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Lorsque nous nous intéressons à l’histoire militaire japonaise afin d’essayer de mettre en avant certains grands héros ou guerriers, il est difficile de choisir tant les exemples de loyauté absolue et de hauts faits sont nombreux. L’un de ces exemples les plus connus et populaires est celui de Musashibō Benkei 武蔵坊弁慶 (?-1189), un moine qui se serait entraîné dans le temple nommé Enryaku-ji 延暦寺 sur le mont Hiei 比叡山, et qui serait parti sur les routes de l’archipel dans le but de récupérer un millier de sabres gagnés lors de duels afin d’en fondre le métal en une cloche sacrée.
Malheureusement pour lui, son millième adversaire fut, selon sa légende, Minamoto no Yoshitsune 源義経 (1159-1189). Pensant gagner facilement contre son jeune et frêle opposant, Benkei le provoqua en duel sur le pont Gojō 五条大橋 dans la capitale impériale de Heian-kyō 平安京[1], mais fut rapidement défait par son adversaire. Benkei aurait alors décidé de dédier sa vie à soutenir et être loyal au jeune Minamoto. Il l’aurait suivi sur les champs de bataille des années 1180 jusqu’à leur défaite mortelle en 1189 face au frère aîné de Yoshitsune et futur premier shōgun 将軍[2], Minamoto no Yoritomo 源頼朝 (1147-1199).

Ce qu’il faut toutefois retenir de cette histoire est que Benkei n’est pas décrit comme un moine bouddhiste « normal ». Il est qualifié de « sōhei » 僧兵, un « moine-guerrier », habillé de robes monastiques, ayant la tête rasée et couverte d’une sorte de capuchon, et maniant la naginata 長刀[3], un type de lance japonaise. Néanmoins, tout comme les clichés s’étant développés autour de la figure du samurai 侍, cette image du « moine-guerrier » est un stéréotype qui s’est développé dans la culture populaire japonaise et qui a même fini par s’imposer dans nombre de travaux scientifiques japonais ou occidentaux.
En effet, nous pouvons remarquer que le rôle des institutions religieuses et de leurs personnels dans les conflits armés est bien souvent soit stéréotypé, soit totalement écarté. Dans la suite de notre étude précédente portant sur l’évolution de la militarisation des temples, nous souhaiterions ici déterminer quelle fut la réalité concrète de la violence monastique afin de déconstruire ce stéréotype du « moine-guerrier ». Ainsi, nous nous attacherons tout d’abord à revenir sur l’image d’attaque que porte la manifestation de type « gōso » 強訴[4]. La deuxième partie de notre travail, quant à elle, portera sur l’analyse des types de conflits auxquels participaient les temples et leurs forces armées. Enfin, nous tenterons de déterminer quelle fut l’identité de ces « moines-guerriers » et quels furent leurs statuts sociaux.


Les gōso
Dans la culture populaire japonaise, les moines sont régulièrement représentés comme commettant des actes de violence ou en tenue de « sōhei » et armés dans le cadre de conflits, de batailles, mais surtout dans le cadre de manifestations de type gōso. En effet, entre la fin du XIe siècle et la fin du XVIe, les temples et sanctuaires ont participé à plus de 400 évènements que nous pourrions qualifier de conflit armé, bataille, ou manifestation de type gōso dans la région de la capitale. Lorsque nous étudions ces évènements, nous constatons que la très grande majorité d’entre eux fut causée par les développements sociopolitiques de la cour, et non pas l’inverse : les institutions monastiques n’en sont pas à l’origine.
Nous remarquons également que leur fréquence augmente durant certaines périodes de grands changements politiques, notamment durant les gouvernances de type « insei » 院政[5] des empereurs retirés Shirakawa 白河天皇 (1053-1129), Go-Shirakawa 後白河院 (1127-1192) et Go-Saga 御嵯峨天皇 (1220-1272). Néanmoins, comme nous le verrons dans cette partie, l’image violente attribuée aux gōso nous semble être erronée.
Le terme gōso en lui-même n’apparaît qu’à la fin de l’époque Kamakura 鎌倉時代 (1185-1333) et devint commun durant le XIVe siècle. Initialement des expressions comme uttaemōsu 訴え申す (« exprimer une plainte »), soshō 訴訟 (« un procès ») ainsi qu’ureimōsu 憂い申す (« exprimer un grief ») étaient utilisés pour désigner des appels aux décisions de la cour venant du clergé, et shinmoku juraku 神木入洛 (« l’entrée de l’arbre sacré dans la capitale ») ou shin.yo juraku 御輿[6]入洛 (« l’entrée du palanquin sacré dans la capitale ») pour désigner les manifestations. Cette distinction vient du fait que les gōso devinrent en réalité le mélange de ces deux types de protestations.
En premier lieu, nous avons les appels aux décisions de la cour[7] par les moines, les temples, mais également par les sanctuaires des branches de ces derniers. Ces appels furent initiés vers la fin du Xe siècle par les sanctuaires[8], mais furent rapidement imités par les temples[9]. Il s’agissait d’en appeler directement à une personnalité politique plutôt que de passer par les voies officielles d’appel. Puis, nous avons les manifestations qui consistaient en réalité en une pression spirituelle exercée en amenant des symboles des divinités shintō 神道[10], les kami 神, notamment des palanquins sacrés, à la capitale.
Nous observons qu’au Xe siècle et au début du XIe siècle, des exemples de ces deux types de protestations eurent lieu, mais ils étaient relativement rares et distincts. Cependant, à partir des années 1080-1090, les symboles des kami commencèrent à être utilisés dans le cadre d’appels de décisions. Petit à petit, cet usage fut régularisé et un pattern qui perdura durant des siècles naquit.
Au XIIe siècle, ce mélange de ces deux pratiques se popularisa et devint ce que nous considérons aujourd’hui comme un gōso : un appel aux décisions de la cour fait par le clergé en manifestant à la capitale et en utilisant des symboles sacrés afin d’effectuer une pression spirituelle. Ce principe fut fermement mis en place à la fin de l’époque Heian 平安時代 (794-1185) et représenta un pattern distinctif de communication entre les temples et la cour. Il devint le premier moyen de pression du clergé contre une autorité politique. Entre le Xe et le XVIe siècle, plus de 300[11] gōso eurent lieu à la capitale.

Toutefois, les gōso n’étaient pas des attaques, et n’étaient pas forcément violents[12]. Ils représentaient le dernier recours dans le processus de contestation que les temples utilisaient pour montrer leurs inquiétudes envers certaines mesures politiques ou pour présenter leur mécontentement envers des tentatives de restriction de privilèges. Il s’agissait notamment d’une réponse à la tactique de délai qu’employait la cour afin de ne pas prendre en compte les demandes des temples, mais il ne s’agissait pas de la première étape de ces contestations.
En outre, le clergé nécessitait généralement un accord global de son institution pour initier un gōso. Néanmoins, même si n’importe quel moine pouvait demander l’organisation d’une manifestation, l’autorisation et le support des sections principales du temple était nécessaire : il s’agissait d’un processus quelque peu démocratique de mobilisation qui comportait plusieurs étapes[13]. La cour était, par ailleurs, mise au courant de ces mobilisations de préparation avant l’occurrence d’un gōso : elle disposait d’un certain temps afin de pouvoir accepter les demandes du clergé avant la manifestation.
Si la crainte d’un gōso ne suffisait pas à faire céder la cour, un cortège[14] de moines transportant des palanquins sacrés se dirigeait vers un centre politique de la capitale impériale, généralement le palais impérial, le palais d’un empereur retiré, ou le siège administratif de la maison Fujiwara. La cour avait alors deux solutions : céder aux demandes ou envoyer des forces armées contrer le cortège. Nous remarquons toutefois que les moines n’avaient pas l’intention d’attaquer la cour à travers ces manifestations, ils venaient simplement lui rappeler ses responsabilités envers ses alliés religieux. Le clergé comptait, non pas sur la force physique, mais sur les pouvoirs spirituels des kami et des palanquins sacrés pour faire céder la cour.
Les gōso ne furent, par ailleurs, jamais considérés comme illégaux ou prohibés. Les moines pouvaient être punis de manière individuelle s’ils commettaient un crime ou si le gōso n’était pas considéré comme justifié, mais manifester en soit n’était pas illégal. L’ensemble du temple ayant décidé en amont les tenants du gōso, celui-ci était généralement considéré comme « juste » par la cour, et l’aristocratie acceptait ce moyen de communication quelque peu atypique.

Néanmoins, comme nous l’avons signalé plus tôt, lorsque la cour ou les dirigeants des temples n’arrivaient pas à empêcher un gōso, des guerriers professionnels étaient envoyés les contrer. Ceux-ci n’avaient cependant pas le droit de blesser les manifestants ou d’abîmer les palanquins : ils étaient seulement autorisés à les arrêter. Lorsqu’un usage abusif de la force était constaté, les guerriers de la capitale étaient punis[15] et « sacrifiés » par la cour qui ne les protégeait pas. Usuellement, les moines s’enfuyaient avant que les affrontements ne commencent, mais ils abandonnaient leurs palanquins qui, de par leurs présences, constituaient une continuation spirituelle de la manifestation. Nous notons également que si les symboles sacrés subissaient des dommages, la cour était celle qui remboursait ces dégâts.
Il y avait ainsi une contradiction flagrante : la cour n’acceptait pas les demandes des moines mais n’autorisait pas une opposition complète de la part des guerriers par la violence. En effet, la cour avait peur des kami et n’osait pas les confronter directement par l’usage des armes. Ces croyances étaient notamment l’une des raisons de l’utilisation des symboles shintō plutôt que bouddhiques lors des gōso. En effet, les kami peuvent être maléfiques et se venger d’injustices : ils étaient donc redoutables pour la cour.
D’autre part, contrairement aux bouddhas et bodhisattvas, le déplacement d’une représentation de kami peut influer sur sa puissance, ils sont considérés comme « mobiles ». Enfin, il faut également prendre en compte le fait que les divinités shintō étaient plus influentes que le bouddhisme à l’époque et avaient donc un pouvoir de pression spirituelle plus fort sur la cour. Nous notons cependant qu’avec le temps les gōso perdirent de leur efficacité, notamment sous l’insei de Go-Saga : les croyances de la cour n’étaient plus souveraines.

Le gōso n’était, par ailleurs, pas le seul type de manifestation pour les temples, et il était plutôt réservé aux grandes institutions proches de la capitale. Une autre manière de montrer son mécontentement, notamment pour l’Enryaku-ji, était, par exemple, l’autodestruction. En effet, la cour étant celle qui finançait les réparations et dédommagements, il arrivait de manière relativement régulière que les clergés abîment leurs palanquins sacrés ou incendient leurs temples, créant alors une métaphore : ce que les politiques faisaient avec leurs décisions en revenait à détruire les institutions bouddhiques. Cette image était d’ailleurs grandement renforcée par l’idéologie du mappō 末法[16] : les manifestations et autres destructions de temples étaient considérées comme des symptômes de la fin de l’âge de la Loi[17].
De manière plus pacifique, le Kōfuku-ji, quant à lui, excommunia de manière temporaire ou définitive les aristocrates Fujiwara qui ne défendaient pas suffisamment bien ses intérêts à la cour. Etant le temple tutélaire de cette puissante maison, ces excommunions pouvaient être ressenties comme particulièrement violentes et pouvaient pousser les aristocrates à mieux servir leur temple.
D’autre, notamment les institutions du mont Kōya 高野山, prirent l’habitude de « faire grève » : ils fermaient leurs portes et cessaient d’accomplir les cérémonies rituelles. Ce moyen était relativement privilégié par les institutions éloignées de la cour, et a connu des exemples contemporains. En effet, lorsqu’en 1986 le maire de Kyōto décida d’appliquer une taxe aux lieux touristiques de la ville et inclut des temples comme le Kinkaku-ji 金閣寺[18], ceux-ci fermèrent leurs portes aux touristes afin de protester.

Ainsi, qu’il s’agisse de gōso ou d’autres types de protestation, la violence n’était en général pas le mode privilégié par les moines. Néanmoins, plus les siècles passèrent et plus les moines furent représentés dans l’iconographie et dans la culture populaire comme armés, et ce notamment à travers la figure du « moine-guerrier ». Nous avons donc ici un contraste : d’un côté le rôle de la puissance politico-sociale des temples fut, de manière générale, diminué, et d’un autre la qualité guerrière des moines dans le cadre des manifestations fut faussement mise en avant. La deuxième partie de cette présente étude se consacrera donc à révéler dans quel cadre la violence monastique s’est véritablement révélée.
Les conflits armés
Comme nous avons pu le remarquer et contrairement à leur image avancée dans la culture populaire, les gōso n’étaient pas la raison pour laquelle les institutions religieuses ont pu être militairement craintes. Nous allons donc nous intéresser dans cette partie aux types de conflits armés auxquels ont pu prendre part les moines et monastères. En premier lieu, les moines étaient exemptés du service militaire qui était mis en place au VIIIe siècle. Pourtant, c’est à cette même époque que les premières occurrences de moines présents sur un champ de bataille émergèrent.
En effet, nous pouvons, par exemple, voir que du personnel monastique était présent au sein de l’armée gouvernementale qui a défait en 764 Emi no Oshikatsu 恵美押勝 (706-764) dans la province d’Ōmi 近江国. Néanmoins, aucune précision n’étant donnée quant au rôle qu’avaient ces moines, nous ne pouvons donc pas conclure qu’il s’agissait de combattants ou de guerriers, simplement qu’ils participaient au processus de répression impériale.
Les premiers véritables conflits armés auxquels nous pouvons certifier que des moines ont participé n’eurent lieu, en réalité, qu’à la fin du XIe siècle, et il s’agissait de disputes entre monastères. En effet, en 1081, nous pouvons constater l’occurrence des deux premières véritables attaques d’un temple sur un autre.
La première est celle de l’Enryaku-ji contre son grand rival l’Onjō-ji 園城寺, ce dernier avait, par deux occasions, empêché l’Enryaku-ji d’organiser un festival, et une série de confrontations violentes, d’attaques et de vengeances eurent lieu sur plusieurs siècles. Leur rivalité existait déjà depuis le siècle précédent, mais à partir du XIe siècle et en particulier de l’année 1081, elle devint militaire. La même année, le Kōfuku-ji attaqua pour la première fois le sanctuaire de Tōnomine 多武峰[19] à la suite d’une dispute liée au contrôle de terres.
Ces deux attaques étaient organisées et planifiées par leurs instigateurs. Elles marquent la naissance d’un pattern de conflit armé qui persista jusqu’à la fin de l’époque Kamakura. Ces attaques n’étaient cependant généralement pas « bien » préparées, d’autant plus si nous les comparons avec des conflits entre clans guerriers.

Ainsi, à partir de la fin de l’époque Heian, deux principaux types de conflits impliquant les temples se distinguent. Tout d’abord les conflits autour de successions de postes et de suprématie d’une faction sur une autre comme nous pouvons le voir entre l’Enryaku-ji et l’Onjō-ji qui représentent deux factions de l’école Tendai. Ce type de conflit pouvait avoir lieu entre des factions d’un même complexe monastique, entre des branches, ou encore entre des écoles.
Ils pouvaient être dus à des « parachutages » de membres de l’aristocratie à la tête d’un temple afin d’en contrôler l’autorité et la puissance. De plus, au XIIe siècle, une distinction sociale interne entre « moines-lettrés », gakushō 学生 ou gakuryō 学寮, et « moines-travailleurs », dōshu 堂衆, se créa dans les grands temples, ce qui engendra également des conflits, forçant parfois les forces impériales à intervenir pour rétablir l’ordre hiérarchique[20].
L’autre type de conflit était dû à la gestion des terres et à leurs frontières, et avait généralement lieu entre des monastères qui possédaient des terres voisines, ou entre un temple propriétaire et une administration guerrière locale. Nous pouvons le voir dans l’exemple de la rivalité entre le Kōfuku-ji et le sanctuaire de Tōnomine par exemple, les deux institutions se disputant le contrôle de territoires dans la province de Yamato 大和国, et donc la perception de taxes. Cette rivalité fut particulièrement destructrice pour le sanctuaire qui fut partiellement ou totalement incendié par le temple Fujiwara à de nombreuses reprises. Nous notons ainsi que ces conflits entre temples n’avaient pas pour sujet des divergences religieuses.
Néanmoins, comme nous l’avons précédemment constaté, les temples furent impliqués dans les conflits politiques de la cour impériale et, lorsque ceux-ci devinrent militaires, notamment à partir de la seconde moitié du XIIe siècle, les temples engagèrent leurs forces armées afin d’influencer les issus de ces conflits. Nous remarquons ainsi que, en 1156 lors du conflit de Hōgen 保元の乱, l’un des partis tenta de mobiliser des forces monastiques organisées[21].
à partir du XIIe siècle, les puissances politiques cherchèrent de plus en plus le soutien armé des monastères. Ceux-ci jouèrent un rôle dans la défaite du clan Taira en 1185, l’Enryaku-ji participa au conflit de Jōkyū 承久の乱 en 1221 en soutenant pendant un temps militairement l’empereur retiré Go-Toba 後鳥羽天皇 (1180-1239) dans sa tentative ratée de mainmise sur le pouvoir face au shôgunat de Kamakura…
Durant l’époque Kamakura, nous pouvons observer une véritable intensification des violences, avec une participation de plus en plus accrue du clergé aux conflits militaires et l’élite laïque qui alterna entre la condamnation et l’encouragement de cette violence. Le bakufu, ou shôgunat, de Kamakura 鎌倉幕府 ne voulait notamment pas s’impliquer, il laissait la cour gérer ces conflits. Plus tard, Go-Saga a même encouragé les rivalités entre temples, notamment en soutenant l’Onjō-ji face à l’Enryaku-ji. Lorsque Go-Daigo se révolta, les forces de ce dernier temple le soutinrent en rejoignant l’armée d’Ashikaga Taka.uji 足利尊氏 (1305-1358). Et lorsque celui-ci se retourna contre Go-Daigo, l’Enryaku-ji resta loyal à l’empereur, résistant même à un siège militaire et gagnant lors d’une contre-attaque militaire.
Durant le XIVe siècle, les grands temples disposaient de véritables forces armées et les cours du Nord et du Sud se disputaient leurs loyautés lorsqu’elles étaient en guerre. Nous notons, par ailleurs, que l’Enryaku-ji resta fidèle au camp de Go-Daigo en partie à cause du fait que son rival, l’Onjō-ji, avait donné son allégeance au camp Ashikaga ! Durant le siècle suivant, de par les attaques politiques du shôgunat Ashikaga sur les institutions religieuses, les conflits armés impliquant ces dernières se firent moins récurrents, notamment entre les temples et les autorités locales, celles-ci gagnant en puissance militaire. La fin du bakufu Ashikaga, ou shôgunat de Muromachi 室町幕府, signa la recrudescence de l’autorité et de l’autonomie politique, économique et militaire des temples ; néanmoins, avec la montée des seigneurs locaux, leur puissance resta moindre.

Les « moines-guerriers »
Ainsi, nous avons pu constater que les temples ont joué un rôle politique et militaire durant plusieurs siècles. Dans cette dernière partie, nous essaierons donc de déterminer quel genre de personnes prenait véritablement part à ces conflits armés et si nos découvertes correspondent à ce stéréotype du « moine-guerrier » si populaire. En premier lieu, nous devons constater que, malgré des interdictions données dans des sûtras[22], des codes[23], ou encore de très nombreux édits, les armes ont toujours été ordinaires dans les monastères de l’archipel. Il est notamment d’usage d’estimer que les temples et sanctuaires ont adopté l’utilisation des armes durant l’époque Heian afin de résoudre des conflits locaux.
Nous n’avons cependant aucune indication montrant qu’il existait à cette époque une catégorie sociale vouée à la fonction guerrière au sein des institutions religieuses. La violence était utilisée de manière individuelle par des moines ou dans le cadre de petits conflits locaux ou internes. La question de savoir qui désigne le terme « sōhei » si souvent utilisé durant l’époque contemporaine se pose donc. Nous notons, par ailleurs, qu’il est anachronique : ce terme ne fut pas utilisé avant l’époque Edo 江戸時代 (1603-1868) et fut probablement importé de la péninsule coréenne.
à partir du IXe siècle, nous pouvons voir apparaître des termes comme ransō 乱僧, « moine-voyou », ou encore akusō 悪僧, « moine-mauvais »[24], mais ils n’étaient utilisés que pour désigner des moines exerçant des activités inhabituelles, pas forcément guerrières ou militaires. De plus, ils caractérisent des incidents isolés, locaux et sans grandes conséquences comme des malentendus évoluant de manière violente ou encore des actes de brigandage.

Nous remarquons ensuite qu’ultérieurement, lorsque des forces armées monastiques furent engagées dans des conflits et décrites dans les textes contemporains aux batailles qui subsistent toujours de nos jours, la plupart des personnes incluses étaient généralement assimilées au clergé. Cependant, il n’y eut pas de distinction faite au sein-même du clergé entre moine armé ou non. Des termes généraux comme shuto 衆徒 ou daishu 大衆, tout deux pouvant être traduits par « de nombreux moines »[25], sont utilisés pour désigner ces troupes.
Nous pouvons également de nouveau trouver le terme akusō, mais de même, tous les moines pouvaient porter des armes et aucun de ces termes ne semble désigner de groupe guerrier spécialisé dans les temples. La grande majorité des forces armées des monastères semblait appartenir aux moines de bas rangs, désignés dans les notes journalières, nikki 日記, des aristocrates de la fin du Xe siècle au début du XIIIe par des termes généraux comme daishu, shuto, gesō 下僧 (« moine de bas rang »), sōto 僧徒 (« moines »)…
De par cette utilisation de termes généraux, il nous est impossible d’identifier exactement qui composent ces forces armées. Néanmoins, en étudiant les archives des temples, nous pouvons constater que le clergé n’était pas homogène, il était divisé, selon l’institution, en catégories, en factions, en groupes… Les aristocrates auteurs des nikki n’étant généralement pas familiers de cette complexité, nous pouvons donc comprendre que les descriptions des conflits dans leurs notes aient été si vagues et en déduire que les clercs armés n’étaient probablement pas un groupe spécifique de « moines-guerriers » mais plutôt des simples employés monastiques ayant pris les armes.
Dans plusieurs études, nous remarquons que les sōhei ont été assimilés aux personnes désignées par le terme akusō. Cependant, comme nous venons de le signaler, ce terme n’était pas forcément appliqué à des actions violentes ou militaires. Il fut appliqué à toutes les catégories et classes sociales des institutions monastiques sans distinction. Par ailleurs, sur les 69 occurrences de ce terme dans les documents officiels et journaux subsistants de la seconde moitié du XIe siècle à la moitié du XVIe siècle, seules 14 d’entre elles peuvent être reliées directement à des conflits armés.
Nous pouvons donc conclure qu’il n’existait pas de catégorie spécifiquement vouée aux activités guerrières au sein des institutions monastiques. Toutefois, nous relevons que certaines catégories de moines étaient plus enclines que d’autres à prendre les armes, comme les bōjin 房人(« personnel résidentiel ») qui prirent régulièrement part à des batailles ou menèrent parfois de petites forces armées.
De même, cette tendance se retrouve également chez les hōshi 法師, un groupe important dans les communautés monastiques. Cette catégorie, dont le nom peut être traduit par « enseignant de la Loi », peut se référer à des moines de rangs variés mais généralement de bas niveaux. Ce terme est aussi utilisé pour désigner des personnes ayant fait un vœu bouddhique mais n’étant pas sanctionnés officiellement par une institution monastique. Il peut également désigner des guerriers ayant fait un tel vœu mais gardant un mode de vie laïc.
En étudiant plus précisément ces troupes monastiques, nous pouvons y trouver deux autres catégories en dehors de celle généralisée du clergé. La première, celle des guerriers des domaines, était issue du lien entre les pouvoirs locaux et les temples. Ces guerriers affiliés aux autorités pouvaient participer aux conflits internes aux temples ou entre institutions. Ils n’étaient cependant pas forcément des guerriers professionnels et pouvaient ainsi être des habitants locaux ayant pris les armes au nom du temple lié au domaine. Ces guerriers pouvaient également être engagés par les temples en tant que gardes, ou être « prêtés » par leur gouvernement local aux institutions religieuses associées à leurs domaines. Ils n’étaient donc pas affiliés directement au clergé et ne prétendaient pas être moines, ils servaient simplement une institution religieuse, bien souvent au nom d’une autre autorité.
L’autre catégorie sociale que nous pouvions retrouver au sein des forces armées des monastères était celle des ji.nin 神人, les serviteurs des sanctuaires. Il s’agissait généralement de personnes initialement engagées par les sanctuaires shintō afin d’accomplir des tâches diverses et souvent liées à l’artisanat ou encore à l’administration, même si nous pouvons parfois remarquer la présence de guerriers professionnels en leur sein. Ces personnes avaient, usuellement, des ambitions personnelles qu’elles espéraient réaliser à travers leur service auprès des sanctuaires, et bien souvent n’hésitaient pas à prendre les armes afin de défendre leurs intérêts.
Les ji.nin furent ainsi des éléments cruciaux pour les sanctuaires, et donc pour les temples auxquels ils étaient affiliés, notamment de par leur participation active aux conflits armés. En outre, l’immunité judiciaire des temples était de manière générale étendue à l’ensemble des personnes participant aux conflits en leurs noms. Ainsi, ces serviteurs des sanctuaires n’hésitaient pas à user de la force pour servir leurs intérêts et eurent un impact important sur les conflits. Comme nous avons pu l’observer, l’organisation des temples et de leurs forces militarisées était donc bien plus complexe que la seule image du sōhei peut laisser penser, d’autant plus que le statut social des personnes armées dans les temples n’était souvent pas en rapport avec l’institution religieuse en elle-même.

Ogawa Kazumasa 小川一眞 (1860-1929), 1895, Wikimedia Commons
En outre, lorsque nous nous intéressons aux descriptions des forces monastiques dans les textes contemporains aux conflits subsistants encore de nos jours, nous remarquons que ces « moines-guerriers » utilisaient bien souvent les mêmes stratégies et armes que les « guerriers laïcs ». En effet, les troupes monastiques faisaient majoritairement usage de l’archerie (montée ou non), des barricades et des tranchées pour se défendre, utilisaient la décapitation comme peine de mort… Il était, en soit, difficile de les distinguer de troupes laïques.
De même, lorsque nous tentons de retrouver les caractéristiques spécifiques au stéréotype du sōhei, la tâche devient ardue. Le « capuchon » par exemple, n’était absolument pas un symbole monastique militaire : il était nécessaire pour certaines cérémonies, ou encore utilisé pour cacher une identité mais pas forcément dans le cadre d’une action violente. Nous ne remarquons, par ailleurs, pas d’usage spécifique d’habits monastiques dans le cadre des batailles impliquant des moines : ils portaient des armures plus ou moins élaborées. La lance de type naginata, quant à elle, était utilisée par de simples fantassins dans le but d’attaquer des ennemis à distance, en particulier lors d’affrontements contre de multiples adversaires. Elle n’était absolument pas spécifique aux moines et ne fut pas introduite sur le champ de bataille avant la seconde moitié du XIIe siècle (contrairement à ce qu’impliquent certaines œuvres iconographiques).
Un moine participant à un conflit armé avait donc beaucoup plus de chance de ressembler à un guerrier laïc qu’à la représentation que nous nous faisons du sōhei. Les « moines-guerriers » n’étaient donc pas une catégorie sociale déterminée mais un ensemble complexe d’employés monastiques prenant les armes avec peu ou pas d’entraînement, et de guerriers plus ou moins professionnels engagés par les temples ou prêtés par des gouvernements locaux. Qualifier ces groupes armés de « moines-guerriers » est ainsi doublement incorrect : une partie n’étant pas moine, et l’autre n’étant pas guerrière.
Nous devons cependant noter qu’une dernière catégorie de personnes pouvait s’approcher d’un statut éventuel de « moine-guerrier » : ce que nous pouvons appeler les « moines-commandants » qui apparurent à la tête de certains grands monastères à partir de la toute fin du XIe siècle. Comme nous l’avons remarqué dans la première partie de notre étude, l’aristocratie de cette époque tenta de prendre le contrôle des temples en plaçant à leurs têtes certains de ses membres, ce qui put créer de nombreuses tensions entre branches, mais également entre classes sociales internes aux institutions.
Toutefois, certains de ces « parachutés » parvinrent à gagner le soutien de leur clergé, et ce notamment dans le cadre de conflits armés. Sous leurs directions, les forces guerrières monastiques parvinrent à se faire reconnaître et respecter en dehors des centres religieux et devinrent capables d’influencer des changements politiques majeurs, comme par exemple lorsque Go-Daigo plaça l’un de ses fils à la tête de l’Enryaku-ji, et qu’il parvint à mener les troupes du temple en guerre afin de soutenir l’empereur retiré. Néanmoins, ces « moines-commandants » se sont servis des forces monastiques afin de protéger leurs intérêts personnels en fondant des bandes guerrières organisées dans leurs temples sans qu’il n’y ait, en soit, de rapport avec la religion.
Même si, initialement, nous observons surtout des aristocrates de cour devenus moines qui mènent de petites forces monastiques ayant pris les armes, nous remarquons néanmoins qu’ils furent progressivement remplacés par des membres de l’aristocratie guerrière, et donc par de véritables commandants militaires n’ayant plus grand-chose à voir avec des moines. Ces commandants ont donc appliqué leurs talents à l’intérieur du contexte monastique et du factionnalisme politique et ne ressemblaient pas non plus à cette image du « moine-guerrier ».
Conclusion
Nous pouvons ainsi déduire que l’image pourtant si populaire du « moine-guerrier » ne renvoie, au final, à rien de concret : les guerriers des temples n’étaient pas des moines et les moines n’étaient pas des guerriers. L’idée des « moines-guerriers » vient en réalité des gunki monogatari 軍記物語, les textes épiques japonais, qui ont représenté quelques figures guerrières monastiques exceptionnelles de l’histoire militaire japonaise, mais ces figures étaient rares et subissaient dans ces textes une exagération de leur pouvoir militaire.
La popularisation du personnage de Benkei a notamment joué un rôle dans la démocratisation de ce stéréotype du sōhei, et ce encore jusqu’à de nos jours. Cette représentation stéréotypée peut également être due à une certaine iconographie biaisée conçue à partir du XIVe siècle, soit bien après les conflits qu’elle représente. Dans certaines représentations plus anciennes, il est ainsi difficile de définir si un personnage est un moine ou pas. Mais plus le temps passait et plus l’iconographie tendait à distinguer les catégories sociales qu’elle représentait sur le champ de bataille, renforçant alors les clichés touchant les samurai ou encore les troupes monastiques.

Lorsque nous étudions les sources contemporaines aux évènements et qui subsistent toujours de nos jours, il n’y a cependant pas de doute : la violence monastique était extrêmement similaire à la violence militaire professionnelle et laïque. Il n’y a pas de réalité concrète derrière le cliché du « moine-guerrier ». Ainsi, ce que nous pourrions qualifier de « guerriers monastiques » émergent et se développent en tant qu’éléments faisant intégralement partie du milieu social, politique et militaire à partir de la seconde moitié de l’époque Heian et durant l’époque Kamakura. Et ce non pas à cause d’une détérioration de conditions internes spécifiques aux complexes religieux, mais comme étant compris dans une tendance générale de règlement des conflits par les armes.
Néanmoins, malgré la participation des temples à la violence organisée et aux conflits armés, nous constatons que les guerriers des temples étaient des combattants comme les autres, non pas mus par leurs convictions religieuses, mais par les intérêts personnels de leurs leaders ou dans un objectif de protection de privilèges ou de domaines. L’image du sōhei, ce stéréotype du « moine-guerrier », ne renvoie donc qu’à un imaginaire et non pas à une réalité.
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Bibliographie
Sources primaires
Azuma kagami 1 Yoritomo no kyohei 吾妻鏡1頼朝の挙兵 (« Le Miroir de l’Est 1 La mobilisation de l’armée de Yoritomo »), Tōkyō, Yoshikawa Kōbunkan 吉川弘文館, 2016 (1re éd., 2007), compilé et traduit en japonais contemporain par GOMI Fumihiko 五味文彦 et HONGŌ Kazuto 本郷和人
Azuma kagami 2 Heishi metsubō 吾妻鏡2平氏滅亡 (« Le Miroir de l’Est 2 L’anéantissement des Heishi »), Tōkyō, Yoshikawa Kōbunkan 吉川弘文館, 2012 (1re éd., 2008), compilé et traduit en japonais contemporain par GOMI Fumihiko 五味文彦 et HONGŌ Kazuto 本郷和人
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[1]Ancien nom de l’actuelle Kyōto 京都.
[2]Ce titre existait déjà auparavant mais ne correspondait pas à la même fonction.
[3]Aussi écrit 薙刀.
[4]Aussi écrit 嗷訴.
[5]Le « régime de la maison de l’empereur retiré », sous lequel le gouvernant n’était pas l’empereur en place soumis à un lourd protocole, mais un ancien empereur ayant abdiqué.
[6]Aussi écrit 神輿.
[7]Deux raisons principales pouvaient les motiver : une dispute de territoire due à une privatisation gouvernementale, ou en raison de l’attribution par la cour d’un poste de dirigeant d’un temple à un membre d’une faction différente de celle majoritaire dans le temple.
[8]Le plus ancien aurait été initié par le sanctuaire de Kasuga 春日大社 en 968, mais la première occurrence que nous pouvons confirmer est celle du sanctuaire d’Ise 伊勢神宮 en 987.
[9]Le premier d’entre eux fut l’Enryaku-ji en 1039.
[10]Généralement une branche d’un arbre sacré ou un palanquin contenant un kami ou un sanctuaire dédié à un kami.
[11]Dont une centaine de l’Enryaku-ji et environ 70 du Kōfuku-ji.
[12]Il arrivait que certains moines viennent armés, mais leur intention était d’effrayer et non pas de combattre.
[13]Il était d’ailleurs relativement courant qu’après un processus de mobilisation un gōso n’ait finalement pas lieu, même si la cour n’acceptait pas les demandes du clergé.
[14]Dans un gōso, d’autres branches ou temples pouvaient se joindre au mouvement sur le trajet de la capitale, notamment car le cortège s’arrêtait en chemin dans des temples et sanctuaires pour accomplir des rituels et des préparations.
[15]Notamment en étant envoyés en exil.
[16]Troisième âge du bouddhisme nommé « la fin de la Loi », durant lequel il subsiste un souvenir de l’existence de l’enseignement du Bouddha, mais plus personne ne tente de le mettre en œuvre. A la fin du Xe siècle, début du XIe siècle, la croyance que le mappō avait commencé prit place au cœur de l’aristocratie ce qui provoqua un sentiment d’insécurité et d’impureté du monde.
[17]Il pourrait être possible de s’imaginer que ces destructions étaient vues à l’époque comme une cause du mappō mais au contraire, il était clair qu’elles étaient considérées comme une conséquence.
[18]Egalement connu sous la traduction de son nom : « le Pavillon d’Or ».
[19]Sis dans l’actuelle préfecture de Nara.
[20]De temps en temps à la demande des moines lettrés.
[21]Cela n’eut cependant pas d’incidence sur l’issue du conflit, les forces monastiques n’arrivant pas à rejoindre la courte bataille à temps.
[22]Comme par exemple le Sûtra du filet de Brahman, Bonmôkyô 『梵網経』 (début du 5e siècle, Chine).
[23]Notamment les Sōni ryō 『僧尼令』 (« Régulations pour les moines et nonnes ») rédigés en 718, qui comportent 27 articles sur le comportement des moines et nonnes et qui contiennent des interdictions en rapport aux armes et aux conflits armés.
[24]Cette dénomination est en particulier appliquée aux moines de Nara 奈良.
[25]Ces deux termes étaient, par ailleurs, interchangeables à cette époque.
Une réflexion sur “Déconstruire les stéréotypes de la violence monastique du Japon antique et médiéval – Seconde partie : le « moine-guerrier »”