Il y a environ 260 ans, au sud de Québec, sur les rives du Saint-Laurent, se jouait l’avenir de la Nouvelle-France convoitée par les Anglais.
La Guerre de Conquête, ou French and Indian War, qui avait éclaté en 1754 en Amérique et avait déclenché deux ans plus tard la Guerre de Sept Ans en Europe, avait pour enjeu territorial la suprématie sur l’Amérique du Nord. Les Français et Anglais y régnaient en maîtres. Les premiers s’étaient installés de l’Acadie, jusqu’aux lacs Erié et Huron, suivant le cours du Saint-Laurent. Les seconds avaient établi leurs Treize Colonies sur la côte Est américaine jusqu’en Virginie. Au début de l’automne 1759, la percée britannique sur les terres de la Nouvelle-France est telle qu’ils atteignent enfin Québec.
La bataille des Plaines d’Abraham est en fait l’aboutissement du siège de Québec qui avait commencé le 27 juin lorsque James Wolfe et ses hommes avaient débarqué sur l’île d’Orléans. Le Marquis de Montcalm, qui commande les troupes situées à Québec, est cependant serein puisqu’il a à sa disposition davantage de moyens humains que son adversaire. Le contingent français est composé de 15 000 hommes alors que le britannique ne dispose que de 9 000 hommes. La bataille des Plaines est l’aboutissement de plusieurs offensives. À partir du 12 juillet, se succèdent d’intenses bombardements de la ville qui la détruisent complètement. Georges Townshend, officier de la couronne d’Angleterre, souligne la violence du siège et dit à ce propos : « Je n’ai jamais servi sous une campagne aussi vilaine. Nous avons réduit nos opérations à des scènes de cruauté et de dévastation. C’est la guerre dans ses pires aspects »[1].

Le 31 juillet, les Red Coats lancent un assaut près des chutes de Montmorency, mais sont immédiatement repoussés par les troupes de Lévis. Les Britanniques y laissent 210 morts et tout autant de blessés. Les jours passent, la ville de Québec détruite tient toujours bon. Sans doute inquiété par l’automne et les conditions climatiques qui lui sont associées au Canada, Wolfe accélère son entreprise et décide de mener le combat début septembre.
À deux heures du matin, les soldats anglais débarquent à l’Anse du Foulon. La garnison française présente est tout de suite éliminée par le lieutenant Howe. Le jeune officier tenait ici la vengeance de son frère, tué à Carillon. Au petit matin, quatre mille hommes sont rangés en ordre de bataille sur la plaine d’Abraham.
Au même moment Montcalm fait patienter ses ennemis car il doit attendre les renforts apportés par Vaudreuil et Bougainville. À dix heures, trop impatient d’attaquer, Montcalm lance l’assaut avec ses soldats aussi nombreux que les troupes anglaises. Dire qu’il dura plusieurs heures serait flatter les soldats Français. Alors qu’ils avaient enfin une occasion de combattre « à l’européenne », en ordre rangé dans une plaine, sans histoire d’embuscades et de guerre « à l’indienne », les soldats français se confondent dans une désorganisation des plus surprenantes. Difficilement explicable, leur indiscipline et leur confusion contrastent avec le bloc anglais.
La situation tourne court et se résume à un grand bain de sang où, fait rarissime, les deux généraux sont blessés mortellement presque au même moment. Wolfe meurt immédiatement tandis que son homologue français décède le lendemain. Les pertes sont sensiblement égales puisque les français dénombrent 644 morts et les anglais 658. Le nouveau commandant, insatisfait de la tournure qu’a pris la bataille, est prêt le soir même à reprendre les armes. Ses généraux souhaitent au contraire effectuer une retraite stratégique sur la rivière Jacques Cartier où le chevalier de Lévis les attend.

La ville de Québec, abandonnée à Ramesay, signe la capitulation avec Townshend le 18 septembre 1759. Cette bataille, aussi brève que destructrice, acte le passage de la Nouvelle-France des mains françaises à celles anglaises. En effet, il n’y a dès lors plus grand espoir de pouvoir sauver les colonies françaises en Amérique du Nord. Les Plaines d’Abraham sont une énième victoire pour George II et ses généraux. Cela conforte par ailleurs l’écrivain Sir Horace Walpole dans les propos qu’il avait tenus cette même année : « Our bells are worn out threadbare with ringing for victories » [Nos cloches sont usées de tant sonner pour les victoires].
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Bibliographie :
DZIEMBOWSKI Edmond, La guerre de Sept Ans : 1756-1763, Paris, Perrin, 2015, 672 p.
[1] DZIEMBOWSKI Edmond, La guerre de Sept Ans : 1756-1763, Paris, Perrin, 2015, 672 p.
Une réflexion sur “13 septembre 1759 : la bataille des Plaines d’Abraham ou le glas de la Nouvelle-France”