Wen (文) et Wu (武). Deux petits mots en apparence anodins qui se révèlent indispensables pour tout historien du fait guerrier ou passionné d’histoire militaire. En effet, ils traduisent deux concepts sur lesquels s’est bâtie, en partie, l’œuvre de Sun Tzu. Examinons ensemble leur signification et leur importance.
La philosophie et la culture chinoises pensent la société comme une alternance de deux états naturels : Wen, le culturel, et Wu, le martial. Tandis que le premier représente un état idéal de paix et d’harmonie à maintenir, le second serait une déviance inévitable, un bouleversement de l’ordre normal des choses. La guerre – manifestation à l’échelle étatique des conflits selon Sun Tzu – est alors considérée comme un phénomène limité dans le temps que chacun doit endurer pour que le monde puisse retrouver son harmonie et sa prospérité. Une période Wu succède à une période Wen et ainsi de suite.
Cette compréhension du monde semble avoir eu une influence majeure sur L’Art de la guerre et pourrait expliquer l’insistance de Sun Tzu sur la nécessité de mener des campagnes militaires courtes et brèves. Son œuvre témoigne, par conséquent, d’une époque et d’une philosophie : tout en étant une forme de transgression de la norme, la guerre doit néanmoins être affrontée sans détour et être solutionnée de manière pratique.
Sun Tzu n’est pas le seul à s’emparer de ces deux notions. Confucius démontre également leur importance conceptuelle dans ses écrits : à travers la musique de cour, il célèbre la valeur supérieure du civil sur le militaire. Pour lui, la forme de musique la plus noble est le Chao jouée à la cour du mythique empereur Chun, connu pour un règne de paix et d’harmonie.
En revanche, il n’accorde pas la même valeur à la musique Wu, jouée sous le règne du premier roi de la dynastie Tcheou, rendu célèbre pour ses conquêtes ou sa pratique de la puissance militaire. Dans les Analectes (3, 25), il écrit que « le Chao est à la fois parfaitement beau et parfaitement bon. Le Wu est parfaitement beau, mais il n’est pas parfaitement bon ». Confucius distingue alors la musique qui chante le culturel, belle, bonne, noble et vertueuse ; et celle qui glorifie le martial, également belle, mais dépourvue de vertu. Toutes deux sont parfaites, mais l’essence de leur perfection n’est pas identique.
Le Wen et le Wu sont ainsi deux états naturels qui imprègnent la philosophie chinoise : le « martial » succède cycliquement au « culturel ». Mais leurs valeurs et leurs vertus diffèrent : l’un est un état de culture parfaite tandis que l’autre est une distorsion de l’harmonie naturelle, à travers laquelle s’exprime parfois un idéal militaire.
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