Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, Michel LOUSTAU.
Il faut savoir gré à Mme Elayi de redonner vie au premier empire universel de l’Antiquité, que ses habitants appelaient le « pays du dieu Assur ». Sa réputation de férocité est due aux prophètes bibliques qui voient en lui l’exécuteur des hautes œuvres de Yahvé contre Israël et Juda retombés dans l’idolâtrie, et aux « ennemis intimes » babyloniens.
Le déchiffrement de l’écriture cunéiforme à partir de 1857 a permis de lire les inscriptions où les rois assyriens détaillent à l’envie les supplices atroces infligés aux vaincus, mais « le plus souvent, c’était une violence calculée et amplifiée par la propagande royale pour terrifier l’ennemi »[1]. Cette brillante civilisation a été victime après 2014 du califat de l’état islamique (Daech) : vols, trafics d’objets d’art, destruction systématique des murs de Ninive, de 2 000 livres de la bibliothèque de Mossoul, des sites de Nimrud et de Khorsabad.
L’Assyrie correspond à la haute Mésopotamie (triangle Assur-Ninive-Arbèles), tandis que Babylone est au centre des « quatre régions » : Subartu (Djeziré), Elam (Susiane), Amurru (Syrie-Phénicie), désert arabique. Les artères vitales sont l’Euphrate (Purattum) et le Tigre (Diglat). Le premier roi connu est Sargon d’Akkad (v. 2335-2279 av. J.-C.), suivi par les rois sumériens d’Uruk et Ur, puis Hammourabi, célèbre par son Code (1792-1750). Avec Tukulti-Ninurta Ier (v. 1233-1197), commencent les campagnes de terreur et de pillage contre les pays voisins, mais les invasions des « Peuples de la mer » (v. 1200) et des Araméens bouleversent le Proche-Orient. à partir d’Assur-dân II (934-912), qui s’inspire de la tactique des nomades (mobilité, surprise), l’armée collecte tribut et butin – chevaux, bœufs, moutons, étoffes, meubles, métaux précieux[2] -. Assurnasirpal II (883-859), le « dragon féroce », inaugure en 864 sa nouvelle capitale Nimrud par un banquet de dix jours offert à 69 754 convives ! Salmanazar III (858-824) échoue contre ses voisins de l’Ouest et des révoltes secouent le royaume.
La fondation de l’Empire assyrien est l’œuvre de Teglath-Phalasar III (745-727), qui attaque l’Urartu, la Babylonie, la Médie, Damas, la Philistie et les Chaldéens. Il aligne des états-tampons entre Assyrie et égypte : Gaza, Ashkelon, Ammon, Moab, Edom, Juda[3] et bat en 733 Samsi, reine des Arabes. Le roi incarne le dieu Assur et s’appuie sur les nobles et les gouverneurs des provinces. L’armée comprend des unités permanentes et des paysans mobilisés. Aux troupes des rois vaincus incorporées en partie s’ajoutent des étrangers : Araméens, Chaldéens, Samaritains. Les effectifs officiels s’élèvent en 845 à 120 000 hommes, en fait plutôt 86 000, dont 75 000 gens de pied, 5000 cavaliers et 6000 pour les chars. Les armes sont en bronze et en fer. L’infanterie compte des lanciers, des archers et des frondeurs. La cavalerie, corps d’élite, accompagne les chars de combat. L’auteur ne parle pas des sapeurs du génie. La flotte phénicienne sert pour les opérations navales.
Les déportations massives de populations, attestées aussi en égypte, chez les Hittites et dans l’Urartu, atteignent 593 958 personnes sous Teglath-Phalasar III[4]. La mortalité est élevée parmi ces victimes du travail forcé (5 à 20 %). La littérature – poésie, traités de divination et d’exorcisme, médecine, mathématiques, droit, lexiques, fables, dictionnaires – est connue par la grande bibliothèque d’Assurbanipal. Les palais, ornés de statues colossales de lions et de taureaux, sont entourés de parcs paysagés, et Sennachérib invente la « vis d’Archimède » pour les travaux hydrauliques.
Après le court règne de Salmanazar V (726-722), Sargon II (721-705) maintient l’empire d’une main de fer et bâtit Khorsabad, mais périt au combat ; il aurait offensé les dieux (?). Sennachérib (704-681), souverain aux vues originales, destructeur de Babylone en 689, est assassiné par son propre fils. Assarhaddon (680-669), atteint d’une curieuse maladie, familier des devins et astrologues, rebâtit Babylone. L’égypte est conquise en 671. Le dernier grand souverain est Assurbanipal (668-631), fastueux, grand chasseur et lettré. Son nom sera transformé par Hérodote en Sardanapale. En 612, le babylonien Nabopolassar et le mède Cyaxare assiègent et détruisent Ninive. Les vainqueurs et le pharaon Néchao II démembrent l’empire. Les historiens s’interrogent sur les causes de ce désastre[5].
Cinq cartes, un tableau chronologique, des notes, une bibliographie et un index complètent cet ouvrage.
Michel LOUSTAU secrétaire général de la Commission Française d’Histoire Militaire
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Bibliographie :
ELAYI Josette, L’Empire assyrien : histoire d’une grande civilisation de l’Antiquité, Paris, Perrin, 2021, 347 p.
[1] ELAYI Josette, L’Empire assyrien : histoire d’une grande civilisation de l’Antiquité, Paris, Perrin, 2021, 347 p., p. 12
[2]Ibid., pp. 49-51
[3]Ibid., p. 87
[4]Ibid., p. 117
[5]Ibid., pp. 265-268