Introduction contextuelle : la Judée et Rome
Les relations entre Rome et la Judée sont anciennes et les premiers contacts peuvent être datés de l’époque hellénistique grecque (323-31 av. n. è.). En effet, le territoire de la Judée avait été conquis par Alexandre le Grand, puis transmis à un de ses héritiers, après de longues batailles (320-301 av. n. è.) : le roi lagide Ptolémée Ier Sôter.

La Judée resta égyptienne jusqu’en 198 av. n. è., année durant laquelle le souverain séleucide Antiochos III enleva le territoire au roi Ptolémée V. Antiochos III mena une politique conciliante avec les Juifs, qui parvinrent à s’affranchir du pouvoir séleucide en 164 av. n. è. Jérusalem ne connut aucune occupation étrangère jusqu’en 63 av. n. è. Cette année-là, les dirigeants de Jérusalem firent appel à Rome pour arbitrer un conflit et ce fut Cnaeus Pompée qui débarqua, plaçant rapidement la ville sous protectorat romain. La Judée était désormais une province romaine.
Néanmoins, les dissensions perdurent et en 37 av. n. è., Hérode le Grand[1] récupéra le titre de roi de Jérusalem. Sous son règne, la ville prospéra. Le christianisme apparut entre les murs de la ville avec la mort, en 33, de Jésus de Nazareth. Ce fut en 66 qu’éclata la première révolte des Juifs contre le pouvoir impérial romain, sous le règne de Néron. L’empereur envoya le légat Flavius Vespasien combattre les révoltés, sans succès immédiat[2].
L’acte déclencheur de cette révolte fut la mauvaise gestion du procurateur Florus[3]. Décidés à chasser les Romains de la province, les insurgés juifs s’emparèrent de la citadelle de Massada et massacrèrent les citoyens romains installés à Jérusalem[4].

Les escarmouches et la répression romaine furent violentes. Lors de la reconquête de la Galilée, près de 2 000 Juifs ont été égorgés, tandis que des soldats romains étaient piégés dans des embuscades. L’arrivée de Vespasien fut salutaire et permit de faire pencher la balance en faveur de Rome[5]. Les grandes cités reprises, une garnison fut installée à Jérusalem. Les insurgés continuaient à se battre mais, en 69, toute la Judée était revenue dans le giron romain[6].
Jérusalem assiégée et la destruction du Temple
Lorsque Vespasien (r. 69-79) arriva sur le trône impérial, les conflits en Judée étaient toujours en cours. La tactique des Juifs s’était modifiée, passant de « la guérilla à une guerre de sièges »[7]. Vespasien envoya son fils aîné, Titus, soumettre les insurgés. Ce dernier partit avec plusieurs légions[8], aidés par des auxiliaires et de nombreux alliés (les socii). Titus entreprit alors de faire le siège de Jérusalem.
La ville était entourée de trois murailles. Elle comptait également deux monuments qui pouvaient servir de places fortes : le Temple[9] et l’Antonia[10].

Le premier rempart fut traversé rapidement par les troupes romaines. Le deuxième fut plus difficile à avoir, les Romains le perdant avant de le reprendre. Enfin, ce fut le dernier qui posa le plus de complications. Les Romains durent faire appel à de grands travaux de poliorcétique. Le temps que les travaux fussent accomplis, un quatrième mur avait été érigé, mais il ne résista pas plus d’une nuit[11]. En date du 24 juillet 70, le Temple tombait aux mains des Romains, puis ce fut le tour de l’Antonia. Fatigués et désabusés, les soldats romains massacrèrent sans retenue les insurgés et civils présents dans la cité :
« Les soldats étaient déjà fatigués de tuer qu’une foule de survivants se montrait encore : César [Titus] ordonna donc d’abattre uniquement les gens en armes et qui continuaient à résister et de faire prisonniers le reste. Les soldats, outre ceux qu’ils avaient l’ordre de tuer, abattaient également les vieillards et les faibles ; les hommes dans la fleur de l’âge et bons pour le service, ils les poussèrent dans le Temple et les enfermèrent dans la cour des femmes. »[12]
Victorieux, Titus fit détruire la ville et plus particulièrement le Temple de Jérusalem, dont il ne reste aujourd’hui que le mur des Lamentations[13]. Le futur empereur laissa le soin à ses légats de terminer le processus de répression. Les Juifs restés à Jérusalem furent considérés, du point du droit romain, comme déditices[14]. Massada, quant à elle, représentait le dernier bastion de résistance, mais tous ses occupants se suicidèrent quatre ans plus tard, clôturant le chapitre de cette première révolte juive[15].

Si vous avez aimé cet article, nous vous conseillons également :
Bibliographie
AMELING Walter, « Herod the Great », dans Brill’s new Pauly: Encyclopaedia of the Ancient World, vol. 6, Brill, Boston / Leiden, 2005, XVI p. & 1232 col., col. 254-256
BRIAND-PONSART Claude et HURLET Frédéric, L’empire romain d’Auguste à Domitien, Paris, Armand Colin, 2019, 287 p.
Flavius Josèphe, La guerre des Juifs, Paris, Les éditions de Minuit, 1977, 602 p., texte édité et traduit par SAVINEL Pierre
Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, Paris, Les Belles Lettres, 1982, 269 p., texte édité et traduit par PELLETIER André
HUMBERT Jean-Baptiste et MARAVAL Pierre, « Jérusalem », dans LECLANT Jean (dir.), Dictionnaire de l’Antiquité, Paris, Presses Universitaires de France, 2015, 2389 p., pp. 1176-1179
LE BOHEC Yann, Histoire des guerres romaines (milieu du VIIIe siècle av. J.-C.-410 ap. J.-C.), Paris, Tallandier, 2021, 828 p.
RIVIÈRE Yann, Chronologie de la Rome antique, Paris, Points, 2009, 264 p.
[1] Fils d’Antipater et de Cyprus, Hérode était, dès 47 av. n. è., stratège (magistrature militaire grecque) en Galilée. En 43 av. n. è., il apporta son appui à l’un des assassins de César tandis que, deux ans plus tard, il soutint Marc-Antoine à la bataille de Philippes. En dépit des nombreux changements politiques de la fin de la période républicaine romaine, Hérode parvint toujours à sortir son épingle du jeu. Voir AMELING Walter, « Herod the Great », dans Brill’s new Pauly: Encyclopaedia of the Ancient World, vol. 6, Brill, Boston / Leiden, 2005, XVI p. & 1232 col., col. 254-256
[2] RIVIÈRE Yann, Chronologie de la Rome antique, Paris, Points, 2009, 264 p., p. 144
[3] Il s’agit de Gessius Florus, dernier procurateur de Judée qui avait été mis en place par l’empereur Néron en 64.
[4] LE BOHEC Yann, Histoire des guerres romaines (milieu du VIIIe siècle av. J.-C.-410 ap. J.-C.), Paris, Tallandier, 2021, 828 p., p. 539
[5] Ibid., p. 540
[6] Ibid., pp. 540-541
[7] Ibid., p. 555
[8] La Ve Macédonique, la Xe Fretensis, la XIIe Fulminata et la XVe Apollinaris.
[9] Il s’agit, à cette époque, du modèle du deuxième Temple, construit en 515 av. n. è. Le roi Hérode en fit une reconstruction et une extension au Ier siècle av. n. è. afin d’accueillir les nombreux pèlerins juifs.
[10] Il s’agit d’une tour ou d’une forteresse attribuée à Hérode. Voir Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, V, 238, Paris, Les Belles Lettres, 1982, 269 p., texte édité et traduit par PELLETIER André
[11] LE BOHEC Yann, op. cit., p. 556
[12] Flavius Josèphe, La guerre des Juifs, VI, 9, 2, Paris, Les éditions de Minuit, 1977, 602 p., p. 511, texte édité et traduit par SAVINEL Pierre : «Ἐπεὶ δ’ οἱ στρατιῶται μὲν ἔκαμνον ἤδη φονεύοντες, πολὺ δέ τι πλῆθος τῶν περιόντων ἀνεφαίνετο, κελεύει Καῖσαρ μόνους μὲν τοὺς ἐνόπλους καὶ χεῖρας ἀντίσχοντας κτείνειν, τὸ δὲ λοιπὸν πλῆθος ζωγρεῖν. Οἱ δὲ μετὰ τῶν παρηγγελμένων τό τε γηραιὸν καὶ τοὺς ἀσθενεῖς ἀνῄρουν, τὸ δ’ ἀκμάζον καὶ χρήσιμον εἰς τὸ ἱερὸν συνελάσαντες ἐγκατέκλεισαν τῷ τῶν γυναικῶν περιτειχίσματι »
[13] HUMBERT Jean-Baptiste et MARAVAL Pierre, « Jérusalem », dans LECLANT Jean (dir.), Dictionnaire de l’Antiquité, Paris, Presses Universitaires de France, 2015, 2389 p., pp. 1176-1179, p. 1178
[14] Autrement dit, comme esclaves ou prisonniers de guerre. Voir LE BOHEC Yann, op. cit., p. 556
[15] BRIAND-PONSART Claude et HURLET Frédéric, L’empire romain d’Auguste à Domitien, Paris, Armand Colin, 2019, 287 p., p. 205
