Mossoul 2014 : l'étrange défaite

Mossoul, 2014 : l’étrange défaite

Le 10 juin 2014, après quatre jours de combats, Mossoul, deuxième ville d’Irak[1] et capitale de la province de Nineveh, vient de tomber aux mains du groupe État Islamique et d’autres organisations insurgées ralliées pour l’occasion. Pourtant, un détail marque les esprits et les premiers commentateurs : le ratio des forces en présence. En effet, on estime que seulement 1 300 insurgés sont présents lors de l’assaut, faisant face à environ 60 000 Irakiens membres des forces armées et de sécurité (deux divisions d’infanterie, dont une motorisée, en plus des différentes forces de police)[2]. Pire encore, il apparaît que la population locale ait accueilli les forces insurgées en libérateurs et soit allée jusqu’au déclenchement d’émeutes facilitant leur arrivée.

L’événement remet la région, plongée dans la seconde guerre civile irakienne depuis décembre 2013[3], au centre de l’attention occidentale après le départ des troupes américaines survenu trois ans plus tôt. On comprend alors que l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL), renommé État Islamique et autoproclamé « Califat » au lendemain des événements, représente une menace nouvelle pour la sécurité globale.

Comment l’Irak en est-il arrivé à cette situation ? En clair, qu’est ce qui explique la chute de Mossoul malgré un différentiel de forces si important ? Cet article explorera deux pistes (qui ne se contredisent pas et s’alimentent même mutuellement) en parallèle. Nous aborderons d’abord les facteurs explicatifs de la faillite irakienne et les événements qui ont mené à l’explosion des tensions communautaires. Car c’est sur ces tensions que se développent des groupes armés parmi lesquels l’État Islamique parviendra à particulièrement prospérer et à se montrer le plus offensif. Enfin, la combinaison de ces deux phénomènes nous permettra de mieux saisir ce qu’il s’est passé dans les rues de Mossoul entre le 6 et le 10 juin 2014.

L’Irak entre faillite institutionnelle et durcissement politique

L’invasion américaine de 2003 : le péché originel

L’invasion américaine de l’Irak en 2003 contre le régime de Saddam Hussein est un élément déclencheur de nombreuses tensions qui secouent le pays. Un point central se cache notamment dans l’édition de la nouvelle constitution (finalisée en 2005) dans les politiques de reconstruction du pays[4]. Cette dernière contient deux réformes importantes du système politique irakien qui se montreront problématiques par la suite. La première concerne la décentralisation accrue de l’État : la plupart des provinces gagnent en autonomie, particulièrement au nord, et certaines gagnent même le statut de « région autonome », à l’image du Kurdistan. Cette réforme est le fruit d’une volonté de rendre le paysage politique irakien plus inclusif en partageant le pouvoir entre les différentes communautés (notamment les sunnites, les chiites, et le cas particulier des Kurdes). Cette volonté d’inclusion se retrouve également au niveau national où le nouveau système Muhasasa (« répartition ») accorde une place attitrée à chaque groupe ethnique selon une logique proportionnelle.

En plus de ces changements constitutionnels, les États-Unis vont implémenter des politique de dé-baathification[5] et de dissolution de l’armée irakienne[6]. Le but : purger les corps institutionnels des éléments nostalgiques de Saddam Hussein. De telles politiques sont cependant excessives et ne frappent pas uniquement les soutiens du régime, privant d’emploi de nombreux Irakiens. En effet, être membre du Parti Baas sous le précédent régime ne signifiait pas forcément que l’on était un soutien dudit régime. Avant 2003, certaines positions, notamment dans l’administration ou dans les forces armées, nécessitaient d’être membre du parti. Dans la masse de population concernée, nombreux sont les simples opportunistes qui ne s’encartent politiquement que pour trouver un emploi. En clair, « Presque tout le monde était baasiste, mais ce n’était que sur le papier »[7] et les purges initiées n’ont pas su faire la différence entre les vrais soutiens de Saddam Hussein et les membres du Parti Baas. Par ailleurs, ces lois ont particulièrement visé les populations sunnites, qui étaient auparavant le socle du régime, et ces dernières se retrouvent de fait expulsées des opportunités d’emploi.

Par ailleurs, ces politiques touchant particulièrement l’armée, de nombreuses personnes (majoritairement arabes sunnites) se retrouvent sans emploi et lâchées dans la nature avec une importante expérience combattante[8]. On retrouve là un premier terreau fertile à l’apparition de milices armées.

Un système politique ethniquement clivant

Revenons sur les modifications de la constitution mentionnées plus haut. Le système Muhasasa, s’il se voulait plus inclusif au regard des différentes communautés irakiennes, s’est révélé être un système ethnique et sectaire[9]. En effet, il prévoit que la distribution des ministères se fasse en fonction de la représentation communautaire (chaque groupe ayant donc un nombre attribué de sièges) et des résultats aux élections législatives (il y a plusieurs partis par groupe ethnique). Même si cela n’est pas prévu par la constitution, un accord tacite existe entre les groupes pour que certains ministères soient réservés à certains d’entre eux.

C’est à partir de cet état de fait que se développe une corruption systémique. En effet, chaque ministère va entrer en compétition pour acquérir des fonds et mener une politique qui sera favorable à son propre groupe ethnique afin d’être réélu par ce dernier. Par extension, la plupart des postes importants sont distribués, non pas selon la compétence du fonctionnaire, mais de sa fidélité au parti. À partir du moment où un parti réussit à se démarquer des autres, il parvient à solidifier sa position grâce à des politiques clientélistes dirigées vers sa communauté d’origine

Le but d’un tel système de répartition était de créer un consensus entre les nouvelles forces post-Hussein, via la séparation des pouvoirs, mais cela a dégénéré en un système de quota partisan menant à l’apparition de véritables fiefs[10]. De plus, il est à noter que les populations sunnites ont particulièrement souffert de ce système[11]. Avec les politiques de dé-baathification (et plus tard les lois antiterroristes), la plupart de leurs organisations représentatives ont été purgées, amenuisant leur poids dans les institutions.

Le durcissement du gouvernement Maliki et ses politiques sectaires

L’arrivée au pouvoir de Nouri al-Maliki en tant que Premier Ministre en 2006, puis sa réélection en 2010, vont aggraver les défaillances observées. Dans les faits, ce dernier ne respecte pas les accords de répartition[12]. Il applique en son sens l’article 76 de la constitution : « Le Premier Ministre nomme les membres du Cabinet » et finit par noyauter les autres institutions censées contrebalancer son pouvoir[13].

L’Armée non plus n’échappe pas à la corruption et des officiers loyaux (ayant acheté leur place, et faisant partie du groupe des chiites) sont mis en place tandis que les anciens baasistes (majoritairement sunnites) sont expulsés. Cela s’inscrit plus généralement dans une politique « anti-coup [d’État] » et contribue à la politisation de l’armée[14]. En 2010, Maliki parvient même à s’emparer personnellement des ministères de l’Intérieur et de la Défense et dispose de l’entièreté des services de sécurité sous son contrôle direct[15].

À ces phénomènes de concentration du pouvoir sécuritaire se conjugue un autre aspect répondant à la même logique. Si l’armée se politise pour devenir fidèle à Maliki, le gouvernement entend également s’appuyer sur des milices chiites qui se rendent coupables d’exactions. Les deux acteurs collaborent d’ailleurs souvent dans certaines régions, particulièrement à Mossoul où les deux sont amalgamés[16]. Ainsi, les politiques du gouvernement s’appuyant sur des milices et la politisation accrue de l’armée dans le but d’en faire une institution fidèle ont grandement amoindri les capacités sécuritaires de l’Irak. Tantôt corrompues et inefficaces, tantôt mal accueillies par les populations[17], elles reflètent le durcissement d’un régime qui entend s’appuyer sur des groupes ethniques chiites qui lui seront fidèles.

Parallèlement, les populations sunnites continuent d’être ciblées par les politiques de dé-baathification et les lois antiterroristes[18]. Ainsi, l’arrestation du principal représentant de la population sunnite, le Vice-premier ministre Tareq al-Hashemi, en 2011 aggrave les tensions. Des manifestations éclatent pour réclamer l’égalité des droits et la fin de ces politiques, mais elles débouchent sur une très violente répression caractérisée par des exactions[19] des forces de sécurité et des milices pro-gouvernementales (à majorité chiite).

Pour beaucoup, l’arrivée de Daech[20] correspond à cet environnement sectaire créé par les politiques de Maliki[21]. Le climat de violence a favorisé l’émergence de groupes insurgés à dominances identitaires sunnites (mais pas forcément islamistes) répondant tantôt à un besoin de sécurité, tantôt à un mode d’expression dans un système politique qui leur est fermé.

Les problèmes provinciaux

En 2011, les forces américaines quittent la région et laissent l’armée irakienne seule responsable de la sécurité du pays. Dans un contexte de décentralisation, l’armée est la seule institution du gouvernement central qui a le pouvoir d’être déployé dans une province sans nécessiter l’accord du gouverneur provincial[22]. Symboliquement comme factuellement, l’armée représente le gouvernement central qui intervient dans les affaires provinciales, particulièrement lorsque les commandements militaires nomment les forces de police, une intervention qui n’est souvent pas bien perçue.

Il existe néanmoins une exception à cette règle : le Kurdistan. Les trois provinces le composant (Dohuk, Erbil et Sulaymaniyah) ont leur sécurité administrée par les Peshmerga et l’Armée n’a pas le droit de mettre un pied dans la région[23]. Cependant, des troubles apparaissent dans les quatre provinces à majorité sunnites (Anbar, Nineveh, Salaheddine et Diyala) qui sont également des territoires contestés : le Kurdistan et le gouvernement central revendiquent le monopole sécuritaire[24] tandis que les gouverneurs locaux, sunnites, ne souhaitent s’affilier à aucun des deux.

En effet, durant les années 2011-2012, l’armée irakienne étend son contrôle sur les décisions provinciales qui contestent cet empiètement sur leurs droits politiques. C’est à cette occasion que se multiplient les manifestations : la contestation de l’armée se fait aussi selon des motifs provinciaux.

Carte de l’Irak montrant les principales populations et les enjeux associées à chaque province
Carte de l’Irak montrant les principales populations et les enjeux associées à chaque province – Romain Devaux

Au vu des éléments mentionnés dans cette première partie, il apparaît que les communautés sunnites constituaient un terreau fertile à la détérioration de la situation irakienne. D’abord particulièrement visés par les politiques de dé-baathification, elles ont ensuite été particulièrement défavorisées par le nouveau système politique. Ainsi, les sunnites d’Irak manquaient cruellement d’opportunités à la fois économiques, sécuritaires et politiques. Il apparaît que ce sont ces manques, sur fond de tensions et discriminations ethniques et religieuses, qui ont favorisé l’apparition de groupes armés, devenus seule alternative possibles pour ces populations.

Ces groupes armées sunnites ont été recensés en très grand nombre, et Daech n’en est finalement qu’un parmi tant d’autres. Pourtant, c’est bien ce dernier qui va réussir à se définir comme la seule alternative et à quasi-monopoliser la contestation armée tout en imposant son propre agenda.

Daech dans le microcosme irakien

De Al-Qaida à l’État Islamique

L’épopée djihadiste de l’organisation État Islamique commence bien avant la chute de Mossoul, et même avant l’invasion de l’Irak en 2003. Le groupe trouve en effet ses origines dans un groupe islamiste jordanien : le Jama’at al-Tawhid wal-Jihdad[25] (JTJ) créé par Abu Musad al Zarqawi en 2000. Le groupe avait comme premier projet de combattre la monarchie jordanienne, mais il finit par s’implanter en Irak en 2003 après quelques allers et retours vers l’Afghanistan[26].

L’organisation lutte alors contre la présence américaine et contre le nouveau gouvernement irakien. En 2004, il jure allégeance à Al Qaïda[27] et devient Al Qaïda en Irak (AQI)[28]. Cet accord est extrêmement bénéfique pour les deux partis : d’un côté, Al Qaïda peut disposer d’une base solide en Irak pour ses futures opérations, de l’autre, Zarqawi peut profiter de la « marque » d’Al Qaïda pour recruter des volontaires et recevoir des financements. Le groupe parvient alors à se structurer davantage et se dote d’une idéologie cohérente : volonté d’éliminer les polythéistes et le panislamisme[29], le tout dans une lutte contre l’occupation occidentale et la volonté d’instaurer un Califat régnant selon les principes de la Charia.

La stratégie d’AQI se veut ultra violente afin de mobiliser les foules[30]. Les attaques visent principalement les chiites afin de provoquer une répression des milices et ainsi d’accroître les tensions[31]. Cette stratégie ne fait d’ailleurs pas consensus au sein d’Al Qaida[32]. En effet, en aggravant la situation sécuritaire, et en ciblant une grande variété d’acteurs (politiques, civils, mais aussi humanitaires), le groupe finit par s’aliéner une partie de la population sunnite qui devait pourtant être sa clientèle. Si bien que l’on voit des groupes de miliciens sunnites se former, avec pour objectif précis de lutter contre les exactions d’AQI et de l’EI : Sahwa[33].

En 2006, Zarqawi est tué par un raid américain,  laissant l’organisation aux mains d’Abu Omar al Baghdadi[34]. Ce dernier la renomme officiellement « État Islamique en Irak » (EII)[35]. Mais il doit faire face aux forces américaines et est également tué en 2010. Le groupe fait profil bas et est même considéré comme éliminé.

Une importante transformation, et une montée en puissance, de l’organisation

C’est ensuite Abu Bakr al Baghdadi qui reprend le flambeau et bénéficie de plusieurs facteurs qui vont permettre à l’EII de regagner en force[36]. Le nouveau chef de l’organisation va en effet initier  de profondes réformes idéologiques et structurelles et prospérer dans le chaos ambiant pour recruter des atouts clés tout en bénéficiant de la disparition d’Al Qaïda : en un sens, c’est un concurrent qui disparaît de la scène djiadiste internationale.

La structure de commandement se décentralise et de la latitude est laissée aux chefs locaux à condition de suivre les consignes générales, chose qui tranche avec le « micro management » d’AQI et qui permet de prendre plus facilement l’initiative sur le terrain[37].

L’organisation recrute également des anciens officiers de l’armée irakienne. En plus d’être d’origine locale, ces officiers disposent de compétences qui permettent à l’EI d’améliorer ses performances au combat. Ainsi, Daech devient le vecteur d’opportunités d’ascension sociale pour beaucoup de sunnites victimes des purges institutionnelles que nous avons mentionnées plus haut. On pense particulièrement au Conseil de Sécurité et de Renseignement constitué en majorité d’anciens officiers de l’armée d’Hussein[38]. Cette structure spécialisée permet au groupe de se doter d’une institution en charge du commandement, de contre-espionnage et du renseignement (extrêmement développé par ailleurs[39]).

La stratégie globale change également[40]. La violence n’est plus simplement un moyen d’accroître les tensions mais s’inscrit dans une tactique d’épuisement des ressources sécuritaires de l’État (Idarat al-Tawwahush ou « gestion de la sauvagerie » ). Une emphase est faite pour améliorer les positions politiques et militaires dans la région afin de mieux s’implanter (Kouta Istrategiyah ou « Plan Stratégique »).

L’aventure syrienne

L’irruption de la guerre civile syrienne en mars 2011 représente une occasion en or pour l’EEI. L’organisation saisit en effet l’opportunité de rejoindre les groupes djihadistes locaux dans leur lutte contre le régime de Damas (séculaire, et contrôlé par des alaouites). C’est à cette occasion qu’est créé Jabhat al Nusra[41], dans le courant de l’année 2012, sous le commandement d’Abu Mohammad al-Julani.

Parallèlement, la situation s’envenime en Irak avec le départ des troupes américaines et l’intensification des mesures sectaires de Maliki. En avril 2013, Al Baghdadi annonce la fusion de l’EEI et d’Al-Nusra pour former l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL)[42]. Cette décision de fusion est cependant unilatérale : Al-Julani s’y oppose fermement et demande même l’arbitrage d’Al Qaïda[43]. Cet arbitrage est cependant ignoré et, dans les faits, de nombreux combattants d’Al Nusra font défection vers l’EIIL en lui apportant une grande quantité d’équipement et une masse des hommes expérimentés pour grossir ses rangs.

Frise chronologique de l’évolution organisationnelle de Daech et de ses principaux chefs entre 2000 et 2014
Frise chronologique de l’évolution organisationnelle de Daech et de ses principaux chefs entre 2000 et 2014 – Romain Devaux

Deux tendances se conjuguent alors au cours des années 2013-2014. D’un côté, la situation irakienne s’aggrave avec la guerre civile qui gronde. De l’autre Daech s’impose petit à petit comme un acteur clé du conflit et obtient progressivement le monopole (contesté) de la protestation sunnite armée en faisant preuve d’une redoutable efficacité dans ce qu’il entreprend. Ces deux phénomènes intriqués l’un dans l’autre vont se cristalliser dans la bataille de Mossoul.

Mossoul : l’histoire d’une chute

Une alliance contre nature

Le 6 juin 2014, aux alentours de 2h30 du matin, un important convoi de pick-ups est aperçu à l’Ouest de la ville. La montée en puissance de l’EIIL l’a véritablement transformé : on ne parle plus d’une cellule terroriste dissimulée au milieu des populations, mais bien d’un groupe insurgé à grande échelle capable de contrôler un territoire et de lancer ses Katibas[44] à l’assaut de grandes villes.

Pourtant l’EI n’est pas le seul à se lancer à l’assaut de Mossoul. Nous avions en effet déjà parlé des quelques liens avec les baathistes[45]. Les deux groupes sont, en effet, unis par leur rejet du gouvernement Maliki et par leur défense des intérêts de la population sunnite. Ainsi, on retrouve le groupe de l’Armée de la Naqshbandiyya, d’obédience soufiste et baathiste, qui a pour ambition de restaurer l’Irak de Saddam Hussein. Dans les premiers jours d’affrontement, puis d’occupation, la confusion règne entre ces groupes aux idéologies pourtant radicalement opposées (l’islamisme d’un côté, le baathisme séculaire de l’autre). Les insurgés sont amalgamés et se présentent souvent comme des révolutionnaires (thowar)[46].

Ce qui n’empêchera pas, à terme, des heurts d’éclater entre ces deux groupes. L’EI est clairement majoritaire et finit rapidement par purger les éléments baathistes de ses alliés pour asseoir son contrôle sur le territoire conquis. À côté de ces deux formations se trouvent également un amalgame de groupes rebelles sunnites bien plus mineurs : Ansar al Islam (des islamistes d’avantage actifs dans le Kurdistan), l’Armée islamique d’Irak (davantage nationaliste et salafiste) ou encore les brigades de la révolution de 1920.

Cet amalgame de groupes divers sème la confusion entre les populations. Aussi, le soutien observé envers les insurgés ne saurait être compris en des termes idéologiques.

Un soutien des populations ?

Car, en effet, il y a bien eu un soutien des populations locales. Des témoignages vont en ce sens et désignent des émeutes et des jets de pierres dirigés contre les militaires et forces de sécurité de la ville, y compris pendant leur retraite[47].

Au moment des faits, beaucoup d’Arabes sunnites (majoritaires à Mossoul) perçoivent très mal la présence de l’armée et le gouvernement central qui n’est « pas meilleur » que Daech[48]. En effet, et ce depuis 2003, la ville a longtemps été un épicentre de la contestation sunnite. En réponse, le gouvernement maliki avait accru sa présence sur place en remplaçant les notables locaux par des officiers loyaux et en laissant du lest aux milices chiites qui se sont rendues coupables d’exactions[49]. La ville avait connu de violents affrontements par le passé et beaucoup d’officiers de sécurité n’hésitaient pas à provoquer la population qui se sentait harcelée de checkpoint en checkpoint.

C’est dans ce contexte précis qu’il faut comprendre l’accueil des populations. Ces dernières n’adhéraient pas forcément au projet de l’EI (qui n’était d’ailleurs pas explicite), mais ont vu en lui une opportunité de se libérer. Il convient cependant de nuancer ce tableau, car il apparaît en effet que trois types de comportement aient été observés durant l’occupation de la ville : les soutiens idéologiques, les passifs et indifférents, et enfin les adversaires déclarés[50].

La faillite des élites et des forces de sécurité

La chute de la ville peut également être inculpée à la faillite, voire à la collaboration, de certaines élites locales. C’est en tout cas ce que désigne un rapport parlementaire de 2015 mettant particulièrement en cause le gouverneur provincial de Nineveh, Atheel al Nujaifi[51]. C’est ce même gouverneur qui a accueilli les combattants de Daech en les qualifiant publiquement de libérateurs[52]. La chute de la ville intervient également dans un contexte où de nombreux acteurs ont un intérêt à voir le gouvernement Maliki s’affaiblir.

D’autres témoignages font écho d’ordres spécifiquement édités pour déserter la ville[53]. Mais même s’il est facile de faire porter le blâme à quelques généraux hauts placés, l’effondrement des forces de sécurité est lié à des facteurs systémiques[54] valables pour toute l’armée irakienne et particulièrement saillants dans la province de Nineveh. L’armée irakienne souffre à la fois de mauvaises capacités et de mauvaises relations avec la population locale. Elle se retrouve alors sous-équipée et en manque cruel d’effectifs. De graves problèmes de corruption gangrènent l’organisation : les positions s’achètent et ne se méritent pas. Ainsi, par exemple, chaque officier ayant acheté sa position va chercher à se rembourser, et à accepter des pots-de-vin. C’est à partir de là que se développe un phénomène de soldats fantômes[55] : des soldats qui payent leurs officiers pour bénéficier de jours de repos supplémentaires même si ces derniers ne sont officiellement pas autorisés.

À partir de là, le tableau s’éclaircit : les fameux 60 000 soldats irakiens pour défendre la ville… étaient sans doute trois fois moins nombreux. Certaines unités, formant la première ligne de défense (par exemple la 6e Brigade rattachée à la 3e Division) étaient passées de 2500 hommes à moins de 500, le tout en étant sous-équipées[56]. Et c’est face à cette armée présente « sur le papier » que les forces de Daech vont se déchainer.

Daech, le choc et la terreur

La prise de la ville surprend les insurgés eux-mêmes, qui  ne s’attendaient qu’à prendre le contrôle d’un quartier, et se retrouvent à contrôler la ville entière. Les premiers quartiers tombent rapidement dans l’Ouest de la ville où se trouve la division. L’armée est non seulement affaiblie, mais Daech, muni de mitrailleuses lourdes, parvient à faire l’étalage d’une puissance de feu rarement observée chez des insurgés. Face à l’effondrement, un ordre est rapidement passé pour former un cordon sanitaire sur le Tigre et protéger la partie Est de la ville (où se trouve la 2e Division)[57].

La stratégie de Daech pourrait s’apparenter à une doctrine de « choc et effroi »[58], sans pour autant disposer d’armement de pointe. Ces derniers parviennent à mobiliser une puissance de feu plus importante que leurs adversaires irakiens. L’attaque est d’ailleurs précédée d’une vague d’attaques kamikazes à l’aide de bombes humaines (véritables « missiles guidés ») ou de véhicules piégés[59]. Cette première vague a vocation à sidérer les Irakiens, qui sont alors paralysé par la violence du choc, avant que d’autres unités ne s’engouffrent dans les brèches et le chaos créé.

Daech innove également dans sa stratégie de long terme. En effet, l’assaut est précédé d’un long et méticuleux travail de sape morale via la multiplication d’attentats terroristes. Durant des années, à Mossoul, l’organisation avait mené des assassinats ciblées (visant souvent des cadres ou des soldats en civils, ainsi que leurs familles), une véritable campagne de « fauchage de soldats » (Hisaad al Ajnaad)[60] destinée à terroriser un ennemi pour l’inciter à fuir[61]. Le tout est évidemment alimenté par de la propagande[62].

Ainsi, la stratégie de l’EIIL est un mélange relativement nouveau de terrorisme et de choc et effroi. Dans un premier temps, le terrorisme est utilisé, non pas pour atteindre un but politique précis sous forme de chantage, mais pour la terreur qu’il génère en soi. Ce n’est qu’une fois les forces de sécurité et les populations épuisées que l’assaut peut être donné. Là aussi, le terrorisme a encore sa place, mais il est cette fois-ci utilisé de manière tactique et très ciblée : les attaques-suicides, employées comme arme de précision, visent des centres de commandement, des fortifications, des infrastructures logistiques pour paralyser l’adversaire sous « le choc ». Enfin, les unités combattantes, régulières, peuvent s’engouffrer et continuer l’assaut.

Sociogramme résumant les différents groupes actifs en Irak
Sociogramme résumant les différents groupes actifs en Irak – Romain Devaux

Conclusion

Ainsi, la ville Mossoul est prise par l’EI par la combinaison de différents facteurs dont certains trouvent leur origine sur le plus long terme. La chute de Mossoul intervient dans un contexte général de faillite de l’État Irakien. Ce dernier souffre alors d’une corruption endémique qui gangrène ses institutions et ses forces armées. À cela, s’ajoute la frustration grandissante des populations sunnites : victimes de la dé-baathification, de la fermeture des opportunités politiques, des exactions des milices chiites et des forces de sécurité qui y sont associées.

Le climat sectaire et l’impossibilité d’y faire face vont alors précipiter ses populations dans les bras de groupes armés parmi lesquels Daech finit par s’imposer. La chute de Mossoul cristallise ces tendances : l’armée est incapable de lutter, elle est perçue comme une force d’occupation sectaire par sunnites locaux et l’EI se présente alors comme la meilleure opportunité (à la fois car défendant les sunnites, mais aussi car il est mieux organisé).

Peut-on dire pour autant que ce soutien des populations est sans équivoque ? Non. Il apparaît clairement que ce soutien répond à des logiques opportunistes et non pas idéologiques. Pour reprendre les termes d’Olivier Roy[63], la population de Mossoul a « islamisé sa radicalité » en utilisant Daech comme simple vecteur de sa contestation, car il était alors le seul disponible.

Aujourd’hui Daech a été vaincu et ne contrôle plus aucun territoire. Mais même si le groupe existe encore en faisant profil bas en Irak et en Syrie, d’autres organisations s’en réclamant ont récemment connu une importante montée en puissance : L’État islamique au Khorasan (Afghanistan) ou encore L’État Islamique au Grand Sahara (Sahel). Ces deux organisations pourraient même recruter parmi d’anciens combattants syriens et irakiens voulant réessayer l’expérience califale dans une autre région.

Il faut également reconnaître que les facteurs ayant mené à l’apparition de Daech en Irak n’ont pas disparu : Le système Muhasasa est toujours présent, les milices chiites et leurs exactions aussi, et les populations sunnites sont cette fois-ci amalgamées à Daech (et non plus à Hussein).

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STRACHAN Anna Louise, Factors behind the fall of Mosul to ISL (Daech) in 2014, Brighton, K4D Helpdesk Report / UK: Institute of Development Studies, 2017, 8 p., [en ligne] https://assets.publishing.service.gov.uk/media/59808750e5274a170700002c/K4D_HDR_Factors_behind_the_fall_of_Mosul_in_2014.pdf (dernière consultation le 15/03/2023)

TOUCHARD Laurent, Organisation tactique et méthode de combat de l’État Islamique, 2016, Paris, Academia.eu, 58 p., [en ligne] https://www.academia.edu/22797545/Organisation_tactique_et_m%C3%A9thodes_de_combat_de_lÉtat_islamique (dernière consultation le 08/03/2023)

VAN WAGENEN William, « Revisiting the fall of Mosul : Who’s to blame ? », dans The Cradle, Beirut, TheCradle.co, 2022, [en ligne] https://thecradle.co/article-view/18518/revisiting-the-fall-of-mosul-who-was-to-blame (dernière consultation le 09/02/2023)


[1] Une estimation datant de 2008 indique une population de 2,7 millions d’habitants.

[2] COCKBURN Patrick, The Rise of Islamic State: Isis and the New Sunni Revolution, Verso, Londres, 2015, p. 22-23

[3] La seconde guerre civile irakienne est une phase dans la plus grande Guerre d’Irak, débutée par l’invasion américaine de 2003. Après le retrait des troupes US en 2011 (qui combattaient jusque-là contre quelques groupes insurgés), la situation s’envenime au point de relancer les hostilités avec le nouveau gouvernement irakien.

[4] FANTAPPIE Maria, « Contested consolidation of Power in Iraq », dans The Carnegie Papers, Beirut, Carnegie Middle East Center, 2013, 25 p., p. 3, [en ligne] https://carnegieendowment.org/files/contested_consolidation.pdf (dernière consultation le 15/03/2023)

[5] Le parti Baath est le parti de Saddam Hussein (mais aussi de Bachar al Assad en Syrie). On pourrait résumer l’idéologie Baasiste à un mélange de nationalisme arabe et de socialisme. Le combat se veut séculaire et aspire à la détermination d’un monde arabe libéré de l’influence occidentale.

[6] ABDULRAZAQ Talha et STANSFIELD Gareth, « The enemy within : ISIS and the conquest of Mosul », dans The Middle East Journal, vol. 70, n°4, Washington DC, Middle East Institute, 2016, 698 p., pp.525-542, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/26427457 (dernière consultation le 23/02/2023), p. 529

[7] « Almost everyone was Ba’thist, but it was just pen on paper. We needed to work and live, and we couldn’t do so without joining the party ». Ibid., p. 530

[8] Ibid.

[9] AL-ALOOSY Massaab, « With Iraq’s quota system, the new government is more of the same », dans The Arab Gulf States Institute in Washington, Washington DC, Arab Gulf States Institute in Washington, 2022, [en ligne] https://agsiw.org/with-iraqs-quota-system-the-new-government-is-more-of-the-same/ (dernière consultation le 15/03/2023)

[10] HASAN Harith, « Iraq’s new government and the persistence of “Muhassesa” », dans Emirates Policy Center, Abu Dhabi, Emirates Policy Center, 2022, [en ligne] https://epc.ae/en/details/brief/iraq-s-new-government-and-the-persistence-of-muhassesa- (dernière consultation le 15/03/2023)

[11] BENRAAD Myriam, « A l’ombre de Mossoul : l’Irak entre hyper-fragmentation et frontières incertaines », dans Confluences Méditerranée, n°101, Paris, Editions l’Harmattan, 2017, 182 p., pp. 67-79, p. 74 [en ligne] https://doi.org/10.3917/come.101.0067 (dernière consultation le 25/03/2023),

[12] FANTAPPIE Maria, op. cit., p. 4

[13] Ibid., p. 5

[14] Ibid., p. 7

[15] Ibid.

[16] ABBAS Yasir et TROMBLY Dans, « Inside the collapse of the Iraqi army’s 2nd Division », dans War on the rocks, Washington DC, Metamorphic Media, 2014, [en ligne] https://warontherocks.com/2014/07/inside-the-collapse-of-the-iraqi-armys-2nd-division/ (dernière consultation le 14/03/2023)

[17] Ibid.

[18] STRACHAN Anna Louise, « factors behind the fall of Mosul to ISL (Daech) in 2014 », dans K4D Helpdesk Report, Brighton, UK: Institute of Development Studies, 2017, 8 p., p. 4-5 [en ligne] https://assets.publishing.service.gov.uk/media/59808750e5274a170700002c/K4D_HDR_Factors_behind_the_fall_of_Mosul_in_2014.pdf (dernière consultation le 15/03/2023),

[19] On pense particulièrement au massacre de Hawija (près de Kikourk) en avril 2013 où 38 sunnites sans armes trouvent la mort.

[20] L’expression « Daech » est la plus souvent utilisée par les médias francophones pour désigner l’EI (les anglophones utilisent parfois l’orthographe « Daesh » . À l’origine, elle est utilisée par les groupes d’opposition syriens, puis par les médias arabophones afin de contester la nature étatique, et islamique, du groupe autoproclamé.

[21] ABDULRAZAQ Talha et STANSFIELD Gareth, op. cit., p. 526

[22] FANTAPPIE Maria, op. cit., p. 8

[23] Ibid., p. 11

[24] Ibid., p.8

[25] Traduction : Rassemblement pour l’Unicité et le Jihad

[26] HASHIM Ahemd, From Al-Qaida affiliate to the rise od the Islamic Caliphate : the evolution of the Islamic State of Iraq and Syria, Singapore, S. Rajaratnam School of International Studies, Singapour, 2014, 16 p., p. 4 [en ligne] https://www.jstor.org/stable/resrep05858 (dernière consultation le 26/02/2023),

[27] AQ fonctionne relativement selon le principe d’une fédération. Une direction centrale prend les décisions les plus importantes et des groupes locaux lui jurent allégeance tout en bénéficiant d’une certaine autonomie. On trouve en effet d’autres instances d’Al Qaïda : au Maghreb Islamique (AQMI) ou encore dans la péninsule arabique (AQPA). L’État Islamique reprendra le même type de fonctionnement avec une direction centrale dans le califat et différentes sous-organisation ayant juré allégeances

[28] Ibid., p. 5

[29] Le panislamisme est une idéologie considérant que tous les sunnites sont membres d’une même nation : l’Umma

[30] ROSINY Stephan, « Brutalisation as a survival strategy : how the “Islamic Stateé” is prolonging its doomsday battle », dans GIGA Working Papers, n°288, Hambourg, German Institutes of Global and Area Studies, 2016, 24 p., p. 5 [en ligne] https://www.jstor.org/stable/resrep07513 (dernière consultation le 27/03/2023)

[31] Zarquawi assume cette stratégie dans une lettre de février 2004 : « si nous sommes capables de les atteindre (les chiites), ils finiront par entrer dans la bataille et nous serons alors en mesure de rebattre les cartes. […] C’est ce que nous voulons, et qu’ils soient d’accord ou non, beaucoup de régions sunnites rejoindront le combat de Mujahiddin ». Ibid.

[32] HASHIM Ahemd, op. cit., p. 5-6

[33] Sahwa (Éveil) aussi appelé « Fils de l’Irak » est un groupe de milice sunnite qui, même si ses membres combattaient dans un premier temps l’occupation américaine, a fini par s’allier aux forces gouvernementales pour lutter contre l’État Islamique. Dissout en 2009 et intégré aux forces de sécurité, il est important de le mentionner car il démontre que la population sunnite n’était pas nécessairement en accord avec le projet de Daech.

[34] ABDULRAZAQ Talha et STANSFIELD Gareth, « The enemy within : ISIS and the conquest of Mosul », op. cit., p. 534

[35] Les textes anglophones parlent de Islamic State in Iraq (ISI)

[36] HASHIM Ahemd, op. cit., p. 7

[37] Ibid.

[38] Ibid., p. 8

[39] TOUCHARD Laurent, Organisation tactique et méthode de combat de l’État Islamique, 2016, Paris, Academia.eu, 58 p., p. 28-35 [en ligne] https://www.academia.edu/22797545/Organisation_tactique_et_m%C3%A9thodes_de_combat_de_lÉtat_islamique , (dernière consultation le 08/03/2023)

[40] HASHIM Ahemd, op. cit., p. 9

[41] Traduction : Front de Soutien au peuple de Syrie / du Levant

[42] Les anglophones parlent quant à eux de Islamic State in Iraq and al Sham (ISIS), le terme « al Sham » faisant référence aux écrits islamiques traditionnels que l’on traduit souvent par « Levant » bien que ce ne soit pas tout à fait exact. D’autres sources anglophones parlent d’Islamic State in Iraq and in the Levant (ISIL) ou encore Islamic State in Iraq and Syria (ISIS). Toutes ces dénominations renvoient fondamentalement au même groupe : Daech

[43] ABDULRAZAQ Talha et STANSFIELD Gareth, « The enemy within : ISIS and the conquest of Mosul », op. cit., p. 538

[44] Le terme « katiba » se traduirait par « unité de combat ». Le terme désigne en effet le bloc de base de la construction de plan par l’EIIL. Si l’expression désigne d’abord des unités de la taille d’une compagnie (entre 40 et 100 hommes armés, parfois même regroupés en bataillon de 300 hommes), elle se met ensuite à désigner les unités relevant de la section (environ 30 hommes répartis en 3 groupes de 10). Cette évolution du terme est liée au changement de stratégie observé après 2014 : une fois l’EI pris pour cible par les frappes occidentales, il ne peut plus se permettre de s’organiser selon des des unités de grande taille facilement repérable. TOUCHARD Laurent, op. cit., p. 6-11

[45] COLES Isabel, PARKER Ned et SALMAN Raheem, « Special Report : How Mosul fell – an Iraqi general disputes Baghdad’s story », dans Reuters, New York, Thomson Reuters, 2014, [en ligne] https://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-gharawi-special-report-idUSKCN0I30Z820141014 (dernière consultation le 14/03/2023)

[46] ALANI Feurat, « A Mossoul, une alliance contre nature entre le Baas et les djihadistes », dans Orient XXI, Paris, Association Orient XXI, 2014, [en ligne] https://orientxxi.info/magazine/a-mossoul-une-alliance-contre-nature-entre-le-baas-et-les-djihadistes,0616 (dernière consultation le 28/03/2023)

[47] Ibid.

[48] « But what’s the difference between them and the government and its bloodthirsty gang? ». ABDULRAZAQ Talha et STANSFIELD Gareth, « The day after: what to expect in post-islamic state Mosul », dans The RUSI Journal, vol. 161, n°3, Abingdon, Routledge – Royal United Services Institutes, 2016, 86p., pp.14-20, [en ligne] https://doi.org/10.1080/03071847.2016.1184013 (dernière consultation le 25/03/2023), p.17

[49] COLES Isabel, PARKER Ned et SALMAN Raheem, op. cit.

[50] BENRAAD Myriam, op. cit., p. 69

[51] VAN WAGENEN William, « Revisiting the fall of Mosul : Who’s to blame ? », dans The Cradle, Beirut, TheCradle.co, 2022, [en ligne] https://thecradle.co/article-view/18518/revisiting-the-fall-of-mosul-who-was-to-blame (dernière consultation le 09/02/2023)

[52] « An army that has collapsed in such awful defeat, and lost its positions and weapons, cannot return to fight again, and the militias cannot fight in a land that does not accept its presence. In the face of this failure in the Iraqi security system and its sectarian formations, the people of Mosul have nothing to rely on but themselves and the battalions of their sons that will liberate Mosul » – rapporté par VAN WAEGEN William, Ibid.

[53] COLES Isabel, PARKER Ned et SALMAN Raheem, op. cit.

[54] ABBAS Yasir et TROMBLY Dans, op. cit.

[55] COLES Isabel, PARKER Ned et SALMAN Raheem, op. cit.

[56] Ibid.

[57] Ibid.

[58] La doctrine « choc et effroi » désigne une stratégie visant à dominer un adversaire en lui imposant une puissance de feu bien supérieure à la sienne dans une véritable démonstration de force. Si cette stratégie convient d’avantage aux larges armées étatiques, on observe qu’il est possible de l’appliquer à plus petite échelle car la puissance de feu est relative : le « choc et effroi » de Daech fonctionne sur les forces irakiennes, mais aura sans doute du mal face à des forces occidentales bien mieux équipées et préparées.

[59] TOUCHARD Laurent, op. cit., p. 46

[60] Les textes anglophones consultés traduisent cette expression arabe en « soldiers harvest ». Nous avons décidé de la traduire par « fauchage de soldats », bien que ce ne soit pas une traduction littérale : nous conservons ainsi la métaphore agricole mais accentuons l’aspect sanguinaire et mortel de la chose

[61] KNIGHT Michael, « ISIL’s Political-Military Power in Iraq », dans CTC Sentinel, vol 7, n°8, West Point, Combating Terrorism Center, 2014, 24p., pp. 1-7, p. 2 [en ligne] https://ctc.westpoint.edu/isils-political-military-power-in-iraq/ (dernière consultation le 22/03/2023),

[62] Ibid. p. 4

[63] Olivier Roy est un politologue français défendant la thèse d’une « islamisation de la radicalité ». Cette thèse affirme que la radicalité islamique n’est, au finale, qu’une option parmi tant d’autres sur un marché des radicalités. Et que les individus vont choisir cette option car elle est parfois la seule disponible pour exprimer leur grief. On oppose souvent Roy à la thèse contraire de Gilles Keppel qui, lui, défends la thèse d’une « radicalisation de l’Islam » se basant sur la place de plus en plus importante du salafisme et du wahhabisme dans la sphère islamique mondiale. Cependant certains autres chercheurs considèrent que ces deux thèses ne sont pas contradictoires : l’idée radicale ne pouvant s’exprimer qu’à travers un individu déjà radicalisé.

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