CROUY-CHANEL Emmanuel, Le Canon : Moyen-Âge, Renaissance

Le Canon : Moyen-Âge, Renaissance – Emmanuel de Crouy-Chanel

Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, Alain J. ROUX.

Ce pavé de 2,1 kg, d’un format imposant, abondamment illustré, est remarquable par de très nombreux points, néanmoins il amène quelques critiques. Disons en préalable qu’il traite un sujet qui aide à comprendre les périodes indiquées dans le titre : XIVet XVe siècles et première moitié du XVIe car ce dernier est évoqué d’ordinaire par des images souvent répétées, mais non par une étude approfondie comme ici.

L’auteur, à l’étonnement du lecteur, est un professeur de droit public, qui a publié une thèse d’histoire technique, sans doute par goût personnel. J’en ai eu connaissance par une fiche distribuée au modeste Salon du Livre d’Histoire militaire tenu au Musée de l’Armée en octobre 2020, dans l’ancienne Salle Turenne, et plus tard par l’article de tête de la Revue Guerres et Histoire d’avril 2021, où l’auteur s’exprime en deux pages : disons dès maintenant que l’avant-dernière phrase de cet article donne une idée fausse de la grande mutation de l’artillerie à la fin du XIXe siècle : Le changement d’ère dans l’histoire de l’artillerie correspond à la neutralisation de l’effet du recul : canon français de 75, modèle 97.

Maintenant abordons ce livre qui est une véritable mine d’or. Les chapitres permettent de suivre l’évolution de l’artillerie. Précisons d’abord pour le lecteur non spécialiste que l’artillerie est l’art d’envoyer un projectile vulnérant, à l’aide d’un lanceur adapté, sur un but défini, identifié et repéré, et que l’appareil utilisé, dans son ensemble, ne peut être manipulé par un homme seul. Dans l’ouvrage dont nous parlons, l’auteur se cantonne à l’artillerie dont le propulseur est la poudre noire, ce qui est déjà un vaste sujet.

L’ouvrage est décomposé en chapitres organisés d’abord chronologiquement puis par domaine d’utilisation :

– Les canons du Moyen-Âge, de 1325 à 1425, ou plutôt les lanceurs et les projectiles très variés qu’illustre la recherche d’engins utilisables, fabriqués à partir des techniques métallurgiques de l’époque. La gamme des lanceurs témoigne de l’imagination des premiers spécialistes ; ainsi le chargement par une culasse mobile, en particulier avec les veuglaires, la variété des projectiles, les boulets encore en pierre donc avec la même dureté que les murs des fortifications, sont abondamment illustrés.


– Les canons de la fin du Moyen-Âge, de 1425 à 1465, voient se développer les boulets en fonte de fer. On peut regretter que l’auteur n’insiste pas sur ce changement révolutionnaire qui entraîne celui des fortifications, et fait entrer à partir de 1455 l’artillerie dans une nouvelle ère.


– Les canons du début de la Renaissance, de 1465 à 1510, où les canons modernes sont mis au point. Puis les canons de la Renaissance, de 1510 à 1560, avec la recherche de standardisation de ces canons modernes.


– Suivent les usages militaires du canon, avec la guerre de siège, l’artillerie de campagne et l’artillerie embarquée.
S’il bénéficie d’une bonne vue le lecteur se délectera des très nombreuses illustrations, reproductions d’images des époques étudiées, mais une loupe sera le plus souvent indispensable car les légendes comme les encarts sont difficilement lisibles. De très nombreux tableaux de données montrent le sérieux des recherches, hélas le lecteur de base a une tendance à les regarder rapidement.
 
L’auteur reproduit en permanence des textes d’époque et très souvent dans les langages originaux. De plus il cite des noms de combat ou de siège qui nécessitent une certaine connaissance de l’histoire des périodes étudiées. En revanche il augmente la connaissance de celles-ci. Les notes et la bibliographie forment également une masse imposante que l’on ne peut qu’admirer. En face de ces nombreuses citations, Emmanuel de Croisy-Chanel reste prudent et n’hésite à recommander cette prudence au lecteur.
 
Enfin, la lecture attentive montre que le « canon » du titre est un aboutissement de deux histoires, celle de l’artillerie classique et de la naissance du canon, et celle des armes à feu véritablement portatives. Nous recommandons la lecture de la conclusion avant d’entamer celle des chapitres évoqués plus haut. Mais ensuite une deuxième lecture en prenant des notes et en composant soi-même des tableaux récapitulatifs et un glossaire plus complet, celui donné étant assez maigre, augmentera la valeur instructive de ce travail.
En résumé, cette étude est une somme qui apporte beaucoup au lecteur averti, et même au lecteur spécialisé, et lui fera découvrir des pans entiers de l’histoire de l’armement.

Notre conclusion est que ce livre est de l’or dont il faut rassembler les pépites.

Alain J. ROUX, membre de la Commission Française d’Histoire Militaire

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Bibliographie

CROUY-CHANEL Emmanuel, Le Canon : Moyen-Âge, Renaissance, Presses universitaire François-Rabelais, 2020, 491p.

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