La militarisation du Japon ancien : de la domination de la cour impériale au premier système de conscription (VIIe – VIIIe siècles)

Que connaissons-nous véritablement de l’histoire militaire japonaise, bien avant l’apparition des premiers samouraïs, l’établissement du shogunat ou les querelles des grands daimyō de la période Sengoku (1467-1573) ? De nombreux ouvrages ont mis en lumière ces figures ou régimes guerriers du Japon des époques ancienne tardive, médiévale et moderne, au risque, parfois, d’oublier l’importance et l’immense richesse militaire du monde pré-antique et antique. En effet, des époques comme celles d’Asuka (593-710) et de Nara (710-794) nous permettent d’observer les grandes étapes de la construction territoriale du régime impérial japonais, mais aussi de mieux comprendre l’origine des bouleversements politiques et militaires de l’époque Heian (794-1185).

De la moitié du VIIe siècle à la fin du VIIIe siècle, des événements majeurs se jouent, entraînant une transformation sans pareille du sud-est au nord-est de l’archipel : entre 645 et 757, le Japon connaît l’une de ses plus grandes réformes, subit l’une de ses plus grandes défaites et traverse deux conflits internes. Il transforme aussi la gestion de son territoire et de sa population, instaure un nouveau système de taxe, rédige les premiers recensements à l’échelle du pays et promulgue des codes administratifs et juridiques fondateurs.

Plus important encore : ces mesures apportent au régime impérial les moyens de se militariser et de mettre en place son premier véritable système de conscription. C’est ce dernier qui nous intéressera tout au long de cette brève. En observant les changements majeurs survenus durant la seconde moitié de la période Asuka et le début de la période Nara, nous pourrons comprendre la mise en place du tout premier système de conscription japonais. Un système qui, dans sa chute à la fin du VIIIe siècle, posera en partie les jalons d’un monde dominé par la force des organisations guerrières privées, futures instigatrices d’un nouvel ordre militaire et politique à la toute fin du XIIe siècle.

Taika, l’ère de la Grande Réforme : création d’une assise territoriale, démographique et économique

Les différents systèmes mis en place à travers l’histoire, a fortiori militaire, ont très souvent deux objets en commun : les terres et les individus. Pour maîtriser un pays et qu’un pouvoir politique puisse y imposer des règles en vue d’établir un système de conscription, il doit contrôler son territoire et sa population. Au Japon, ce phénomène devient particulièrement visible dès la seconde moitié du VIIe siècle, impulsé par une série d’événements militaires et politiques majeurs : la reprise en main du pouvoir par la famille impériale et la mise en place d’une réforme en 645.

Depuis près de soixante-dix ans, précisément depuis 587, le clan Soga (蘇我氏) règne sur le Japon. Après avoir éliminé son rival, le clan Mononobe (物部氏), et avoir fait assassiner le fils du prince Shōtoku, les Soga, par une alliance, réussissent à faire main basse sur la succession impériale. Soga no Umako (蘇我馬子), puis son fils Soga no Emishi (蘇我蝦夷) et son petit-fils Soga no Iruka (蘇我入鹿), décident à leur guise de l’intronisation des empereurs. Cette situation permet aux Soga d’asseoir leur pouvoir sur la cour du Yamato, qui s’étend alors du nord de Kyūshū au nord-est de Honshū, l’île principale de l’archipel.

Dans les régions, le clan au pouvoir s’accommode notamment d’un fonctionnement assez décentralisé : dans les terres, la population (bemin 部民) est divisée en catégories (be 部) d’individus (min 民) travaillant et fournissant des vivres et des biens à la cour (chōtei 朝廷), aux grandes familles (gōzoku 豪族) ainsi qu’aux chefs de région (kuni no miyatsuko 国造)[1]. Ces puissants acteurs se partagent le territoire, sans frontières ni juridictions définies. La vie économique s’organise alors autour du principe de tributs payés principalement en riz, notamment autour d’un système de gestion appelé miyake (屯倉).

Carte représentant l’influence de la cour impériale au milieu du VIIe siècle (Steve Serafino, LRHM, 2021)
Carte représentant l’influence de la cour impériale au milieu du VIIe siècle (Steve Serafino, LRHM, 2021)

Constitués d’une sorte de bureau de gestion et d’un grenier, les miyake comprennent souvent des rizières, mais aussi toute zone de ressources (bois, mines, lieux de pêche ou de chasse, pâturages), sur lesquelles on trouve des agriculteurs (tabe 田部) ou des hommes réquisitionnés pour divers travaux physique (kuwayoboro 钁丁)[2]. Ce système des miyake, représentant l’une des formes les plus anciennes d’administration des terres et de la population connue au Japon, s’est progressivement mis en place sous les cinq rois des Wa pendant l’époque Kofun (IIIe – VIe siècle), à partir des terres cultivées (mita 屯田) des domaines royaux se trouvant dans le Kinai.

Dès le VIe siècle, cette gestion des terres se diffuse à l’ouest et à l’est : petit à petit, le pouvoir du Yamato (yamato seiken 大和政権) s’infiltre dans les territoires jusqu’alors contrôlés par les kuni no miyatsuko, ces fameux chefs de régions[3]. Bien qu’effectué sur une longue période, ce processus est la première véritable tentative d’incursion du pouvoir central en dehors des « six provinces »[4] constituant le domaine impérial du Yamato.

à cette époque, on trouve ainsi au Japon une population organisée selon les métiers que les individus exercent, travaillant pour des familles, très souvent dans des miyake. Du côté militaire, presque aucune structure impériale n’existe. Très souvent, les chefs de régions lèvent leurs propres troupes lorsqu’il faut partir en guerre sous l’étendard du Yamato. Voici comment se présente globalement la vie sociale, économique et militaire, ainsi que le territoire japonais dans les années 640, lorsque les Soga occupent encore la première place à la cour et décident de la lignée impériale.

Or, en juillet 645, un événement change la donne : un complot de cour – fomenté par l’empereur Kōgyoku, le prince Naka no Ōe et un homme de cour nommé Nakatomi no Katamari – renverse définitivement les Soga en les exécutant sommairement, lors d’une cérémonie plus que sanglante. à l’issu de ce funeste événement connu sous le nom d’incident d’Isshi (isshi no hen 乙巳の変), Kōgyoku abdique, laissant son frère Kōtoku monter sur le trône. Un empereur « cérémoniel », permettant au prince Naka no Ōe, qui a refusé lui-même cette place, d’avoir les mains libres pour entreprendre aux côtés de Nakatomi no Katamari une réforme politique, territoriale et fiscale, toute première étape vers le renforcement et la militarisation impériale du pays.

Scène représentant l’incident d’Isshin, notamment l’assassinat des Soga (多武峯縁起絵, 上巻之二, Musée National de Nara 奈良国立博物館
Scène représentant l’incident d’Isshin, notamment l’assassinat des Soga (多武峯縁起絵, 上巻之二, Musée National de Nara 奈良国立博物館 (http://mahoroba.lib.nara-wu.ac.jp/y06/tounomine/)

La cour entend désormais créer un État centralisé inspiré de la Chine des Tang, dotée d’une véritable bureaucratie ainsi que d’une nouvelle administration des terres et des individus. Cette transformation est connue comme la Grande Réforme, appelée en japonais Taika (大化). Celle-ci donne alors son nom aux années durant lesquelles elle est mise en place (645-650), inaugurant aussi au Japon la manière de nommer les ère à la chinoise[5].

Dès le huitième mois de la première année de l’ère Taika, le nouveau gouvernement se met à l’ouvrage, par la redéfinition du territoire sur lequel il souhaite centraliser la société. D’abord par une nouvelle division administrative des régions, organisant l’ensemble du pays en provinces (kuni 国), districts (koori [6]) puis 50 foyers (gojūko 五十戸).

Ensuite, par l’envoi dans les terres de fonctionnaires missionnés pour œuvrer à la bonne application de la réforme[7]. Des administrateurs des provinces de l’est (higashi kuni-ra no kokushi 東国等国司), mais aussi des émissaires envoyés dans les domaines impériaux, doivent mettre en place la nouvelle géographie administrative, tout en recensant la population et en calculant la superficie des rizières[8]. Les administrateurs de provinces ont aussi pour mission de promouvoir l’idéal porté par la réforme Taika[9]. Enfin, ils doivent veiller à faire construire des dépôts d’armes et à mettre à disposition des épées, casques, arcs et flèches dans les districts de leur province[10].

Durant le premier mois de la deuxième année de l’ère Taika (646), quatre édits (mikotonori 詔) – aussi nommés « édit de la réforme » (kaishin no mikotonori 改新の詔) – accompagnent ces premières mesures : la nationalisation des terres et de la population ; l’administration centralisée du pouvoir ; la création d’un système de répartition de lots de rizières ; l’introduction d’un nouveau système de taxe. L’objectif est clair : réaffirmer la domination de la cour impériale sur tout son territoire et toute sa population, tout en se garantissant un approvisionnement efficace en vivres et en biens. La construction de l’assise nécessaire à la militarisation de la cour impériale, 20 ans plus tard, est enclenchée.

De fait, ce nouvel État centralisé doit réussir à s’approprier progressivement les individus et les terres détenus par les propriétaires privés, à savoir les grandes familles et les chefs de régions. Pour y arriver, le prince Naka no Ōe, alors à la tête du pays, décide de céder à la cour, la même année, tous ses miyake et tous ses serviteurs. Puis, le quatrième mois de la deuxième année de l’ère Taika, le système des bemin, à savoir de la population catégorisée selon l’appartenance à une famille ou à une activité, est abolie, pour laisser idéalement place à ce qu’on pourrait appeler une « population administrée » (kokumin 国民)[11].

On pourrait croire, à première vue, que cette transformation se déroule assez rapidement et efficacement. Les apparences sont pourtant trompeuses. Il ne faut pas moins de dix ans – minimum – pour que les édits de Taika commencent à être plus ou moins appliqués. Pendant ces longues années, le système économique n’évolue que très peu : la gestion des ressources continue de fonctionner via les miyake et la gestion des individus classés en catégorie perdure malgré l’abolition des bemin[12]. Sans mesure de coercition, les grandes familles ou les chefs de régions ne voient pas d’intérêt à abandonner leur liberté et leurs prérogatives.

L’ancien système d’imposition perdure également : d’une part, la principale taxe en riz provient toujours des miyake privés et de ceux appartenant au pouvoir ; d’autre part, les fournitures comme la soie, le chanvre et plus généralement des objets de la vie quotidienne, sont collectés auprès des nashiro (名代) ou koshiro (子代), des paysans des familles princières. à cela s’ajoute des tributs en nature (nie 贄), levés dans certains territoires ou certaines organisations, mais aussi par les chefs de régions, qui collectent alors, en plus du riz des miyake, des tributs d’argent, de perles, de cuir, des produits d’hygiène corporel, de teintures ou de soie[13], dont une partie est alors reversée à la cour.

Toutefois, la Grande Réforme réussit à s’appliquer progressivement avec le temps. On sait par exemple aujourd’hui que dès 649, il existait bel et bien des districts – a priori environ 500 – à la place des 120 régions des kuni no miyatsuko. Dans ce niveau administratif intermédiaire, des bureaux (chōsha 庁舎) doivent permettre une gestion centralisée par des chefs de district (koori no kami 評督[14]). Par la suite, en 652, pour la première fois, des registres de la population (koseki 戸籍) sont rédigés, le système des 50 foyers (gojūkosei 五十戸制) comme unité administrative géographique minimale est globalement mis en place et de nouvelles enquêtes sur les superficies de rizières sont réalisées[15].

Tablette de bois (mokkan 木簡) du village de Ooyama, du district de Muge de la province de Mino, an quatre du règne de Tenji (665). Sur ce mokkan, est visible la mention « 50 foyers » ainsi que la présence du terme be, notamment tabe, pour désigner un regroupement d'agriculteurs (Base de données des tablettes en bois, 木簡庫
Tablette de bois (mokkan 木簡) du village de Ooyama, du district de Muge de la province de Mino, an quatre du règne de Tenji (665). Sur ce mokkan, est visible la mention « 50 foyers » ainsi que la présence du terme be, notamment tabe, pour désigner un regroupement d’agriculteurs (Base de données des tablettes en bois, 木簡庫, https://mokkanko.nabunken.go.jp/ja/5AMDRQ77000015)

La menace sino-coréenne et l’acceptation définitive du principe de centralisation impériale

Toutes ces mesures qui renforcent l’État impérial en dix ans environ, sont principalement dues à la volonté et au travail du prince Naka no Ōe. Celui-ci pose les fondations sur lesquelles peuvent bientôt s’ériger les piliers de la militarisation de la cour impériale et, in fine, le système de conscription.

C’est notamment à partir des années 660, une décennie où le Japon connaît un bouleversement géopolitique sans précédent, que Naka no Ōe réussit à convaincre les différents acteurs politiques de l’archipel de la nécessité d’une union autour du principe de la centralisation. En effet, l’Asie connaît un contexte politico-militaire particulièrement tendu depuis la fin du VIe siècle. En Chine, la dynastie Sui laisse place à celle des Tang qui établit un système centralisé particulièrement puissant et efficace, tandis que trois royaumes se disputent le territoire correspondant à peu près aujourd’hui à la Corée[16]. Le royaume nord de Kōkuri et celui du sud de Kudara acculent celui de Shinra, à l’est.

Et la situation empire : bientôt, la dynastie Tang s’allie à Shinra et, ensemble, détruisent le royaume de Kudara, allié de longue date du Yamato[17]. Les rescapés demandent l’aide de l’empereur Saimei (斉明), qui promet dès 661 une intervention, entraînant de facto l’archipel dans ce conflit régional. Toutefois, des troupes ne sont envoyées qu’en 662, après l’intronisation du prince Naka no Ōe, devenant alors l’empereur Tenji (天智). Celui-ci envoie successivement en 662 et 663 trois armées composées de troupes levées dans les provinces du Kinai et dans l’île de Kyūshū, commandées par des kuni no miyatsuko.

Lancée en septembre 663, la dernière expédition se termine en un échec cuisant pour les Japonais face à la flotte des Tang. à la bataille de Hakusuki no e, les navires du Yamato, malgré une large supériorité numérique, sont écrasés par les bâtiments chinois. La campagne se termine ainsi par l’une des plus grandes défaite maritime de l’histoire du Japon. Une défaite aux conséquences majeures : tout en perdant définitivement pied sur la péninsule, le pouvoir du Yamato se retrouve bientôt en danger, car le royaume de Kōkuri est lui aussi écrasé par Shinra en 668, qui unifie alors la Corée[18]. à partir de fin 663, le Japon court donc le risque d’une invasion chinoise ou coréenne, capable de provoquer sa chute, à l’instar de son ancien allié.

Carte de l’Asie de l’est au VII siècle et placement de la bataille de Hakusuki no e (Steve Serafino, LRHM, 2021)
Carte de l’Asie de l’est au VII siècle et placement de la bataille de Hakusuki no e (Steve Serafino, LRHM, 2021)

Ce désastre militaire se révèle pourtant être une aubaine politique pour le nouvel empereur Tenji. Grâce à cette menace, il détient désormais l’argument décisif pour faire définitivement plier les grandes familles et les chefs de régions, et les convaincre d’abandonner leurs acquis au profit d’un état centralisé uni sous l’égide de la cour impériale, qu’il présente comme le seul garant de la sécurité de l’archipel.

En 664, soit le deuxième mois de la deuxième année du règne de Tenji, l’édit de Kinoe ne, aussi appelé kasshi no sen (甲子宣), est promulgué et remodèle l’organisation interne de la cour et du pays : le nombre de rangs dans l’administration passe de 12 à 26 et le nombre de fonctionnaires des rangs inférieures augmente ; une distinction est désormais effectuée entre les « grands clans » (oo.uji 大氏), les « petits clans » (ko.uji 小氏) puis les « serviteurs de la famille impériales » (tomo no miyatsuko 伴造). Les chefs de clans obtiennent comme signes distinctifs de leur autorité le droit de porter des tachi (大刀), katana (小刀) ou tateyumiya (干楯弓矢).

De plus, au niveau de la population, une sorte de retour en arrière est organisé : en effet, deux nouvelles catégories sociales sont mises en place, les kakibe (民部) et les yakabe (家部). Ces derniers sont des individus, des paysans ou des travailleurs appartenant aux clans, autrement dit leurs personnels privés[19]. Pour comprendre la création des kakibe et des yakabe, il faut se rappeler que le système des bemin – populations catégorisées selon leur appartenance à une famille, un clan ou un travail – n’a en réalité jamais véritablement disparu, malgré son abolition en 646 avec les édits de la réforme. Plusieurs chercheurs japonais semblent estimer qu’il s’agirait d’un simple retour à une situation relativement décentralisée.

Nous pouvons néanmoins émettre quelques hypothèses sur les motivations politiques de cette réforme. D’une part, nous pourrions imaginer que cette mesure de reconnaissance de personnels privés apporte une contrepartie non négligeable pour les grandes familles, clans, chefs de régions devant reconnaître après 663 l’autorité de la cour. L’empereur Tenji aurait-il négocié la reconnaissance d’une souveraineté impériale, désormais indiscutable, contre un retour à une plus grande liberté sur la domination des populations dans les régions ?

Une autre hypothèse – n’excluant pas la première, mais la complétant – est envisageable : en créant ces deux catégories et en reconnaissant officiellement aux familles et clans l’existence de personnels privés, l’empereur Tenji souhaitait-il rationaliser une situation qui perdurait de fait et échappait au contrôle de la cour ? Si ces bemin appartenant à des acteurs privés n’étaient pas publiquement et clairement reconnus, ils ne pouvaient pas administrativement exister dans cet état impérial en construction. Or, l’objectif était de pouvoir contrôler, et donc de recenser in fine la population, pour l’imposer et éventuellement conscrire les hommes valides.

Loin d’être un simple retour à une situation antérieure, nous pensons que cette mise en place des kakibe et yakabe pourrait constituer d’une certaine manière un moyen indirect pour la cour impériale d’avoir une prise administrative sur des populations jusqu’alors en dehors de toute domination étatique. Cette hypothèse semble corroborée quelques années plus tard par le projet de rédaction d’un recensement de la population à l’échelle du pays entier. Terminé en 670, le recensement de l’année Kōgo (kōgonenjaku 庚午年籍) apporte des informations sur l’identité, l’âge et le sexe des individus qui constituent les différents foyers des districts et des provinces du pays, en incluant les kakibe et les yakabe.

Il est ainsi possible de penser que, pour la toute première fois, la majorité de la population du Japon de cette époque est recensée, y compris les personnels privés. Leur condition, leur statut et leur lieu de résidence sont inscrits dans ce registre, ce qui constitue une étape importante pour acquérir la capacité de mobiliser rapidement et largement des hommes à travers l’ensemble du territoire et, très bientôt, de mettre en place un système de conscription.

La mise en place de l’État régi par les codes et la militarisation de la cour impériale

Depuis le début de la réforme Taika, 25 ans se sont écoulés. Et, en 670, la cour impériale a franchi plusieurs étapes clés sur le chemin de la militarisation : redéfinition de sa géographie administrative, nomination des administrateurs de province et des chefs de districts, abolition des bemin et création des kakibe et des yakabe, recensement de la population, transformation du système d’imposition et de gestion économique abandonnant peu à peu le miyake pour le système de taxes et de corvées.

Autrement dit, les empereurs successifs ont commencé à se réapproprier certaines terres, à créer les bases d’administrations régionales, à poursuivre la nationalisation de la population, à rassembler de nombreuses informations essentielles sur les individus, mais aussi à les rendre imposables et mobilisables dans des espaces mieux connus. Se dessinent alors les contours d’un État impérial en train de centraliser son administration, de dominer sa population et de maîtriser son territoire. Un long processus sur le point de connaître une accélération sans précédent au tout début des années 670, à la suite d’un conflit majeur, à la fois révélateur de la maturité territoriale et démographique atteinte par le Japon, mais aussi moteur de la militarisation.

Cet événement militaire majeur bouleverse en effet la période Asuka. En 672, à la mort de l’empereur Tenji, le Japon se retrouve face à une opposition entre deux prétendants au trône. Le prince Ōama (大海人皇子), fils de la défunte empereur Saimei, affronte et vainc le prince Ōtomo (大友皇子), fils de l’empereur Tenji soutenu par la cour d’Ōmi (近江朝).

En peu de temps, Ōama réussit à rassembler une force armée conséquente, composée d’hommes de mains à son service (toneri 舎人), mais aussi de troupes levées par Tōmoku no Mura de la province de Mino, l’un de ses domaine, ou encore celles de puissants clans du bassin de Nara : Miwa (三輪氏), Kamo (鴨氏) et du Yamato no aya[20] (倭漢氏), tous dirigés par Ōtomo Fukei (大伴吹負)[21]. Par ailleurs, il réussit à rallier des administrateurs de province, comme celle d’Ise (伊勢) ou d’Owari (尾張)[22], ou encore d’autres provinces plus lointaines dans le Tōkaidō (東海道) ou le Tōsandō (東山道).

Représentation d’une scène de bataille du conflit de Jinshin (Buzō Jien Gi, 武蔵寺縁起, 第四幅)
Représentation d’une scène de bataille du conflit de Jinshin (Buzō Jien Gi, 武蔵寺縁起, 第四幅)

Connue sous le nom de conflit de Jinshin (jinshin no ran 壬申の乱), cette lutte guerrière pour le pouvoir impériale est tout à fait inédite à plusieurs titres. Tout d’abord, elle constitue le premier affrontement où des troupes réussissent à être levées à travers tout le territoire. Dans chaque province, des hommes sont mobilisés, soit par les fonctionnaires des administrations provinciales – administrateurs de provinces et chefs de districts –, soit par les kuni no miyatsuko. Jamais, auparavant, autant de troupes n’avaient été levées dans autant de régions, aussi bien à Kyūshū que dans les provinces de l’est[23].

Ensuite, il faut noter la rapidité avec laquelle la mobilisation a dû s’effectuer. Si l’on compare avec la campagne coréenne de 662-663 terminée avec la bataille de Hakusuki no e, à cette époque, l’envoi d’un premier contingent de troupes avait pris dix mois, puis celui des deuxième et troisième détachements avait pris presque deux ans[24]. En termes d’hommes, de territoires et de temps, le conflit de Jinshin se distingue tout à fait. Comment, alors, expliquer ces nouvelles capacités militaires ?

Si les deux princes ont réussi à soulever de telles armées, c’est très probablement grâce à l’application réelle de toutes les mesures politiques, territoriales et populationnelles mises en place depuis le début de l’ère Taika. D’une part, l’instauration des provinces et des districts a entraîné la disparition progressive des chefs de régions remplacés par des administrations centralisées capables de mettre en pratique les édits et de combattre les personnels privées des grandes familles ou des clans. D’autre part, le recensement de l’année Kōgo a permis d’avoir une vision relativement précise des hommes en âge de combattre, tout en sachant où les mobiliser en fonction de leur lieu de résidence renseigné.

Toutefois – et c’est encore un autre intérêt de ce conflit – certaines failles demeurent : la loyauté reste à l’époque un concept extrêmement relatif et l’on constate également qu’il est encore possible de lever en nombre des troupes privées, posant de fait la question de la capacité à détenir du matériel de guerre et, surtout, à lever de manière autonome des forces armées à l’intérieur-même du pays[25].

Le prince Ōama, devenu l’empereur Tenmu (天武) après sa victoire, sait désormais qu’il est décisif de pouvoir contrôler la mobilisation des hommes, autrement dit des soldats, sur son territoire. Laisser la possibilité à des forces privées d’exister équivaut à prendre le risque de connaître un jour le sort de son ancien concurrent au trône. Parce qu’il a vaincu grâce aux forces armées privées des mécontents, il connaît le danger qu’elles représentent. A partir de 672, et tout au long de son règne puis de celui de sa compagne jusqu’en 697, la cour impériale enclenche alors une importante série de mesures sociétales, politiques et militaires permettant sa militarisation ainsi que la création du cadre dans laquelle cette dernière va se produire : l’avènement de ce que l’on nomme l’État régi par les codes (ritsuryō kokka 律令国家).

Carte représentant les déplacements successifs des capitales impériales du VIIe au VIIIe siècle (Steve Serafino, LRHM, 2021)
Carte représentant les déplacements successifs des capitales impériales du VIIe au VIIIe siècle (Steve Serafino, LRHM, 2021)

Ce renforcement considérable de la domination de la cour impériale débute dès 675, précisément durant le deuxième mois de la quatrième année du règne de Tenmu, avec une première mesure sociale forte, d’envergure sociétale : l’abolition des kakibe (部曲)[26], les personnels privés des familles et des clans, alors rétabli en 664[27]. L’empereur Tenmu, pour initier la construction d’une institution militaire efficace, doit contrôler l’ensemble de sa population, et l’autorité de la cour impériale doit supplanter définitivement celle des grandes familles et des clans. En interdisant la possession privée d’individus et en instaurant officiellement une « population administée », il atteint l’objectif original de l’édit de Mizu no totori prononcé le huitième mois de la deuxième année de l’ère Taika (646) : la disparition des bemin au profit d’un peuple administré par la bureaucratie impériale[28].

Toujours en 675, le troisième mois de la quatrième année du règne de Tenmu, une seconde mesure accompagne l’abolition des kakibe. Dans les différentes provinces, la cour impériale met en place des fonctionnaires militaires, qu’elle ordonne d’armer deux mois après, soit le dixième mois. Elle réclame précisément qu’on arme ceux jouissant d’un rang assez élevé, à savoir entre le sixième et le premier rang.

Quelques années plus tard, entre 683 et 684, le territoire, après la population, devient le second levier de domination. Grâce à la Grande Réforme de 645, une nouvelle structure administrative avait vu le jour divisant le territoire en « provinces-districts-50 foyers ». Presque 40 ans plus tard, l’empereur Tenmu souhaite poursuivre cet effort grâce à un plan de définition des frontières des provinces. Jusqu’alors, les frontières constituaient davantage la limite de zones de juridictions personnelles des administrateurs[29]. Une fois délimitées et définies après 684, les provinces se transforment : elles permettent de créer de véritables espaces de domination de la population, relevant théoriquement de l’autorité et de la juridiction de la cour impériale, représentée par les administrations régionales.

C’est aussi à cette époque que la subdivision administrative en « 50 foyers » tend à disparaître, pour laisser place à des villages, ne regroupant plus du tout des catégories identiques d’individus, mais rassemblant des populations socialement hétérogènes dans une même zone géographique[30]. Enfin, c’est sous les règnes successifs des l’empereur Tenji et Tenmu que l’on considère que le nouveau système de taxe commence à être véritablement mis en place et définitivement appliqué. Ce nouveau système d’imposition s’organise alors autour de taxes – en riz ou en produits buts voire finis – mais aussi en corvées. Dans ce second cas, l’État impérial réquisitionne pour un certain nombre de jours la « force de travail » des individus, notamment pour la construction de bâtiments ou pour le service militaire.

Toutes ces mesures contribuent non seulement à une meilleure domination de la cour impériale sur la population, mais renforcent aussi son assise territoriale, essentielles pour poursuivre la militarisation qui s’accélère dès 683. En effet, à partir de cette date, les administrations provinciales doivent désormais veiller à ce que les fonctionnaires et les officiers s’entraînent au maniement des armes et à la tactique :

« Dans toutes les provinces, qu’on s’entraîne au maniement des armes et à la tactique »[31]

En 684, l’empereur Tenmu, par une déclaration tout à fait équivoque, dessinent à gros traits les premiers contours d’un système et d’une institution militaire impériale :

« Pour un gouvernement, les affaires militaires sont essentielles. Officiers et fonctionnaires doivent ainsi pratiquer le maniement des armes et l’équitation. Qu’on leur fournisse suf sins, chacun sera entraîné, et rien ne devra entraver leur mobilisation. Que l’on ne poursuive pas le dessin de cet édit, que l’on n’entretienne pas les chevaux et les armes, que l’on manque de tenues, les responsables, princes ou sujets, seront punis. »[32]

En décembre 685, soit le cinquième jour du onzième mois de la quatorzième année du règne de Tenmu, un autre édit est annoncé, afin d’empêcher définitivement des forces privées d’exister :

« Il est interdit de garder en sa demeure des hora, des kuda, des tambours, des flûtes, des drapeaux, des arbalètes ou des armes de sièges. Tout doit être rassemblé dans les bureaux de districts. »[33]

Le règne de l’empereur Tenmu est ainsi considéré comme une phase importante de militarisation. En quelques édits, il pose les premières pierres à partir desquelles l’empereur Jitō (持統), sa compagne, bâtit les fondations d’un système militaire, en s’appuyant notamment sur les tout premiers codes administratifs japonais. En effet, en 689, précisément durant le sixième mois de la troisième année du règne de Jitō, le code administratif d’Asuka Kiyomihara (asuka kiyomihara ryō 飛鳥浄御原令) – dont il ne reste quasi aucune trace aujourd’hui[34] – est promulgué et diffusé dans les ministères et les administrations des provinces. Cet événement sonne alors le début de ce que l’on nomme l’État régi par les codes, durant lequel le Japon se dote successivement de textes administratifs et pénaux, inaugurant ainsi la suprématie d’une bureaucratie centralisée.

L’empereur Jitō favorise la rédaction de ces textes, mais poursuit également l’œuvre de son ancien compagnon. Sur le plan militaire, elle[35] renforce les dernière mesures demandées par l’empereur Tenmu, en ordonnant, le septième mois de la troisième année de son règne (689), la construction de « lieux d’entraînement » (ikusa narau tokoro 習射所), l’armement de fonctionnaires et souligne la nécessité de continuer d’apprendre les rudiments de la tactique. Puis, le huitième mois de la même année, elle lance la rédaction d’un nouveau recensement national, à partir duquel elle demande explicitement la mise en place d’un système de conscription :

« Effectuez le recensement cet hiver, et d’ici le neuvième mois, que nul individu nous soit inconnu. Quant aux soldats, divisez les provinces en quatre, et qu’un quart [des hommes] soit entraîné aux choses de la guerre. »[36]

L’année suivante, en 690, soit la quatrième année du règne de Jitō, le recensement de l’année Kōin (kōinnenjaku 庚寅年籍) est enfin rédigé. La cour impériale possède alors de précieuses informations sur sa population, nécessaires pour l’application des ordres de l’empereur en matière de conscription.

Or, il faut attendre le début du VIIe siècle et le règne de l’empereur Monmu (文武) pour qu’un nouveau texte administratif et juridique stipule officiellement la mise en place d’un système de conscription. Les historiens japonais pensent, en effet, que c’est dans le code Taihō[37] (taihō ritsuryō 大宝律令), dont la compilation aurait été débutée sous l’empereur Jitō[38] et promulguée en 701, que l’on trouve pour la première fois la règle indiquant qu’un « homme majeur » (seitei 正庁) – de 21 à 60 ans – sur quatre[39] devait servir comme soldat (heishi 兵士), probablement dans les toutes premières « garnisons » (gundan 軍団) de l’institution militaire impériale.

Il reste relativement difficile d’affirmer avec certitude qu’un système de conscription standardisé et uniforme ait pu exister au tout début du VIIIe siècle, au moment où l’État régi par les codes était alors en pleine construction. Nous pouvons imaginer que la manière d’appliquer la règle « un soldat pour quatre homme » devait sensiblement différer en fonction des réalités locales, voire régionales, ou qu’elle ait pu mettre un certain temps à être appliquée. On constate par exemple que dans le recensement de la province de Mino (御野[40]) de la deuxième année de l’ère Taihō (702), les foyers[41] comptent chacun entre trois et cinq hommes, parmi lesquels l’un d’entre eux devait être mobilisé comme conscrit[42]. De manière générale, les historiens s’accordent pour dire que la conscription réquisitionnait un homme sur trois par foyer en moyenne[43], âgé de 21 à 60 ans[44], via un système de rotation.

Nous pouvons penser que le code Taihō a porté en lui les premières dispositions législatives du premier système de conscription japonais. En effet, ce code est appliqué jusqu’en 758, avant d’être révisé et remplacé par le code Yōrō[45] (yōrō ritsuryō 養老律令), dont la rédaction débute en 718 pour être promulgué en 757. Puisqu’il s’agit d’une révision, il est tout à fait possible d’avancer qu’une partie des dispositions relatives à la conscription, nommée en japonais « système des garnisons » (gundan taisei 軍団体制) ait alors été gardées, en subissant très probablement des précisions voire des améliorations.

Des traces écrites d’applications et de l’organisation de ce système de conscription durant le VIIIe siècle sont parvenues jusqu’à nous, principalement grâce à un « Commentaire du code administratif », le Ryō no gige (令義解). Ce document inestimable constitue un exercice d’exégèse effectué au début du IXe siècle, afin d’obtenir une seule et même version de référence du code Yōrō. Présenté à la cour impériale en 834 et appliqué définitivement en 835, il contient un rouleau exclusivement dédié aux affaires militaires, intitulé « mesures administratives relatives à l’armée et à la défense » (gunbōryō 軍防令), où sont décrits la formation des armées d’invasion, la nomination des généraux et leurs prérogatives, les moyens de récompenser, les règles de mobilisation[46].

Il constitue non seulement un texte législatif fondamental pour l’histoire militaire du Japon ; mais, surtout, il représente l’une des rares sources écrites exploitables, capables de nous renseigner sur le premier système de conscription japonais, en nous laissant même entrevoir les origines de cette institution, dès le code Taihō, puisque reprenant le code Yōrō.

La conscription, dès 701, comprenait trois principaux types de conscrits : les soldats (heishi), les gardes des frontières (sakimori 防人) et les gardes de la capitale (eji 衛士). Ils étaient réunis dans des garnisons, allant de 500 à 1000 hommes. Plus qu’une véritable armée, Karl Friday parle d’une sorte de « garde nationale »[47]. Force est de constater que ces conscrits, soldats ou gardes, relevaient effectivement davantage d’une force armée mobilisable par l’État impérial en cas de conflit contre son autorité, qu’il s’agisse des dangers ou conquêtes internes, comme celles effectués au nord-est de l’archipel contre les emishi (蝦夷) ou encore en prévision d’une potentielle invasion extérieure.

Somme toute peu utilisé, le système des gundan finit par être fortement remis en cause dès la moitié du VIIIe siècle pour de multiples raisons. D’une part, il était d’autant moins utilisé que son existence finit par sembler excessive après l’échec du dernier plan d’invasion du royaume de Shinra en 764 ; d’autre part, la conscription était vue comme un coût toujours moins négligeable. En effet, le service militaire était alors considéré comme une corvée remplaçant la taxe foncière en riz ou les impôts en nature dont les conscrits – notamment les gardes envoyés aux frontières – étaient automatiquement exemptés pendant et après leur temps de mobilisation. Le dévoiement de son utilisation par les administrateurs de districts aurait aussi eu un impact sur le jugement de son efficacité.

Finalement, plus coûteux que bénéfique, et toujours plus utilisé à des fins privées, le système des gundan finit par être aboli en 792 durant le règne de l’empereur Kanmu (桓武), par l’édit impérial d’Enryaku – excepté dans les provinces de Mutsu (陸奥), Dewa (出羽), Sado (佐渡) et dans les provinces sud du Tsukushi dazai no sochi[48] (筑紫太宰帥). Les garnisons sont alors remplacées par des « milices d’élite » (kondei 健児), dont les membres sont souvent les fils des administrateurs de districts (gunji 郡司). Une décision aux conséquences importantes, puisqu’elle crée progressivement un vide institutionnel, participant au délitement progressif de la puissance militaire impériale et, de nouveau, à l’émergence de force armée privée durant les siècles suivants.

Conclusion

En quelques décennies seulement, la cour impériale réussit un véritable tour de force : affirmer son pouvoir tout en construisant un État centralisé, capable de mettre en place la conscription de milliers d’hommes. Cet effort, initié et soutenu différemment par les empereurs Tenji, Tenmu, Jitō et Monmu, poursuit finalement un seul et même objectif : la maîtrise des terres et des hommes par l’État impérial. Si l’institution militaire ne naît pas en 645, ses fondations sont toutefois majoritairement mises en place à partir de la réforme Taika, sa structure se dessine jusqu’au début du VIIe siècle, et toutes les mesures territoriales et populationnelles adoptées parallèlement lui permettent d’advenir.

Étudier l’histoire de la mobilisation des hommes dans l’histoire ancienne japonaise, c’est donc comprendre la construction du territoire et des individus, de leur gestion économique, mais aussi de leur statut social. De la construction de la division administrative des provinces, districts et villages, à l’abolition des personnels privés, en passant par le nouveau système de taxes ou encore la rédaction des registres de population, chaque mesures constitue une pierre dans l’édifice du système de conscription de l’État régi par les codes.

Mais il faut aussi considérer les différents contextes dans lesquels ces évolutions surviennent : interne au pays, par l’étude des liens entre les différents acteurs politiques (familles, clans, chefs de régions) ; extérieur à travers les relations avec les puissances étrangères (Chine, Corée, Emishi). Pour toutes ces raisons, et au même titre que les autres époques, Asuka et Nara méritent d’être particulièrement étudiées, car elles constituent un moment essentiel de la construction du régime impérial pour les siècles à venir, mais posent aussi les jalons d’une société où montent de nouveau en puissance les acteurs privées. Ainsi, l’étude de la cour impériale et du premier système de conscription aux VIIe et VIIIe siècles apporte des clefs de lectures importantes pour comprendre l’époque Heian et la transition vers l’époque médiévale, pour comprendre le renversement d’un monde bientôt dominé par les guerriers.

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Bibliographie

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[1]Par souci d’exactitude, nous devrions ajouter un quatrième acteur : les tomo no miyatsuko (伴造), que l’on peut assimiler à kuni no miyatsuko en termes de prérogative, mais dont l’autorité dépendait de la cour impériale.

[2]MATSUO Hikari 松尾光, « Taika kakushin go no seifu no zaigen to sono henka – Taika shinseifu no zeishūnyū » 大化革新後の政府の財源とその変化-大化新政府の税収入 (« Les ressources financières du gouvernement d’après la réforme de Taika et leur évolution – Le système d’imposition du gouvernement de la réforme Taika »), dans YOSHIMURA Takehiko 吉村武彦 (dir.), Taika kakushin to kodai kokka tanjō 大化革新と古代国家誕生-乙巳の変・白村江の戦い・壬申の乱 (« La Réforme de Taika et la naissance de l’État antique – Incident de Isshi, bataille de Hakusuki no e, conflit de Jinshin »), coll. « Bessatsu Rikishi Dokuhon » 別冊歴史読本, vol. 33, n°22, Tōkyō, Shinjinbutsuōraisha 新人物往来社, 2008, p. 94

[3]Il est important de noter que les miyake qui se sont développés au cours du Ve siècle à partir des mita des domaines royaux sont considérés comme les « miyake précoces » (zenki miyake 前期屯倉) ; ceux qui se sont répandus à l’ensemble du pays dès le VIe siècle sont considérés comme les « miyake tardifs » (kōki miyake 後期屯倉) et c’est à travers ces derniers que l’on commence à voir apparaître une légère distinction entres les terres appartenant au pouvoir central et celles appartenant aux propriétaires privées.

[4]Elles correspondent aux « six provinces du yamato » (yamato rokken 大和六県) : Takechi (高市), Kazuraki (葛木), Toochi (十市), Shiki (志貴), Yamanobe (山辺), Sofu (曽布), les chefs de ces régions étaient les agatanushi (縣主). Ces terres sont directement administrées par l’empereur pendant la domination de la cour du Yamato, avant la réforme Taika. Après la réforme, des administrateurs des provinces sont déployés à l’est, mais des émissaires sont également missionnés dans ces six provinces, afin d’entreprendre la rédaction de koseki et de cadastres de rizières.

[5]L’ère Taika inaugure la manière de nommer les ères à la chinoise au Japon, une tradition qui perdure avec l’ère Hakuchi de 650 à 654, mais interrompue avec les règnes des empereurs Kōtoku, Saimei, Tenji, Tenmu, de l’empereur Jitō et de l’empereur Monmu, avant d’être rétablie avec la promulgation du code Taihō en 701.

[6]Passage du terme koori à celui de gun (郡) en 701.

[7]MATSUO Hikari, op. cit., pp. 94-95

[8]KOBAYASHI Shōji 小林昌二, « Kaikaku saizensen no jitsuzō – kooriyama iseki to nutori, iwafune satsu » 改革最前線の実像-郡山遺跡と淳足・磐舟柵 (« La réalité des lignes de front durant la Réforme – Les vestiges de koori yama et les murs d’enceinte de Nutari et d’Iwafune »), dans YOSHIMURA Takehiko 吉村武彦 (dir.), Taika kakushin to kodai kokka tanjō 大化革新と古代国家誕生-乙巳の変・白村江の戦い・壬申の乱 (« La Réforme de Taika et la naissance de l’État antique – Incident de Isshi, bataille de Hakusuki no e, conflit de Jinshin »), coll. « Bessatsu Rikishi Dokuhon » 別冊歴史読本, vol. 33, n°22, Tōkyō, Shinjinbutsuōraisha 新人物往来社, 2008, p. 82

[9]Ces nouveaux administrateurs de provinces doivent veiller à partager équitablement les ressources entre les individus, mais aussi à ce que personne n’appauvrisse la population, tout en refusant catégoriquement tout acte de corruption, sans jamais voler, non plus, les chefs de régions, présents bien avant eux dans les territoires mais qu’ils doivent peu à peu remplacer. Ibid., p. 83

[10]Un autre article du Nihonshoki (Taika 2, 3e mois), précise que les agents ont rapporté à la cour avoir bien accompli leurs missions. Autrement dit, ils auraient effectivement mis en place des dépôts d’armes et établit des cadastres de rizières, Ibid., p. 86

[11]Nous estimons que la traduction du terme kokumin pose ici un problème majeur : il pourrait être traduit génériquement par « population », « population nationale », voire « peuple ». Or, en choisissant ces traductions, notamment les deux dernières, nous traiterions alors les réalités de la période pré-antique par des concepts exclusivement contemporains qui, a priori, n’existaient pas encore. Premièrement, le terme « population » paraît ici trop général, si l’on souhaite mettre l’accent sur les différences sociales et politiques entre les individus constituant le kokumin et les bemin ; deuxièmement, parler de « population nationale » ne semble pas approprié. La cour impériale de l’époque Asuka est encore relativement faible politiquement et territorialement, d’où sa grande difficulté par exemple à appliquer rapidement les édits de la réforme. Les particularités régionales, tant dans leurs fonctionnements que dans leurs identités, sont également extrêmement fortes et il semble impossible de pouvoir affirmer que les Japonais de cette époque avaient une conscience profonde d’appartenir à un état, encore moins à une nation – cette conception évolue néanmoins dès 664 et l’édit impérial de kassen (甲子宣), mais probablement pour la classe dirigeante du pays et non pour l’ensemble des individus qui constituent la population. La centralisation, ici, ne doit donc pas se confondre avec le concept de nation, au risque de commettre un anachronisme. Enfin, le terme « peuple » nous paraît encore une fois trop connoté. Nous avons donc choisi de parler de « population administrée », en ce sens où la centralisation à la chinoise initiée par la réforme a pour objectif initial de mettre en place une structure bureaucratique duelle (capitale-régionale), mais centralisée. L’un des prérequis est, de fait, la création d’un statut spécifique de la population, afin de l’intégrer administrativement dans cette bureaucratie, d’où la nécessité que nous avons ressenti de qualifier la population d’« administrée ».

[12]En réalité, des problématiques se posent à la cour impériale et à l’administration du prince Naka no Ōe. La première est d’ordre bureaucratique : il était impossible pour ce nouvel état d’obtenir dès les premières années de la réforme des fonctionnaires efficients capables de diriger les bureaux des provinces et des districts. De plus, les connaissances de l’administration sur la population et sur les rizières restaient très limitées, malgré les premiers koseki qui, très probablement, ne devaient pas être d’une très grande précision. Le second niveau se situe dans le degré d’acceptation des grandes familles et des chefs de régions face à la perte de privilèges induite par la réforme. Ces derniers n’ont, en effet, pas appliqué rapidement et vigoureusement les nouvelles mesures, et ont continué de régner dans leurs régions, du fait de l’absence de mesures coercitives pour les contraindre à abandonner leurs anciennes prérogatives.

[13]MATSUO Hikari, op. cit., p. 95

[14]Appelés plus tard gun no tsukasa ou gunji 郡司 dès le passage du caractère koori 評 à celui de gun 郡 pour désigner les districts lors du règne de l’empereur Tenmu.

[15]Ibid., p. 95

[16]L’utilisation du nom de pays “Corée” serait ici anachronique : le territoire occupé par les trois royaumes coréens, à cette époque, dépasse en effet, au nord, celui de la Corée actuelle. Jusqu’au Xe siècle environ, il reste très difficile de parler de Corée.

[17]SASAYAMA Haruo 笹谷晴生, Kodai kokka to guntai – kōgun to shihei no keifu 古代国家と軍隊-皇軍と私兵の系譜 (« L’état antique et l’armée – Généalogie de l’État antique et des forces privées »), Kōdan shagakujutsu bunko 講談社学術文庫, Tōkyō, 2004, p. 75

[18]Ibid., p. 76

[19]Il est relativement difficile de définir avec précision ce qu’étaient les kakibe et les yakabe. Depuis les années 1970, la recherche admet plusieurs hypothèses sur leur lien d’appartenance et de subordination vis-à-vis de leurs propriétaires, mais toutes s’accordent pour affirmer qu’il s’agissait bel et bien de personnels privés des familles et des clans. Une distinctions se fera par la suite, entre les kakibe (民部) qui deviendront les kakibe (部曲) aboli en l’an quatre du règne de Tenmu et les yakabe qui se transformeront en kenin (家人), serviteurs privés.

[20]Clan venu de la péninsule coréenne durant l’époque antique.

[21]Ibid., pp. 77-78

[22]Ce dernier prenant parti pour le fils de Saimei à la suite du kuni no miyatsuko de sa région. Voir ICHI Hiroki 市大樹, « Gunkokuka to shihai chiiki – koku, koori, gojūko – kodai no chōheiryō » 軍国化と支配地域-国・評・五十戸-古代の徴兵令 (« La militarisation de l’état et la domination régionale – provinces, districts et 50 foyers : les codes relatifs à la mobilisation dans l’antiquité »), dans YOSHIMURA Takehiko 吉村武彦 (dir.), Taika kakushin to kodai kokka tanjō 大化革新と古代国家誕生-乙巳の変・白村江の戦い・壬申の乱 (« La Réforme de Taika et la naissance de l’État antique – Incident de Isshi, bataille de Hakusuki no e, conflit de Jinshin »), coll. « Bessatsu Rikishi Dokuhon » 別冊歴史読本, vol. 33, n°22, Tōkyō, Shinjinbutsuōraisha 新人物往来社, 2008, pp. 124-125.

[23]SASAYAMA Haruo, op. cit., p. 77-78

[24]ICHI Hiroki, op. cit., p. 127

[25]SASAYAMA Haruo, op. cit., p. 78

[26]Selon certains historiens japonais, il reste difficile de penser que l’abolition définitive des kakibe (部曲) ait eu une influence considérable sur la modification du mécanisme de formation des villages dits « géographiques », mais ils estiment qu’elle aurait effectivement joué un rôle important dans l’approfondissement de la domination de l’Etat dans les régions.

[27]MATSUO Hikari, op. cit., p. 94

[28]Les recherches les plus récentes – depuis 2002 précisément – estiment néanmoins que l’abolition des kakibe de l’an quatre du règne de Tenmu remontent en réalité à l’an quatre du règne de Tenji. En effet, en 2002, une tablette en bois (mokkan 木簡), a été retrouvée dans les vestiges du temple Ishigami d’Asuka, datée de 665, soit la quatrième année de l’ère Tenji. Sur celle-ci, on remarque immédiatement l’absence du terme « be » et l’existence du terme « 50 foyers ». L’application de l’abolition des kakibe serait donc antérieure à la politique de l’empereur Tenmu. Durant le règne de ce dernier, il est d’ailleurs de noter qu’il existe déjà beaucoup trop de foyers recensés sans le terme « be » pour que l’abolition ait véritablement été mise en place à cette époque. Nous nous permettons néanmoins, dans cet article, de maintenir l’abolition définitive des kakibe en l’an quatre du règne de Tenmu, en insistant sur l’aspect définitif de cette abolition, afin de tenter d’apporter une analyse schématique de la domination grandissante de la puissance de la cour impériale. Pour plus de détails sur l’avancée des recherches sur cette question des kakibe, voir ICHI Hiroki, op. cit., p. 125

[29]Il est important de noter qu’avant cette redéfinition des frontières des provinces, le terme « province » est souvent raccourci, voire absent des tablettes de bois utilisées pour inscrire le nom des lieux ou des populations. Après 684, les archéologues et historiens constatent cependant que le nombre de tablettes possédant une inscription débutant par la mention du nom de la province augmente considérablement.

[30]On sait aujourd’hui que les derniers usages de l’expression « 50 foyers » pour désigner des rassemblements de populations date probablement de la dixième année de l’ère Tenmu (681). Et, même avant la disparition de cette mention, il est tout à fait possible de penser que les villages n’étaient plus fondés sur la rassemblement d’une même catégorie de bemin, comme en témoignent les tablettes de bois retrouvées à Nifuda : en effet, on comptabilise 50 fois plus de « 50 foyers » sans la mention du terme « be » que de « 50 foyers » avec la mention.

[31]Nihonshoki 日本書紀 (Chroniques du Japon), Tōkyō, Iwanami Shoten 岩波新書, 1953, 450 p., compilé et traduit par KUROITA Katsumi 黒板勝美, p. 383

[32]Cinquième jour du quatrième mois de l’an treize du règne de Tenmu, soit le 24 avril 684.

[33] Ibid., p. 395

[34]Francine Hérail précise dans son Histoire du Japon que, selon certains historiens, la véritable première législation aurait pu dater du règne de l’empereur Tenji, que l’on appelle alors « code d’Ōmi » (ōmiryō 近江令), dont il ne reste absolument aucune trace de nos jours. Voir HERAIL Francine, Histoire du Japon des origines à la fin de Meiji, Paris, POF, 1998, p. 73

[35]Nous rappelons ici que l’empereur Jitō était une femme.

[36]Nihonshoki 日本書紀 (Chroniques du Japon), op. cit., p. 418

[37]Ce code est compilé par le prince Osakabe (忍壁), neuvième fils de l’empereur Tenmu, et par Fujiwara no Fuhito (藤原不比等), fils de Nakatomi no Katamari, compagnon politique de l’empereur Tenji dont le nom fut transformé à titre posthume en Fujiwara. C’est un code administratif, dont il ne reste aujourd’hui aucune trace.

[38]HERAIL Francine, Histoire du Japon des origines à la fin de Meiji, Paris, POF, 1998, p. 73

[39]ICHI Hiroki, op. cit., p. 127

[40]Il s’agit d’une ancienne manière d’écrire le nom de la province de Mino : au VIIe siècle, on trouve cette province écrite avec les caractères 三野, dans un mokkan du village d’Aro 阿漏 du district d’Ōya de la province de Mino retrouvé en 683 parmi les vestiges du temple Fujiwara. En 702, dans le code Taihō, on le retrouve écrit 御野, puis à partir de 708, avec les kanji qu’on connaît actuellement : 美濃国.

[41]Dans son chapitre sur la militarisation et la domination régionale, Ichi Hiroki explique que les foyers dont il est ici question ne correspondent pas à une famille « naturelle » fondée sur les liens de parenté, mais sont des foyers « artificiels », créés dans le but de rassembler un certains nombres d’hommes.

[42]Ibid., pp. 127-128

[43]SASAYAMA Haruo, op. cit., p. 81

[44]NODA Reishi 野田嶺志, Sakimori to eji – ritsuryō kokka to heishi 防人と衛士-律令国家と兵士 (« Gardes de la frontière et gardes impériaux – L’État régi par les codes et la conscription »), Tōkyō, Kyōikusha rekishi shinsho 教育者歴史新書, 1980, p. 12

[45]Le code Yōrō est également compilé par Fujiwara no Fuhito.

[46]SASAYAMA Haruo, op. cit., p. 81

[47]FRIDAY Karl F., Hired Swords, The Rise of Private Warrior Power in Early Japan, Stanford, Stanford University Press, 1992, p. 15

[48]Région du nord de l’île de Kyūshū. Avant 689, on ne parle que du Tsukushi dazai (筑紫太宰).

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