
Depuis l’Antiquité, la maîtrise de l’information en temps de guerre est cruciale pour les belligérants en permettant de tromper et déstabiliser l’ennemi. La rétention d’informations ou la diffusion de fausses nouvelles n’ont toutefois eu qu’un impact limité avant le développement de la presse au XVIIe siècle. Il faut en effet attendre l’époque moderne pour voir se développer des campagnes massives, et à grande échelle, de manipulation des opinions lancées par les États, et visant explicitement la déstabilisation d’adversaires politiques ou militaires. Le contexte de guerre agit comme un puissant révélateur des usages politiques de la presse d’Ancien Régime qui apparaît à la fois comme un levier géopolitique majeur et comme un outil diplomatique de premier plan.
La presse, qui connaît un essor considérable au XVIIIe siècle, a incontestablement été le support de grandes campagnes de manipulation des opinions, notamment lors des grands conflits qui ont émaillé ce siècle. La guerre de la Succession d’Autriche (1740-1748), au mitan du siècle, ne fait pas exception et livre même des exemples éclairants du rôle de l’information dans la conduite de la guerre.
La guerre de la Succession d’Autriche : première guerre mondiale ?
La guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), qui fait l’objet du présent article, se révèle être un angle mort de l’historiographie portant sur le XVIIIe siècle, largement délaissée au profit de la guerre de Sept Ans (1756-1763), point d’orgue des rivalités franco-britanniques et à l’origine d’une nouvelle forme de patriotisme dans les deux nations[1]. Pourtant, ce conflit revêt lui aussi une dimension mondiale avec des combats en Asie, en Amérique et en Europe. Elle pourrait d’ailleurs à ce titre ravir à son illustre voisine le titre de « première guerre mondiale » de l’histoire. De plus, elle porte la puissance française à son apogée, inaugure une véritable « révolution diplomatique »[2] dans les rapports de force entre les puissances européennes et scelle le rôle désormais majeur de la Russie et de la Prusse dans le concert européen.
Le présent article n’a pas vocation à s’étendre sur la chronologie très complexe de la guerre de la Succession d’Autriche. Toutefois, il apparaît ici important de rappeler quelques fondamentaux, aussi bien sur les origines du conflit que sur le jeu complexe des alliances qui s’exercent durant les huit longues années de guerre.
Le décès de Charles VI, l’Empereur d’Autriche-Hongrie, à la fin du mois d’octobre 1740, est l’événement qui met le feu aux poudres. Bien que la succession ait été préparée de longue date dans le cadre de la Pragmatique Sanction[3], Marie-Thérèse, la fille du défunt souverain, n’est pas considérée comme l’héritière légitime du trône par les grandes puissances du continent.
Dès le décès de l’Empereur, la Pragmatique Sanction est en effet contestée. La nouvelle souveraine, âgée de 23 ans, apparaît comme faible et manipulable. Frédéric II, lui aussi jeune roi de Prusse[4], lance les hostilités en envahissant la Silésie en décembre 1740 sans même avoir pris la peine de déclarer la guerre. Pour la France, qui n’a accepté la Pragmatique Sanction que quelques mois auparavant, l’occasion est trop belle de pouvoir affaiblir les Habsbourg : la France intègre une coalition composée de la Bavière et de l’Espagne (Traité de Nymphembourg) auxquels s’ajoutent dans les mois suivants la Prusse et les électeurs palatins, de Saxe et de Cologne.
En face, une deuxième coalition se forme autour de l’Autriche, avec la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies. Durant les huit longues années du conflit, les alliances sont mouvantes et les territoires colonisés par les grandes puissances belligérantes, notamment les Indes, font aussi l’objet de combats qui visent à déstabiliser l’adversaire. En effet, il convient d’avoir à l’esprit que les enjeux des combats dépassent de très loin les frontières du Vieux continent, accentuant encore l’écho et l’importance des nouvelles dans cette période très troublée.
Nous verrons dans les lignes qui suivent que la presse du temps a largement été un outil au service des puissances belligérantes, dans des domaines très variés, et parfois insoupçonnés. Pour être en mesure de bien saisir ces différentes articulations, il convient de nous pencher, en guise de préambule, sur la structuration du marché de l’information au milieu du XVIIIe siècle.
Le marché de l’information en Europe au XVIIIe siècle
En Europe, le XVIIIe siècle est celui d’un développement considérable de la presse et, plus largement, de tous les imprimés. En effet, on considère que le nombre d’ouvrages en circulation a triplé, voire quadruplé, entre le début du siècle et la décennie 1780[5].
La presse européenne de langue française du siècle des Lumières, très hétérogène, a commencé à voir le jour au XVIIe siècle. Elle ne cesse dès lors de s’enrichir de nouveaux titres, certains plus éphémères que d’autres. Nous nous bornerons ici à parcourir les titres principaux de la période du conflit de la guerre de Succession d’Autriche, à la fois solides sur le plan éditorial et riches de leurs réseaux d’informateurs disséminés sur tout le continent.
La presse, qui existe alors sous la forme de gazettes, papiers ou autres libelles, profite de l’essor considérable des objets imprimés éphémères : les titres se multiplient et touchent un lectorat de plus en plus nombreux. Le français étant la langue de la diplomatie et des échanges internationaux, la presse en langue française occupe une place de choix. Ainsi, les gazettes de langue française sont lues dans toutes les cours d’Europe, de Madrid à Saint-Pétersbourg.
Pour commencer, il nous faut dresser le portrait de la Gazette dite « de France », que les lecteurs du XVIIIe siècle appellent simplement – et c’est là son seul titre – « la Gazette ». Pour cela, nous présenterons la famille Renaudot qui occupe une place essentielle lorsque l’on tente d’approcher les évolutions de la presse en langue française aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Un siècle plus tard, au temps de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), la Gazette s’est étendue à tout le royaume, révélant le développement d’une opinion provinciale et la construction d’un espace culturel plus homogène qu’au siècle précédent. De plus, les guerres de l’Ancien Régime ont toujours entraîné la multiplication du nombre de lecteurs, et la guerre de la Succession d’Autriche ne fait évidemment pas exception sur ce point comme nous le verrons[6]. On peut notamment jauger cet effet amplificateur des conflits par la multiplication des réimpressions provinciales : à la fin de la guerre de la Succession d’Autriche en 1748, 80 % des exemplaires de la Gazette distribués en France le sont en province, contre seulement 40 % à la fin du XVIIe siècle[7].
L’un des titres les plus diffusés et prestigieux du milieu du XVIIIe siècle est la Gazette d’Amsterdam[8] qui affiche un record de longévité, surtout pour un journal politique, en étant publiée de 1691 à 1796. Nous le verrons, seule la Gazette de Leyde peut se targuer d’une plus grande longévité (1677-1798), mais assurément pas d’une plus grande diffusion, comme le souligne l’historien Pierre Rétat dans l’ouvrage qu’il a dirigé sur la Gazette d’Amsterdam. Cette dernière « a dominé alors le marché européen et surtout français, elle a été considérée comme un modèle dans son genre et comme un véritable journal politique de référence »[9].
Pour la période étudiée (1740-1748), la Gazette d’Amsterdam est déjà un titre réputé qui jouit d’une diffusion large et d’un rôle qui dépasse de loin celui des simples lectures publiques. En effet, les quelques travaux – encore trop peu nombreux – qui ont été menés sur la Gazette à des moments clés de la vie politique du temps attestent de son rôle prédominant dans le monde de l’information politique.
Les travaux de Jean Sgard sur le poids de la gazette durant la crise janséniste sont ici à souligner[10]. Le titre connaît une audience internationale et les gouvernements doivent l’intégrer dans leur jeu politique. Il apparaît comme un partenaire de choix dans la diffusion des nouvelles, qu’elles soient politiques ou commerciales. C’est d’ailleurs à ce titre qu’elle devient la « gazette d’Hollande », une dénomination qui désignait pourtant, jusqu’au début du XVIIIe siècle, de multiples journaux originaires des Provinces-Unies. Cette appellation reflète à merveille la suprématie du titre sur ses rivaux de la période.
Au moment de la guerre de Succession d’Autriche, la Gazette d’Amsterdam semble au faîte de sa gloire. Tout d’abord, elle n’est pas encore dénoncée comme étant un journal pro-français comme cela peut être le cas lors de la guerre de Sept Ans (1756-1763). En effet, à la question de la neutralité hollandaise lors des conflits s’ajoute celle de la liberté de ton des gazettes qui en proviennent. Ne pouvant se passer du marché français, la Gazette d’Amsterdam est souvent restée très prudente.
Si la modération du propos était de mise pour les gazettes étrangères qui souhaitaient pénétrer le marché français, celles à qui il était interdit pouvaient donc afficher une plus grande liberté de ton. C’est le cas notamment de la Gazette de Leyde qui occupe une place particulière dans le monde de la presse en langue française au XVIIIe siècle.
Le titre naît en 1677 lorsqu’un Français, Jean Alexandre de La Font[11], réfugié à Leyde aux Pays-Bas lance le projet d’une gazette en langue française qu’il intitule Traduction libre des gazettes flamandes et autres. Le nom est très éphémère puisqu’il change en 1679 pour Nouvelles extraordinaires de divers endroits et c’est avec ce dernier que disparaît la gazette dans l’année 1798. Pourtant, les lecteurs du temps parlent tous de la « Gazette de Leyde ». Cette dernière se présente, pour notre période, sous la forme de cahiers de quatre pages au format 130 x 190 « avec des suppléments de taille variable, quelquefois imprimés sur un côté du papier seulement »[12].

Le titre se fait connaître en Europe pour ses prises de position contre la monarchie absolutiste française, notamment pendant la guerre de Succession d’Espagne (1701-1713), la querelle janséniste ou encore l’attentat de Damiens[13] pour lequel elle est la seule à faire le lien avec la contestation de la monarchie. Elle est l’œuvre de l’une des figures centrales de la presse européenne du XVIIIe siècle, Étienne Luzac (1706-1787). Ce dernier est un rédacteur de grand talent qui contraste avec la masse des gazetiers de son temps : il ne se contente pas de recopier les correspondances qu’il reçoit mais y ajoute des analyses, des interprétations et surtout – fait rarissime dans le métier – une prise de position sur l’actualité. Il travaille à la gazette dès 1723 puis achète le privilège en 1738 aux héritiers de la famille de La Font.
Très rapidement, Luzac utilise le vaste réseau de correspondants de la « meilleure gazette de langue hollandaise[14] », le Oprechte Haarlemsche Courant, afin de donner à ses lecteurs des nouvelles d’une grande acuité à l’échelle de tout le continent. Le journal traite tout autant des nouvelles politiques, diplomatiques et militaires. Il est d’une grande précision et offre souvent un regard neuf sur les événements, se distinguant bien souvent de ses homologues néerlandais. Les lecteurs appréciaient aussi la Gazette de Leyde pour la diffusion qu’elle faisait de documents officiels de toutes natures : édits royaux, traités internationaux ou encore remontrances des différents parlements.
On peut retenir que pendant notre période (1740-1748), la gazette est déjà connue pour son indépendance de ton, néanmoins, c’est avec le successeur d’Étienne Luzac – son neveu Jean Luzac – qu’elle connaît son apogée dans les années 1770-1780. Le journal est interdit en France depuis plus de dix ans au moment où éclate la guerre de Succession d’Autriche.
Autre titre important de la période, Le Courrier, que l’on appelle plus communément le Courrier d’Avignon. Le journal apparaît à l’aurore de l’année 1733 (2 janvier) sous le titre Le Courrier Historique, Politique, Littéraire, Galant et Moral pour devenir simplement le Courrier au mois d’octobre. à noter que le titre Courrier d’Avignon n’apparaît sur la première page qu’à la fin des années 1780, soit plus de cinquante ans après ses débuts. D’abord hebdomadaire, le journal devient bihebdomadaire à partir du 7 novembre 1733, il se présente sous la forme de cahiers de 185 x 235 au format in-4° et de volumes de 400 à 500 pages.
Cette gazette traite sensiblement des mêmes thèmes que les précédentes (politique internationale, informations générales) en y ajoutant les nouvelles parutions de livres et une dimension morale inhérente – on peut largement le supposer – au parcours de son fondateur. François Morénas est, en effet, né à Avignon au début du siècle, il fait ses études chez les Jésuites de la ville et suit un parcours assez hétéroclite qui le mène pendant trois ans au service de Joseph de Beausset de Roquefort, futur évêque de Béziers, puis comme apprenti chez un notaire avant de s’engager dans un régiment d’infanterie (cette dernière information reste à l’état de supposition car les sources manquent). On le retrouve en 1721 dans le couvent des Cordeliers d’Avignon avant de quitter l’habit deux ans plus tard.
Les évolutions connues du Courrier au cours de la guerre de Succession d’Autriche sont des plus importantes. Tout d’abord, l’année 1740 est une année charnière pour le journal qui obtient de la direction des Postes d’être diffusé « franco de port » dans les trois provinces de Dauphiné, de Provence et de Languedoc. Morénas et Giroud prennent ici leur revanche sur Valfray. En 1742, Morénas quitte subitement Avignon pendant plusieurs mois sans en avertir Giroud qui en profite pour s’emparer du Courrier[15]. Désormais à la tête du journal, Giroud en tire de bons revenus qu’il n’a plus à partager. Il lègue l’ensemble à son demi-frère Charles à sa mort en 1746. Les vicissitudes du Courrier se poursuivent dès les mois suivants au moment où des libraires avignonnais souhaitent obtenir des autorités le privilège exclusif de l’impression d’une gazette. Charles Giroud n’a alors pas d’autre choix, pour conserver le sien (qu’il détenait à titre gratuit !), de « surenchérir sur l’offre et à payer 4000 £ par an à la Révérende Chambre »[16].
Le Courrier a toujours subi une double contrainte éditoriale, dépendant tout à la fois du privilège accordé par les autorités pontificales et du pouvoir royal français qui lui ouvrait les portes du plus vaste marché de lecteurs en langue française, indispensable moyen de subsistance. Il apparaît ainsi évident que le Courrier n’a jamais été un journal d’opinion (comme pouvait l’être la Gazette de Leyde) mais un simple journal d’informations s’interdisant tout commentaire.
Nous terminerons notre présentation par le journal que les lecteurs du temps appelaient la Gazette de Berne mais qui n’a jamais porté officiellement ce nom, nommée Nouvelle de divers endroits. Les origines du périodique restent floues[17], Jean-Daniel Candaux écrit que « Le privilège d’imprimer la gazette semble avoir découlé du monopole des postes que le gouvernement de Berne avait accordé, sous forme de régale, à Beat Fischer en 1675 »[18]. Le journal a toujours été bihebdomadaire, paraissant le « mecredi » et le samedi, chaque année est compilée dans un volume de 104 ou 105 numéros, soit 624 à 630 pages. Les périodiques, non paginés et numérotés à l’année en chiffres romains, se présentent sous le format in-4° de dimension 150-160 x 190-195. Autre particularité, cette gazette n’est marquée d’aucune devise et d’aucune illustration. Il n’est pas connu de collection complète de la Gazette de Berne, les titres conservés étant répartis dans plusieurs bibliothèques suisses[19].
La Gazette de Berne ne donne en règle générale que des nouvelles de l’étranger qu’elle classe par date et lieu d’origine. Quelques avis locaux peuvent apparaître en fin de numéro mais ce n’est pas systématique. Il s’agit avant tout d’un journal d’information qui se contente de compiler les dépêches reçues.
Très loin d’être les seuls journaux européens en langue française existants pendant la guerre de Succession d’Autriche[20], ces cinq titres ont cependant la particularité d’avoir connu des tirages et une diffusion importante, ils représentent assurément à eux cinq l’immense majorité des titres lus par les lecteurs francophones durant cette période.
S’informer en temps de guerre
Le contexte de guerre amplifie un certain nombre de mécanismes qui structurent la production des nouvelles du temps. Tout d’abord, la guerre produit une forte incertitude et conduit à une hausse considérable des ventes pour les gazetiers de toute l’Europe qui doivent, plus que jamais, dans ce contexte très concurrentiel, s’appuyer sur un réseau d’informateurs sûrs. Le cas des déserteurs des différentes armées fournit par exemple une nouvelle source d’information, largement en dehors des réseaux habituels, souvent considérée comme étant de grande valeur.
Comme nous l’avons vu précédemment, au début de la guerre en 1740, de nombreuses gazettes de langue française circulent en Europe. La carte suivante permet de constater à quel point la domination des titres hollandais, plus libres de ton, est patente à cette période.
Les lecteurs de la presse de la période savent très bien ce que valent les informations divulguées par certaines gazettes. Il en va ainsi de la Gazette [de France] pour ne prendre que cet exemple, sans doute l’un des plus parlants. Ainsi, la Gazette n’invite pas ses lecteurs à entamer une réflexion sur les événements politiques de la période. Ce constat est d’autant plus vrai en période de guerre où cette presse d’information-célébration prenait alors tout son sens : la gazette « devenait vraiment la parole royale »[21].

Le contexte de guerre est incontestablement l’un de ceux dans lesquels la production et la diffusion d’informations revêtent le plus d’enjeux. Chacun cherche à obtenir les informations les plus régulières et fiables possible. L’augmentation des ventes des différents titres de presse est, de ce point de vue, éloquente.
Même si l’on tient compte des différentes politiques tarifaires mises en place jusque dans les années 1740 (qui expliquent par exemple la suprématie de la diffusion de la Gazette de France sur les gazettes étrangères dans le royaume de France), il est évident que le contexte international favorise les ventes. Prenons ici les chiffres relevés pour le royaume de France entre 1740 et 1748[22] : les gazettes étrangères dont il n’arrive qu’un peu plus de 300 exemplaires à Paris en temps de paix voient leur nombre doubler pendant la guerre de Succession d’Autriche (650 exemplaires au maximum). La Gazette d’Amsterdam représente 80 % de l’ensemble en 1742, attestant une fois de plus de sa suprématie, loin devant les gazettes d’Utrecht (12 %), de Bruxelles (5 %) et de Francfort (3 %)[23]. Cette forte hausse du nombre de ventes des gazettes étrangères en France durant le conflit ne doit pas pour autant masquer le poids – sans commune mesure – de la Gazette de France qui diffuse entre 1500 et 2000 exemplaires à la même période.
Abonnés et lecteurs se mobilisent donc plus fortement dans un contexte international troublé par les événements diplomatiques et guerriers. La curiosité et l’instabilité entraînent une plus grande soif de nouvelles. L’attente est largement ressentie par les rédacteurs et devient perceptible sous leur plume, ces derniers s’obligeant à commenter des événements sur lesquels ils n’ont encore que peu d’informations.
En temps de guerre, les lecteurs sont à la recherche de la moindre information pouvant à la fois satisfaire leur curiosité et atténuer leur angoisse. Les grandes familles nobles ont toutes des membres impliqués dans le conflit et sont soucieuses de connaître les derniers mouvements de troupes et les résultats des dernières batailles. Prenons pour exemple le cas du marquis de Caumont, correspondant du président au parlement de Bourgogne Jean Bouhier et dont un fils est engagé dans la campagne militaire française en Bohême : sa correspondance est largement marquée par son anxiété et la peur de ne pas revoir son fils[24]. Ce dernier est tué lors du siège de Prague en décembre 1742, son père l’a-t-il appris dans les gazettes ? Celles-ci ne sont-elles venues que confirmer une information par ailleurs obtenue autrement ? Pour ces familles nobles, il en va tout autant de la question de la survie que de l’honneur. Une mort déshonorante dont le récit serait étalé dans les gazettes porterait un coup immense au prestige familial.
La presse européenne de langue française : un outil pour mener la guerre
Déserteurs et prisonniers de guerre : des sources d’information de premier choix
Dans le contexte de guerre, le rôle des désertions et de l’espionnage dans le cheminement de l’information est intéressant à observer. En effet, les armées font encore largement appel aux mercenaires pour pallier le manque constant de recrues. De plus, la dureté des campagnes et des combats, associée aux soldes très faibles dans l’armée, alimente largement ces mouvements d’hommes pendant le conflit.
Ainsi, les informateurs des gazetiers tiraient profit de ces mobilités de guerre pour récupérer des informations de première main sur l’ennemi. Les extraits suivants montrent bien que les déserteurs sont alors considérés comme une source d’information à part entière.
De Berlin le 2. Juin.
Les derniers avis de l’Armée de Bohème portent, qu’il y arrive tous les jours un grand nombre de Deserteurs Autrichiens, qui assurent unanimement que l’Armée du Prince Charles de Lorraine étoit extraordinairement diminuée […].
On ajoûte, que les mêmes Deserteurs, ainsi que les Prisonniers, ont rapporté que le jour de la Bataille la Cavalerie Autrichienne avoit laissé ses Etendars a un quart de lieuë en arrière de l’Armée, afin qu’en cas de malheur il n’en tombât point entre les mains des Prussiens. […].[25]
L’information émanant de troupes en désertion peut s’avérer essentielle lors des campagnes militaires où les armées se répandent parfois sur des centaines de kilomètres, la course à l’information revêt alors un intérêt stratégique évident pour les différents belligérants. Les passages suivants tirés de la Gazette de Berne nous permettent de voir que ces informations dérobées à l’ennemi servaient bien souvent de confirmation à une action ennemie supposée et livraient un surcroît d’information capital, par exemple lors d’une action de siège.
Extraît d’une Lettre du Camp Royal espagnol devant Coni, en date du 2 Octobre.
[…] S.M. Sard. Nous a laissé un Drapeau, 3. Canons, tous ses Blessez, 1900. Mort sur le Champ de Bataille, & plus de 600. Prisonniers & Déserteurs, avec beaucoup de Munitions, d’Outils, & de Chevaux de frise.[26]
Du Camp de l’Armée d’Espagne, devant Coni, le 6. Octobre.
[…] Tous les Avis du 27. Au 29. Septembre, tant par les Espions & les Déserteurs, que par nos divers Détachemens, s’accordant sur l’article de l’approche des Ennemis, au nombre de 45. Bataillons […] ; il fut concerté […] de L’attendre dans le Camp […] & de tirer tout le parti possible de sa situation avantageuse.[27]
De Fossano, le 16. Octobre.
ON annonce pour certaine, la retraite des Ennemis de devant Coni, où suivant le bruit général, ils n’ont plus que 4. Pièces de Canon […] Tout ce qui vient de Déserteurs de leur part, s’accordent à les représenter dans une grande misère ; & c’est afin d’entretenir cette misere, qu’aujourd’hui l’on a fait un gros Détachement, pour aller renforcer celui qui se trouve à Busca. […].[28]
De Milan, le 20. Octobre
Voici la substance de ce que le Roi de Sardaigne a tout récemment écrit de l’Armée, au Prince Duc de Savoye, à Turin.
Les Ennemis n’ont plus que 4. Piéces en Batterie sous Coni ; & 20. sont déjà à Terre […] Les Malades qui sont en état, passent immédiatement en France, de même que quelques Cavalerie. Les Déserteurs qui viennent en foule, assurent, que de tems en tems ils sont sans Pain. […].[29]
Les lecteurs de la gazette pouvaient ainsi, dans un même numéro ou sur une même page, croiser différentes informations portant sur un même sujet et donner davantage de crédit aux éléments similaires d’une dépêche à l’autre. L’information pouvait ainsi gagner en crédibilité à partir de sa mise en relation avec les autres, même dans une même gazette.
Les déserteurs, de par leur rôle stratégique – aussi bien pour grandir les rangs de l’armée ennemie que pour livrer une information de première main – peuvent faire l’objet de véritables campagnes incitatives qui utilisent des arguments pour le moins convaincants pour ce type de population bien souvent vouée à un destin funeste.
Des frontières de la Lusace & de la Silésie, le 13 Decembre [Supplement]
[… ] Ce qu’on fait de surplus, on le tient des Deserteurs Prussiens, dont la quantité qui s’est répandüe de toutes parts, a été l’annonce la moins équivoque de la defaite de leur Corps, que leur raport confirme. On dit en gros, que cette Garnison est totalement perdüe […] Mais pour profiter de la confusion & du désordre de l’Armée Prussienne, on a proposé double solde & bonne garniture d’Habits de dessoùs, à tous Volontaires, qui seroient d’humeur de continüer la Campagne ; & il s’en est offert au delà de ce dont on avait besoin, qui ont fait irruption en Silésie […].[30]
À défaut d’informer, les déserteurs pouvaient tout simplement venir grossir les rangs de l’armée ennemie. Les messagers ne manquaient pas de faire relayer ce type d’information dans les gazettes, faisant état à la fois d’une supériorité logistique (pour le ravitaillement) et militaire (pourquoi quitter une armée quand on pense gagner la bataille ?). On ne s’étonne pas que le passage suivant, qui fait état de désertions dans l’armée française dans le mois qui suit la grande victoire de Fontenoy, est totalement absent de la Gazette [de France]. Les armées royales, alors en pleine gloire, ne peuvent être touchées par les désertions, au risque pour le gazetier de désinformer quelque peu ses lecteurs.
Du Camp des Alliez près de Lessines, le 1er Juin.
[…] Il se rend journellement ici grand nombre de Déserteurs du Camp des François, même de meurs Hussars, dont une dixaine arrivèrent, le 29. Avec leurs Armes & Chevaux: La plupart prennent parti dans les nouvelles Compagnies franches, que nous formons.[31]
Pour compléter notre étude, il convient de nous intéresser aux actes d’espionnage relatés dans la presse durant le conflit. Les espions participent en effet largement aux réseaux d’information des différentes cours européennes, leur intérêt stratégique au cœur de la diplomatie « parallèle »[32] du XVIIIe siècle n’est aujourd’hui plus à démontrer. Les gazettes font état de manière très explicite des apports de l’espionnage dans l’obtention de l’information qu’elles livrent aux lecteurs.
La lecture des quelques dépêches suivantes est ici très éclairante :
De l’Armée du Maréchal de Saxe, le 7. Août.
[…]Nos Espions nous avoient même raporté, que son dessein étoit de nous attaquer par 3. Différents Endroits […] Un Espion nous avoit avertis, que nous serions attaquez, la nuit du 4. Au 5. Dans cette Place […].[33]
De Berlin, le 27 Janvier 1745.
[…] Les espions rapporterent aussi, que Troppau avoit esté evacué, & le Lieutenant General Nassau fut detaché avec un Corps d’Infanterie & avec quelques Escadrons, pour reprendre possession de ce Poste. […].[34]
De Genes, le 8 Aoust 1745.
Selon le rapport de quelques espions, le Roy de Sardaigne fait à Garlenda & à Conscente un grand amas de munitions & d’armes, & il ne sera pas difficile à l’Officier François, qui commande à Bardinetto, de s’en emparer.[35]
L’historien trouve ici matière à s’étonner de la visibilité offerte aux actes d’espionnage dans la presse du temps. Ces derniers ne revêtent pas une opacité totale et les gazetiers pouvaient se tenir au courant de certaines actions. Les lecteurs peuvent ainsi être informés des arrestations d’espions étrangers, les gazettes n’hésitant pas à dévoiler des détails sur ce que « portaient » ces derniers. Les deux passages qui suivent en témoignent à l’envi :
De Turin, le 21. Octobre.
[…] on conduisit au Fort de Saorgio, un Espion, sur lequel on disoit avoir trouvé une Missive pour le Commandant du Château de Vintimille, avec avis, qu’il ayt à se soutenir jusqu’à la derniére extrêmité ; & qu’il seroit secourû, dans la journée du 18. , Qu’on étoit averti par les Déserteurs, que les Ennemis avoient fait repasser le Var.[36]
Le passage montre, une fois de plus, la complémentarité des informations obtenues des espions et des déserteurs, les premières étant infirmées ou confirmées par les secondes. Parfois, les détails sur l’arrestation sont plus conséquents, surtout lorsque l’enjeu de l’information dépasse le strict cadre militaire et peut influer sur la sphère publique. Les autorités politiques trouvent alors dans les gazettes des relais efficaces pour discréditer le discours d’un opposant, la mise en avant du fait d’espionnage ne faisant qu’ajouter à sa duplicité, faisant de lui un coupable idéal. Le cas du prétendant Charles-Edouard Stuart face aux autorités anglaises en constitue un exemple éloquent :
De Londres, le 5. Novembre.
[…] On apprend de Halyfax dans le Comté d’York, qu’on y a saisi un Espion du Prétendant ; Et qu’il s’est trouvé chargé de 30. Lettres en chiffres, addressées à plusieurs Personnes de grande distinction en divers Comtés d’Angleterre. Les Rebelles n’oublient rien de ce qui peut favoriser leur entreprise. Pour jetter la terreur parmi le Peuple, & mettre tout en confusion, afin de pouvoir pêcher en eau trouble, ils avoient trouvé le moïen de répandre le 30. du mois dernier le bruit, qu’on devoit mettre le feu en divers endroits de cette Capitale, pour la détruire […].[37]
On se trouve ici au cœur d’une guerre de l’information. Le prétendant Stuart est ici largement discrédité aux yeux des lecteurs qui doivent y voir un être fourbe, plus soucieux de ses propres intérêts que de celui du public. Le vocabulaire utilisé dans la dépêche appartient au champ du désordre et de la sédition, le prétendant Stuart est autant accusé de semer la « confusion » et la « terreur », que de vouloir « mettre le feu » et de « pêcher en eau trouble ».
La pratique des lettres chiffrées n’a ici rien d’étonnant, le lecteur ne doit y voir que l’expression d’une pratique classique de l’espionnage. On attire davantage son regard sur les destinataires des missives cryptées, des « Personnes de grande distinction en divers Comté d’Angleterre », alimentant l’idée d’un complot à l’échelle nationale devant être pris au sérieux par les lecteurs. On peut entrevoir ici une réelle volonté de briser la rumeur et l’information émanant de l’adversaire, l’outil principal de cette entreprise restant la diffusion dans la presse, capable d’informer à grande échelle. La Gazette de Leyde diffuse ici une information qui discrédite le prétendant catholique aux couronnes d’Angleterre et d’Écosse soutenu officiellement depuis le mois précédent (24 octobre 1745) par la France, elle le fait avec d’autant plus de facilité que l’on connaît ses prises de position contre l’absolutisme royal français[38].
Détourner, voler et détruire l’information : un levier diplomatique majeur
En temps de guerre, l’information connaît de profonds bouleversements : les réseaux traditionnels sont réaménagés et les informateurs sont davantage menacés. Porteurs d’informations souvent sensibles, ces derniers font l’objet d’une surveillance accrue. Chaque belligérant cherche à intercepter l’ensemble des lettres dont la diffusion – y compris dans les gazettes – pourrait desservir sa capacité d’action militaire et diplomatique.
Pour commencer, nous pouvons citer un passage du Courrier de 1741 qui résume à lui seul la mise en place du secret dans les armées en campagne. On comprend aisément – et nous l’avons vu avec le rôle des déserteurs – que chaque information qui émanerait d’un régiment peut être utilisée contre lui dans les heures et les jours suivants. Le Général Neuperg, à la tête des armées impériales (qui ont fait fuir Frédéric II à Mollwitz le mois précédent), est parfaitement conscient de l’importance stratégique que revêt l’information lors d’une campagne.
De NEISS le 17. May.
[…] le General Neuperg a défendu, sous peine de la vie, d’écrire dans les Pays étrangers ce qui se passe ici.[39]
Le temps des campagnes militaires, où les armées campent à l’étranger, constitue un moment de grande fragilité pour l’information. On trouve en effet, dans les gazettes, de très nombreuses mentions de courriers interceptés, ouverts et même quelques rares cas de messagers enlevés. Prenons à témoin les quelques passages suivants, pour le moins révélateurs de ces pratiques inhérentes aux conflits :
DU Camp des Hollandois près de LESSINES, le 27. Juin.
Le Prince de Waldeck se sert de tous les moïens possibles, pour empêcher qu’il ne se répande de faux bruits. On ouvre au Bureau les Lettres, qui paroissent suspectes […].[40]
De VIENNE le 22. Mai.
[…] On a arrêté un Courrier qui étant parti de l’Armée Prussienne campée entre Grotkavv & Brieg, s’est trompé dans sa route, & est venu se jetter dans le Camp du Général Neuperg. […].[41]
Suite du Mémoire de Mr de Pollmann, Ministre Plénipotentiaire du Roi de Prusse.
[…] S.M [le roi de Prusse] ne fait pas moins d’attention dans la présente conjoncture, à la liberté & sûreté des Electeurs ; A quoi donne lieu la Lettre circulaire de l’Electeur Palatin, au sujet de l’Invasion des Troupes Hongroises dans ses Etats Electoraux, & de l’enlévement du Sécrétaire de son second Ambassadeur d’Election, avec tous ses Papiers, sur la route de Poste & dans le grand chemin […] aucun Electeur & Prince Patriote, raisonnable et bien intentionné, ne peut excuser, ni encore moins approuver une violence si inouïe & si marquée au coin du Despotisme ; & cela d’autant moins, que la chose est arrivée dans le tems que la Diette d’Election devoit prendre son commencement […].[42]
Ici, l’enlèvement serait purement politique. Il subsiste cependant un doute sur la véracité des faits ici rapportés : nous n’avons trouvé aucune mention de cet enlèvement dans la correspondance privée et politique du roi de Prusse, ce qui paraît pour le moins étrange pour un événement de cette importance. De plus, dans une lettre à son ministre le comte de Podewils, Frédéric II fait référence à une « protestation », « bien imaginée », dont il le remercie. On trouve une référence à cette dernière dans une lettre de Podewils du 13 juillet 1745 qui dit : « Nous avons, sous le bon plaisir de Votre Majesté, chargé le sieur de Pollmann […] de se concerter d’avance avec le ministre palatin […] sur une protestation dans les formes des deux Électeurs tant contre l’admission de la voix électorale de Bohême que contre l’élection même »[43]. Nous pouvons émettre ici l’hypothèse que la relation de cet événement par le roi de Prusse fasse partie d’un plan d’ensemble dont l’objectif est de retarder voire d’empêcher l’élection du nouvel Empereur. En effet, l’événement avait de quoi marquer les esprits et indigner, au point de faire pencher les avis dans le sens de la cour de Berlin. Cette hypothèse reste pour le moins vraisemblable à la lecture du premier testament politique de Frédéric II dans lequel celui-ci explique dans sa « conduite à tenir vis-vis des puissances de l’Europe » que la dissimulation reste la meilleure arme en politique extérieure :
« Un homme rompu dans la politique doit avoir une conduite toujours différente et toujours adaptée aux circonstances où il se trouve, et aux personnes avec lesquelles il a affaire. […] On de vine bientôt un homme qui tient une conduite uniforme, et il ne faut point être deviné. […] en changeant et variant sa conduite, on les [les ennemis] déroute, et ils se trompent dans les choses qu’ils croient prévoir. […].[44]
Effrayer l’ennemi en diffusant de fausse information : l’exemple de l’armement
L’étude des gazettes pendant la guerre de Succession d’Autriche a pu livrer quelques éléments intéressants attestant d’une volonté manifeste d’influer sur la sphère publique, au besoin par la désinformation. Les exemples sont divers et touchent aussi bien au politique qu’au militaire.
Les gazettes ont pu ainsi servir de support pour adresser un message à l’ennemi, chacun des belligérants sachant qu’en temps de guerre, la presse était attendue, lue et décryptée dans les Cours voisines. Le passage suivant en offre un exemple pour le moins original :
Du Camp Royal de l’Armée Françoise, près d’Alost, aux Pays-Bas, le 15 août.
EN même tems, que le Général Comte de Lowendahl marchoit à Ostende, le Détachement destiné pour Dendermonde, est arrivé devant cette Place, & l’a investie : C’est le Duc d’Harcourt qui a la direction de ce Siége ; & comme la Garnison ne se trouve être que d’environ 800. Hommes, nous comptons, que la place ne tiendra pas long-tems. […] A mesure que se sont faites les approches, on a pratiqué des Tranchées, Puits, & autres Ouvrages de terre pour le desséchement de l’Inondation. Les Anglois de leurs Vaisseaux canonnent nuit & jour, sans que nos Opérations en soient retardées. Nous avons 200. Piéces de Canon pour ce Siége ; & le Roi a fait construire des Machines de nouvelle invention, qui ont la forme d’un Fusil, & qui portent et mettent le feu dans l’Endroit où l’on les dirige. La direction de ces Machines Igniféraires est confiée aux Hulans du Maréchal de Saxe ; & l’on prétend, que par l’usage, qu’on en fera, ce sera un moyen de mettre le feu aux Vaisseaux Anglois qui pourront entreprendre de troubler nôtre Siége […].[45]
Se dégage nettement ici l’intention de faire connaître la puissance et la confiance des armées françaises aux lecteurs de la Gazette de Berne. L’ennemi anglais et ses alliés sont clairement destinataires de telles informations sur l’armement français. Aucune des autres gazettes étudiées – y compris la Gazette qui « est » la parole royale ! – ne mentionne cette nouvelle arme « igniféraire », véritable feu grégeois portatif, capable de « mettre le feu aux Vaisseaux Anglois »[46]. Comment l’expliquer ? Nous pouvons émettre deux hypothèses : tout d’abord, les informateurs de la Gazette de Berne qui reviennent du camp militaire français ne sont pas muselés par la censure et la propagande royale française et peuvent à bon droit livrer leurs informations pour publication. De plus, la Gazette avait avant tout pour but de célébrer le roi et sa politique, il y a fort à parier qu’une telle information portant sur un armement sensible n’ait pas été livrée à la rédaction pour la bonne et simple raison qu’elle risquait de soulever des questionnements chez les lecteurs[47].
Cette arme a-t-elle véritablement vu le jour ? Cela paraît peu probable pour une raison évidente : elle aurait sans aucun doute été utilisée, ce qui n’est mentionné dans aucun des textes des gazettes de la période. D’autre part, il paraît difficilement concevable qu’une telle arme, utilisée sur les champs de bataille, ne fasse l’objet d’aucune ligne dans les périodiques. Ainsi, cette réactivation dans la presse de l’imaginaire de l’antique feu grégeois peut surtout apparaître comme une volonté d’effrayer l’ennemi.
Cet exemple – certes original – est néanmoins à mettre en relation avec d’autres textes de gazettes mentionnant eux aussi, dans un contexte de guerre toujours plus prégnant, des innovations dans l’armement. à noter que ces dernières touchent avant tout au matériel d’artillerie, on trouve ainsi plusieurs passages mentionnant des avancées concernant le poids et la portabilité des engins :
De la Savoye, le 9. Octobre.
Ce fut le 27. Du mois dernier, que le Roi partit de Turin avec 16000. H. d’élite […]. Le Roi a laissé 2000. Vaudois sur les frontières de la Morienne : Quelques 1000. Autres doivent penêtrer par la vallée de Suze. Ce souverain a 12. Piéces de Canon de 16 livres, & 6. De moindre grandeur à la nouvelle invention, qui se demontent, pour être portez à dos de Mulets […].[48]
De Malines (?), le 31. Décembre.
Le comte de Bergeik visita une compagnie d’infanterie […] Le 28 de ce mois, il arriva 6. Attelages de Chevaux, pour venir chercher à la Fonderie 3. Canons de nouvelle invention […] dans l’Arsenal sous l’inspection du Lieutenant Pagter […].[49]
De DUSSELDORF le 27. Septembre. [Suite des nouvelles d’Amsterdam]
Les derniers avis de Strasbourg portent qu’on eu a fait partir plusieurs gros gros Canons pour ruiner les Ouvrages ques les Autrichiens ont fait […] On écrit de Manheim, que le colonel Mentzel y fait faire un grand nombre des Mortiers portatifs d’une nouvelle invention pour s’en servir dans ses Courses.[50]
De VIENNE le 8. Juin. [Suite des nouvelles d’Amsterdam]
[…] Avant hier, on tira de l’Arsenal de cette ville 30. Couleuvrines de 3 livres de Bale, fonduës depuis peu et de nouvelle invention. On les embarque le même jour pour les envoyer a l’Armée en Baviere.[51]
Certains passages mentionnent les résultats parfois précis des essais, notamment sur les cadences et distances de tir pour lesquelles une forme de rivalité devient évidente en période de guerre. Au-delà de l’aspect strictement guerrier, c’est bien d’une rivalité technique dont il est question ici. Les progrès des armes, révélés dans les gazettes, peuvent être vus à la fois comme un moyen d’impressionner l’adversaire et de valoriser la puissance technicienne d’une nation.
Les Lettres de COPENHAGUE du 23. [novembre] portent que […] Mr de Virgot, Colonel Saxon, avoit depuis quelques jours […] l’épreuve de quelques Canons et Mörtiers de nouvelle invention ; Qu’ils tiroient beaucoup plus loin que les Pièces ordinaires , quoi qu’ils fussent de la moitié plus petits ; Et que cet Officier avoit présenté un Mémoire à la Cour dans lequel il offroit de lui en communiquer le sécret, moienant une Récompense proportionnée.[52]
Londres, le 25 mars [nouvelles compilées de plusieurs jours]
Le 24 de ce mois, on fit dans les Jardins de Kensington, en présence du Duc de Cumberland, l’essai d’un Canon de nouvelle invention : on le tira 25 fois en 2 minutes.[53]
De la HAYE le 20. Novembre.
L’épreuve du Canon de Fer d’une nouvelle invention, & dont le Major General de Creutznach est l’Auteur, ainsi qu’on l’a mandé, s’est faite avant-hier sur le bord de la Mer avec tout le succès désiré, & à la satisfaction es Seigneurs & autres Personnes de distinction qui y ont assisté. : L’Amiral Anson a pris la peine de mesurer la distance de la portée de ce Canon, & il a trouvé qu’un Boulet de trois livres a porté jusqu’à 2350 pas […].[54]
Parallèlement à cette démonstration de force technicienne livrée à l’ennemi par l’entremise des gazettes, les belligérants cherchent à manipuler l’opinion en livrant leur propre interprétation du résultat des batailles. On comprend d’autant plus aisément le recours au « double marché de l’information »[55] en temps de guerre.
Entre manipulation et propagande de guerre : l’exemple de la rivalité austro-prussienne pendant la guerre de Succession d’Autriche
Les gazettes servent également de support à des manifestes et discours politiques que les dirigeants souhaitent diffuser à un large public. Rappelons à ce sujet que les gazettes sont souvent lues en groupe, voire en public, et donc que le public dépasse de très loin le simple nombre des abonnés. Nous ne retiendrons ici que quelques exemples qui montrent une réelle volonté d’influencer la sphère publique par la diffusion d’un message politique de propagande.
Commençons par un manifeste de Marie-Thérèse, « Reine de Hongrie & de Boheme » diffusé en Haute et Basse-Silésie ainsi que dans le Comté de Glatz, alors sous domination du Roi de Prusse :
Manifeste publié par ordre de la reine de Hongrie & de Boheme […]
[…] Il vous est d’avance suffisamment connû, ainsi qu’à tout l’Univers, par des imprimez, sous quel prétexte frivole, le Roi de Prusse nous a attaqué & nos fidèles & obéissans Pays Héréditaires, aussitôt après le décez de feû S.M. Impériale & Royale Nôtre Pere, sans Nous avoir auparavant déclaré la Guerre […] & finalement Nous a contrainte, pour sauver nos autres fidèles & obéissans Pays Héréditaires […] d’en venir à un accord avec cet Ennemi-ci, & de lui faire un sacrifice considérable de présque toute la Silésie & de notre Comté de Glatz. Nous avons alors par cette paix forcée […] voulû nous donner au moins la satisfaction de maintenir nos fidèles & obéissans Etats, Habitans & Sujets de la Silésie et de Glatz, dans leurs droits, prétentions, priviléges, & possessions, autant qu’il a été en nôtre pouvoir ; & c’est dans cette vüe, que nous avons fait cette réserve, de la manière la plus solennelle, dans le VIme Article du Traîté de Berlin.
Mais combien peu le Roi s’est tenû au contenu de cet article sus-mentionné, ainsi, qu’à tous les autres de cette sus-dite Alliance ? […]
Lors-que Nous avons fait des plaintes mêmes fréquentes & présque journalieres, que contre la Paix sus-dite, on portoit dommage à nos fidéles & obéissans Sujets, & à nos autres Pays Héréditaires […] Rien ne Nous a plus touchés dans ces circonstances, que de voir gémir sous un tel joug, nos fidèles & obéissans Habitans de la Silésie & du Pays de Glatz. Le Seigneur des Seigneurs […] paroit présentement vouloir changer la face des Affaires, & Nous donner la plus légitime occasion de délivrer nos fidèles & obéissans Habitans de la Silésie & du Pays de Glatz, de leurs souffrances, & de les rammener sous nôtre Domination, à laquelle ils appartiennent par toutes les Loix Divines & Humaines. […][56]

Marie-Thérèse, alors victorieuse sur le champ de bataille, cherche à pousser son avantage face à Frédéric II. Son manifeste offre un bon exemple de la propagande offerte aux lecteurs des gazettes. Ici, on cherche manifestement à amadouer les habitants de la Silésie et du pays de Glatz par des formules récurrentes comme « nos fidèles & obéissans Habitans de la Silésie & du Pays de Glatz » ou encore « nos fidèles Etats, Habitans & Sujets ». On peut déceler une réelle volonté de préparer les populations à un retour sous la tutelle autrichienne, dans un temps où celle-ci compte particulièrement sur ses chances de réussite. On sait tout l’intérêt du soutien des populations à une entreprise de ce type, d’où ce vaste élan de propagande devant permettre de donner l’avantage aux Autrichiens. Frédéric II est plus que jamais présenté comme un ennemi qui, par fourberie, est coupable de transgresser les clauses qu’il a lui-même signées. Marie-Thérèse se présente comme la seule garante d’un droit légitime qui aurait été bafoué par Berlin. À noter que les « réserves » émises dans l’article VI du Traité de Berlin et mentionnées dans le manifeste paraissent bien minces en regard des cessions accordées au Roi de Prusse dans l’article précédent, comme peuvent en attester les deux passages suivants :
ARTICLE VI
SA Majesté le Roy de Prusse conservera la Religion catholique en Silesie in statu quo, ainsi qu’un chacun des habitans de ce Païs là dans les possessions, libertés et privileges, qui lui appartiennent legitimement, ainsi qu’Elle l’a declaré à son entrée dans la Silesie, sans deroger toutesfois à la liberté entiere de conscience de la Religion Protestante en Silesie & aux Droits du Souverain, de sorte pourtant que S.M le Roy de Prusse ne se servira des Droits du Souverain au predudice du Statûs quo de la Religion Catholique en Silesie.[57]
ARTICLE V
[…] Sa Majesté la Reine de Hongrie & de Boheme, tant pour Elle que pour ses Heritiers & Successeurs de l’un et l’autre Sexe, cede par le present Traité, à perpétuité & avec toute la Souveraineté & independance de la Couronne de Boheme à Sa Majesté le Roy de Prusse, ses Heritiers & Successeurs de l’un et l’autre sexe, contre une renonciation en bonne et düe forme à toutes les Prétensions […].[58]
Si personne n’avait été dupe des fausses promesses du traité, Marie-Thérèse essuyait là un terrible revers que le contexte de l’année 1744 lui donnait l’occasion de corriger. S’il est très difficile d’appréhender la réception qu’ont pu en avoir les populations concernées, la lettre cinglante du roi de Prusse datée du 19 décembre 1744, adressée en réponse et publiée dans la même gazette les 9 et 13 janvier, atteste de la portée que ce dernier pouvait donner à un tel manifeste publié dans la presse :
Lettres Patentes du Roi de Prusse aux Habitans de Silesie & du Comté de Glatz.
FRIDERIC, par la Grace de Dieu. Roi de prusse, […] Nous sommes surement informez que la Cour de Vienne auroit intention de faire regarder comme forcée, la Cession, qu’Elle Nous a faite, par le Traité de Breslau […] Nous sommes aussi informez, que la même Cour […] prétendoit être entiérement dégagée des Engagemens constractez par le sus-dit Traîté. & se croyait en conséquence autorisee à reprendre par la force les pays, qu’Elle Nous a cédez. […] conformement à ces idées, la Cour de Vienne auroit publié, & devoit faire répandre dans la Silésie une certaine patente addressée à Vous, dans laquelle Elle feroit, selon sa coutume, un pompeux étalage du bonheur, dont le Duché & les Habitans ont jouï sous le précédent Gouvernement, & y dépeindroit au contraire, avec des couleurs odieuses, nôtre Régence & les divers Règlemens, que Nous avons faits, pour extirper les abus préjudiciables au Pays, qui y régnoient auparavant, & pour y établir un bon ordre ; Se proposant tant par ces fausses & artificieuses représentations, que par toutes sortes de caresses .& en Vous promettant des monts d’or. de Vous soulever contre Nous, & de Vous entraîner par cette séduction, le respectable Serment de fidélité, que Vous Nous avez prêté […] & Nous traîter Nous & nos troupes, comme Ennemis ; […]
[ …] c’est encore la dangereuse méthode de la Maison d’Autriche, lorsqu’Elle a fait par les Traitez les plus solennels, quelques Cessions & Renonciations, de les déclarer forcées & invalides. Aussitôt, qu’Elle voit quelque apparence d’un heureux succez ; d’attirer à Elle les habitants des Pays cédez, par des représentations brillantes & par d’agréables promesses, comme celles, que la Cour de Vienne, voudroit faire valoir auprès de Vous, d’une maniere criminelle & indigne, & avec des expressions inusitées jusques-ici entre les Têtes Couronnées & parmy les Nations Civilisées ; & enfin d’armer les Sujets contre leur légitime Souverain. […][59]
Cette première partie de la lettre publiée dans la Gazette de Berne du 9 janvier 1745 permet largement de cerner les contours de la guerre informationnelle à laquelle se livrent les Cours de Berlin et Vienne : les deux souverains se présentent l’un et l’autre comme les garants des traités – en l’occurrence ceux de Breslau et de Berlin – et invitent la population de Silésie et du comté de Glatz à prendre conscience de l’illégitimité des revendications de l’adversaire. Frédéric II présente la Silésie comme un territoire qui lui appartient et feint de s’étonner que Marie-Thérèse n’ait cherché qu’à gagner du temps avec l’accord de Breslau. Il dépeint un tableau très sombre d’une couronne autrichienne belliciste, cupide et peu soucieuse du bonheur des peuples.

Dans la deuxième partie de sa lettre, publiée dans la Gazette de Berne du 13 janvier 1745, Frédéric II développe son argumentaire et donne des précisions sur les reproches qu’il formule à Marie-Thérèse : il s’en prend autant à la fiscalité, à la religion qu’au respect des traités. Il invite les lecteurs à comparer les deux gouvernements à partir d’une grille comparative toute entière à l’avantage des intérêts prussiens :
[…] Le chymérique de la prétention de Vienne, comme si Nous avions rompû le Traîté de Paix de Breslau, & par-là perdû nos droits sur la Silésie, a été si solidement démontré, dans des Ecrits publiez de nôtre part, que la Partie Adverse n’a pas été en état d’y rien opposer, pour la soutenir : Nous n’avons dont point à craindre, qu’elle fasse sur vous la moindre impression, […]. Vous ne sauriez avoir oublié, combien sous la glorieuse débonnaireté du Gouvernement Autrichien, on vous a succez jusqu’au sang, par des Tributs, des Taxes, des Accises, &c. […] Nous nous sommes au contraire, toujours fait un point de diminuer les Taxes publiques, même celles nécessaires à la défense du Pays ; & Nous sommes encore dans la ferme intention de vous donner de nouvelles marques de nôtre soin Paternel, & de vous procurer de nouveaux soulagements, dès que les présentes conjonctures embrouillées commenceront un peu à s’éclaircir. […]
Comme Nous ferons dans les présentes circonstances, observer la conduite d’un Chacun, Nous n’oublierons point de récompenser par des témoignages particuliers de nôtre Grace Royale, ceux qui se seront signalez par leur attachement & fidélité envers Nous. […][60]
Nous noterons que, des trois gazettes consultables pour cette période[61], seule la Gazette de Berne a publié le manifeste et les lettres patentes du Roi de Prusse. Les deux autres gazettes étant le Courrier et la Gazette, toutes deux largement dépendantes des intérêts français, nous pouvons émettre l’hypothèse que le manifeste de Marie-Thérèse ne pouvait y trouver sa place, étant trop long et offensant directement l’allié militaire de la France. De plus, qu’auraient pu penser les lecteurs en lisant les lettres patentes du roi de Prusse sans auparavant avoir été informés du contenu du manifeste ? Ainsi, il apparaît que les gazetiers aient eu le souci de donner une certaine cohérence à la suite de textes qu’ils publiaient.
Enfin, la place occupée par des textes aussi longs dans une gazette représentait autant de place qui ne pouvait être occupée par des récits sur la vie de Cour, principale vocation de ces périodiques peu soucieux d’inviter leurs lecteurs à une analyse politique des événements européens.
Conclusion
À travers cet article, nous pouvons prendre conscience de l’extraordinaire richesse de la presse d’Ancien Régime. Obéissant à des contraintes avant tout financières, elle pouvait néanmoins connaître des variations très importantes dans le propos, en fonction de l’habileté et des desseins de ses rédacteurs. On retiendra ici la singularité de la Gazette de Leyde, seul périodique du temps à s’aventurer au-delà du simple récit factuel en proposant une analyse des faits, en cours ou à venir.
En temps de guerre, où la propagande et la censure sont plus prégnantes, les gazettes se vendent bien. On a pu voir comment les lecteurs n’hésitent alors pas à s’informer via plusieurs titres pour recouper les nouvelles et ainsi bénéficier d’une information de meilleure qualité. Rappelons ici le réflexe de lecteurs français qui s’abonnaient aux gazettes étrangères pour s’informer des événements de leur royaume, sachant que la Gazette [de France], acquise au pouvoir royal, ne diffusait que les événements mondains ou des faits à la gloire du souverain.
Ces quelques lignes ont également été l’occasion de découvrir certains mécanismes à l’œuvre quant à l’utilisation qui pouvait être faite de la presse dans un conflit au cœur du siècle des Lumières. Ainsi, il apparaît que les pages des périodiques ont pu largement servir de support à la parole politique, devenant ainsi des pièces à part entière de vastes opérations de propagande à destination d’un large public. Les manifestes et autres lettres patentes trouvaient dans les gazettes de formidables supports, à l’appui de formes de diffusion plus classiques. On ne peut alors que constater qu’au conflit qui se déroule sur le champ de bataille s’ajoute un conflit autour de la diffusion de l’information, à l’endroit même où les discours de propagande entrent en contradiction.
Ce phénomène atteint son apogée au moment de la célébration d’événements que les contemporains souhaitent faire entrer dans l’Histoire : la célébration de la victoire des Français à Fontenoy en 1745 en livre un illustre exemple. La lecture des manuels d’histoire de la Troisième République suffit à nous montrer la grande postérité de tous ces récits, construits et relayés par les gazetiers du XVIIIe siècle.
Cet article est une contribution de M. Thomas Brugger
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SGARD Jean, Dictionnaire des journaux (1600-1789), Oxford, Paris, Voltaire Foundation, 1991, [en ligne] https://gazetier-universel.gazettes18e.fr/ (dernière consultation le 08/03/2023)
SGARD Jean, Dictionnaire des journalistes (1600-1789), Oxford, Paris, Voltaire Foundation, 1999, [en ligne] https://gazetier-universel.gazettes18e.fr/ (dernière consultation le 08/03/2023)
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WIDEMANN Thierry, « Histoire d’armes » dans Armée d’aujourd’hui, Paris, Délégation à l’information et à la communication de la Défense (DICOD), n° 295, 2004, p. 61, p. 96
[1] Cette thèse est notamment développée dans la dernière grande synthèse portant sur le conflit : DZIEMBOWSKI Edmond, La guerre de Sept Ans, 1756-1763, Paris, Perrin, 2015, 670 p.
[2] BOIS Jean-Pierre, De la paix des rois à l’ordre des empereurs : 1714-1815, Paris, Le Seuil, 2003, 448 p.
[3] Nom de l’édit de Charles VI daté du 19 avril 1713 modifiant le règlement successoral de la maison des Habsbourg. En l’absence d’héritier mâle, le document doit permettre à sa fille aînée, Marie-Thérèse, de lui succéder. Pour faire accepter sa mesure, Charles VI doit se résoudre à de nombreuses concessions territoriales.
[4] Frédéric II accède au trône le 31 mai 1740, à 28 ans, à la suite du décès de son père Frédéric-Guillaume Ier, appelé également « le Roi-Sergent ».
[5] CHARTIER Roger, Les origines culturelles de la Révolution française, 1715-1787, Paris, Tallandier, 2010, 552 p.
[6] Voir 1.4.
[7] RÉTAT Pierre (dir.), La gazette d’Amsterdam : miroir de l’Europe au XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2001, page 133, 295 p.
[8] Cf. Annexe n°1.
[9] RÉTAT Pierre (dir.), La gazette d’Amsterdam…, op. cit., p. 2
[10] SGARD Jean, Le jansénisme dans les gazettes françaises de Hollande (1713-1730), dans Les Gazettes européennes de langue française : XVIIe-XVIIIe siècles, éd. H. Duranton, C. Labrosse et P. Rétat, U. de Saint-Etienne, 1993, p. 281-290
[11] Cf. Annexe n°2.
[12] POPKIN Jeremy, notice n° 0514, dans SGARD Jean, Dictionnaire des journaux (1600-1789), Oxford, Paris, Voltaire Foundation, 1991, [en ligne] https://gazetier-universel.gazettes18e.fr/ (dernière consultation le 08/03/2023)
[13] Le 5 janvier 1757, Robert-François Damiens, domestique originaire d’Arras, porte un coup de couteau au roi Louis XV. Rapidement maîtrisé, il est jugé puis condamné à la roue.
[14] L’expression est de POPKIN Jeremy, notice n° 0514, dans Dictionnaire des journaux, op. cit.
[15] Le départ de Morénas rompt la convention signée avec Giroud neuf ans plus tôt, ce dernier devient le seul propriétaire du journal après un procès gagné en 1744. Il confie la rédaction à des tierces personnes dont les noms restent encore aujourd’hui inconnus.
[16] MOULINAS René, notice n° 0261, dans SGARD Jean, Dictionnaire des journaux, op. cit.
[17] Le seul travail conséquent mené sur ce périodique semble être celui de G. Tobler. TOBLER Gustav, Die Gazette de Berne, 1689-1798, dans Neues Berner Taschenbuch für das Jahr 1911, Berne, K. J. Wiss, 1911, 336 p., pp. 215-244
[18] CANDAUX Jean-Daniel, notice n° 0500, dans SGARD Jean, Dictionnaire des journaux, op. cit. Lui-même se base sur les travaux de MÜLLER Hans, Die Fischersche Post in Bern in den Jahren 1675-1698, Berne, 1917.
[19] On en compte cinq : Berne, Fribourg, Genève, Neuchâtel et Soleure.
[20] Nous pouvons également citer les Relations véritables (Anvers, parution jusqu’en 1741), la Gazette de Toulouse, la Connaissance des temps, le Mercure historique et politique ou encore la Gazette d’Utrecht.
[21] FEYEL Gilles, L’annonce et la nouvelle. La presse d’information en France sous l’Ancien Régime (1630-1788), Oxford, Voltaire Foundation, 2000, 1387 p., p. 435
[22] RÉTAT Pierre (dir.), La gazette d’Amsterdam : miroir de l’Europe au XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2001, p. 133.
[23] Ibid.
[24] Ces lettres peuvent être consultées dans BROGLIE Emmanuel de, Les portefeuilles du président Bouhier. Extraits et fragments de correspondances littéraires (1715-1746) Paris, 1896, 347 p., pp. 215-240, p. 325
[25] GA du 12 juin 1742, pp. 1-2
[26] GB du 14 octobre 1744, p. 2
[27] GB du 21 octobre 1744, p. 3
[28] GB du 28 octobre 1744, p. 3
[29] Ibid.
[30] GB du 2 janvier 1745, p. 6 – p. 2 du supplément
[31] GB du 16 juin 1745, p. 3
[32] Sur ce point, voir le célèbre ouvrage de Lucien Bély : BÉLY Lucien, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, Paris, Fayard, 1990, 908 p.
[33] GB du 22 août 1744, p. 3
[34] GF n°7 du 13 février 1745, p. 73
[35] GF n°37 du 28 août 1745, p. 4
[36] GB du 28 octobre 1747, pp. 3-4
[37] GL du 12 novembre 1745, p. 8 – p. 3 du supplément
[38] Cette tendance est encore confirmée une décennie plus tard avec l’attentat de Damiens (1757) où la Gazette de Leyde est alors la seule gazette à établir le lien entre l’acte du régicide et la contestation du régime politique absolutiste dans la population française.
[39] CA du 9 juin 1741, p. 1
[40] GL du 2 juillet 1745, p. 4
[41] CA du 9 juin 1741, p. 1
[42] GB du 25 août 1745, pp. 1-2
[43] Lettre de Podewils à Frédéric II de Prusse, 13 juillet 1745. Consultée sur le site des Œuvres de Frédéric le Grand http://friedrich.uni-trier.de/de/ (dernière consultation le 08/03/2023).
[44] Testament politique de Frédéric II, 1752, cité dans GAXOTTE, Pierre, Frédéric II roi de Prusse, Paris, Albin Michel, 1967, pp. 319-320.
[45] GB du 21 août 1745, pp. 2-3
[46] En spécialiste des questions d’armement, et plus particulièrement du fusil d’infanterie, Boris Bouget rappelle que l’époque moderne est riche d’innovations techniques dans l’armement mais qui ne sont que rarement développées à grande échelle. Renvoyons ici à l’article collectif de Boris Bouget, François Lagrange et Antoine Leduc : BOUGET Boris, LAGRANGE François et LEDUC Antoine, « Réflexions sur les freins à l’innovation en matière d’armement avant la révolution industrielle à partir des collections d’armes du musée de l’Armée », dans Revue de la Société des amis du musée de l’Armée, n° 144, 2012-2013 II – décembre 2013, pp. 40-51. Il est également intéressant de lire les travaux de Jean Boudriot sur les armes portatives de marine ainsi que la thèse du colonel Bonnefoy : BONNEFOY, François, Les Armes de guerre portatives en France du début du règne de Louis XIV à la veille de la Révolution, Paris, Librairie de l’Inde, 1991, 2 volumes.
[47] Sur cette question, lire l’article de Thierry Widemann : WIDEMANN Thierry, « Histoire d’armes » dans Armée d’aujourd’hui, Paris, Délégation à l’information et à la communication de la Défense (DICOD), n° 295, 2004, p. 61, p. 96. Ce dernier évoque la « disparition » du feu grégeois au XIIIe siècle et parle du « seul exemple d’une arme “désinventée” ». Il évoque également « Au XVIIIe siècle, un inventeur prétendant l’avoir retrouvée la présente au roi Louis XV qui, horrifié, pensionne l’inventeur afin qu’il garde secrète cette découverte que le siècle des Lumières aurait jugé barbare. ».
[48] GB du 13 octobre 1742, p. 4
[49] GL du 5 janvier 1745, p. 4
[50] GA du 1er octobre 1743, p. 6 – p. 2 du supplément
[51] GA du 25 juin 1743, p. 5 – p. 1 du supplément
[52] GL du 3 décembre 1745, p. 5 – p. 1 du supplément
[53] GL du 2 avril 1745, p. 3. Rappelons qu’en moyenne, un canon de campagne au XVIIIe siècle peut tirer un à deux coups par minute. La tentative d’impressionner les lecteurs – sinon, à quoi bon relayer cette nouvelle ? – semble ici manifeste.
[54] GA du 22 Novembre 1748, p. 3
[55] FEYEL Gilles, L’annonce et la nouvelle. La presse d’information en France sous l’Ancien Régime (1630-1788), Oxford, Voltaire Foundation, 2000, 1387 p.
[56] GB du 23 décembre 1744, pp. 1-2
[57] Traité de Paix entre sa majesté la Reine d’Hongrie et de Bohême, Archiduchesse d’Autriche et sa Majesté le Roy de Prusse, fait à Berlin le 28 Juillet 1742, Article VI, p. 10.
[58] Ibid., pp. 7-10
[59] GB du 9 janvier 1745, p. 4
[60] GB du 13 janvier 1745, p. 1
[61] La Gazette de Leyde est consultable pour l’année 1745, nous n’y avons trouvé aucune mention des lettres de Frédéric II datée du 19 décembre de l’année précédente. L’ont-elles été dans les numéros précédents grâce à un réseau d’informateurs plus efficace ?