin de justifier son usurpation du pouvoir, se plaignant également du fait que la cour ne lui avait pas accordé le respect qu’elle lui devait.
Dans son dernier paragraphe, il rappela sa longue association avec Tadahira et le rassura que ses sentiments et son sens de l’obligation sortis de cette relation n’avaient pas changé. Il sollicita et implora le régent de considérer ses mots et actions avec obligeance. Il termina sa lettre par des excuses, une supplication pour de la compréhension et une suggestion cryptique que tout n’est pas ce qu’il semble au premier abord.
Si Masakado se considérait comme le « Nouvel empereur », écrire en utilisant un tel langage serait bien en dessous de lui. Masakado paraît davantage centré sur la réinstauration de sa personne que sur une révolution ou sur une sécession. Cette lettre, qui serait la seule communication entre Masakado et la cour depuis la prise de Hitachi, était destinée à son patron. Son intention semblait être, tout simplement, de demander à son patron d’intercéder en sa faveur.
Masakado était engagé dans une voie sans retour, il continuait d’aller en avant dans ses actions, souhaitant probablement profiter du chaos pour négocier avec la cour et obtenir une réhabilitation ou un pardon. Il ne fut certainement pas le seul personnage de l’histoire japonaise à avoir utilisé une stratégie similaire. La grâce était parfois négociée par l’extorsion et la corruption. Il semblerait ainsi que cela ait été l’intention se cachant derrière les actions de Masakado.
La fin
Durant le premier mois de l’année 940, se tint le dernier round de l’insurrection de Masakado.
Menant une armée conséquente en Hitachi pour traquer Sadamori, Tamenori et le reste de ses ennemis, Masakado rencontra ses alliés locaux dans le nord de cette province : les rapports de ses espions lui indiquaient que Sadamori et son entourage s’y agitaient. Il divisa alors ses forces et les envoya pendant dix jours dans toutes les directions en Hitachi afin de les chercher.
Sadamori était introuvable, mais une compagnie de Masakado captura son épouse et la veuve d’un des fils de Minamoto no Mamoru, décédé lors de la bataille initiale de Nomoto, Minamoto no Tasuku 源扶. Masakado ordonna que les deux femmes ne soient pas humiliées, mais c’était en vain : elles furent capturées, volées et très probablement violées par ses troupes. Au Japon, à cette époque, les civils étaient considérés comme des dommages collatéraux, il n’y avait aucune règle les concernant[114].


Lorsqu’il apprit le sort que subirent les deux femmes, Masakado aurait été horrifié et aurait envoyé à l’épouse de son cousin d’excellentes robes et un poème de type waka. La poésie avait un rôle sociopolitique majeur durant l’époque Heian. Néanmoins, il s’agissait d’un rituel social de la cour. Son usage par un guerrier peut paraître surprenant. Il est ainsi possible que ce poème, et ceux de réponse que reçut Masakado, aient été ajoutés au Shōmonki par son auteur[115].
Par ailleurs, le poème de Masakado était quelque peu grossier : il sous-entendait une question, « où est Sadamori ? » et pouvait également être pris pour du mauvais flirt. Les deux femmes répondirent également par des poèmes. L’épouse de Sadamori détournait le sujet de la localisation de son époux et, grâce à un double-sens, remerciait Masakado de son geste de sympathie. Celui de la veuve était loin d’être aussi courtois.
Masakado reprit donc sa traque, mais sans résultat. Il fut obligé de démobiliser la majorité de ses troupes et de s’en retourner vers chez lui avec une force particulièrement réduite. Sadamori sauta sur cette opportunité. Il sortit de sa cachette, rassembla ses troupes et se lança à la poursuite de son cousin.
En outre, Sadamori s’était trouvé un nouvel allié : Fujiwara no Hidesato 藤原秀郷, de la province de Shimotsuke. La lignée de Hidesato sur les trois générations précédentes était composée de mariages entre aristocrates installés en Shimotsuke et nobles locaux. Il eut un parcours similaire à celui de Masakado et était le premier de sa famille à être un bushi. Il était également ōryōshi de sa province.

Son titre ne l’obligeait pas à joindre la poursuite de Masakado, son motif était en partie personnel : son oncle était initialement gouverneur assistant de la province de Kōzuke, mais il fut dépossédé de son poste par Masakado. Il est cependant plus probable que son alliance avec Sadamori soit motivée par l’opportunisme et par l’attrait de la promesse de généreuses récompenses pour la capture de Masakado et de ses partisans.
En effet, il est extrêmement probable que Hidesato ait déjà été en place au poste d’ōryōshi lorsque Masakado fit son siège des bureaux de la province de Shimotsuke durant le douzième mois de l’année 939 et, pourtant, il n’agit pas contre lui. Cette première inaction suivie de cette alliance en 940 en dit beaucoup sur son sens de la loyauté et sur ses priorités.
Ainsi, après l’incident avec les deux femmes, les troupes de Masakado continuèrent de tâtonner à la recherche de Sadamori et de ses hommes en Hitachi durant une semaine. Le printemps, saison de forte activité agricole, commençait. Les forces de Masakado étaient avec lui depuis trois mois et elles ne pourraient pas continuer ainsi longtemps. Masakado le savait et c’est pour cela qu’il était particulièrement sur l’offensive et ne cherchait pas à construire une défense à la place. Il était conscient qu’il lui serait compliqué de continuer à recruter et à mobiliser durant les semaines suivantes. Par ailleurs, les champs avaient récemment été ensemencés et étaient donc vulnérables. Cela réduisait ses options. Ne pouvant pas continuer cette course folle et inefficace, Masakado décida de démobiliser ses troupes et de rentrer chez lui.
Sadamori et Hidesato avaient le même problème de recrutement. Toutefois, ils disposaient d’un mandat impérial qui soutenait leur effort de conscription. Cela leur permit de se faire considérer comme l’avant-garde de l’armée gouvernementale et de tirer profit de la promesse de récompense que ce statut impliquait. Accessoirement, contrairement à Masakado, leurs guerriers ne venaient pas de passer les trois mois précédents en selle. Ils pouvaient donc promettre une courte campagne d’assujettissement, à l’opposée de la guerre d’endurance et de résistance que les hommes de Masakado avaient en vue.
Le 1er jour du deuxième mois de l’année 940, les éclaireurs de Masakado rapportèrent que Sadamori et Hidesato menaient des troupes vers Kamawa. Rassemblant rapidement ses guerriers, Masakado les divisa en deux compagnies – l’une sous ses ordres, la seconde sous ceux de Fujiwara no Harumochi – et ils se rendirent en Shimotsuke à leur rencontre. Il s’agissait d’une décision plutôt raisonnable : prendre l’offensive lui donnait plus d’options tactiques et atténuait son désavantage du nombre, en particulier s’il pouvait surprendre son ennemi dans son camp ou en marche.
Par ailleurs, cela pouvait lui donner une chance de victoire rapide, ce qui aurait grandement amélioré sa réputation pour ses partisans et pour la cour. Il aurait renforcé sa position de négociation, tout en diminuant le risque de désertions et de mécontentement, et en protégeant sa base (comprenant les maisons de ses partisans). Enfin, cette option lui laissait la possibilité de battre en retraite si besoin était.
Néanmoins, le plan de Masakado échoua : sa force principale manqua complètement les troupes adverses. Il nous est cependant impossible de déterminer si cela était dû, par exemple, à une erreur de ses espions ou encore à un changement de route effectué par son ennemi au dernier instant.
Or, alors que l’avant-garde tâtonnait, des détachements de Fujiwara no Harumochi tombèrent sur le camp de Hidesato. Les hommes de Harumochi observèrent l’ennemi du haut d’une montagne et prirent la décision d’engager plutôt que de prendre le risque de laisser Hidesato s’échapper pendant qu’ils prévenaient Masakado.
Cependant, bien que probablement pris par surprise, Hidesato parvint à rassembler ses troupes et à user de sa supériorité numérique pour premièrement repousser, puis annihiler ses attaquants. Les survivants se replièrent en Shimōsa, se reconnectant avec Masakado et le reste de son armée.
Sadamori et Hidesato se lancèrent à leur poursuite, les rattrapant à Kawaguchi, au nord-ouest de la résidence de Masakado de Kamawa. Initialement, Masakado parvint à se défendre mais, en sous-nombre, il dut battre en retraite.
Malgré cette victoire, Sadamori et Hidesato ne sont pas parvenus à porter un coup décisif. La nuit tombant et incertains de la quantité de renforts que Masakado pouvait ajouter à la balance, les deux hommes se retirèrent en Shimotsuke pour se regrouper.
Quant à Masakado, tout allait mal pour lui en dépit du retrait ennemi : la plupart de ses capitaines restants repartirent chez eux à leur départ du champ de bataille. Il ne lui restait plus qu’une poignée d’hommes de son entourage. Il décida donc de se cacher dans les marais autour de Sashima. Cette zone était constituée de marécages, étendus et à bien des endroits navigables que par bateau. Cet endroit lui avait permis d’éluder Yoshikane à l’automne 937.
Toutefois, la situation de Masakado différait conséquemment de celle de l’automne 937. Il n’était plus un simple guerrier évitant un ennemi privé, mais un criminel d’État poursuivit par les forces de la cour. Il ne pouvait pas simplement épuiser son adversaire, il lui fallait rester suffisamment puissant pour que la cour accepte un compromis avec lui. Et cette puissance reposait sur la crédibilité que ses hommes lui portaient. Cette dernière était en chute libre. Il était suicidaire pour ses hommes de rester avec lui, notamment du fait que la saison agricole battait son plein et qu’aucune récompense n’était en vue. Il était nécessaire pour Masakado de retourner la situation très rapidement.
Le temps jouait également contre Hidesato et Sadamori : le 8e jour du deuxième mois de l’année 940, l’état-major officiel du gouvernement avait quitté la capitale et se dirigeait vers l’Est, levant des troupes sur son passage. Par ailleurs, les deux jours suivants, la cour envoya des décrets aux provinces se trouvant sur leur route, ordonnant de mobiliser des guerriers pour rejoindre cette armée en marche. L’avancée des troupes impériales formellement commissionnées risquait de faire perdre de nombreuses opportunités à Sadamori et Hidesato : s’ils ne gagnent pas suffisamment vite et par eux-mêmes, ils perdraient le crédit et les récompenses. De plus, en ajoutant des délais, le risque de désertions augmentait[116].
Sadamori et Hidesato décidèrent alors d’essayer de faire sortir Masakado de sa cachette en effectuant des raids et en incendiant des localités proches de sa base, à commencer par son propre complexe à Kamawa. Il s’agissait d’une stratégie risquée : cela aurait pu provoquer l’ire des guerriers de toute la région et les galvaniser à rejoindre la cause de Masakado. Néanmoins, il semblerait qu’au contraire, la colère générale se tourne contre ce dernier.

Ainsi, le 13e jour du deuxième mois de l’année 940, Hidesato et Sadamori chevauchèrent en Shimōsa à la tête d’une armée renforcée par de nouvelles recrues. Le jour même, Masakado fit son dernier appel aux armes, donnant pour rendez-vous un endroit proche de sa résidence d’Iwai. Le lendemain matin, Masakado arriva à son point de rencontre, mais seulement 197 personnes[117] répondirent à son appel, et certaines décidèrent de ne pas rester à ses côtés. Masakado fit alors un choix : une fin glorieuse plutôt que la fuite et le secret.
Il conduit ses hommes dans les plaines au nord de la rivière Tone, près de sa résidence Iwai, les positionna dos à une colline protectrice et attendit ses ennemis. Ces derniers le trouvèrent dans l’après-midi, entre 13 et 15h.
Masakado avait bien sélectionné le lieu de son dernier combat : ses ennemis faisaient face à un vent violent qui soufflait depuis le sud. Le vent était si puissant qu’il aurait renversé les boucliers des deux côtés du terrain, mais cela nuisait plus à Hidesato et Sadamori qu’à Masakado.
Cependant, compte tenu de son infériorité numérique conséquente, Masakado ne pouvait tenir longtemps en position défensive. Ses ennemis auraient bien plus aisément pu rester derrière leurs lignes de boucliers en tirant des volées de flèches si le vent ne les en empêchait pas. Profitant de son seul avantage, Masakado lança une charge. La poussière soulevée par les montures s’ajouta alors aux flèches tirées par ses hommes.

Le centre des troupes de Sadamori se replia pour se regrouper et contre-attaquer. Cependant, Masakado n’était pas sur le point de céder l’offensive. Ses guerriers chargèrent dans la brèche qui venait de s’ouvrir, abattant plus de 80 hommes. La plupart des 300 et quelques autres guerriers ennemis s’enfuirent et se précipitèrent en arrière sans but. Masakado avait alors une victoire extraordinaire à sa portée, mais il commit une erreur fatale.
Après avoir chassé sur quelques mètres les troupes adverses en fuite, il se retourna vers le corps principal de son armée. Néanmoins, il était désormais sous le vent et coupé de sa position d’origine par Hidesato, Sadamori et les quelques guerriers restants qui n’avaient pas abandonné leur position. Il reçut alors la « punition divine »[118] : il fut tué d’une flèche[119].
Environ la moitié des hommes de Masakado périrent avec lui lors de cette bataille. Les survivants s’enfuirent et certains d’entre eux furent poursuivis et tués ou exécutés[120]. La campagne militaire était terminée.
Le Conseil d’État reçut d’un messager la nouvelle de la mort de Masakado le 25e jour du deuxième mois de l’année 940[121]. Néanmoins, le lendemain, une autre nouvelle bien plus inquiétante arrivait : Masakado, suivi de 13 000 hommes, serait en route pour envahir les provinces de Mutsu et de Dewa ! De nombreuses rumeurs se mirent à courir à la capitale et la panique s’installait.
Enfin, le 5e jour du troisième mois, la cour obtint la confirmation que Masakado était bel et bien mort. Le 10e jour, sa tête, prise sur le champ de bataille et transportée jusqu’à la capitale, fut exposée à l’extérieur du marché de l’Est[122].

Sadamori et Hidesato furent alors récompensés par la cour. Notons que ce dernier fut mieux récompensé que Sadamori. En effet, avant son entrée dans le conflit, l’expédition était un échec, il peut donc être vu comme le facteur décisif de la victoire. Mais surtout, contrairement à Sadamori, Hidesato était officiellement nommé pour agir au nom de la cour. Comme nous l’avons précédemment noté, il était important pour le gouvernement de récompenser les leaders guerriers qui agissaient pour elle afin de ne pas perdre leur allégeance. Il liait leurs fortunes personnelles à ses succès.
Ainsi, le titre d’ōryōshi de Hidesato rendait ses ressources militaires privées publiques. Ce titre représentait parfaitement l’un des dispositifs les plus importants que la cour utilisait pour attirer les chefs guerriers provinciaux à son service. Il était donc nécessaire de mieux récompenser Hidesato. Sadamori était déjà dans le conflit pour des raisons personnelles, son intérêt était déjà lié à celui de la cour, même si c’était involontaire.
Conclusion :
Ainsi, comme nous avons pu le constater tout au long de cet article, le système militaire japonais subit de grands changements durant le Xe siècle. La cooptation des moyens guerriers privés par la cour à travers l’établissement de titres lui a permis de maintenir l’ordre sur son territoire en opposant les leaders de l’ordre guerrier émergeant entre eux.
Durant l’époque Heian, les guerriers restèrent donc principalement des mercenaires, offrant leurs talents et services en échange d’un patronage à long terme pour leur carrière par des aristocrates de la cour ou contre des récompenses immédiates. Les grandes forces et les réseaux étaient difficiles à maintenir dans le temps, ne serait-ce qu’à court terme, sans le soutien de l’autorité de l’État sous une forme ou une autre[123]. Le pouvoir politique et l’autorité étaient cruciaux pour un quelconque maintien de puissance militaire.
À travers l’exemple de Taira no Masakado, nous avons pu étudier une parfaite illustration du visage de la guerre sur l’archipel, notamment dans l’Est du pays, qui nous a montré que les guerriers utilisaient réciproquement les titres donnés par la cour afin d’exercer leurs guerres privées en toute légalité. Néanmoins, dès que ces conflits empiétaient sur l’autorité de la cour, celle-ci réagissait immédiatement.
Masakado vécut le passage à l’âge adulte de l’ordre des combattants professionnels de la capitale et de la campagne que nous connaissons sous le nom de bushi. Les témoignages de sa révolte démontrent le début de maturité de cet ordre guerrier. Elle est un exemple typique du système de répression de la cour au Xe siècle. Masakado fut un « géant », mais en même temps un homme presque « banal » pour son époque. Il n’a pas changé son monde et n’a pas cherché à métamorphoser le Japon. Il a simplement dépassé la ligne établie par l’autorité impériale.
Durant l’époque Heian, la noblesse civile a su maintenir des contraintes strictes sur l’autonomie même des guerriers les plus puissants en matière de gouvernance et de propriété foncière. La liberté d’action locale de ces derniers n’était pas une indépendance ou même une autonomie pour la simple raison que les guerriers eux-mêmes ne pensaient pas encore en ces termes.
Avant l’établissement du shôgunat par Minamoto no Yoritomo à la fin du XIIe siècle, à chaque fois que de puissants guerriers outrepassaient cette ligne et posaient un défi à l’autorité centrale, la cour fut en mesure de trouver des pairs et des rivaux plus conservateurs dans leurs ambitions afin de mettre un terme à leurs rébellions[124].
Masakado, quant à lui, n’a pas délibérément défié l’autorité du gouvernement central – du moins pas au départ. Les conflits dans lesquels il fut impliqué étaient des querelles locales et/ou familiales, pas nationales. Même ses actions en 939 visaient des fonctionnaires provinciaux spécifiques et leurs subordonnés, leurs politiques locales, et non pas le système national. Lorsqu’il fut déclaré criminel d’État, son premier réflexe fut d’écrire une lettre à son patron afin de chercher la réconciliation avec la cour.
Figure typique de la transition vers un système privatisé, Masakado illustre les grandes lignes de son époque, mais ne la définit pas.
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Bibliographie :
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[1] Poème composé d’un tercet et d’un distique, répartis respectivement en vers de 5/7/5-7/7 mores. Le waka avait un rôle socio-politique majeur au sein de l’aristocratie japonaise de l’époque Heian.
[2] Genji monogatari 『源氏物語』, écrit par l’auteure Murasaki Shikubu 紫式部 au tout début du XIe, considéré comme le premier roman au monde.
[3] Les conflits de Hōgen 保元の乱 (1156), Heiji 平治の乱 (1159) et Genpei 源平の争乱 (1180-1185), pour en savoir plus, voir DAUVERGNE Cécile, « Le clan Taira et le conflit de Genpei », dans La Revue d’Histoire Militaire, dossier hors-série n°3, Les Lilas, La Revue d’Histoire Militaire, [en ligne] https://larevuedhistoiremilitaire.fr/dossier-hors-serie-n3-le-clan-taira-et-le-conflit-de-genpei/ (dernière consultation le 07/04/2023)
[4] Il s’agit de la date que porte la copie la plus ancienne subsistante, FRIDAY Karl, The First Samurai: The Life and Legend of the Warrior Rebel Taira Masakado, Hoboken, John Wiley & Sons, Inc., 2008, 220 p., p. 10 ; sur les différents manuscrits, voir SASAKI Hachirō 佐々木八郎, Gunkimono to sono shūhen 軍記物とその周辺 (« Les chroniques guerrières et ce qui les entoure »), Tōkyō, Waseda daigaku shuppan, 1969, 944 p., pp. 51-68
[5] SHIMOMUKAI Tatsuhiko 下向井龍彦, Bushi no seichō to insei 武士の成長と院政 (« Le développement des guerriers et le gouvernement des empereurs retirés »), Tōkyō, Kōdansha 講談社, 2001, 366 p., p. 66 ; FARRIS William Wayne, Heavenly Warriors: The Evolution of Japan’s Military, 500-1300, Cambridge, Council on East Asian Studies, 1995, 486 p., p. 132 ; FRIDAY Karl, Samurai, Warfare and the State in Early Medieval Japan, Londres / New York, Routledge, 2004, 236 p., p. 17
[6] SERAFINO Steve, « La militarisation du Japon ancien : de la domination de la cour impériale au premier système de conscription (VIIe – VIIIe siècles) », dans La Revue d’Histoire Militaire, Les Lilas, La Revue d’Histoire Militaire, 2021, [en ligne] https://larevuedhistoiremilitaire.fr/2021/06/21/la-militarisation-du-japon-ancien-de-la-domination-de-la-cour-imperiale-au-premier-systeme-de-conscription-viie-viiie-siecles/ (dernière consultation le 28/04/2023)
[7] Néanmoins, à partir de la mise en place du shôgunat à la fin du XIIe siècle, ce système perdit peu à peu son pouvoir concret et devint surtout décoratif.
[8] FRIDAY Karl, Hired Sword: The Rise of Private Warrior Power in Early Japan, Stanford, Stanford University Press, 1992, 265 p., p. 31
[9] « citizen-soldier », ibid., p. 8
[10] Ils effectuaient ces fonctions en rotation, ibid., p. 31
[11] FRIDAY Karl, « They Were Soldiers Once: The Early Samurai and the Imperial Court », dans FEREJOHN John (éd.) et MCCALL ROSENBLUTH Frances (éd.), War and state building in medieval Japan, Stanford, Stanford University Press, 2010, 180 p., pp. 21-52, pp. 23-27
[12] FRIDAY Karl, Hired Sword, op. cit., p. 35
[13] Selon les codes, toutes les nouvelles recrues devaient être affectées à des compagnies : ceux doués avec l’arc et le cheval dans la cavalerie, le reste dans l’infanterie. Ryō no gige 令義解 (« Commentaire du code administratif »), Tōkyō, Yoshikawa kōbunkan, 1957, 354 p., p. 183 ; FRIDAY Karl, art. cit., p. 24
[14] FARRIS William Wayne, op. cit., pp. 121-127
[15] SOUYRI Pierre-François, Samouraï : 1000 ans d’histoire du Japon, Nantes, Château des ducs de Bretagne, 2014, 263 p., pp. 24-28
[16] Voir par exemple les entrées du 16e jour du troisième mois de l’année 857 et du 22e jour du deuxième mois de l’année 858 dans Nihon Montoku tennō jitsuroku 日本文徳天皇実録 (« Véritables archives de l’empereur Montoku du Japon »), 10 vol., Tōkyō, Kokuritsu kōbunshokan, non paginés, [en ligne] https://www.digital.archives.go.jp/DAS/meta/listPhoto?LANG=default&BID=F1000000000000047712&ID=&TYPE=dljpeg (dernière consultation le 12/05/2023) ; FRIDAY Karl, Hired Sword, op. cit., p. 82
[17] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., pp. 28-29
[18] Ibid., p. 30
[19] Notamment à cause du monopole des postes par les Fujiwara.
[20] Certains envoyaient du personnel en province et restaient à la capitale par ailleurs, SOUYRI Pierre-François, Histoire du Japon médiéval : le monde à l’envers, Malesherbes, Perrin, 2013, 522 p., pp. 52-54 ; notons néanmoins que les nobles qui s’établissent en province abandonnaient rarement leurs liens avec la capitale, FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., pp. 33-34
[21] Certains anciens fonctionnaires s’installaient en province et entraient dans la compétition pour les richesses et l’influence. Une partie de ces aristocrates continuait même de collecter des taxes alors qu’ils n’étaient plus en poste par exemple. Le gouvernement central tenta d’y mettre fin à la fin du VIIIe siècle, mais finit par abandonner vers la fin du IXe siècle. FRIDAY Karl, Hired Sword, op. cit., p. 76 ; FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 33
[22] Ibid., p. 31 ; FRIDAY Karl, Hired Sword, op. cit., p. 83
[23] Ibid., p. 83 ; SOUYRI Pierre-François, Nouvelle histoire du Japon, Lonrai, Perrin, 2010, 627 p., p. 195 ; Chōya gunsai 朝野群載 (« Recueil d’écrits de la cour et des provinces »), Tōkyō, Yoshikawa kōbunkan, 1964, 592 p., p. 525
[24] BABICZ Lionel, et al., Le Japon : des samouraïs à Fukushima, Paris, Fayard, 2011, 292 p., pp. 49-50
[25] FRIDAY Karl, Hired Sword, op. cit., pp. 84-85
[26] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 31
[27] De très nombreux d’entre eux ont fait partie du kebi.ishi-chō par exemple, FRIDAY Karl, Hired Sword, op. cit., pp. 84-85
[28] Il est nécessaire de faire ici la différence entre un patron et un mécène.
[29] Le rang de haut dignitaire était octroyé aux aristocrates à partir de l’obtention du troisième rang inférieur. Les hauts dignitaires étaient donc les fonctionnaires les plus importants de la cour impériale et effectuaient la grande majorité des décisions administratives et gouvernementales.
[30] Ibid., pp. 76-80
[31] Ibid., p. 88
[32] Il ne s’agissait toutefois pas d’un monopole.
[33] Principalement certaines branches des Minamoto 源氏 descendants de l’empereur Seiwa 清和天皇 (Seiwa Genji 清和源氏), Taira 平氏 descendants de l’empereur Kanmu 桓武天皇 (Kanmu Heishi 桓武平氏) et des Fujiwara 藤原氏 descendants de Fujiwara no Hidesato 藤原秀郷 (Bandō Fujiwara 坂東藤原).
[34] L’historien japonologue Jeffrey Mass les surnommait « bridging figures » (« figures qui rapprochent ») car ces guerriers liaient la capitale (y résidant et en dépendant) et les provinces, ibid., p. 89
[35] Ibid., pp. 97-99
[36] Le terme « Emishi » représente les populations indigènes du Nord-Est du Japon durant les époques de Nara 奈良時代 (710-794) et de Heian. Certaines tribus emishi refusaient d’accepter l’autorité impériale japonaise et plusieurs conflits armés eurent lieu. Les tactiques d’archerie montée emishi furent reprises par les guerriers japonais ce qui finit par amener la victoire à ces derniers dans les années 790. Néanmoins, certaines bandes et individus emishi continuèrent à harceler les populations civiles ou gouvernementales japonaises.
[37] Ce nombre n’est toutefois pas très crédible, ibid., pp. 100-101
[38] Ibid. p. 113
[39] Voir par exemple les théories de l’historien Karl Friday dans ibid., p. 116
[40] Ibid., pp. 119-120
[41] Cela aurait commencé vers la fin du VIIIe siècle, ibid., p. 96
[42] FRIDAY Karl, Samurai, Warfare and the State in Early Medieval Japan, op. cit., pp. 6-7
[43] « teeth and claws », FRIDAY Karl, Hired Sword, op. cit., pp. 122-123
[44] Ibid., p. 125
[45] Ibid., pp. 128-129
[46] Avant la création du Bureau de police, il n’y avait pas d’organisme spécifique de prévu dans les Codes pour le maintien de l’ordre dans la capitale. Plusieurs organisations et bureaux se divisaient cette tâche, ce qui produisait par ailleurs des doublons. Toutefois, la raison de la fondation du kebi.ishi-chō est, de nos jours, inconnue.
[47] Ibid., pp. 130-131
[48] Région comportant cinq provinces (Izumi 和泉国, Kawachi 河内国, Settsu 摂津国, Yamashiro 山城国 et Yamato 大和国) et dans laquelle la capitale impériale était située.
[49] Le Conseil d’État, ou Conseil des hauts dignitaires, était un collège composé de ministres, conseillers et auditeurs. Ces derniers ne pouvaient pas faire de propositions, mais avaient la possibilité de donner leurs avis lors des débats. HÉRAIL Francine, La cour du Japon à l’époque de Heian aux Xe et XIe siècles, Paris, Hachette, 1995, 267 p., pp. 13-14
[50] FRIDAY Karl, Hired Sword, op. cit., p. 138
[51] Ibid., p. 140-143
[52] Le Bureau de police ne fut pas aboli, mais devint dépendant du gouvernement provincial et non plus national.
[53] Ibid., pp. 149-156
[54] Durant l’époque Asuka 飛鳥時代 (538-710), le système administratif était divisé en cinq provinces (celles du Kinai) et sept axes de communications ou « routes », le Goki shichidō 五畿七道. En réalité, pour ces « routes », dō 道, le terme de « région » conviendrait mieux à la réalité. Chacune d’entre elles était composée de plusieurs provinces.
[55] Ibid., pp. 159-163
[56] Cependant, le système continua d’évoluer et de s’adapter à la réalité provinciale qui ne cessa de changer. Et cela jusqu’au XVe siècle, lorsque la cour perdit totalement son pouvoir de gouvernance.
[57] Ibid., pp. 169-177
[58] FRIDAY Karl, art. cit., p. 26
[59] Le conflit de Genpei opposa, entre autres, différentes branches des familles Taira et Minamoto. Minamoto no Yoritomo en sortit vainqueur et lança l’établissement d’un nouveau système politique : le shôgunat. Pour en savoir plus sur ce conflit, voir notre dossier hors-série n°3, DAUVERGNE Cécile, « Le clan Taira et le conflit de Genpei », op. cit.
[60] FRIDAY Karl, art. cit., p. 43
[61] FRIDAY Karl, Samurai, op. cit., p. 19
[62] Ibid., pp. 21-22
[63] Ibid., pp. 26-31
[64] Ibid., p. 104
[65] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 53
[66] FRIDAY Karl, Samurai, op. cit., pp. 106-107
[67] Ibid., p. 97
[68] Les chevaux furent importés sur l’archipel à partir au moins de l’époque Jōmon 縄文時代 (13 000-400 av. J.-C.), mais leur utilisation était minime dans l’agriculture. Ils ne furent pas domestiqués avant une réintroduction par le continent au Japon au IVe siècle. L’élite avait alors un monopole sur eux. Les chevaux étaient particulièrement petits et rares.
[69] Ibid., p. 103 ; TAKAHASHI Masaaki 高橋昌明, Bushi no seiritsu : bushizō no sōshutsu 武士の成立・武士像の創出 (« La genèse des guerriers : la création de l’image de guerrier »), Tōkyō, Tōkyō daigaku shuppankai, 1999, 334 p. pp. 189-207
[70] FRIDAY Karl, Samurai, op. cit., p. 112 ; FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 69
[71] FRIDAY Karl, Samurai, op. cit., pp. 115-117
[72] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 45
[73] Ibid., pp. 43-46
[74] Ibid., pp. 58-59
[75] FRIDAY Karl, Samurai, op. cit., p. 119
[76] Ibid., pp. 115-117
[77] Ibid., p. 165 ; SOUYRI Pierre-François, Nouvelle histoire, op. cit., p. 203 ; SOUYRI Pierre-François, Samouraï : 1000 ans, op. cit., p. 36
[78] Par ailleurs, aucun texte de l’époque Heian ne mentionne de sabre utilisé à cheval, FRIDAY Karl, Samurai, op. cit., pp. 131-132
[79] Les sabres courts étaient plus utilisés pour la prise de la tête de l’ennemi défait que pour le combat en lui-même.
[80] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 48
[81] Ibid., pp. 98-99
[82] SOUYRI Pierre-François, Nouvelle histoire, op. cit., p. 207
[83] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 7
[84] Ibid., p. 23
[85] Ibid., p. 30
[86] KUROKAWA Yūichi 黒川雄一 (éd.), Nihon rekishi daijiten 日本歴史大事典 (« Encyclopédie de l’histoire japonaise »), vol. 2, Tōkyō, Shōgakkan, 2000, 1185 p., p. 906
[87] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., pp. 38-39
[88] Cependant, il aurait potentiellement servi dans la takiguchi 滝口 (« sergents de la cascade »), une unité de garde spéciale rattachée à la Chancellerie privée, kurōdo-dokoro 蔵人所. Ses membres (une vingtaine au Xe siècle) étaient recrutés sur concours de tir à l’arc. Leur mission principale était de protéger et d’escorter l’empereur dans ses déplacements.
[89] FARRIS William Wayne, op. cit., p. 132 ; SHIMOMUKAI Tatsuhiko, op. cit., pp. 66-67
[90] Ibid.
[91] Hors note précisant autrement, notre source majeure pour le reste de notre article est le Shōmonki 『将門記』 (« Chronique de Masakado »), Tōkyō, Gendai shichōsha, 1975, 513 p., édité par HAYASHI Rokurō 林陸朗
[92] FARRIS William Wayne, op. cit., p. 133 ; FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 43
[93] Yoshimasa était peut-être son cousin et non pas son oncle.
[94] Ibid., p. 49
[95] Autre nom de Fujiwara no Hidesato.
[96] Ce Bureau représentait l’autorité de la cour dans la province et était plus ou moins une forteresse militaire.
[97] Probablement grâce à son patron avec qui il semblait avoir des liens forts. Pour plus de détails sur ces liens, voir KAWAJIRI Akio 川尻秋生, « Bumon no keisei » 武門の形成 (« La formation aux arts martiaux »), dans KATŌ Tomoyasu 加藤友康 (dir.), Sekkan seiji to ōchō bunka 摂関政治と王朝文化 (« La politique de régence et la culture de la cour »), Tōkyō, Yoshikawa kōbunkan, 2002, 319 p., pp. 134-161, pp. 141-142
[98] Ce chiffre est peu crédible, FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 57
[99] Ibid., p. 63
[100] Ou tout du moins n’y accordaient que peu d’importance.
[101] Ibid., p. 81
[102] Cependant, ils furent pardonnés et restaurés avec des nouveaux rangs et fonctions durant le douzième mois de l’année 941, après que les événements qui suivirent dans l’Est prouvèrent de manière rétroactive la validité de leur timidité.
[103] Plus de 1000 hommes selon le Shōmonki, mais ce chiffre n’est que peu crédible.
[104] Un nouveau gouverneur était en train de prendre son poste lorsque les troupes de Masakado arrivèrent en Shimotsuke.
[105] Pour une traduction en anglais, voir FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., pp. 106-107
[106] Ibid., p. 108 ; Ryō no gige, op. cit., pp. 187-190
[107] Okiyo fut, de manière générale, cité comme co-conspirateur et comme étant fortement impliqué dans les intrigues. Néanmoins, cela tient potentiellement du fait que le prince n’était pas particulièrement aimé des vainqueurs, notamment du gouverneur de Musashi, qui fut le premier témoin de l’histoire à être interrogé par la cour. Il aurait ainsi pu potentiellement mettre le rôle d’Okiyo en avant ce qui, par ailleurs, aurait pu pousser la cour à libérer Tsunemoto.
[108] Hachiman est, entre autres, le dieu de la guerre dans la religion shintō 神道. Lorsque le bouddhisme fut introduit sur l’archipel, cette divinité se serait convertie et serait devenue un bodhisattva, soit un bouddha n’ayant pas encore atteint l’éveil et qui le retarde afin d’aider les autres êtres sensibles à le faire également.
[109] Par exemple, Karl Friday dans The First Samurai, op. cit., pp. 117-118
[110] Par exemple ibid., p. 120 ; après bataille finale, des documents auraient été retrouvés dans les possessions de Masakado. Une copie de la lettre de Masakado à Fujiwara no Tadahira aurait pu s’y trouver.
[111] 坂東, région de l’Est du Japon, plus ou moins équivalente au Kantō 関東 actuel.
[112] Shōmonki, op. cit., pp. 105-111
[113] Par ailleurs, la manière dont Masakado aurait nommé les gens aux postes de gouverneur ou gouverneur assistant suivait les règles et traditions de la cour.
[114] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., pp. 129-130
[115] Comme cela a été fait dans le Dit des Heike par exemple. Voir DAUVERGNE Cécile, « Le Dit des Heike et les poètes Taira : la richesse de la littérature épique du Japon médiéval », dans La Revue d’Histoire Militaire, Les Lilas, La Revue d’Histoire Militaire, 2022, 35 p., [en ligne] https://larevuedhistoiremilitaire.fr/2022/03/16/le-dit-des-heike-et-les-poetes-taira/ (dernière consultation le 22/04/2023)
[116] Ils pouvaient retourner dans les champs ou rejoindre l’armée impériale par exemple.
[117] En outre, tous n’étaient pas des guerriers.
[118] Shōmonki, op. cit., p. 129
[119] L’identité du tireur est inconnue. Cependant, Hidesato fut perçu durant l’époque médiévale comme celui ayant tué Masakado.
[120] Certains entrèrent en religion par peur. Le 16e jour du deuxième mois, la cour délivra une amnistie générale pardonnant les partisans de Masakado se rendant aux autorités compétentes. Certains survivants se rendirent. Pour plus d’informations, voir FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., pp. 140-141
[121] Ibid., p. 142
[122] Il y avait deux marchés à Heian-kyō : un à l’Est et un à l’Ouest.
[123] FRIDAY Karl, Samurai, op. cit., pp. 61-62
[124] FRIDAY Karl, The First Samurai, op. cit., p. 161
Une réflexion sur “Taira no Masakado et la guerre privée au Xe siècle au Japon”