Salon Culturel et du Livre d’Histoire Militaire

Quand l’Histoire militaire est à l’honneur : le Salon Culturel et du Livre d’Histoire Militaire

C’est en grandes pompes qu’ont été accueillis plusieurs chefs d’état lors des dernières commémorations liées aux deux conflits mondiaux. Derrière le faste de l’apparat et exception faite des attentats récents – et des Opérations intérieures (OPINT) liées-, on pourrait penser à tort que ces deux guerres ont été les dernières déflagrations conventionnelles à avoir ensanglanté le continent européen. Ce sont d’ailleurs ces grands sujets – auprès desquels on trouve aussi l’épopée napoléonienne ou la guerre de Cent ans – que nous retrouvons le plus souvent exposé ou mis en scène dans l’espace public.

L’Histoire militaire est d’ailleurs souvent réduite à cette histoire factuelle des grandes heures, ces sujets fétiches – véritables poule aux œufs d’or – capables d’attirer mais aussi de parler au plus large public. Ce serait occulter d’autres pans de l’Histoire encore plus récente, qu’on pourrait faussement classer dans les sujets d’actualité, mais qui n’en demeurent pas moins, malgré leur proximité, des sujets d’Histoire militaire profonds. Les conflits qui ont accompagné la disparition de la Yougoslavie en font partis. Ils ont rappelé à l’Europe que la fin de la Guerre Froide ne signifiait pas pour autant la fin de l’Histoire. De nombreux civils et militaires y ont perdu la vie, d’autres ont survécu mais en sont sortis transformés à jamais.

Ces guerres ont aussi été le baptême du feu d’une nouvelle génération de militaires, qui, au sortir de la période de confrontation bipolaire Est-Ouest, ont (re)découvert les missions dans le cadre d’institutions supranationales. Ces opérations ont aussi pour particularités de se dérouler à distance de la métropole et d’être menées par des soldats volontaires, l’armée de conscription s’étant progressivement transformée en armée de profession au sortir des conflits de décolonisation.  Des solidarités se sont ainsi créées de même qu’un sentiment d’appartenance : avoir fait ces opérations extérieures, si particulières, fait quasi office d’épreuve initiatique à cette nouvelle configuration militaire.

Cougar de l'armée espagnole avec des légionnaires du 2e Régiment étranger d'infanterie en Afghanistan en 2005, (Davric, Wikimedia Commons). La Force Internationale d'Assistance à la Sécurité (FIAS ou ISAF en anglais) opère en Afghanistan sous la tutelle de l'OTAN. Cette image souligne bien la coopération entre armée de différents pays agissant sous l'égide d'une instance supranationale.
 Cougar de l’armée espagnole avec des légionnaires du 2e Régiment étranger d’infanterie en Afghanistan en 2005, (Davric, Wikimedia Commons). La Force Internationale d’Assistance à la Sécurité (FIAS ou ISAF en anglais) opère en Afghanistan sous la tutelle de l’OTAN. Cette image souligne bien la coopération entre armée de différents pays agissant sous l’égide d’une instance supranationale.

Ce renforcement des liens entre acteurs de premier ou second plans est présent dans tous les conflits. Ceux de l’ex-Yougoslavie ont pour particularité d’éclater à un moment charnière de l’Histoire, après les deux conflits mondiaux et la fin de la Guerre Froide mais avant le XXIe siècle, période de la diffusion large et de la démocratisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (N.T.I.C.). Il est désormais plus facile d’échanger et de transmettre, mais aussi de se souvenir, à l’aune d’une expérience partagée : le devoir de mémoire en est facilité. C’est ce postulat que l’on pourrait presque avancer comme étant la genèse du Salon Culturel et du Livre d’Histoire Militaire à Bonningues-lès-Calais. Car près de l’endroit où se tiendra celui-ci, se situe aussi la réponse à un besoin né de ces expériences militaires de la fin du XXe siècle.


Le mémorial de L’OTAN

Le salon prendra lieu en effet à proximité du mémorial de l’Otan, à Frethun (62185), dont la fonction est de rendre hommage à l’ensemble des combattants partis en Opex dans le cadre de cette alliance. Deux manifestations, l’une inter-religieuse, l’autre militaire sont ainsi organisées chaque année dans ce but. Son fondateur, Willy Breton, maréchal des logis chef de la gendarmerie ayant effectué trois de ces opérations – en Bosnie, au Kosovo et en Afghanistan – ainsi qu’une OPINT – en Nouvelle-Calédonie en 1988 -, déplorait le manque de reconnaissance attribué au sacrifice de ces hommes et femmes.

À son retour d’Afghanistan en 2010 et pour rendre hommage à deux frères d’armes tombés lorsque leur véhicule à été détruit par un Engin Explosif Improvisé (E.E.I.), Willy breton s’est consacré en 2012 à l’élaboration d’une association – la Fédération du Mémorial de l’Otan (FMO), forte de 36 000 adhérents / sympathisants d’une quinzaine de nationalités – et d’un mémorial, remplissant la fonction de lieu commémoratif, de reconnaissance mais aussi de passeur de mémoire. L’un de ses objectifs concerne notamment de pourvoir les valeurs et le souvenir de tels engagements auprès des plus jeunes, qui peuvent notamment bénéficier d’un programme sportif qui leur est spécifiquement dédié.

Levé sur les fonds propres de Willy Breton, le mémorial de l’Otan fait donc parti de ces initiatives liées à la modification de la configuration de l’activité militaire enclenchée au siècle dernier. Son emplacement dans les Hauts-de-France n’a pas non plus été choisi par hasard : de par son ouverture sur la Manche et sa frontière commune avec le Benelux, la région fait office de véritable carrefour européen, marqué durablement par l’Histoire à maintes reprises. 

Dans ce cadre-là, Willy Breton s’est progressivement attelé à l’élaboration d’un « Memorial Day », afin d’attribuer plus de possibilités aux buts poursuivis par le Mémorial. Au cours d’une des réunions du conseil d’administration de la Fédération du Mémorial de l’Otan, l’idée d’une manifestation culturelle ayant trait à l’Histoire militaire a été avancée par Jean-Pierre Pakula, membre dudit conseil de la F.M.O. mais aussi président de l’Association Nationale des participants aux Opérations Extérieures (ANOPEX).

Mémorial de l'Otan fleuri lors de la cérémonie annuelle, (FMO)
Mémorial de l’Otan fleuri lors de la cérémonie annuelle, (FMO)

L’ANOPEX

Cette association fondée en 2011 répond elle aussi aux nouveautés induites par la modification de la configuration militaire précédemment évoquée. Une nouvelle génération a connu le feu et noué une certaine solidarité associée aux opérations effectuées. Mais cette solidarité limite leur reconnaissance aux strictes cercles militaires et d’initiés. L’association poursuit donc deux buts, parfaitement résumés par Jean-Pierre Pakula lors de nos échanges : 

« Les deux principaux objectifs de l’ANOPEX sont de :

  1. Fédérer la génération OPEX-OPINT pour devenir un interlocuteur écouté des pouvoirs publics et des acteurs reconnus dans la société civile,
  2. Défendre les intérêts moraux et matériels des OPEX-OPINT et ayants-droit fondés sur le droit à réparation et le respect de l’équité »

Avec des champs d’action impliquant autant d’interlocuteurs et d’intéressés, il est tout à fait normal de constater la présence de l’ANOPEX dans la Fédération Nationale André Maginot (FNAM) – qui œuvre dans le devoir de mémoire et l’entraide envers les anciens combattants et leurs proches – et la voir entretenir des liens forts avec l’Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBFT) Les Gueules cassées – association et fondation aidant moralement et matériellement les blessés militaires ou policiers et même les victimes civiles d’attentats -.

Jean-Pierre Pakula est donc une autre figure emblématique de l’organisation du Salon Culturel et du Livre d’Histoire Militaire. Ancien militaire de carrière, il a participé à deux OPEX : l’une en Bosnie-Herzégovine entre 1993-1994, l’autre au Kosovo de 2002 à 2003. Il est aussi président de l’association ANOPEX depuis désormais plus de deux ans, tout en étant membre du conseil d’administration de la FMO. C’est lui qui a proposé cette initiative culturelle dédiée à l’Histoire militaire.


Le Salon Culturel et du Livre d’Histoire Militaire

Les 14 et 15 septembre se tiendra donc le Salon Culturel et du Livre d’Histoire Militaire, coorganisé par l’ANOPEX, la FMO, mais aussi  la mairie de Bonningues-lès-Calais et le comité de jumelage Franco-allemand de cette commune – avec la municipalité de Krummesse – présidé par Jacques Merlen. Sa devise, “l’Histoire militaire autrement” est empruntée aux éditions Pierre de Taillac. A elle seule, cette phrase résume parfaitement le but d’une telle manifestation. Loin de la grande Histoire factuelle des conflits et opérations, il s’agit aussi de souligner des détails plus précis, de raconter des histoires dans l’Histoire, le quotidien d’individus soumis au temps et aux événements. Le vécu immédiat et personnel prend l’ascendant sur la narration impersonnelle et globale.

Comme le précisent Willy Breton et Jean-Pierre Pakula, le devoir de mémoire passe aussi par un tel vecteur : les gens racontent leurs expériences, et ainsi, les partagent. Mais l’Histoire militaire ne se limite pas au vécu individuel. Sans devoir forcément atteindre le niveau d’une armée, il est aussi possible d’aborder un groupe générique, mais restreint, comme une unité ou un type précis de combattants. Il ne sera pas question de faire une histoire événementielle, mais plutôt de porter un regard presque anthropologique sur la trajectoire de tels sujets, les raisons de leurs engagements, leurs articulations ou encore leur composition. Autant de domaines qui ne se réfèrent pas uniquement à l’Histoire, mais piochent aussi dans d’autres branches, faisant de ces études, de véritables carrefours pluridisciplinaires. 

Plusieurs auteurs seront donc présents les 14 et 15 septembre, pour présenter leurs ouvrages, empruntant aux différents genres évoqués au paragraphe précédent. Citons entre autres : Philippe Zitka, auteur de bandes dessinées militaires comme Commando Kieffer ou Les Lions de Maczek sur la 1ère D.B. polonaise ; Jean François Mercier, ancien gendarme d’élite, avec son ouvrage Cher Yemen je m’en vais, véritable hommage à ce pays meurtri par la guerre ; l’écrivaine Martine Gay qui retrace dans  Femmes dans un Ciel de Guerre, les trajectoires de femmes pilotes lors de la Seconde Guerre mondiale ; ou encore l’étude de Catherine Costanza intitulée Les oubliés de Nolette, sur les ouvriers d’origine chinoise employés en France lors de la Première Guerre mondiale…

Vous pourrez trouver des résumés de certains de ces ouvrages sur notre page Facebook dans le cadre de chroniques spécifiques.

Mais le salon du livre étant complété d’un salon culturel (organisé par Jacques Merlen, président du comité de jumelage franco-allemand de la ville), vous pourrez aussi rencontrer d’autres personnes et associations, œuvrant dans le domaine de la transmission des savoirs ou le devoir de mémoire. Plusieurs membres de la Revue d’Histoire Militaire seront s’ailleurs présents afin d’évoquer trois sujets précis (L’état de l’Histoire militaire aujourd’hui ; l’historiographie de la guerre du Pacifique et un cas de contre-insurrection au Moyen-Orient)  au cours  d’interventions orales.

Enfin, il serait réducteur de ne penser qu’à ces deux salons. Ces manifestations font  en effet parties intégrantes d’une initiative plus large : un « Memorial Day« . D’autres animations auront donc lieu. Outre les deux cérémonies inter-religieuses et militaires habituelles, se tiendront aussi « un tournoi de football avec le soutien du RC LENS, une randonnée cycliste, une randonnée VTT, une marche, un concert et deux commémorations pour le 75e anniversaire de la libération. D’autres événements sont [aussi] en attentes de confirmation » comme le précisait d’ailleurs Willy Breton lors de nos échanges. Ainsi, d’autres communes et partenaires participent à l’ensemble de ces manifestations, offrant un programme varié.


La Revue d’Histoire Militaire, dans son objectif permanent d’œuvrer au devoir de mémoire et à la transmission des savoirs relatifs à l’Histoire militaire est fière de pouvoir participer à cette seconde édition du Salon Culturel et du Livre d’Histoire Militaire. Ces types de projets d’intérêts – qu’importe leur taille – s’avèrent encore bien rares et les mettre en avant est donc l’une de nos priorités. On ne peut que saluer pareille démarche et espérer qu’elle rencontre le succès qu’elle mérite.

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