Aujourd’hui symbolisée par la pittoresque Garde suisse, l’armée du pape n’a pas toujours été que symbolique : pendant des siècles, on dut composer avec sa puissance en Italie.
Dès 1049, le pape Léon IX prend la décision de doter l’État pontifical d’une force armée capable de défendre Rome et ses cités vassales comme Urbino, Ancône, Spoleto, Perugia d’agressions extérieures et de réprimer les éventuels soulèvements internes.
Cette armée se compose de trois types de formation qui sont devenus le cadre de l’armée pontificale : une garde noble à cheval issue des meilleures familles romaines, des milices à partir du peuple de la région de Rome et un corps assez fluctuant de gens de pied (archers, spadassins) recrutés en Italie et bientôt des cavaliers, mercenaires venant d’Allemagne mais aussi de France.
Au XVe siècle, devant la militarisation de l’Italie, les forces papales augmentent, se voient menées par de brillants condottieri et prennent part à des affrontements importants comme la fameuse bataille d’Anghiari en 1440 aux côtés de Florence contre Milan.
En 1454, la paix de Lodi permet au pape de reprendre en main ses forces armées : il décide de doter ses États d’une véritable armée quasiment professionnelle, ce qui est une première en Italie. S’ouvre ce que l’on peut appeler un âge d’or de l’armée papale. Une période symbolisée par la foudroyante carrière du condottiere Giovanni de Médicis, dit Giovanni dalle Bande Nere (1498-1526). Cousin du pape Léon X, il développe très vite une compagnie modèle en se servant de rigoureuses tactiques novatrices de frappes-éclair et s’illustre en de nombreuses batailles, acquérant une gloire immense, avant de mourir au combat contre les troupes de l’Empereur en 1526.

La disparition du célèbre condottiere ouvre une période trouble pour le Saint-Siège culminant avec le sac de Rome en 1527 par les troupes impériales de Charles Quint. C’est là que s’illustre une nouvelle unité de l’armée papale destinée à un avenir prestigieux : la Garde suisse. Arrivés à Rome en 1506 par un accord du pape avec les cantons, les mercenaires suisses se sacrifient littéralement pour sauver la vie du pape en fuite, perdant 142 des leurs sur un effectif initial de 189 : ils ne démentirent jamais leur dévotion au Pontife.
En 1540, l’armée pontificale devient même conquérante en mettant fin par la force à l’autonomie de Perugia. Mais une longue période de déclin s’ensuit fin XVIIe et tout le long du XVIIIe siècle symbolisée par la défaite de Faenza, le 4 février 1797, contre les troupes françaises envoyées par Bonaparte : les faibles milices pontificales s’enfuient dès le premier coup de canon. Le sévère traité de Tolentino, imposé par Bonaparte le 19 février suivant, entérine la perte totale de pouvoir territorial du pape, prélude à l’annexion française (1809-1814).

C’est à partir du Risorgimento italien que l’armée du pape retrouve de l’importance. Si en 1849, celle-ci combat en faveur des Italo-Sardes contre les Autrichiens, le pape comprend, dès l’indépendance italienne acquise en 1860-1861, que l’annexion de ses États et surtout de Rome devient une priorité pour les nationalistes italiens comme Garibaldi. La sanglante défaite de Castelfidardo en 1860 qui fait perdre la moitié de ses territoires au pape sonne l’alarme. Il fait alors appel à de nombreux mercenaires pour renforcer son armée qui atteint le chiffre record de 20 000 hommes en 1862. Citons notamment les Zouaves pontificaux ou la Légion d’Antibes formés de catholiques français, la plupart des nobles mais aussi les Irlandais de la brigade de Saint Patrick, des Allemands, Polonais, Canadiens, etc. La France du Second Empire maintient également un contingent officiel depuis 1849. L’heure de gloire de cette armée pontificale des derniers feux se situe le 3 novembre 1867 à Mentana : victoire, brillante mais illusoire, qui consacre l’allant des volontaires étrangers catholiques face aux patriotes de Garibaldi.

En 1870, alors que Napoléon III retire son soutien, Rome est envahie et la petite armée. Malgré une dernière bataille à Rome (Porta Pia), rien ne peut être fait pour empêcher la ville de devenir la capitale de l’Italie. L’armée du pape a vécu.
De nos jours, la Gendarmerie pontificale a pour mission de garantir l’ordre public sur le territoire du Vatican, tandis que la vie du Souverain Pontife est toujours assurée par les 135 hallebardiers de la compagnie, devenue ornementale, des Gardes suisses, derniers vestiges de l’histoire originale de cette armée pontificale.

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