C’est la marine qui est à l’honneur dans cette brève. On oublie souvent le rôle que celle-ci peut jouer dans une stratégie de contre-insurrection. En toute logique, les blocus et débarquements de renforts et ravitaillements sont les premières prérogatives qui peuvent lui être attribuées. En effet, rares sont les insurrections capables de lever une flotte (on pensera surtout à celle du Liberation Tigers of Tamil Eelam, le mouvement des Tigres tamouls). Les missions de la marine loyaliste semblent donc limitées face à un ennemi essentiellement terrestre.
Pourtant, sans forcément mettre pied à terre, les marins ont aussi un rôle à jouer dans la contre-guérilla, lorsque le cadre géographique le leur permet, notamment en présence de cours d’eau. L’exemple le plus marquant est celui des Divisions navales d’assaut, surnommées Dinassaut, déployées lors de la guerre d’Indochine. En effet, le pays présente deux deltas importants au nord (Fleuve Rouge) et au sud (Mékong), ainsi que de nombreux fleuves et rivières. Les cours d’eau sont alors de véritables voies de communication, d’autant que le réseau routier est grandement déficient par endroits. Les îlots sont donc importants et peuvent constituer de véritables sanctuaires pour des insurgés se fondant aisément dans la population.

L’idée de contrôler ces voies n’est cependant pas nouvelle puisque l’armée française disposait déjà de patrouilles fluviales. Mais un cap est franchi en 1946 avec la création de ces Dinassaut, de véritables dispositifs polyvalents. Les navires sont en grande majorité des chalands de débarquement modifiés, particulièrement adaptés à la navigation fluviale. Ils transportent et appuient les troupes débarquées avec leur armement. Les chalands peuvent en effet être équipés de mortiers, de mitrailleuses et pour certains de canons, offrant ainsi un appui feu bienvenu aux opérations en profondeur. En outre, ils assurent la surveillance et ravitaillent aussi les postes isolés. Les fleuves et deltas deviennent ainsi des zones risquées pour les insurgés, obligés de s’enfoncer dans les terres.
Après la guerre d’Indochine, ce concept tomba quelque peu en désuétude avant de connaître une seconde jeunesse auprès des États-Unis d’Amérique. Lorsqu’ils intervinrent au Vietnam, ils s’inspirèrent des Dinassaut pour fonder la Mobile Riverine Force, dont certains navires, comme les Patrol boats, Riverine (PBR), entrèrent dans l’imaginaire collectif comme élément représentatif de la guerre du Vietnam. Ainsi, ce genre de bateaux est omniprésent dans la culture populaire, des films Apocalypse Now à Rambo II en passant aussi par les jeux vidéo.
En France, la vie de Pierre Guillaume, qui été officier dans un Dinassaut, a servi d’inspiration au roman Le Crabe Tambour et à son adaptation cinématographique, tous deux écrits et réalisés par Pierre Schoendoerffer.
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