Sans doute l’un des assassinats les plus célèbres de l’Histoire… Sinon le plus célèbre. Tuer César, c’était davantage que supprimer un simple général victorieux, c’était prouver au monde romain que rien, pas même le personnage le plus puissant de l’Etat n’était intouchable. Tuer César, c’était prouver que rien, pas même les Dieux n’étaient immortels. Pourtant, tuer César allait avoir un prix.
Mais replongeons-nous dans ce 15 mars de l’an 44 avant notre ère, le jour de la fête des Ides de Mars selon le calendrier romain, une journée devant entièrement être consacrée au dieu Mars, l’une des Dieux les plus importants du Panthéon romain, figure agricole, guerrière et divinité sachant récompenser un général capable de ramener les lauriers de la victoire… Mars sera-t-il encore aussi clément avec César aujourd’hui ?
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Il est environ 5 heures du matin et Caius Julius César, 55 ans, a mal dormi. Au réveil, de sombres pensées viennent l’assaillir… Le Sénat se montre hostile à certaines de ses décisions, une partie de l’aristocratie de l’ancien parti de Pompée qui, depuis des années, a fait semblant de le rejoindre, exprime maintenant de l’agressivité à son égard… Pourtant, ce ne sont pas les honneurs distribués de sa part qui ont manqué à ces gens mais ce que l’on peut être ingrat parfois…
Et puis, il faut penser à cette prochaine campagne contre les redoutables Parthes d’Arménie et de Perse, ces impudents guerriers qui ont osé écraser l’armée de Crassus[1] il y a près de dix ans. Après tout, Crassus l’avait bien cherché et au fond, cela a évité de trouver une autre solution pour éliminer la première fortune de Rome et un opposant éventuel dans la course au pouvoir à trois avec Pompée.
Finalement, cette campagne contre les Parthes sera un bon moyen de quitter l’atmosphère étouffante de Rome avec ces mauvaises langues et ces menaces perpétuelles… Les soldats, eux, ne trahissent pas. Plus que quatre jours. S’étant levé, César va pour rejoindre son épouse Calpurnia lorsqu’il repense brusquement à l’étrange discussion qu’il a eu la veille au soir avec ses invités du jour à savoir Lépide, son grand-maître de la cavalerie et Decimus Brutus, 41 ans, un de ces hommes qui doit tout à César[2]. Il y était question de savoir quelle est la mort la plus souhaitable et César a affirmé, peu importe, du moment qu’elle soit brève.

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Decimus Brutus, une main enroulée dans sa toge et l’autre la tenant enroulée autour de son cou pour lutter contre le froid de ce matin de mars, est venu de bonne heure devant le Palais de Pompée, là où le Sénat doit se réunir aujourd’hui en ce jour des Ides de Mars. Regardant autour de lui, comme aux aguets, il peut voir que Cassius Longinius, sénateur de 43 ans, est déjà là et attend, lui aussi. Les deux hommes vont converser pour tuer le temps. Ils sont prêts. Même si le pas a été difficile à franchir, ils ne peuvent plus désormais faire machine arrière. Ils réussiront ou bien périront.
Marcus Brutus, cousin de Decimus Brutus, doit rejoindre d’ici quelques dizaines de minutes. Plus loin ont été aperçus Caius Trebonius, les deux frères Casca, Bucolianus : la conspiration visant à sauver Rome de l’emprise du tyran César sera bientôt réunie au grand complet pour frapper au Sénat selon le plan arrêté depuis quelques jours.
Si porter la main dans l’enceinte sacrée de Rome, qui plus est sur le premier personnage de la République est un sacrilège absolu, les sénateurs témoins sauront pardonner aux conjurés : il en va de la Libertas Romae, cette liberté qui a fait la grandeur de Rome depuis ses débuts… Et malheur à qui n’a pas su la respecter comme ces rois de la dynastie des Tarquins[3], il y a plusieurs siècles, chassés par un membre de la famille des Brutus, déjà.
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Casca vient d’arriver, son frère l’accompagne. Sommes-nous prêts ? Oui, plus que jamais… Pour Rome ! A-t-on pensé à prévenir Cicéron ? Non, le vieux politicien aurait été plus un poids qu’autre chose et même s’il n’approuvera certainement pas un acte pareil dans l’enceinte du Sénat, il ne regrettera surement pas César. Et que faire pour Marc Antoine, le premier lieutenant de César ?
On aurait pu le convaincre de rejoindre la conspiration mais il est trop droit pour tremper dans un complot ; Caius Trebonius a prévenu : si Antoine devait reprocher quelque chose à César, il le ferait de vive voix et en face, ce n’est pas un homme de complot. Alors que faire ? Le tuer ? Non, il vaut mieux ne s’occuper que de César sinon, cela pourrait dégénérer en guerre civile avec les vétérans des légions de César : Montrons à tous que le danger pour Rome n’est que César et son ambition personnelle.
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Calpurnia, 31 ans et épouse de César, s’est encore une fois réveillée avec une foule de cauchemars rempli de flots de sang… Elle doit aller en parler à son mari et le prier de rester avec elle pour la journée : elle pressent un drame imminent… César est touché par les paroles de sa femme ; faisons un haruspice[4] et voyons ce que disent les entrailles d’animaux… Mauvais résultat. Tu vois lui dit Calpurnia, tu ne dois pas y aller aujourd’hui…
Sans doute, à ce moment précis, César est-il assailli par le souvenir des paroles du devin étrusque Titus Spurinna qui, depuis des jours, ne cesse de lui répéter : « Surtout méfie-toi, César, des Ides de Mars… » Après tout, cette réunion du Sénat n’est pas essentielle se dit César, autant annuler ou reporter… Son fidèle second, Marc Antoine, venant d’arriver, se fait appeler par César : Antoine, vole au Sénat et reporte-le… Je ne bougerai pas d’ici aujourd’hui…
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Decimus Brutus qui n’en peut plus d’attendre devant le Sénat se décide à aller directement voir César chez lui pour savoir ce qu’il peut bien faire… Arrivant devant le portique de la maison de César, il voit juste Marc Antoine qui s’apprête à en sortir pour annuler la réunion du jour… Catastrophe pense Decimus Brutus car dans quatre jours, César sera parti pour l’Asie et qui sait si une occasion pareille se représentera avant des mois voire des années ! Il doit absolument aller convaincre César de venir au Sénat !
Entrant précipitamment chez César, Decimus Brutus s’y montre le plus plaisant possible, le plus bienveillant pour montrer à César tout le mal qu’il retirerait de faire reporter le Sénat par Antoine car cela voudrait dire qu’il le tient en mépris. S’il veut le reporter, que César vienne en personne, cela donnera du crédit à son respect envers le Sénat et les institutions de la République… César approuve Decimus Brutus et avise Antoine, allons tout de même au Sénat… Calpurnia regarde partir l’homme le plus puissant de Rome sur sa chaise à porteurs habituelle. Tout semble normal mais elle sait que pourtant, une catastrophe se noue.

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Juste à côté du Palais de Pompée où va se tenir le Sénat aujourd’hui, se trouve le théâtre de Pompée dans lequel vont avoir des lieux des jeux importants pour fêter les Ides de Mars… Une foule conséquente est déjà là, espérant obtenir une bonne place pour suivre les festivités tandis qu’à l’intérieur du théâtre, des troupes de gladiateurs font les derniers préparatifs en vue de leur entrée en scène dans quelques heures. Pendant ce temps, au dehors, entre le théâtre et le Palais de Pompée, la place s’est recouverte de boutiques et de marchands venus vendre leurs biens à la foule des jeux. Assurément, ce sera jour de fête aujourd’hui…
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Artémidore d’Ephèse, diplomate, philosophe et géographe grec protégé de César, est en train de terminer l’écriture du billet qu’il doit absolument remettre à César… Tout y est dessus, le nom de chaque conspirateur, le lieu… Cela fait un moment que le Grec travaille à obtenir ces informations et il est maintenant vital que César les obtienne. Enfilant sa pèlerine et prenant un bâton, il sort précipitamment de chez lui et court vers le Sénat.
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Marcus Brutus vient enfin de rejoindre le groupe de plus en plus nombreux des conjurés qui se tiennent devant l’entrée du Palais de Pompée : âgé de 41 ans, Marcus Brutus est la véritable âme de cette conspiration avec Cassius Longinius. Pourtant les deux hommes ne s’aiment pas. Et pour cause, César en a préféré l’un à l’autre désignant Marcus Brutus, préteur urbain de Rome, un poste de prestige tandis que Cassius est relégué à la préture pérégrine, une charge ingrate[5].
Toutefois, ces deux hommes se retrouvent dans le culte des vertus républicaines, elles qui avaient si bien été mises en valeur par le fameux Caton d’Utique, parent de Marcus Brutus, s’étant suicidé pour ne pas se compromettre avec César. Considéré par César presque comme un fils, Marcus Brutus ne veut toutefois pas oublier que son nom est gravé dans l’Histoire romaine comme celui de l’homme qui avait chassé les premiers rois de Rome : parfois, l’Histoire se répète doit-il penser…
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Le sénateur Popilius Lenas a tout compris mais il ne veut pas se compromettre même s’il approuve. En voyant le groupe des conjurés attendre fébrilement devant le Sénat, il va les voir et leur glisse : « Je vous approuve… Mais ne perdez pas une minute, l’affaire n’est déjà plus secrète… » Comment le sait-il ? Les conjurés prennent peur. Faites que César arrive vite et que l’on en finisse…
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César, dans sa chaise à porteurs, est suivi par le cortège habituel d’esclaves mais aussi de clients, de quémandeurs, de personnes diverses ayant de près ou de loin quelque chose à lui demander… Heureusement, son secrétaire s’occupe de tout cela et trie les demandes alors que César arrive à proximité du Palais de Pompée. Comme c’est étrange pense César : arrivera-t-il un jour à se débarrasser de l’image de ce Pompée qui le poursuit partout depuis qu’il a remporté la guerre civile sur lui il y a maintenant près de quatre ans ?
Alors qu’une foule compacte se presse pour pouvoir parler ou donner un message à César, personne n’a remarqué le philosophe Artémidore essayant de se faire une place pour donner son message capital à César. Voilà, il a pu lui donner. Mais que fait César ? Il le glisse dans une poche de sa toge. Qu’il le lise avant d’arriver au Sénat pense Artémidore… Je lirais ça après pense César…
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Calpurnia essaye de passer le temps en refusant l’angoisse qui monte. Vite que cette journée finisse et que César revienne. Un homme, esclave affranchi, se fait annoncer avec une nouvelle urgente pour César. Calpurnia lui répond qu’il est déjà parti au Sénat mais de quoi s’agit-il ? L’homme répond qu’il verra directement avec César une fois rentré : c’est certes grave mais il n’est pas certain des choses et ne veux pas alarmer pour rien. L’homme repart laissant Calpurnia perplexe et plus angoissée que jamais…
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César va pour arriver au Sénat lorsqu’il aperçoit dans la foule se pressant aux alentours du Sénat, le devin étrusque, Titus Spurinna. Se rappelant les sombres prédictions du vieil étrusque et presque par défi, César lui lance : « Tu vois Spurinna, les Ides de Mars sont arrivées ! » Se retournant avec la lenteur du sage qui se donne un instant pour répondre, Spurinna rétorque à César : « Oui mais prends garde, elles ne sont pas finies… »
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Dès son arrivée devant le Sénat, César, tout juste sorti de sa chaise à porteurs, est accosté par le sénateur Popilius Lenas qui le prend par le bras pour lui parler en aparté. Les conjurés se regardent tous avec des yeux où se lit une peur blanche : Popilius Lenas est-il en train de les dénoncer ? Cassius, Decimus Brutus, Marcus Brutus et les autres se suspendent aux gesticulations de Popilius Lenas attendant de voir comment va réagir César… Ils ont tous la main droite sur leur poignard, caché sous leur toge, se tenant prêts : si César est mis au courant, ils se suicideront avant d’être arrêtés… Quelques secondes passent, interminables, avant que chacun ne se rende compte : à l’évidence, Popilius Lenas n’a rien d’important à dire à César si ce n’est quelques suppliques personnelles. César, suivi de Marc Antoine, s’avance vers l’entrée du Sénat, le groupe des conjurés l’y suit.
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Marc Antoine, 39 ans, se sent nerveux aujourd’hui. Rien ne se passe comme prévu et en tant que militaire, il n’aime pas lorsqu’il ne maîtrise pas la situation… Cela fait des jours qu’il entend des rumeurs concernant un complot contre César, rien de bien précis jusqu’à hier soir. On lui a rapporté que l’un des jeunes frères Casca aurait eu vent d’une conspiration qui va frapper au plus tôt contre César. Mais comment prendre en considération le frère Casca, un homme qui tremble encore davantage qu’une feuille devant le moindre danger ? Néanmoins, restons sur nos gardes.
Aussi, Marc Antoine se presse de rattraper César pour aller le rejoindre à l’entrée du Sénat et l’accompagner comme toujours, lui le héros d’Alésia et de multiples combats contre les Gaulois, le second parfait de César contre Pompée à Pharsale, lui le successeur presque désigné au maître du monde romain que César a honoré dernièrement en le faisant défiler dans son propre char. Oui, Antoine, tu règneras un jour sur le monde avec moi aurait déjà pu lui faire comprendre la si mystérieure et fascinante reine d’Egypte Cléopâtre lors de leur première rencontre… Mais en attendant, Antoine reste fidèle à César et que ceux qui voudraient attenter à la personne du dictateur sachent qu’ils trouveront le glaive du meilleur cavalier de Rome sur leur chemin.
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Comme le veut la coutume, César, avant d’entrer au Sénat, doit consulter un prêtre pour qu’il effectue des haruspices (dans des entrailles de poulet généralement). Mais aujourd’hui, César est pressé. Toutefois, il se plie à la règle mais comme avec Calpurnia, les résultats sont très mauvais… César s’en amuse presque mais demande tout de même à ce que la manipulation soit réitérée. Même résultat.
Qu’à cela ne tienne, César en a assez de voir cette journée être obscurcie par de mauvais présages. Si cela continue, le Sénat va s’impatienter, aussi César laisse de côté le prêtre et entre au Sénat. Après tout, sa Fortuna, sa bonne étoile, a toujours souri à César et il n’y a pas de raison pour qu’elle l’abandonne aujourd’hui : la décision du dictateur de licencier sa garde du corps personnelle il y a moins d’un mois, prouve que, plus que jamais, César a confiance en sa Fortuna…
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Antoine, attends un instant, j’ai besoin de parler affaires avec toi lance le consul Caius Trebonius au premier lieutenant de César. Marc Antoine s’arrête et écoute Caius….Comment pourrait-il se méfier de ce Trebonius, 48 ans, ayant pratiquement exercé toutes les charges possibles du Cursus Honorum[6] romain sous le patronage de César. Par ailleurs, ce Trebonius n’est pas un mauvais militaire ce que respecte d’autant plus Antoine : Trebonius a été, il y a cinq ans, légat de César contre les Bretons ou les Gaulois à Alésia et même vainqueur des Pompéiens à Marseille et comment Antoine ne pourrait-il pas se souvenir que c’est avec Trebonius qu’il repoussa, glaive contre glaive, les dernières attaques désespérées de Vercingétorix pour briser le siège d’Alésia en 52 av. J.-C.
Non, décidément aucune raison de se méfier de Trebonius… Alors qu’Antoine laisse César pénétrer seul dans le Sénat, Decimus Brutus, au comble de la fébrilité, hésite sur ce qu’il doit faire : rester avec Trebonius pour être sûr que Marc Antoine sera retenu suffisamment de temps ou bien assister les siens face à César ?
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Près de cette immense statue à la gloire de Pompée qu’il ne peut s’empêcher d’admirer de manière ambiguë, César a pris un siège pour venir écouter ceux qui voudraient lui parler en attendant probablement d’aller écourter la séance du Sénat comme prévu. Le groupe des conjurés s’approche et entoure le siège de César mais comment pourraient-ils sembler menaçant à César tous ces visages qui lui sont familiers, qui sont des habitués de sa table, qui sont des compagnons de guerre comme Cassius ou Decimus Brutus, qui sont des gens qu’il aime comme sa propre famille comme Marcus Brutus ?
Lucius Timber est le premier à se porter devant César : venant d’être nommé gouverneur provincial en Anatolie par César, il lui prend un pan de sa toge, s’y accroche presque en signe de soumission et lui adresse une demande pour que son frère soit rappelé d’exil… César élude la question puis devant l’insistance de Timber refuse directement; Timber s’accroche de plus en plus à la toge de César rendant son emprise désagréable ce qui fait César s’écrier: « Mais pourquoi cette violence ? »
Alors, Timber, s’agrippant toujours à la toge de César, regarde vers ses camarades et leur crie : « Qu’attendez-vous mes amis ? » Casca, s’étant placé derrière César, frappe le premier, visant la gorge avec son poignard mais son coup est détourné par une main inconnue ne portant que vers l’estomac… César, à peine touché, se défait violemment de l’emprise de Timber et se relevant précipitamment, attrape, d’une poigne de fer, la main de Casca et lui jette avec fureur : « Que fais-tu, scélérat ? » Casca, voyant les yeux irisés de rage du dictateur le fusiller, cherche l’aide de son frère et l’appelle à l’aide en grec…
César essaye de profiter de la confusion pour s’extirper du groupe des conjurés mais il reçoit un nouveau coup dans le flanc de la poitrine puis Casca tente de le frapper à la tête tandis que Bucolianus le lacère au front… Le visage aveuglé par le sang qui coule à flots, César hurle comme une bête sauvage qui cherche un échappatoire à une mise à mort… Il tente aussi d’alerter les autres sénateurs mais tout le Sénat reste de marbre devant cette scène inimaginable… C’est alors que César reçoit un violent coup de poignard à la cuisse, il se retourne, voit son agresseur et reconnaît Marcus Brutus. S’il n’a pas dit son fameux Tu quoque mi fili, [Toi aussi, mon fils] du moins a-t-il pu le penser…
Vaincu par la douleur de plusieurs blessures ouvertes mais aussi par celle de voir une personne qu’il pensait un vrai proche vouloir sa mort, César lâche la main de Casca qu’il tient toujours, s’enroule d’un geste ample dans sa toge avant de se recroqueviller sur le sol pendant que les conjurés continuent de le larder de coups de poignards, certains se blessant les uns les autres dans la cohue comme Marcus Brutus frappé involontairement (ou pas ?) par Cassius.
Quelques secondes plus tard, César gît dans une immense flaque de sang, vaincu par 23 blessures corporelles dont plusieurs mortelles. Du haut de sa statue surplombant le cadavre de César, Pompée, lui-même lâchement assassiné quelques années plus tôt, peut observer la destinée se répéter pour son ennemi. Les conjurés lèvent alors leur poignard vers le haut criant Victoire, criant que la République Romaine est sauvée. Ils ne peuvent s’imaginer qu’ils viennent de la condamner…
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Accourant devant le reste des sénateurs choqués par cette démonstration de violence, les conjurés essayent de prendre la parole mais plus personne ne les écoute déjà plus. Le vieux Cicéron, drapé dans sa dignité, reste sans voix tandis qu’un grand nombre de sénateurs, prenant peur pour leur vie, s’enfuient dans tous les sens… Les conjurés sortent alors du Sénat.

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C’est alors que commence la malédiction des assassins de César… Ayant voulu le supprimer, ils se rendent compte que César est encore plus présent à Rome mort que vivant. Sur le parvis du Sénat, les conjurés rencontrent la foule alertée qui s’est précipitée pour en savoir plus. En apprenant la mort de César, c’est le chaos. Tout le monde veut rentrer chez lui se protéger jusqu’à Marc Antoine, persuadé d’être le prochain sur la liste, qui va se barricader chez lui.
Lépide, alors en train de discuter sur le Forum[7], se précipite alors sur l’île du Tibre pour y récupérer la seule légion de César alors en ville et l’amener sur le Champs de Mars dans l’attente des ordres d’Antoine… Les boutiques du matin sont pillés, les rues se vident, les fenêtres se ferment, un voile noir tombe sur la ville… Tandis que les conjurés parcourent la ville en criant que la Liberté est sauvée, que l’honneur de Rome est retrouvé, personne ne les suit.
À chaque coin de rue, l’ombre de César, grandissant de plus en plus, les poursuit. Dans chaque regard réprobateur des simples citoyens, des vétérans des légions de Gaule, des affranchis étrangers, de tous ces gens du peuple qui avaient tant bénéficié de l’action sociale de César, l’ombre du dictateur se montre, terrible, laissant les conjurés dans le plus grand des désarrois. Les seuls à les suivre au Capitole où ils se réfugient, sont les gladiateurs qui ont tout à gagner du chaos.
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Réunis au Capitole, la colline abritant les temples les plus sacrés de Rome, les conjurés réfléchissent aux suites politiques pour préserver la stabilité de la République. Certains proposent de faire des distributions d’argent pour calmer le peuple : mais ce ne serait là qu’imiter l’une des habitudes de César. En attendant, Antoine et Lépide préparent la riposte politique…
Très vite, deux camps vont se former, se disputant les lambeaux de la République romaine qui vient de mourir, poignardée 23 fois par ceux-là même qui croyaient la défendre : César avait trop associé toutes les institutions républicaines à sa propre ascension que le faire tomber revient à faire tomber la République. Et puis les conjurés, croyant être fidèles à l’histoire républicaine de Rome, avaient tout simplement oublié cette maxime de Cicéron s’accordant parfaitement à Caius Julius Caesar : « La vie des morts consiste à survivre dans l’esprit des vivants. » Aujourd’hui, qui se souvient encore des discours enflammés de Cassius et de Brutus sur la liberté de Rome tandis que la voie politique tracée par César dure depuis deux millénaires…
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Bibliographie
-Appien, Histoire des Guerres Civiles de la République Romaine, ~ 150, Tome I, Paris, 1808, 556 p.
-Boyancé Pierre, Cicéron et César, dans Bulletin de l’Association Guillaume Budé : Lettres d’humanité, n°18, décembre 1959, pp. 483-500, https://www.persee.fr/doc/bude_1247-6862_1959_num_18_4_4184
-Gautier Ainé A. F., Cicéron et son siècle, Paris, 1842, 455 p.
-Plutarque, Vie de César dans Vies parallèles, ~ 100.
-Suétone, Vie des Douze Césars, ~ 120.
-Syme Ronald, La Révolution Romaine, 1952, Paris, 1967, 657 p.
–http://www.todayifoundout.com/index.php/2013/04/et-tu-brute-not-caesars-famous-last-words/
[1] Marcus Licinus Crassus, -115/-53, homme politique romain de premier plan, cofondateur d’un triumvirat pour se partager la vie politique de Rome avec César et Pompée en -60 et mort en -53 à la bataille de Carrhes contre les Parthes.
[2] Decimus Brutus, -85/-43, important et efficace lieutenant de César durant la Guerre des Gaules et ensuite contre Pompée notamment lors du siège de Marseille en -49.
[3] Dynastie de rois de Rome au VIème siècle avant notre ère qui avaient été chassés par un mouvement populaire en réaction à leurs volontés autocratiques.
[4] Haruspices : moyen de prédire l’avenir dans le monde romain en ‘’interprétant’’ le contenu des entrailles d’un poulet généralement.
[5] Le préteur pérégrin s’occupait à Rome de toutes les affaires concernant des non-citoyens romains.
[6] Ensemble des charges politiques et de magistratures qu’un Romain de bonne famille peut mener pour réussir son parcours social.
[7] Place principale de Rome et centre culturel, économique et politique du monde romain.