assyriologie

L’assyriologie au service des rivalités conflictuelles du XXe siècle dans les frontières ottomanes

La déclaration écrite par la Confédération assyrienne d’Europe au sujet de l’exposition « I’m Assurbanipal, King of Assyria, King of the World », organisée par le British Museum en 2019, a le mérite d’attirer notre attention sur les liens d’identification prônées par les populations assyro-chaldéennes par rapport à leur patrimoine archéologique[1]. Cette exposition traitait de l’héritage de ce grand roi assyrien Assurbanipal et de son empire. Les diasporas européennes s’étaient réunies en vue de célébrer leur héritage en commun et d’apprécier par ailleurs le travail dévoué du British Museum.

Cependant, la Confédération a reproché au musée de ne pas avoir fourni d’informations sur les populations assyriennes contemporaines. De fait, d’après le communiqué émis par la Présidente Gamri Arriya en février 2019, ces informations étaient considérées comme nécessaires à la préservation, ainsi qu’à la lutte identitaire de ces populations face à la persécution et à la marginalisation subies en Turquie et au-delà de ses frontières[2]. Il faut garder à l’esprit la place considérable du musée en tant qu’espace d’exposition des savoirs, des cultures ainsi que de l’histoire de ces populations. En effet, le British Museum possède un rôle historique considérable remontant à la fin de la période ottomane.

Le Louvre, quant à lui, annonce la création du neuvième département consacré aux chrétiens d’Orient en 2021[3]. Cet événement rappelle l’inauguration du musée assyrien en 1847 par le roi Louis-Philippe. Relayé par la presse publique, cet épisode était le miroir des découvertes archéologiques françaises sur le sol ottoman à Khorsabad[4].

Le patrimoine assyrien devient un outil d’expression des rivalités du XXe siècle entre les différentes puissances. L’assyriologie résulte d’une institutionnalisation académique propulsée par la concurrence et les ambitions politiques des Occidentaux, et plus précisément entre les Français et les Britanniques. L’ouvrage The Rise of Progress of Assyriology, rédigé par Sir Wallis Budge (1857-1934), chef du département des antiquités orientales au British Museum, témoigne parfaitement des crispations existantes entre les différentes puissances, ainsi que de la volonté par chacune d’entre elles de s’accaparer la renommée de la discipline[5]. En d’autres termes, l’assyriologie devient un outil politique conflictuel mettant en évidence l’expression des nationalismes au cœur des conflits mondiaux.

Dans les mêmes perspectives, l’ouvrage de Sir Wallis met en évidence des éloges envers les Britanniques, considérés comme les véritables fondateurs de la discipline :

En bref, il semble exister un désir assez répandu, en particulier sur le continent – et parmi les adeptes des érudits continentaux se trouve l’Angleterre -, de minimiser les travaux des assyriologues anglais et d’obscurcir le fait que la science de l’assyriologie a été fondée par des Anglais, et entièrement développée par les administrateurs du British Museum et leur personnel. Les Anglais ont construit l’édifice principal de l’assyriologie et d’autres nations ont construit les bâtiments périphériques.[6]

Par ailleurs, cette rivalité obsessionnelle autour du patrimoine assyrien n’est pas sans conséquence sur les populations concernées. En effet, Philoxenos Yūhanān Dūlabānī (1885-1947), prêtre syriaque orthodoxe élabore son récit national Tarih Mardin en utilisant des références plurielles d’archéologues et d’institutions académiques occidentales comme sources d’argumentation de l’histoire[7]. Cette contribution manuscrite vise à soulever l’historicité de cette construction identitaire controversée. La problématique centrale de notre article vise à comprendre la manière dont le patrimoine assyrien fut un objet de culture impérialiste instrumentalisé par les puissances en vue d’étendre leurs aspirations en Orient.

Face à la turcité prônée par les Jeunes-Turcs et l’extermination violente des minorités chrétiennes et juives en 1915, le patrimoine culturel, la mémoire collective ainsi que la transmission des héritages deviennent une nécessité pour la préservation et la survie de l’identité assyro-chaldéenne[8]. Dans ce cadre, nous aborderons plus précisément le rôle non négligeable du patrimoine archéologique comme phénomène de création et de transposition d’un imaginaire collectif occidental dans cet éveil identitaire.

Nous allons présenter les populations assyro-chaldéennes, pour ensuite mettre en évidence le rôle des missionnaires dans la gestion des affaires étrangères sur le sol ottoman et finir par le patrimoine en tant qu’objet de culture impérialiste et de construction nationale. Un récit national sous la forme manuscrite rédigé par un prêtre syriaque-orthodoxe de la région de Mardin en Turquie et d’autres archives sont utilisés pour cet article.

Les Assyro-Chaldéens : identités et nations

Les Assyro-Chaldéens sont un ensemble de populations sémites et de confession chrétienne. Il s’agit d’une dénomination historiquement française qui ne fait pas l’unanimité auprès des populations concernées, mais également au sein des partis politiques en Occident et en Orient[9]. Les populations assyriennes, assyro-chaldéennes ou encore araméennes et chaldéennes sont originaires de la Mésopotamie.

Toutefois, il existe plusieurs manières de découper cette région. Le territoire mésopotamien englobe le sud-est de la Turquie, le nord-est syrien, en passant par le nord-ouest irakien jusqu’au nord-ouest iranien. Certains considèrent que le Levant devrait être inclus à cet ensemble territorial de même que l’Égypte, tandis que d’autres mettent plutôt en évidence l’Irak comme centre principal[10]. Ces populations – au pluriel – regroupent une multitude de communautés religieuses. En raison de leurs situations frontalières, ces communautés maîtrisent plusieurs langues dont l’arabe, le turc, le kurde et le persan.

Dans sa forme dialectale, l’araméen reste, cependant, la langue liturgique et identitaire par excellence. Mais, il s’agit également d’une langue pratiquée par les populations juives et par certaines populations musulmanes, notamment du nord syrien, qui entretiennent la transmission de cet héritage linguistique. Nestoriennes à l’origine, ces communautés sont évangélisées par les missionnaires occidentaux de rites divers dont des catholiques, des protestants et des orthodoxes[11]. Les controverses au sujet de la nature de Jésus amènent les Églises, notamment celle de Rome, à prendre position. L’affirmation de Nestorius était considérée comme hérétique et n’était pas acceptable par le Vatican[12].

L’évangélisation des contrées ottomanes avait donc pour finalité de réunir l’ensemble de ces populations, perçues comme hérétiques, sous une même unité ecclésiastique[13]. Les différents acteurs religieux présents sur le sol ottoman – dont les dominicains, les capucins, les méthodistes anglo-américains ou encore l’Alliance israélite universelle – représentaient leurs nations respectives. Les rivalités liées aux conflits mondiaux du XXe siècle aboutissent à des crispations et des oppositions entre les missionnaires. Cette situation impacte fortement les populations chrétiennes d’Orient et notamment les Assyro-Chaldéens. Chaque groupe est divisé et se rattache à une Église spécifique pour exprimer son identité. Mais, l’éveil des nationalismes au cœur de l’Empire ottoman aboutit à une dénomination spécifique pour désigner l’ensemble des communautés ecclésiastiques : les Assyro-Chaldéens[14].

Cette expression identitaire est également disputée par l’ensemble des populations de la région, dont les Arabes, les Juifs ou encore les Turcs, Kurdes et Iraniens. La Mésopotamie est un territoire sacralisé par les religions monothéistes, dans lequel les récits prophétiques s’articulent. Restreindre ainsi cette identité à une religion spécifique est le résultat d’une conception qui prend ses racines dans une définition nationale déterministe en provenance de l’Europe. Le XXe siècle est caractérisé par un essor d’une conception nationale dans laquelle l’ethnicité doit être compatible avec la religion. À titre d’exemple, cette idéologie exclut définitivement les populations juives, considérées comme inférieures et non conformes à la race européenne.

La Turquie n’est pas épargnée par ce débat virulent. Les élites gouvernementales récupèrent les modèles de civilisation et de hiérarchisation raciale en provenance de l’Allemagne nazie. Dans les manuels scolaires européens, le Turc était associé à une image barbare : « Dans certains manuels, il y avait des phrases qui blessaient mes sentiments nationaux, et je ne voulais pas les apprendre […] dans un livre il était écrit que les Turcs étaient une tribu secondaire et barbare de la race jaune »[15].

Afin de convaincre l’opinion scientifique mondiale que le peuple turc était européen depuis les premières décennies de l’histoire, les recherches en anthropologie, en histoire, en philologie et en sciences dures ont explosé durant la période kémaliste[16]. Les mesures de crânes servaient de correction aux thèses darwinistes et permettaient d’inclure la race turque parmi les plus élevées.

Mesure de crânes et racialisation prônée en faveur de la turcité pendant la période kémaliste
Mesure de crânes et racialisation prônée en faveur de la turcité pendant la période kémaliste, 1932. Source : « Türkler alp adamı denilen insanlardandır », Vakit, 12 Ekim 1932, https://www.gastearsivi.com/gazete/vakit/1932-10-12/1
Le génocide de 1915 perpétué par les Jeunes-Turcs, ainsi que les différentes violences et autres crimes de guerres commis au-delà des frontières envers les minorités, symbolisent l’expression d’une épuration volontaire et admise : « La Turquie est actuellement composée de terres où se sont établis uniquement des Turcs. Les non-Turcs, les étrangers à la turcité, sont restés en dehors de la patrie ou en ont été retirés , et c’est ainsi que s’est construite l’unité nationale »[17].

À son tour, la période coloniale n’échappe pas aux méthodes de hiérarchisation raciale : on assiste à l’instrumentalisation de la religion en faveur d’une dichotomie entre les peuples. Le patrimoine archéologique joue également un rôle prédominant dans la création d’une identité particulière et singulière. L’historien Thomas Römer insiste sur le rôle de l’archéologie et des sources canoniques dans le but de justifier la descendance des groupes[18]. Dans ce cadre, le récit national Tarih Mardin rédigé par le métropolitain syriaque orthodoxe du Tur Abdin et de ses frontières, Philoxenos Yūhanān Dūlabānī, évoque les célèbres découvertes archéologiques occidentales du XXe siècle pour contester une histoire culturelle, politique et géographique au sein de cette vaste région jusqu’alors dominée par le sultanat ottoman et par les gouvernements musulmans contemporains[19].

Ce travail de mémoire est composé en 1938, date à laquelle les frontières entre la Turquie et l’Irak sont définitivement mises en place par les Britanniques. Cette source manuscrite met en évidence une identité plurielle, ainsi que des échanges entre le judaïsme et l’islam tout en insistant sur une volonté de se séparer de « l’ottomanité ». L’auteur utilise des références occidentales, dont des institutions académiques américaines, britanniques et des archéologues européens, comme source d’argumentation de l’histoire identitaire assyro-chaldéenne. La carte mentale[20] qui accompagne le récit consolide une mémoire du lieu et présente une unification des différentes localités araméennes dans le Tur Abdin et ses frontières, tout en insistant sur les liens culturels avec la mer Méditerranée[21].

Le rapprochement avec l’Occident met en évidence des phénomènes de transposition mentale et spatiale du territoire mésopotamien : « al-Badawi Sher a raconté à ce sujet dans son livre Histoire de la Chaldée et de l’Assyrie “Vrai”. Une autre épithète est “Europe” où il dit : Si je garantissais que Philippe revienne à Ninive, il serait resté pendant un certain temps dans la ville d’Europe, où l’un des rois hittites et ambassadeurs des rois de Sanikliat lui aurait rendu visite avant 880 […] Il précise en bas du livre que l’Europe est le présent Mardin sans faire référence au présent sur lequel il se fonde »[22].

En somme, le patrimoine archéologique est un outil de contestation identitaire, culturelle, politique et géographique. Cette transposition mentale du territoire à l’Europe, ainsi que la mention des découvertes archéologiques occidentales utilisée comme élément fondateur de la construction identitaire assyro-chaldéenne s’explique par le rôle politique des missionnaires sur le sol ottoman.

Le rôle des missionnaires dans la gestion des affaires étrangères sur le sol ottoman

La présence de missionnaires dans les grandes villes et dans les périphéries de l’Empire ottoman est attestée depuis le XVIIe siècle[23]. Ces missionnaires avaient pour habitude de conserver l’ensemble de leurs observations sur le terrain sous la forme de carnets de bord, ainsi que plusieurs documents juridiques et plans de construction. Échanges et contrats étaient coutumes avec le sultanat ottoman[24]. La collecte d’informations sur le terrain était essentiellement possible en raison de déplacements entre les frontières dans le cadre sanitaire. Certains missionnaires étaient médecins et étaient donc amenés à soigner les malades appartenant à l’ensemble des populations qui nous intéressent, au sein des dispensaires et des différents hospices installés en périphérie de l’Anatolie[25]. Cette situation était propice à la classification, aux observations morphologiques, ou encore à l’identification des patients. L’historienne Delphine Peiretti-Courtois déclare que les sciences médicales et la taxinomie du vivant étaient des éléments décisifs dans le processus de construction de la définition des races à partir du XVIIIe siècle[26].

Par la suite, l’Europe renforce les méthodes scientifiques allant dans ce sens, notamment en anthropologie, en ethnologie, ainsi qu’en médecine. Celles-ci sont déterminantes dans la mise en place d’une hiérarchisation des peuples par les Européens à l’égard des populations orientales. Elles renforcent, par la même occasion, le sentiment de supériorité des missionnaires par rapport au millet[27]. Les travaux du missionnaire britannique W. W. Wigram se rejoignent dans l’idée d’allier l’ensemble des savoirs occidentaux (c’est-à-dire l’anthropologie, les sciences religieuses, la médecine, l’histoire, la philologie et l’archéologie), perçus comme irrécusables, tout en soutenant l’hypothèse d’exprimer la nation des populations identifiées :

On dit parfois que les chrétiens assyriens ou nestoriens n’ont aucun lien avec les Assyriens de l’Antiquité, ni par la langue ni, pour autant qu’on le sache, par la race. Avec tout le respect que je lui dois, le présent auteur s’aventure à différer complètement de cette conclusion, et d’affirmer sa croyance que l’actuel Assyrien, Chaldéen ou nestorien, représentent l’ancienne souche assyrienne, les sujets de Sargon et de Sennachérib, dont les marques persistent […]

Les traditions et les coutumes de ces populations confirment qu’ils sont les descendants des anciens Assyriens. Ils présentent également des caractéristiques des civilisations babyloniennes et chaldéennes. Du point de vue linguistique, ils forment les verbes et les phrases de manière similaire à celles des Anciens. Nous avons constaté que la langue araméenne ou syriaque était la «lingua franca », c’est-à-dire la langue véhiculaire utilisée dans la région dans un passé lointain. Certains mercenaires au sein de l’armée de Xerxès (roi perse membre de la dynastie des Achéménides, ayant régné de 486 à 465) faisaient usage de cette langue. Par ailleurs, la langue araméenne était également maitrisée par le célèbre scribe Ezra, qui tout comme d’autres auteurs de la Bible alternait entre le syriaque et l’hébreu.[28]

Les différents acteurs religieux se sont en réalité rapprochés des communautés concernées dans l’objectif de répandre et de maintenir le soft power[29] des nations occidentales dans les frontières de l’Empire ottoman.

Dans ce cadre, certains missionnaires entretenaient des relations diplomatiques en étant élus agents consulaires, tandis que d’autres recevaient la visite de personnalités politiques européennes au sein de leurs écoles implantées dans la région du Tur Abdin : « Les voyageurs français qui traverseront les plaines de la Mésopotamie et les montagnes du Kurdistan pourront trouver dans presque tous les villages catholiques de ces lointaines contrées desservies maintenant par nos anciens élèves, des prêtres qui leur parleront, dans leur langue, de la France qu’ils font eux-mêmes connaître et aimer, et qu’ils regardent comme une seconde patrie »[30].

Des échanges avec les structures militaires sont également à relever[31]. Les connaissances aigües du terrain, ainsi que des différents particularismes culturels des populations, étaient par la suite utilisées par les armées françaises et britanniques : « Il retourna ensuite en Mésopotamie après plusieurs années passées comme prisonnier chez les Turcs en Asie Mineure pendant la Grande Guerre, afin de mettre ses services à la disposition de notre Gouvernement dans le cadre du rapatriement des Assyriens […] »[32].

Par la suite, ceci permettait de faciliter l’accès sur le terrain, mais également de former des alliances avec les populations autochtones : « […] mais peu en Angleterre se rendent compte à quel point la petite et inconnue nation assyrienne nous a apporté de l’aide et à assumer nos fardeaux au Moyen-Orient, en résistant par exemple à l’agression turco-allemande le long de la frontière turco-persane »[33].

Dans le contexte ottoman, les périphéries de l’empire étaient marginalisées. Localisées en grande partie dans ces régions mises à l’abandon, les populations minoritaires non musulmanes souffraient également du système politique inégalitaire basé sur le millet. Les missionnaires considéraient l’Anatolie orientale et ses périphéries comme un vide à combler : « Nous ne devons pas oublier que c’est de l’Orient que nous sont venus, avec la lumière de la foi, tous les bienfaits de la civilisation chrétienne, et la France, qui lui doit ses premiers apôtres, en envoyant maintenant ses missionnaires et les ressources de sa charité aux populations malheureuses, ne fait que d’acquitter une dette de reconnaissance et de rendre à l’Orient ce qu’elle a reçu »[34].

L’utilisation des cartes par les missionnaires mettait en perspective à la fois la manière dont étaient perçus ces territoires et les convoitises des Européens sur le sol ottoman[35]. En effet, le regroupement des populations sous une même entité révèle l’existence d’un découpage ethnique, culturel et géographique avec des actions ciblées et spécifiques à chaque territoire. Le découpage territorial mis en œuvre par les missionnaires (1910) avec la dénomination nationale des populations et des États remet en cause une vocation dédiée uniquement au prosélytisme[36].

Carte géographique élaborée par les missionnaires dominicains, découpage régional Mésopotamie, Kurdistan, XXe siècle
Carte géographique élaborée par les missionnaires dominicains, découpage régional Mésopotamie, Kurdistan, XXe siècle. Source : APDF, « -IV-22-11-2, cartes géographiques et plans divers »

Diviser des territoires relève d’un intérêt politique et militaire particulier et met en évidence, par la même occasion, un rapprochement avec les populations concernées. L’organisation d’un découpage géographique se base sur l’existence de normes, de doctrines et de manière de penser le territoire. En d’autres termes, le concept de nation – tel qu’il est défini au cours de la fin du XVIIIe siècle en Europe – met l’accent sur un regroupement de populations partageant des similitudes (ethniques, culturelles, religieuses, historiques, etc.) et rattachées à un territoire prédéfini. Dans ce contexte, définir une nation et son territoire relève donc d’une vision déterministe et radicale.

Les descriptions offertes par les missionnaires, notamment celles du révérend britannique Wigram, illustrent l’existence de phénomènes de transposition mentale et culturelle sur les territoires convoités. Les Occidentaux ne cessent de juger et de comparer des éléments culturels en fonction de leurs sociétés d’origine : « Dans ces régions montagneuses l’exercice du pouvoir était assez étrange et pittoresque et mérite une description détaillée […]. Il n’était pas utile de soumettre la province et elle avait été laissée sous l’autorité tribale, régie par les règles des chefs locaux et des tribus montagnardes. Cette situation rappelait celle des Highland écossais au XVIIe siècle»[37].

Les observations rédigées par les missionnaires indiquent l’existence de véritables organisations structurées et hiérarchisées à l’échelle européenne en contact régulier avec les missionnaires en Orient. Les différents acteurs ne possédaient pas les mêmes visions du fait religieux ainsi, des relations conflictuelles existaient. Celles-ci étaient exprimées à travers les descriptions accordées aux coreligionnaires. Les dominicains, par exemple, étaient effrayés par l’influence des méthodistes anglo-américains auprès des populations nestoriennes. Ces derniers avaient réussi à nouer des relations profondes avec les populations assyro-chaldéennes depuis la Perse, en passant par l’Iraq et au-delà des frontières, c’est-à-dire dans le Tur Abdin[38].

De ce fait, les missionnaires français, en vue de contrer les avancées de ces méthodistes, possédaient une branche anglophone. Mais les différents acteurs religieux devaient cohabiter au sein du même espace géographique. Par conséquent, des relations stratégiques étaient percevables, notamment par le biais des missionnaires dominicains Monseigneur Henri Victor Altmayer ou encore de R. P. Berré. Dans ce cadre, l’Alliance israélite universelle entretenait des échanges récurrents avec les dominicains afin d’étendre la langue française en Mésopotamie[39].

Chacune des confréries religieuses entretenait des relations avec les différents groupes sociaux présents sur le sol ottoman. Cette situation a fortement déstabilisé l’unité au sein d’un même millet. L’historien Sener Aktürk rappelait que l’existence des divisions religieuses était représentative des conflits entre les puissances[40]. Cet attachement au culte laissait apparaître également un enjeu politique. En réalité les missionnaires avaient pour objectif de maintenir le soft power national au sein des périphéries de l’Empire ottoman. Les rapprochements opérés par les différents groupes religieux auprès des populations concernées permettaient ainsi de répondre à l’expression nationaliste des puissances étrangères.

Par conséquent, il était nécessaire d’éveiller auprès des minorités une conscience nationale singulière dans laquelle le patrimoine archéologique constituait un facteur clef. C’est, en effet, ce que démontre le récit national rédigé par l’auteur Philoxenos Yūhanān Dūlabānī[41]. Mais comment les missionnaires ont-ils concrètement réussi à faire du patrimoine un outil d’identification pour les Assyro-Chaldéens ?

Le patrimoine : un instrument politique impérialiste et de construction nationale

La Mésopotamie a depuis longtemps été enveloppée dans un imaginaire collectif prenant comme source les récits bibliques. La période antique était considérée comme déterminante pour justifier les racines chrétiennes de l’Asie Mineure. Les origines latines et byzantines évoquées dans notre source primaire étaient également mises en évidence par les missionnaires. Les populations assyro-chaldéennes, entre autres, étaient décrites comme une preuve physique de l’histoire chrétienne en Orient[42]. Dans les mêmes perspectives, cet intérêt accordé aux pays de la Bible a entraîné une professionnalisation de l’archéologie et plus particulièrement de l’assyriologie en Occident.

En plein conflit mondial[43], chaque puissance souhaitait s’accaparer la discipline afin d’exprimer sa suprématie scientifique dans le monde. Les Britanniques étaient reconnus pour être les fondateurs de l’assyriologie et possédaient des ressources développées. En effet, à titre d’exemple, il est plus facile de trouver des ouvrages académiques pour l’apprentissage de l’araméen de bonne qualité en provenance du monde anglo-américain.

Néanmoins, la France, tout comme l’Allemagne, a su développer des moyens considérables pour contrer l’influence britannique. De l’Europe aux États-Unis, les structures académiques, religieuses et militaires s’organisent en vue de former des archéologues renommés dont H. V. Hilprecht rattaché à l’Université de Pennsylvanie[44].

Directeur et coordinateur de l’expédition de Nippur (1889-1900), l’archéologue publie un ouvrage intitulé Explorations in the Bible Land during the 19th century, dans lequel il recense les découvertes occidentale avec des descriptions de lieux et de paysages en prenant comme référence principale la Bible[45]. Cette situation souligne une connaissance fine des textes religieux. Les archéologues étaient profondément marqués par une ou plusieurs formations en théologie et certains d’entre eux étaient des hommes d’Église. Par ailleurs, l’ouvrage de Hilprecht met en évidence des coopérations entre les institutions, universités et musées occidentaux[46]. Les rivalités entre les puissances semblaient être mises de côté dans le contexte de la formation et du développement des compétences en assyriologie.

Journal de bord de l’archéologue Hilprecht à l’exposition de Nippur en mars 1889
Journal de bord de l’archéologue Hilprecht à l’exposition de Nippur en mars 1889. Source : Penn Museum Archives, « Nippur, Mesopotamia (Iraq), Expeditions Records, 1889-1900 »

Des échanges étaient effectués entre les étudiants européens et les organismes américains. Par exemple, l’Allemagne fit de l’assyriologie une véritable entreprise nationale. Les universités de Berlin, de Marburg, de Munich et de Leipzig formèrent les futurs archéologues avant de les envoyer aux États-Unis, puis en Orient. C’est ainsi que Max Von Oppenheim participa activement aux fouilles de Tell Halaf sur le sol ottoman (1911-1912)[47].

Cette transposition mentale et scientifique occidentale sur l’Orient, et par la même occasion sur le millet, puisait ses références dans les sources canoniques. Les travaux du prêtre britannique W. A. Wigram confirment cette hypothèse. Ses analyses détaillées sur les caractéristiques des populations assyriennes mirent en perspective les liens entre le passé et le présent. Ainsi, l’archéologie constituait une preuve justifiant des ressemblances physiologiques, religieuses, socio-culturelles et morphologiques avec les millets concernés[48].

De plus, l’armée britannique propose des courts-métrages et des films mettant en scène les populations assyro-chaldéennes et dépeignant leur patrimoine archéologique[49]. Il existe une volonté d’imposer un décor dans lequel l’archéologie et le peuple représenté s’assimilent à la reconnaissance impériale britannique. En d’autres termes, c’est grâce à l’impérialisme européen que les jeunes générations contemporaines peuvent s’identifier en tant que nation assyrienne à travers le patrimoine archéologique. Le savoir occidental et les découvertes archéologiques constituent des points de repères à la fois d’identification, de regroupement des populations, mais également pour le traçage des frontières.

L’appropriation des espaces périphériques par les missionnaires permettent également de transposer des nouvelles valeurs au détriment des traditions. Des séminaires de formation étaient organisés pour les étudiants assyro-chaldéens et les autorités spirituelles jacobites. Les ouvrages philosophiques étaient distribués dans les écoles et dans les séminaires. Les enseignements proposés dans ces structures éducatives présentait un parcours pluridisciplinaire offrant une forme d’émancipation à ces populations, tout en consolidant leur identité particulière.

L’histoire et la géographie, qui sont des disciplines formatrices de la nation, étaient des supports d’expression où le patrimoine archéologique s’entremêlait avec le rapport qu’entretiennent ces populations vis-à-vis de leurs environnements. Une attention particulière était accordée aux langues d’origine, dont l’arabe, l’arménien ou encore le chaldéen et l’araméen. L’analyse philologique, mise en place sur le terrain par les missionnaires envoyés auparavant, servait par la suite de support de cours pour ceux restés en Europe et pour le Vatican. Les méthodes d’apprentissage de la langue étaient principalement caractérisées par une translittération des sonorités en latin[50]. Ainsi, l’objectif principal de cette méthode était de faciliter l’apprentissage de la langue à l’oral sans passer par l’écriture et rendre le plus opérationnel les futures recrues.

Le ministre français de la Culture proposait d’accueillir des étudiants orientaux en vue de les former en assyriologie dans les institutions célèbres avant de les recruter en tant qu’agents d’observation ou d’assistant pour soutenir la recherche sur le terrain[51]. L’archéologue germano-américain, H. V. Hilprecht écrit dans son carnet de bord que les millets non musulmans étaient recrutés depuis Bagdad pour accompagner les archéologues via le Bagdad Bahn[52]. Les accompagnateurs recevaient en contrepartie une rémunération[53].

On peut citer Hormuzd Rassam (1826-1910), qui faisait partie de ces millets recrutés par les Britanniques. Il a également eu l’occasion d’approfondir ses connaissances en archéologie au Collège Magdalen de l’Université d’Oxford[54]. Ainsi, la perception occidentale sur ces populations est, par la suite, récupérée par ses membres de manière cyclique. L’assyriologie devient une arme redoutable à la fois entre les puissances rivales, mais aussi contre la stabilisation de l’Empire ottoman.

Lettre de remerciements manuscrite rédigée par Hormuzd Rassam, archéologue chaldéen adressée au Président du Collège Magdalen de l’Université d’Oxford, 1849
Lettre de remerciements manuscrite rédigée par Hormuzd Rassam, archéologue chaldéen adressée au Président du Collège Magdalen de l’Université d’Oxford, 1849. Source : The President and Fellows of Magdalen College, Oxford, « Letter from Hormuzd Rassam (1826-1920 : archeologist and civil servant), 4 July 1849, PR30/1/C4/5-FOL-304 »

La venue des missionnaires et l’émancipation des millets n’étaient pas acceptées par tous. L’éducation prônée par les premiers remettait en cause l’ordre culturel et politique jusqu’alors imposé par les Kurdes[55]. En réponse à cette déstabilisation, plusieurs attentats ont été commis à l’encontre des missionnaires[56]. Le gouvernement impérial, quant à lui, devait garantir son soutien au développement des structures propres aux millets dans les périphéries de son territoire. C’était, en effet, l’une des prérogatives mentionnées dans les textes juridiques ottomans dans le cadre des Tanzimats.

R. P. M. D. Berré, missionnaire apostolique des frères prêcheurs et supérieur de la mission de Mossoul[57], souligne l’attitude tolérante adoptée par le sultan : « En tout cas, ce genre de prosélytisme n’a jamais porté ombrage aux autorités ottomanes qui savent assez que les missionnaires français, étrangers à toute politique, ne songent qu’à se dévouer au bien de leurs pays et je remplis ici un devoir de reconnaissance en déclarant que le gouvernement ottoman n’a cessé de leur accorder, avec la plus grande liberté, sa haute et bienveillante sympathie »[58].

En effet, le XIXe siècle est marqué par une dépendance financière à l’Europe : l’Empire ottoman n’était, à lui seul, pas en mesure de mener à bien les transformations économiques au sein de son territoire[59]. Les bouleversements politiques en périphéries avaient eu pour conséquence une remise en cause de la souveraineté ottomane sur ses territoires. Les richesses restreintes et les inégalités territoriales, favorisant la centralité par rapport à la ruralité, ont entraîné des systèmes de privations et des formes de pouvoirs sous-jacents en Anatolie du sud, ainsi que du sud-est.

Les ressources occidentales, dont l’objectif était de porter assistance au sultan, ont cependant accentué le détachement des populations minoritaires à « l’ottomanité » en faveur d’un rattachement aux nations étrangères respectives. Les minorités éprouvaient des sentiments d’admiration et de reconnaissance envers les missionnaires[60]. Elles entretenaient des échanges par courrier avec les structures religieuses occidentales et avec le Vatican, soulevant ainsi un prosélytisme consenti[61]. La charité était alors un moyen utilisé pour répondre à la fois au besoin des populations autochtones considérées comme hérétiques, mais aussi, et surtout, pour justifier la présence des Occidentaux sur le sol ottoman.

Photographie (noir et blanc) de l’une des structures gérées par les missionnaires pour la formation professionnelle en tapisserie. Les étudiantes sont des femmes assyro-chaldéennes et arméniennes à Seert (date est inconnue)
Photographie (noir et blanc) de l’une des structures gérées par les missionnaires pour la formation professionnelle en tapisserie. Les étudiantes sont des femmes assyro-chaldéennes et arméniennes à Seert (date est inconnue). Source : APDF (Archives Provinciale des Dominicains en France).

Le sultan était conscient des révoltes nationalistes en périphérie de son territoire. Il lui fallait donc prendre en considération les différentes caractéristiques des peuples, ainsi que celles de leurs histoires afin de regrouper la diversité en une conscience unitaire. C’est dans cette perspective que le musée archéologique d’Istanbul est né[62]. Celui-ci est un espace d’exposition de l’histoire et présente des éléments propres à un brassage culturel auquel les individus s’identifient. Par la même occasion, il symbolise une suprématie du savoir, devenant rapidement l’expression d’une puissance scientifique. Le gouvernement impérial collabore avec les Allemands en vue de faire du patrimoine, notamment archéologique, une source d’unité nationale.

Afin d’assurer la construction de « l’ottomanité », les autorités gouvernementales avaient pour mission de contrôler à la fois l’accès au chantier ainsi que les différentes découvertes faites par les Occidentaux. Les exportations vers les musées étrangers permettant d’enrichir les musées occidentaux étaient limitées. En effet, un avis impérial devait être accordé pour donner l’autorisation aux archéologues d’envoyer à leurs institutions d’origine des copies d’inscription et des doublons. De plus, chaque archéologue en provenance de l’Occident possédait une parcelle délimitée. Les archéologues en provenance des institutions occidentales respectives se faisaient face sur le terrain sous la surveillance des autorités ottomanes[63]. L’ensemble de ces mesures met en évidence les frustrations du sultan par rapport à ces périphéries. Il était fondamental d’unifier la nation ottomane en y incluant la diversité des populations pour contrecarrer les mouvements indépendantistes montés et gérés par les Alliés notamment.

Dans cette perspective, l’archéologue ottoman Osman Hamdi Bey propose, lors de l’exposition universelle de Vienne, de présenter l’Empire ottoman à travers la culture vestimentaire dans le but de rappeler aux Occidentaux sa suprématie sur son territoire et plus précisément sur les périphéries[64]. Concrètement, il s’agit d’une mise en scène de la société et de ses différentes strates. La ruralité profonde, autrefois reniée en faveur de la capitale, est valorisée.

Par la même occasion, il y a une remise en question sur le vêtement considéré ici comme représentant la modernité occidentale au détriment du costume synonyme de tradition. En d’autres termes, Osman Hamdi Bey valorise le costume en référence à la société ottomane et offre, à travers la pluralité des visages sociaux, économiques et culturels, une représentation de la nation. Cette méthode est reprise par les doctrines communistes valorisant la ruralité et le paysage en adéquation avec la définition de la nation signifiant « la peuplade ».

Ainsi, l’archéologue ottoman met l’accent sur la cohésion du groupe à travers sa description du costume, tout en valorisant la culture identitaire et l’expression artistique populaire[65]. Cette évolution de la perception de la nation constatée à la fois dans les textes ottomans et à travers l’exposition photographique organisée par Osman Bey s’explique, en partie, par un contexte de pensées et d’idées capitalistes où la question des périphéries centralise les convoitises économiques et agraires[66].

Toutefois, les Turcs ne possédaient pas les moyens financiers nécessaires pour mener à bien des expéditions archéologiques de longue durée. Les terrains de propriétaires devaient être achetés pour des sommes considérables[67]. C’est donc la raison pour laquelle les Ottomans devaient collaborer avec les institutions étrangères en vue de pouvoir, eux aussi, mener des fouilles archéologiques. Il semblerait, en effet, que des collaborations existaient avec le gouvernement impérial puisque les travaux de H. V. Hilprecht révèlent l’existence de relations scientifiques avec les Ottomans et plus précisément avec Osman Hamdi Bey[68]. Les archéologues ottomans s’intéressent, à leur tour, au patrimoine antique et à l’alphabet cunéiforme que l’on rattache aux civilisations assyriennes et babyloniennes.

Dans ce cadre, l’Allemagne collabore avec la Turquie afin d’imposer par la même occasion sa présence dans les périphéries convoitées. Cette dernière est représentée au travers des découvertes archéologiques de M. Von Oppenheim. L’historien Charles Stiénon explique que l’Allemagne était soucieuse d’avoir une position stratégique qui lui permettrait de s’emparer à la fois des richesses pétrolières et agricoles[69]. Par ailleurs, chacune des puissances souhaitait renforcer sa descendance avec les premières civilisations mésopotamiennes et devenir une suprématie religieuse[70].

Le patrimoine archéologique permet donc à l’Allemagne de s’imposer et de contrecarrer les Britanniques et les Français dans la région. Les différentes mobilités humaines, matériels, militaires et politiques étaient, de ce fait, accélérées et facilitées, notamment par la voie ferrée du Bagdad Bahn. Outre ses compétences en archéologie, le baron allemand M. Von Oppenheim avait pour mission de mettre en place des stratégies militaires ayant pour but de renforcer la présence allemande sur le sol ottoman.

Son Mémoire concernant la révolutionnarisation des territoires musulmans de nos ennemis proposait « un plan de jihad » en vue de mobiliser les musulmans arabes, persans et afghans contre la présence française et anglaise[71]. En outre, le développement des infrastructures de transports régies par les Allemands visait à structurer, organiser et délimiter tout en facilitant la gestion du territoire. En effet, l’historien Charles Stiénon pensait que la mise en place de la ligne ferroviaire avait pour objectif principal l’acquisition de la Mésopotamie[72].

Cependant, les Français comme les Britanniques imposèrent également leur autorité sur cette voie ferroviaire. Les documents administratifs utilisés par l’archéologue H. Hilprecht lors de son voyage en Mésopotamie en passant par Constantinople permettent de confirmer nos propos : un document en langue française rédigé par la direction de la société ottomane à la gare de Hadda Pacha, ainsi que l’attestation solennelle écrite par l’archéologue en langue anglaise au moment de son retour de Bagdad mettent en évidence que les projets allemands furent détournés par les Alliés[73].

L’Asie Mineure, jusqu’à ses périphéries, était contrôlée et disputée. Charles Stiénon met en lumière l’importance de ces territoires servant de transition pour relier la Méditerranée occidentale à l’Orient[74]. L’historien et géographe Daniel Foliard analyse les véritables ambitions européennes grâce à l’étude des cartes militaires. Il souligne que l’Anatolie et l’Arabie restent les deux seules entités géographiques visibles au détriment du Levant qui, lui, disparait[75]. Ses réflexions mettent en évidence les convoitises britanniques à l’égard de l’Inde. Dans ce cadre, les territoires ottomans présentent une opportunité en vue de relier la Méditerranée à l’Océan Indien. Les archipels insulaires constituaient des points stratégiques au cœur du golfe Persique et la voie ferroviaire Bagdad Bahn était mise en place en vue de répondre à ces enjeux politiques.

Dans son récit de voyage, l’archéologue germano-américain Hilprecht rappelle les rivalités occidentales sur cette ligne de chemin de fer[76]. Il était primordial pour les différents protagonistes sur le terrain d’assurer leurs approvisionnements afin de garantir leur survie pendant la guerre . La Russie, quant à elle, désirait également faire mainmise sur les richesses du Caucase et de la Mésopotamie[77]. Ainsi, l’Anatolie orientale met en évidence les frustrations des États-nations en devenir.

Ainsi, les missionnaires jugés responsables de l’éveil des nationalismes en périphérie furent capturés par les Turcs[78]. Ces derniers possédaient des informations politiques occidentales cruciales à propos du bouleversement des frontières régionales. En d’autres termes, les différentes puissances (France, États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne et Russie) rivalisent entre elles leurs présences sur le territoire. Le découpage régional et les attributions mandataires des puissances sur les périphéries de l’empire illustrent bel et bien les conséquences des rapprochements des missionnaires élaborés en amont. Ces attributions mandataires ne seront pas contestées par les minorités chrétiennes, dont celles assyro-chaldéennes[79].

Ainsi, le rattachement des populations assyro-chaldéennes à l’Occident entraîne la clôture de l’histoire ottomane. Mais la fin de ce chapitre est amer. Le génocide de 1915 commis par les Jeunes-Turcs contre les populations arméniennes, assyro-chaldéennes, araméennes et grecques poussent par la suite les survivants à rejoindre les frontières et à demander la protection des puissances mandataires en 1916. La France et la Grande-Bretagne utilisent l’expression identitaire et politique des populations assyro-chaldéennes afin de combattre l’Allemagne et la Turquie. Le patrimoine assyrien est instrumentalisé par les différents acteurs sur le terrain et permet aux Alliés d’étendre leurs projets en Orient tout au long de la période ottomane et mandataire.

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[1] GAMRI Arriya, « Statement by the Assyrian Confederation of Europe on British Museum Ashurbanipal Exhibition », Bruxelles, Assyrian Confederation of Europe, 2019, [en ligne] https://docs.wixstatic.com/ugd/10c0ba_91495e3c3754412598df6d1336b00bcd.pdf?fbclid=IwAR0UB0LEy0vTHj3g4jz0LTGngMWnwRFxt4e-PCMbc9ZDSznvJ4up0fQrXfY (dernière consultation le 10/12/2022)

La Confédération assyrienne d’Europe, de son véritable nom Assyrian Confederation of Europe, est une organisation basée à Bruxelles et créée en 2016. Elle regroupe un ensemble de fédérations à l’échelle européenne représentant un demi-million d’Assyriens-Européens et à pour objectif de soutenir et de représenter la diaspora ainsi que les populations restées sur place.

[2] Ibid.

Le British Museum avait organisé une exposition sur l’histoire de l’Empire assyrien sous le règne d’Assurbanipal en 2019. Les fédérations assyriennes et la diaspora concernée se sont déplacées pour participer à l’événement. Il s’agissait d’une opportunité pour l’ensemble des participants d’échanger autour de leur patrimoine commun. Cependant, le musée n’a pas pris soin de mentionner l’existence contemporaine du peuple assyrien. Par conséquent, la Confédération et les visiteurs ont exprimé le besoin de rappeler au musée leur position. Plusieurs visiteurs portaient des pancartes indiquant « Nous sommes Ashurbanipal » afin d’attirer l’attention sur le sort d’une identité malmenée et marginalisée en Orient.

[3] PINARD LEGRY Agnès, « Le Louvre va créer un département dédié à Byzance et aux Chrétiens d’Orient », dans Aleteia, Paris, Société Aleteia, 2021, [en ligne] https://fr.aleteia.org/2021/05/27/les-chretiens-dorient-au-coeur-dun-nouveau-departement-du-louvre/ (dernière consultation le 10/12/2022)

[4] CHARPIN Dominique, Éléments pour une histoire de l’assyriologie, ensemble de séminaires présenté au Collège de France, Paris, Collège de France, 2021

[5] BUDGE Wallis Thompson et ERNEST Alfred, The Rise and Progress of Assyriology, Londres, Éditions Hopkinson Martin, 1925, 321 p.

[6] Traduction de l’anglais réalisée par nous-mêmes : « In short, there seems to exist a rather widespread desire especially on the Continent, and among the followers of Continental scholars is England, to belittle the works of English Assyriologists, and to obscure the fact that the science of Assyriology was founded by Englishmen, and developed entirely by the Trustees of the British Museum and their staff. The English built the main edifice of Assyriology, and others nations constructed the outlying buildings », ibid., p. 9

[7] DÛLÂBANI Philoxenos Yūhanān, Tarih Mardin (« L’Histoire de Mardin »), manuscrit 233, Turquie, Église des Quarantes Martyrs, 1938

Philoxenos Yūhanān DÛLÂBANI, ou Yuhanon DOLABANI selon les dialectes, est une des figures majeures de l’histoire politique et culturelle des populations appelées assyro-chaldéennes. Mardin, au sud-est de l’Anatolie, fut le berceau de son inspiration et de son engagement. Les lieux et les paysages de sa ville natale constituent, en effet, une véritable ressource, qui plus est inépuisable, à chaque étape de sa vie. Le métropolitain commence sa scolarité à l’âge de six ans où il reçoit une instruction en partie par son oncle, Père Gabriel, et par son cousin, Elias. Le prêtre syriaque orthodoxe étudia brièvement dans l’une des écoles gérées par les Pères capucins.

En 1907, sa dévotion le poussa à rejoindre Deyro d-Notpo, où il devint moine un an plus tard, avant d’être ordonné prêtre en 1918. Ordonné évêque pour le diocèse de Mardin en 1947, Yuḥanān passa ses derniers jours à Deyrulzafaran où il fut inhumé en 1969, laissant derrière lui tout un patrimoine à (re)découvrir, dont de nombreux manuscrits relatant l’histoire de sa nation et de son territoire ainsi que sa culture. Cependant, à partir de 1909, les responsabilités de Yuḥanān n’étaient plus exclusivement dédiées à la vie monastique. Il s’oriente en effet vers l’édition et l’enseignement. En 1913, le patriarcat publie le célèbre périodique āl-Ḥikmaẗ, à côté de nombreux autres revues nationalistes. Yūhanān prend la direction de ce périodique à partir de 1947 sous le titre d’Öz Hikmet. Dūlabānī entretenait également des relations avec d’autres périodiques et organismes nationalistes comme la Fédération américano-assyrienne du Détroit.

Sa revue mettait en évidence la promotion de l’éducation et de la création de nouvelles écoles soulignant, par ailleurs, l’importance de la langue, de la religion, de l’histoire des civilisations assyriennes et babyloniennes et de l’ensemble des héritages. La nation ne semble pas pouvoir se séparer de sa sœur fondatrice qu’est l’éducation. C’est dans cette perspective que les différentes œuvres du prêtre visent à la fois à fusionner l’apprentissage et la survie de l’identité grâce à l’expression artistique.

[8] Les Jeunes-Turcs (en turc Jöhn Türkler) étaient un mouvement politique nationaliste, moderniste et réformateur ottoman officiellement connu sous le nom de Comité union et progrès (en turc Ittihat ve Terraki Cemiyeti), dont les chefs ont mené une rébellion contre le sultan Abdülhamid II (renversé et exilé en 1909). Ils ont planifié un génocide contre les populations arméniennes, grecs pontiques et assyro-chaldéennes. D’autres crimes et violences ont été commis à l’encontre de l’ensemble des minorités chrétiennes et juives tout au long du XXe siècle au niveau des frontières anatoliennes et dans les grandes villes comme Istanbul. Ce génocide était un moyen pour les bourreaux de purifier la nation ottomane – future turque.

[9] D’après les propos recueillis dans le cadre d’une enquête de terrain réalisée par nous-mêmes entre 2020 et 2021 auprès de la diaspora assyro-chaldéenne en Europe pour la préparation d’une thèse en cours : Du millet à la nation: le nationalisme assyro-chaldéen et sa diaspora en Europe (XX-XXI s.). Les populations assyro-chaldéennes ne partagent pas les mêmes orientations politiques. Elles ne s’entendent pas sur les dénominations identitaires, ecclésiastiques et ethniques, dont Assyro-Chaldéen, Araméens, Chaldéens ou encore Assyriens. « Assyro-Chaldéen » est une dénomination religieuse née à la fin de la période ottomane. Elle est restée ancrée dans l’histoire politique et les alliances militaires avec la France tout au long du XXe siècle.

[10] Notre enquête de terrain, menée entre 2020 et 2021 et citée dans la note précédente, a permis d’inviter une vingtaine de personnes à répondre à la question suivante : qu’est-ce-que la Mésopotamie et quel ensemble de territoires regroupe-t-elle ?

[11] Nestorius (381-451) est le patriarche de Constantinople de 428 à 431. Il est à l’origine du nestorianisme, une doctrine christologique affirmant la séparation de deux natures de Jésus-Christ, c’est-à-dire que l’une est humaine et l’autre divine. Son enseignement est déclaré hérétique et condamné par le concile d’Ephèse (430-431).

[12] L’affirmation de Nestorius est celle de considérer que les deux natures de Jésus-Christ soient séparées. Pour plus d’informations, voir les trois conciles œcuméniques. Les populations nestoriennes sont considérées comme hérétiques pour les membres du Vatican et aux yeux des missionnaires qui expriment clairement à l’écrit leur sentiment de supériorité par rapport aux populations autochtones. APDF, « – IV-19-3, correspondances question nestorienne 1900-1903 »

[13] APDF, « -IV-18-4, rapports de voyages et notices sur les nestoriens div 1888-1900 »

[14] YACOUB Joseph, « La question Assyro-Chaldéenne, les puissances européennes et la Société des Nations », dans Guerres Mondiales et conflits contemporains, n°151, Presse Universitaire de France, 1988, 144 p., pp. 103-120, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/25730513#metadata_info_tab_contents (dernière consultation le 10/12/2022)

[15] AFET INAN Ayse, Atatürk’ten Mektuplar (« Lettres d’Atatürk »), Ankara, Türk Tarih Kurumu Basımevi,1981, 102 p., p. 9

[16] La période kémaliste renvoie à la période républicaine turque sous l’exercice du pouvoir du premier président Mustafa Kemal Atatürk de 1923 à 1938.

[17] DURAN Faik Sabri, Türkiye Coğrafyası, Lise Kitapları III. sınıf (« Géographie de la Turquie, Livres III, niveau Lycée »), Istanbul, Devlet Matbaası, 1929, 480 p.

[18] RÖMER Thomas, La Naissance de la Bible, ensemble de séminaires présenté au Collège de France, Paris, Collège de France, 2021

[19] DÛLÂBANI Philoxenos Yūhanān, op. cit.

[20] Une carte mentale, appelée également carte émotionnelle, est une représentation symbolique d’un lieu ou d’un territoire reflétant les pensées, les aspirations et les émotions de son auteur. Elle ne correspond pas à une vérité absolue, ni à des normes et des codes officiellement acceptés par tous.

[21] La mer Méditerranée est le symbole de la chrétienté dans l’imaginaire collectif musulman médiéval en raison de la suprématie de l’Empire byzantin. Elle est appelée la Mer des Rûms.

[22] DÛLÂBANI Philoxenos Yūhanān, op. cit.

[23] Archive provinciale des dominicains de France (APDF), « -IV-16-14, action sociale du missionnaire en Turquie 1910 »

[24] APDF, « -IV-18-4, rapports de voyages et notices sur les nestoriens div 1888-1900 »

APDF-IV-13-7, Actes et achats de propriété,1855-1872, et APDF- IV-16-9, Contrats pour construction, 1800-1900

[25] Archive provinciale des dominicains de France (APDF), « -IV-16-14, action sociale du missionnaire en Turquie 1910 »

[26] PEIRETTI-COURTOIS Delphine, Corps noirs et médecins blancs : la fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles, Paris, La Découverte, 2021, 350 p.

[27] Les groupes de la société ottomane étaient identifiés par leur appartenance à une communauté religieuse. C’est le système des millets. Les non-musulmans étaient régis par un ensemble de loi et de devoirs différent de ceux de la majorité jusqu’à la période des Réformes (Tanzimats, c’est-à-dire au début du XVIIIe siècle). APDF, « -IV-18-4, rapports de voyages et notices sur les nestoriens div 1888-1900 » et APDF, « – IV-19-3, correspondances question nestorienne 1900-1903 »

[28] Traduction de l’anglais réalisée par nous-mêmes : « It is sometimes said that the Assyrian or Nestorian Christians have no connection with the Assyrians of Antiquity, either by language or, so far as is known, by race. With all respect, the present writer ventures to differ altogether from that conclusion, and to assert his belief that the present Assyrian, Chaldean, or Nestorian, does represent the ancient Assyrian stock, the subjects of Sargon and Sennacherib, so far as that very marked type survives at all. […]

Their own traditions affirm that they are of the old Assyrian blood, with a possible intermixture of certain Babylonian or Chaldean elements. […] They form their verbs and sentences in the same way, and, as we have seen “Aramaic” or Syriac became a “lingua franca” in the lands concerned in very early days. Some of their mercenary troops in the army of Xerxes seem to have spoken it, and it was certainly a second language to another learned man of the day, the excellent Scribe, Ezra, who wrote-like other Biblical authors-sometimes in Syriac, sometimes in Hebrew. », WIGRAM Ainger William, The Assyrian and their neighbours, Londres, Bell, 1929, 242 p., p.202

[29] Le soft power se définit par la capacité d’un État à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur par un ensemble de moyens autres que coercitifs (menace ou emploi de la force).

[30] Archive provinciale des dominicains de France (APDF), « -IV-16-14, action sociale du missionnaire en Turquie 1910 »

[31]APDF, « -IV-101-51, Djézireh, documents de l’armée française, 1937 »

[32] Traduction de l’anglais réalisée par nous-mêmes : « He then returned to Mesopotamia after several years spent as a prisoner with the Turks in Asia Minor during the Great War, in order to place his services at the disposal of our Government in connection with the repatriation of the Assyrians […] », WIGRAM Ainger William, Our Smallest Ally: a brief account of the Assyrian Nation in the Great War, Londres, Society for promoting Christian knowledge, 1920, 57 p., p. 4

[33] Traduction de l’anglais réalisée par nous-mêmes : « […] but few in England realise to what extent the small and obscure Assyrian nation helped to shoulder our burdens in the Middle East, by resisting the Turo-German aggression along the Turko-Persian frontier », ibid., p. 3 de l’introduction

[34] Archive provinciale des dominicains de France (APDF), « -IV-16-14, action sociale du missionnaire en Turquie 1910 »

[35] APDF, « -IV-22-11-2, cartes géographiques et plans divers »

[36] Ibid.

[37] Traduction de l‘anglais réalisée par nous-mêmes : « It had not been considered worthwhile to really subdue the province and it had been left as Ashiret or tribal under the rule that is of the local chefs of the Mountain tribes. The position was in fact not unlike that of the Scotch Highland in the seventeenth century. »,WIGRAM Ainger William, Our Smallest Ally: a brief account of the Assyrian Nation in the Great War, op. cit.,p.3

[38]APDF, « -IV-19-5, rites et coutumes des nestoriens protestants, 1900 »

[39] Archive provinciale des dominicains de France (APDF), « -IV-16-14, action sociale du missionnaire en Turquie 1910 »

[40] AKTÜRK Sener, « Perspectives on Assyrian Nationalism », dans Hemispheres, n°25, Medford, Tufts University, 2005, pp.134-155, [en ligne] http://www.aina.org/articles/poan.pdf (dernière consultation le 10/12/2022)

[41] Le manuscrit rédigé par Philoxenos Yūhanān Dūlabānī met en évidence les découvertes archéologiques occidentales à la fois pour justifier l’histoire de son identité, mais également pour déconstruire les frontières contemporaines mises en vigueur définitivement à partir de 1938 par les Britanniques.

[42] Archive provinciale des dominicains de France (APDF), « -IV-16-14, action sociale du missionnaire en Turquie 1910 »

[43] Nous faisons référence à la Première Guerre mondiale. Mais, les rivalités autour de l’archéologie perdurent jusqu’à la période mandataire.

[44] Penn Museum Archives, « Nippur, Mesopotamia (Iraq), Expeditions Records,1889-1900 »

[45] VOLLRAT Hilprecht Hermann, Explorations in the Bible Lands during the 19th century, Edinburgh, T. & T. Clark, 1903, 809 p.

[46] Ibid.

[47] VON OPPENHEIM Max, Mémoire concernant la révolutionnarisation des territoires islamiques de nos ennemis, Tunis, Nirvana, 2021, 115 p., traduit par HAJJI Imen. Max Von Oppenheim (1860-1946) est un archéologue, orientaliste, mécène et espion allemand. Alors qu’il était chargé de surveiller dans la vallée du Khabur (au nord-est de la Syrie) le chantier du chemin du fer Berlin-Bagdad, l’archéologue découvrit le site de Tell Halaf, ainsi que la ville de Guzana. Grâce à sa fortune familiale, il finança personnellement ses campagnes de fouilles à Tell Halaf en 1911-1913, puis en 1923.

[48] WIGRAM Ainger William, The Assyrian and their neighbours, op. cit.

[49] VARGES Ariel, « Mesopotamia – examples of ancient architecture », États-Unis/Grande-Bretagne, International Film Service, 1918, 7 min 30 s.

[50] APDF, « -IV-20-12, cours de syriaque, trois grammaire syriaque en latin de Jacques Rhétoré 1895 »

[51] APDF, « -IV-101-51, Djézireh, documents de l’armée française, 1937 »

[52] Le Bagdad Bahn est un des grands ouvrages de construction de voies ferrées financées en grande partie financé par l’Allemagne. Cette voie ferrée de 1600 km permet d’assurer la liaison entre Konya (actuellement en Turquie) et Bagdad (Irak).

[53] Penn Museum Archives, op. cit.

[54] The President and Fellows of Magdalen College, Oxford, « Letter from Hormuzd Rassam (1826-1920 : archeologist and civil servant), 4 July 1849, PR30/1/C4/5-FOL-304 »

[55] HIESER Hans-Lukas, « Réformes ottomanes et cohabitation entre chrétiens et Kurdes (1839-1915) », dans Études rurales, n°186, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2010, 246 p., pp. 43-60, [en ligne] https://journals.openedition.org/etudesrurales/9218 (dernière consultation le 10/12/2022)

[56] Archive provinciale des dominicains de France (APDF), « -IV-16-14, action sociale du missionnaire en Turquie 1910 »

[57] R. P. M. D. Berré est un missionnaire français (1857-1929) et envoyé en Irak. Il organise les séminaires et enseigne auprès des populations assyro-chaldéennes. Le missionnaire est témoin du génocide de 1915 perpetué envers les populations chrétiennes à Mardin en Turquie. En 1921 il est nommé Archidiocèse de Bagdad et reçoit plusieurs consécrations ainsi que des titres en Mésopotamie, dans le Kurdistan et en Arménie.

[58] Ibid.

[59] BOZARSLAN Hamit, « Réflexions sur l’économie de l’Empire ottoman et le passage à la révolution industrielle », dans CEMOTI, n°5, Paris, Éditions Fondation nationale des Sciences Politiques, 1988, 183 p., pp. 73-103, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/cemot_0764-9878_1988_num_5_1_888 (dernière consultation le 10/12/2022)

[60] Archive provinciale des dominicains de France (APDF), « -IV-16-14, action sociale du missionnaire en Turquie 1910 »

[61] APDF, « -IV-19-04, union des chefs nestoriens, Église romaine, 1900 »

[62] KRAUS Fritz Rudolf, Briefe aus dem Istanbuler Museum (« Lettres du Musée d’Istanbul »), Leiden, E. J. Brill, 1972, 151 p.

[63] HORMUZD Rassam, Asshur and the land of Nimrod, Cincinnati, Curts & Jennings, 1897, 432 p.

[64] DE LAUNAY Marie et HAMDI BEY Osman, Les costumes populaires de la Turquie en 1873, Constantinople, Commission impériale ottomane pour l’Exposition universelle de Vienne, 1873, 319 p.

[65] Ibid.

[66] STIéNON Charles, Les campagnes d’Orient et les intérêts de l’Entente, Paris, Payot et cie, 1918, 328 p.

[67] HORMUZD Rassam, op. cit.

[68] VOLLRAT Hilprecht Hermann, op. cit.

[69] STIéNON Charles, op. cit.

[70] Ibid.

[71] Les Allemands ont utilisé l’islam afin de déclencher un jihad au sein des colonies détenues par les Français et les Britanniques. Voir à ce propos VON OPPENHEIM Max, Mémoire concernant la révolutionnarisation des territoires islamiques de nos ennemis, op. cit.

[72] STIéNON Charles, op. cit.

[73] Penn Museum Archives, op. cit.

[74] STIéNON Charles, op. cit.

[75] FOLIARD Daniel, Dislocating the Orient: British Maps and the Making of the Middle East, 1854-1921, Chicago, University of Chicago Press, 2017, 336 p.

[76] Penn Museum Archives, op. cit.

[77] STIéNON Charles, op. cit.

[78] WIGRAM Ainger William, Our Smallest Ally: a brief account of the Assyrian Nation in the Great War, op. cit.

[79] Service Historique de la Défense (SHD) 4 H38/1 Dossier 5 : Le bataillon assyro-chaldéen

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