Retour de la Guerre – François HEISBOURG

Cette recension a préalablement été publiée dans la lettre n°14 BIS de la Commission Française d’Histoire Militaire en avril 2022. Nous partageons ce texte avec leur autorisation et celle de l’auteur, Michel LOUSTAU.

La pandémie (4,5 millions de morts officiellement, mais 9 à 13 pour l’OMS, et 16 millions selon certains) accélère les mutations en cours. L’ « argent-hélicoptère » distribué par les États au moyen de la planche à billets a permis d’éviter un collapsus économique mondial, mais les « connectés » et les riches – le 1 % du 1 % – se sont enrichis, ce qui peut engendrer des rancœurs explosives[1]. Le retour des États accompagne la démondialisation et le découplage (ne plus dépendre de la Chine, ainsi pour les masques). La fermeture des frontières est redevenue une réalité.

Deux pays dominent la scène, l’empire du Milieu et l’Empire de la mer. à la démocratie pour l’aire indopacifique s’opposent la « pensée Xi Jinping » et les nouvelles routes de la soie. La fin de la règle « une Chine, deux systèmes » depuis 2019 accroît les risques de guerre, surtout à Taïwan (Formose). Et la guerre « se démocratise tout en se banalisant »[2], avec la guérilla, les conflits asymétriques et la cyberguerre – attaques de virus et de rançongiciels – où les risques de dérapage sont très élevés. L’espace est de plus en plus militarisé, et si seuls neuf états disposent de l’arme nucléaire, les armes hypersoniques volant à plus de Mach 5 sont opérationnelles en Russie, en Chine et aux états-Unis. La France expérimente le V-MAX.
Bien des missiles à longue portée peuvent être dotés d’ogives nucléaires ou classiques, ainsi la DF-26 chinoise (portée 5 000 km, précision 100 m). Quant aux « armées-bonsaï » occidentales – 114 000 militaires d’active français aujourd’hui, à comparer au million, pour les trois armées, en 1962 –, leur temps est révolu, et la division redevient l’unité de combat standard (le plan Armées 2000 de J. Chirac prévoyait 17 brigades, réduites ensuite à une douzaine).

Le « piège de Thucydide » dont on a beaucoup parlé ne rendrait pas compte des deux Guerres mondiales, et le vide stratégique consécutif au krach de 1929 – Londres, Paris et Washington renonçant à organiser l’espace mondial – aurait été comblé par le Reich hitlérien. L’ONU, quoique critiquable, demeure utile pour contraindre les états à respecter le droit international, en apparence du moins[3] et les problèmes du climat peuvent s’avérer belligènes (guerres de l’eau). Premier pôle d’échanges de biens et de personnes, l’Europe paie un lourd tribut à la pandémie. Selon l’auteur, le Brexit l’a affaiblie et elle peine à relever les défis géopolitiques : flux migratoires, tensions en Méditerranée Orientale. Elle est « herbivore dans un monde de carnassiers »[4].

Michel LOUSTAU secrétaire général de la Commission Française d’Histoire Militaire


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Bibliographie :

HEISBOURG François, Retour de la guerre, Paris, Odile Jacob, 2021, 211 p.


[1] HEISBOURG François, Retour de la guerre, Paris, Odile Jacob, 2021, 211 p., pp. 33-38

[2] Ibid., p. 101

[3] Ibid., p. 139

[4] Ibid., p. 171

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