César : le génie tactique, Vercingétorix jette ses armes aux pieds de Jules César, Lionel Royer

César : le génie tactique

César : le génie tactique, Vercingétorix jette ses armes aux pieds de Jules César, Lionel Royer
Vercingétorix jette ses armes aux pieds de Jules César, Lionel Royer, 1899, Musée Crozatier, Wikimedia Commons

L’histoire a retenu Jules César le tribun, l’animal politique et son ambition insolente. On connaît également César le général romain, le stratège qui conquit la Gaule, tribu après tribu, sachant tirer parti des rivalités des Gaulois. Les armées romaines se sont imposées partout où elles ont posé le pied, grâce à leur logistique infaillible et à leur avantage technologique. Pourtant, de l’écrasante supériorité technique et du génie militaire de César, on reconnaît bien moins son audace tactique.

Nous vous proposons aujourd’hui de revenir sur un épisode tactique de la guerre des Gaules, le passage de l’Allier, qui convaincra qui voudra lire la suite, s’il était nécessaire, qu’il est juste que le nom de César soit devenu un titre.

Contexte

En 58 av. J.-C., César est nommé proconsul de la Gaule cisalpine. Dès le début de son mandat, en mars, César entame ce qui devient la Guerre des Gaules, alors que les Helvètes qui, selon lui, menacent les Éduens, peuple gaulois allié des Romains, migrent vers l’Ouest. En moins de six ans, les légions de César parviennent à rallier la plupart des tribus gauloises à Rome.

En 52 av. J.-C., des peuples gaulois coalisés, sous l’égide de Vercingétorix, se lancent dans une révolte contre l’imperium romain. Pour résister à l’envahisseur et couper son ravitaillement, Vercingétorix ordonne de faire brûler les oppidums[1] de Gaule. Afin de couper la manœuvre romaine, le chef arverne appelle à brûler Avaricum, actuelle Bourges, capitale des Bituriges (région du Berry), qui s’y opposent. César parvient à prendre la ville après plusieurs jours de siège, fait massacrer la population et peut ravitailler ses troupes. Après la défaite d’Avaricum, l’armée gauloise rebelle se replie vers le sud en mars.

La nécessité d’agir rapidement

Pour César, il devient urgent de mettre un terme à la révolte gauloise avant qu’elle n’échappe à tout contrôle. Bien que la supériorité militaire des Romains soit évidente, ceux-ci sont sous la pression d’un manque d’approvisionnement et la faim se fait sentir.

Les Éduens, alliés historiques des Romains, hésitent à rejoindre Vercingétorix. Au même moment, à Rome, César fait face à des difficultés politiques, alors que le Sénat se méfie de ses ambitions. Il est plus que nécessaire pour César de remporter une victoire décisive et rapidement.

À l’été -52, Vercingétorix essaye de convaincre les Éduens de le rejoindre. Le chef arverne sait que le temps joue en sa faveur. Vercingétorix a tout intérêt à refuser un combat corps-à-corps pour lequel les Gaulois seraient désavantagés. Il ne souhaite pas combattre directement les Romains, mais aller au bout de sa stratégie de la terre brûlée, empêcher les Romains d’agir et contraindre l’envahisseur à se retirer.

Le passage de l’Allier

Les Romains sont fixés sur la rive droite de l’Allier[2] et doivent traverser la rivière pour rejoindre Gergovie[3] depuis Noviodunum[4]. C’est là que César espère remporter la victoire décisive.

Vercingétorix observe César depuis l’autre rive, qui marche vers le sud en longeant la rivière, afin de trouver un passage pour faire traverser ses légions (voir schéma n°1).

 

Les armées gauloise et romaine descendent vers le sud le long de l’Allier. Clément Musanger, La Revue d'Histoire Militaire, 2023
Les armées gauloise et romaine descendent vers le sud le long de l’Allier. Clément Musanger, La Revue d’Histoire Militaire, 2023

Cependant, Vercingétorix a fait détruire tous les ponts de l’Allier. César continue vers le sud, lorsqu’il tente une ruse. Il campe avec ses légions dans un bois situé au bord de la rive (voir schéma n°2).

L’armée romaine campe dans une forêt sur la rive droite de l’Allier. Clément Musanger, La Revue d'Histoire Militaire, 2023
L’armée romaine campe dans une forêt sur la rive droite de l’Allier. Clément Musanger, La Revue d’Histoire Militaire, 2023

Le lendemain, seules quatre de ses six légions ressortent du bois, fractionnées en cohortes pour tromper l’ennemi, et poursuivent leur marche vers le sud. Les Gaulois ne remarquent pas la feinte et continuent de suivre les Romains le long de l’autre rive (voir schéma n°3).

Les armées romaines se divisent en deux. Clément Musanger, La Revue d'Histoire Militaire, 2023
Les armées romaines se divisent en deux. Clément Musanger, La Revue d’Histoire Militaire, 2023

César et ses deux légions restées dans le bois font alors demi-tour, remontent vers le nord et construisent un pont à la nuit tombée. Une fois l’Allier traversé et le camp installé, César rappelle à lui son avant-garde, tandis que les Gaulois restent figés sur la rive gauche (voir schéma n°4). Surpris, Vercingétorix décide de se replier vers Gergovie.

L’armée romaine traverse l’Allier au nord. Clément Musanger, La Revue d'Histoire Militaire, 2023
L’armée romaine traverse l’Allier au nord. Clément Musanger, La Revue d’Histoire Militaire, 2023

Analyse

Cet épisode de la guerre des Gaules, qui précède la victoire gauloise de Gergovie, montre tout le génie tactique de César. Le général romain a su utiliser le terrain à son avantage, dans un environnement qu’il ne maîtrisait pas. Pressé par les circonstances, et par l’urgence de confronter les Gaulois, César a su créer, non sans audace, l’opportunité, ce qui lui permet de garder l’initiative. S’il ne parvient pas à exploiter cette réussite tactique lors de la bataille de Gergovie, où il est défait, cette manœuvre montre qu’une prise de risque mesurée peut permettre de produire des effets tactiques, qu’il est possible d’exploiter. Dans ce cas présent, l’effet produit – la surprise -, saisit les Gaulois, qui ne parviennent pas à contrecarrer la manœuvre romaine, et sont obligés de se replier.

Outre l’habileté de la manœuvre, cet épisode rappelle, s’il en était besoin, la primauté de la rapidité dans la conduite de la guerre. La vitesse de déplacement de l’armée romaine et son organisation en légions, divisibles, permettent au général romain de remporter l’avantage. Il convient également de souligner l’importance des troupes du génie, qui ont réussi à  faire traverser l’armée romaine en un temps record. Enfin, il serait naïf de ne pas évoquer la part de chance non négligeable qui conduit au succès de cette manœuvre.

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Bibliographie

BATAILLES DE FRANCE, Gergovie. Vercingétorix contre César. La guerre des Gaules (7/8). DOCUMENTAIRE., 2021, 19 min 49 s, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=RjbMOxJKL8g&list=PL53xg5EE_lyolBnf2mvfLqG1rlDtjTlm0&index=7 (dernière consultation le 01/11/2023)

CESAR Jules, La guerre des Gaules, Livre VII, Paris, Gallimard, 1981, 461 p., pp. 279-280, traduit par CONSTANS Léopold-Albert


[1] Villes.

[2] L’Allier est une rivière qui coule au centre de la France : c’est l’un des principaux affluents de la Loire. La rivière traverse l’Auvergne et passe à proximité de la ville de Clermont-Ferrand. Un débat historiographique existe néanmoins concernant ce passage. Certains historiens avancent ce passage qu’il s’agirait de la Loire et non pas de l’Allier .

[3] Village situé dans l’actuel Puy-de-Dôme, il était appelé Merdogne avant que l’empereur Napoléon III ne décide de le renommer Gergovie par le décret impérial du 11 janvier 1865.

[4] Aujourd’hui identifié comme la ville de Nevers, de Decize ou de Diou, selon les historiens, CESAR Jules, La guerre des Gaules, Livre VII, Paris, Gallimard, 1981, 461 p., p. 437, traduit par CONSTANS Léopold-Albert

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