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Éditorial du dossier n°5 : Histoire militaire et culture

En ce début de nouvelle année, que nous vous souhaitons bonne et heureuse, La Revue d’Histoire Militaire a décidé de dévier de son cheminement habituel, pour vous proposer un dossier thématique non chronologique. Il ne sera donc pas question d’un aspect de l’art de la guerre durant l’époque moderne, mais d’un sujet beaucoup plus large et tout aussi passionnant : la représentation et les objectifs de l’Histoire militaire dans la culture actuelle.

Vaste sujet s’il en est puisque l’Histoire est visible tout autour de nous. Au cinéma, dans la littérature, dans les jeux vidéo ou encore la musique, il n’existe pas un seul vecteur de la culture qui n’y fasse abstraction. Phénomène qui n’est par ailleurs pas nouveau : tout produit culturel s’inscrit dans un contexte. L’Histoire sert donc à ancrer le récit ou alors à l’animer, lui donner une profondeur. Mais elle peut aussi en être le sujet, présentant notamment un caractère didactique. 

Le domaine plus restreint de l’Histoire militaire n’échappe pas à cette règle. De la radio au cinéma, en passant par la littérature ou les jeux vidéo, elle peut trouver de nombreux échos. Peu étonnant puisque la guerre demeure un phénomène ayant marqué l’Histoire de manière indélébile, et une notion connue de toutes et tous. Elle n’est cependant pas forcément le sujet principal de ces vecteurs, mais à travers eux, elle s’exprime ne serait-ce que visuellement ou indirectement

Le vecteur majoritaire demeure la littérature, qui pourrait être, par facilité, divisée en deux catégories. Dans la première, se concentrent les ouvrages traitant exclusivement de faits typiques de l’Histoire militaire, qu’il s’agisse de monographies d’unités, de réflexions stratégiques ou d’études sur des conflits comme celles publiées par les éditeurs anglo-saxon Osprey Publishing ou français Economica.

Dans la seconde, les aspects martiaux sont certes cités / développés, mais ils ne constituent pas le coeur même de ces écrits. Elle englobe bon nombre de romans, ouvrages généraux et généralistes. La guerre peut en être le cadre (autant en emporte le vent) ou alors un passage pour décrire / compléter un pan d’un ensemble donné (un manuel universitaire sur la Rome Antique par exemple). Les données exploitées et / ou présentées varient alors du pointilleux au superficiel. Un roman peut ne pas exploiter son cadre alors qu’une partie d’un ouvrage sur une civilisation peut présenter en détail des aspects martiaux d’une civilisation, mais aussi les expliquer pour mieux les comprendre, de manière aussi efficace qu’un ouvrage de la première catégorie.

Mais le domaine écrit n’est pas le seul à pouvoir exploiter ou servir de caisse de résonance au fait guerrier. D’autres canaux sont disponibles. De manière insoupçonnée, les films, la musique ou même les jeux vidéo peuvent verser dans l’Histoire militaire.

On pourrait citer au cinéma les films où la guerre est directement le sujet, (les films de guerre) – qui sont passés d’histoires d’héroïsmes à une peinture plus réaliste de l’horreur de celle-ci au grand écran comme le film la 317e section de Schoendoerffer qui met en scène la dureté de la guerre d’Indochine – et ceux où elle n’est qu’un cadre pour le récit ou un simple détail de fond. Mais même dans ces cas-là ; des informations spécifiques en découlent.

Que ce soit un Blockbuster à grand public, comme les films de la saga Star Wars, aux cours desquels sont mis en scène des blocus, des affrontements asymétriques, des raids en profondeur… ou alors simplement un long-métrage comme Taxi Driver de Martin Scorsese, mettant en scène pour personnage principal, Travis Bikel, vétéran de la guerre du Vietnam qui peine à se réinsérer, le conflit ou ses conséquences demeurent des facteurs importants de l’intrigue.

Concernant la musique, peuvent être cités l’exemple du chant de la résistance italienne Bella Ciao, employé dans la série La Casa de Papel, de même que la plupart des chansons de groupes militants, qu’importe leur bord politique, même s’il ne s’agit que d’invitations pour en apprendre plus à l’instar de la chanson Makhnovtchina des Béruriers noirs, reprise modifiée du titre éponyme d’Etienne Roda-Gil, sorte d’hymne pour le leader communiste libertaire Nestor Makhno et de son armée. Nous aurions aussi pu citer le groupe de métal Sabathon, qui en a fait sa spécialité, ou le groupe punk français Paris Violence, qui a plusieurs fois écrit des chansons « historiques » présentant des éléments précis sur la première guerre mondiale ou la guerre froide par exemple.

Enfin, parmi les nombreux canaux de diffusion disponibles, les jeux vidéo occupent une place à part entre littérature et cinéma : le joueur suit une expérience narrative, à la mise en scène quasi cinématographique tout en possédant une marge de manœuvre plus ou moins importante. La demande en profondeur « réaliste » a poussé de plus en plus l’industrie vidéoludique à faire appel à des experts ou passionnés afin d’apporter ce côté authentique à leurs créations. Souvent, pour expliciter ces choix et les expliquer davantage, des encyclopédies ou des informations sont implémentées dans le jeu.

C’est par ces intermédiaires que l’Histoire militaire s’est aussi progressivement diffusée au sein de la population, les jeux vidéos étant très accessibles. Les sujets mis en scène sont nombreux : opérations peu connues (Market Garden dans Medal of Honor en Première Ligne) qui en côtoient d’autres plus emblématiques (l’opération Overlord dans le jeu précédemment évoqué), faits peu mis en avant (les campagnes des troupes coloniales françaises lors de la Seconde Guerre mondiale et la question du blanchiment de ces troupes, mis en scène, quoique maladroitement, dans le jeu Battlefield V), évolutions de doctrines (les jeux de stratégie en temps réel incluent des factions différentes jouables ainsi que l’évolution de l‘armement et donc des doctrines, autant de facteurs que le joueur doit apprendre à maîtriser pour l’emporter)…

L’Histoire militaire se retrouve donc un peu partout et peut profiter de moyens de diffusion nombreux et variés. Mais en dehors de sa représentation, il faut aussi  s’intéresser aux raisons de celle-ci, ainsi qu’à son utilité. En effet, à l’image des mémoires individuelles, un fait historique peut être représenté de manières variables en fonction de la perspective ou du point de vue employés. La volonté de le mettre en scène peut alors répondre à un besoin ou à une raison sous-jacente comme la volonté de démontrer un fait ou appuyer un certain discours. Les causes sont donc multiples. Il en va de même pour l’utilité,  qu’il s’agisse d’approfondir un récit en lui offrant un cadre précis (exposition), d’expliquer un événement de manière didactique ou encore de rappeler des faits dans un soucis de commémoration.

Ce sont ces différents aspects dans la forme et le fond que nous vous proposons de découvrir au travers d’une série d’articles qui aborderont la place occupée par l’Histoire militaire dans divers vecteurs culturels, mais aussi à quelles fins. 

Bonne lecture !

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