Techniques du terrorisme : Méthodes et pratiques du « métier terroriste » (J.-L. Marret)

L’ouvrage de Jean Luc Marret, intitulé Techniques du Terrorisme, méthodes et pratiques du « métier terroriste » analyse le phénomène du terrorisme aux travers de ses moyens d’action. Loin d’en établir une définition fixe – rappelons à cet effet que 109 définitions furent énumérées par Schmid et Langman dans leur étude Political terrorism: A new guide to actors, authors, concepts, data bases, theories and literature – , Jean-Luc Marret qualifie le terrorisme de « métier » et articule son ouvrage autour de ce concept. Pour lui, une organisation terroriste ressemble par sa hiérarchie et les motivations de ses membres à une entreprise politique tandis que ses coups d’éclats peuvent la rapprocher des groupes d’intérêts et autres lobbys, la violence démesurée en plus. Publié dans une première version en mai 2000, l’ouvrage bénéficia d’une seconde publication complétée en mars 2002 suite aux attentats du 11 septembre 2001.

Techniques du Terrorisme est un ouvrage très complet. Définissant d’abord les groupes qualifiés de terroristes dans leur forme (organisation, hiérarchie, composition…) il présente de manière précise les différents moyens d’action à leur disposition, de l’usage de la bombe à la destruction d’avions. L’auteur ne s’y méprend pas lorsqu’il indique que ce sont les méthodes qui ont porté leurs fruits qui sont les plus réutilisées1 : les attentats à la bombe sont ainsi les plus fréquents. Mais il n’oublie pas aussi l’importance de l’innovation dans ce domaine, innovation permettant des actes encore plus efficaces et spectaculaires et contournant aussi les mesures sécuritaires menées par les États2 .

Ce petit ouvrage se lit vite, et présente un panorama exhaustif des méthodes ainsi que d’exemples historiques de leurs mises en application. Utilisons donc cet ouvrage pour souligner la complexité de désigner clairement un ennemi, en fonction de son modus operandi et de son agenda politique : guérillero, terroriste, insurgé, trois dénominations pour un seul ennemi ?

Couverture de Techniques du terrorisme, de Jean-Luc Marret, publié aux PUF
Couverture de Techniques du terrorisme, de Jean-Luc Marret, publié aux PUF

Une réactualisation possible de cet ouvrage ?

Le livre étant paru en 2000, l’histoire récente, bien qu’elle confirme certains propos de l’auteur, en remet aussi en question un certain nombre. Entre inexactitudes, évolutions ou régressions, voici un condensé de plusieurs éléments notables, qui nous permettront d’aborder ensuite les figures de l’insurgé, du guérillero et du terroriste.

Parmi les propos de Jean-Luc Marret qui ont évolué depuis, on peut d’abord citer le cas des Black Tigers, unité d’élite du groupe Liberation Tiger of Tamil Eelam, qui a combattu l’État Sri Lankais et les puissances environnantes, depuis son apparition le 5 mai 1976, afin d’établir un État tamoul indépendant3. Selon l’auteur, les Black Tigers étaient une unité en charge des « actions suicides à l’explosif contre des personnalités anti-LTTE »4.

Cependant, de 2000 jusqu’à la défaite du groupe en 2009 (marquant la fin de la guerre civile sri-lankaise), de nouvelles informations ont remis en question ces propos. Les Black Tigers étaient bien une unité d’élite dont les missions visaient des personnalités anti-LTTE, mais elles menaient aussi des opérations commando derrière les lignes ennemies, comme lors de la bataille de Elephant Pass5. Le suicide de ses membres n’était d’ailleurs pas un but en soi. Lorsque la mission était une réussite et qu’il y avait une issue de secours, le ou les Black Tiger(s) engagé(s) pouvaient revenir dans leurs unités respectives. Le suicide était surtout un moyen de mener la mission à son terme (mort du combattant et de sa cible) ou d’échapper à la capture.

L’auteur précise d’ailleurs que les méthodes qu’il définit sont susceptibles d’évoluer. Il est possible de confirmer ses propos en se renseignant sur les tactiques employées aujourd’hui par des organisations, comme l’État Islamique (EI). Une unité spéciale, les Inghimasiyyi6, est chargée de missions spécifiques : actions derrière les lignes ennemies, percée du front, attaques d’objectifs civils7… Dotés d’un armement léger et ceinturés d’explosifs, ces hommes forment un groupe similaire aux Black Tigers du LTTE.

L’usage de bombes téléguidées ou cachées dans des véhicules dit piégés, et l’emploi de l’attentat suicide ont fusionné avec l’adjonction de protections sur le véhicule, donnant naissance au concept de Suicide Vehicle Borne Improvised Explosive Device (SVBIED) : un véhicule doté d’un blindage de fortune permettant au conducteur de se précipiter sur son objectif (militaire surtout) tout en bénéficiant d’une protection à l’épreuve des balles. La bataille de Mossoul qui faisait rage il y a quelques temps a vu un grand nombre de ces engins utilisé contre les forces de la Coalition. Ainsi, le jeudi 20 octobre 2016 a été le théâtre d’affrontements de retardements impliquant pas moins de 18 SVBIED par l’EI8. Inghimasiyyi et SVBIED peuvent être utilisés conjointement pour causer de lourds dégâts aux forces adverses et faciliter la rupture du front pour les troupes qui suivent.

L’organisation s’est aussi dotée de drones pour tenter de faire fi du « brouillard de guerre » en effectuant des reconnaissances9, mais aussi bénéficier d’un appui aérien en armant ces gadgets10. Certains ont d’ailleurs été piégés, occasionnant des pertes parmi les forces de la Coalition cherchant à les abattre pour les récupérer et les analyser11.

Le fanatisme des combattants est aussi un facteur de modification de méthodes jugées éprouvées. Les tueries de masse comme celle du 13 novembre 2015 à Paris, cherchent à instaurer la terreur et l’insécurité tout en faisant connaître les motivations de leurs perpétrateurs. Jean-Luc Marret indique par ailleurs que lorsque que les instigateurs d’un acte terroriste sont acculés par les forces de l’ordre, la prise d’otage est pour eux un moyen de retarder l’assaut final, en faisant valoir aussi leurs revendications.

L’attaque du Bataclan approuve en partie ce scénario, bien que Marret indique que la « conclusion idéale d’une prise d’otage pour des terroristes est leur fuite orchestrée12 ». Il est possible dans le cas du 13 novembre 2015 d’interroger cet argument. Le fait que ces hommes étaient ceinturés d’explosifs et qu’ils n’aient pas réfléchi à leur reddition, par fanatisme mais aussi parce que celle-ci ne serait pas acceptée par les forces de l’ordre, permet de comprendre que dès le départ, ces individus avaient décidé qu’ils n’en réchapperaient pas. De surcroît, leur idéologie eschatologique confirme ce cas, la mort étant pour eux une fin en soi, une bénédiction recherchée pour les récompenses qui leur seraient accordées dans l’au-delà.

SVBIED de l’organisation état Islamique déployé à Raqqa.

Peu d’éléments du livre parlent cependant du contrôle territorial qu’un groupe jugé terroriste peut obtenir, comme ce fut le cas avec l’auto-proclamé État Islamique. La date de publication du livre pourrait en être la raison, bien que l’auteur cite les Tigres Tamouls13, qui bénéficièrent aussi d’une mainmise territoriale. De même parler plus en détails des groupes indépendantistes ayant eu recours au terrorisme aurait été possible. Après tout, Jean Luc Marret lui même parle d’organisations ayant une façade « légale »14 tout en étant dotées d’une branche armée comme ces mouvements prônant l’indépendance. Ces derniers n’étaient-ils pas d’ailleurs considérés comme terroristes par le camp des loyalistes ? Terroriste, insurgé et même guérillero, sont-ils donc trois figures distinctes ou seulement l’expression diverses d’un même combat ?


Terroriste, guérillero, quelles différences ?

à défaut d’avoir une définition précise pour le terrorisme, c’est en analysant les méthodes employées par ces protagonistes qu’il est possible de nuancer leurs dénominations. Dans l’ouvrage, le FLN est par exemple présenté au niveau de son organisation clandestine (Organisation Politico-Administrative) et de ses méthodes15, mais d’une telle manière qu’il est difficile de comprendre comment il a pu s’attirer la sympathie ou l’engagement d’une partie de la population algérienne. Son caractère de groupe insurrectionnel qui employait des actions violentes ressort plus que les motivations qui l’entouraient (comme l’indépendance). Or comprendre un engagement et les causes qui l’expliquent sont deux points primordiaux dans ce cas. En effet, les groupes s’articulent autour d’une cause et de la motivation de leurs membres, afin d’atteindre leurs objectifs.

Par ailleurs, outre l’importance de la cause sous-jacente, un autre problème est à soulever, celui de la légitimité. En effet, lors du succès d’une insurrection, les leaders des mouvements finissent par devenir des politiciens, posant alors un soucis de légitimité, tout du moins sur la scène internationale : autrefois terroristes et criminels, les voici désormais interlocuteurs politique. Se pose là aussi le problème de la dénomination. Personne ne se désignerait volontairement comme terroriste et celui considéré comme tel par une personne, peut très bien être considéré comme un combattant de la liberté pour une autre.

Il est alors nécessaire de figer les figures du terroriste, de l’insurgé et du guérillero. En effet, « terroriste » est un terme qui renvoie à une notion négative, diabolisée, alors que « guérillero » semble plus convenu, mais limité dans son acception à un caractère tactique (la guérilla). Insurgé serait alors la dénomination commune et objective aux deux cas : guérilleros et terroristes agissent en répercussion à un état de fait, contre lequel ils s’insurgent. Il faut désormais se pencher du côté de ceux qui désignent les terroristes, pour terminer le tour de la situation.

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Exemple typique : L’affiche rouge dénonçant les actions des membres du réseau Manouchian lors de la seconde guerre mondiale. Terroristes et criminels pour les uns, héros et résistants pour les autres.

Du côté de ceux qui désignent

Les dernières décennies ont été marquées par un accroissement d’affrontements entre forces étatiques et acteurs non-étatiques, dans des guerres qualifiées d’irrégulières ou d’asymétriques. Ces dernières sont en opposition avec les conflits inter-étatiques dits généralement conflits réguliers ou conventionnels (reposant sur le « jus ad/in bello »). Les affrontements irréguliers impliquent des petits groupes d’insurgés qui mènent des actions ciblées et rapides, dites de guérilla lorsqu’elles visent des forces régulières loyalistes, ou de terrorisme lorsqu’elles sont commises à l’aveugle ou délibérément contre des cibles non militaires. Le but est souvent le même, mobiliser, encadrer la population de gré ou de force (la terreur) et tenter de renverser la situation ou le pouvoir établi16.

Après l’affrontement idéologique de la Guerre Froide, la cause des insurgés a beaucoup évolué. Des motifs religieux ou anti-occidentaux sont désormais les principales causes de ces nouvelles insurrections. Ce genre de mouvement « low-cost, low-tech »17 peut d’ailleurs se révéler redoutable. De nouvelles problématiques se posent donc. En effet, comment avoir un impact sur la conception que certaines personnes ont de telle ou telle religion ? Par quels moyens agir contre le rejet d’un modèle économique ou d’une façon de pensée ? Entre alors la doctrine de contre-insurrection.

L’ouvrage de David Galula, Contre-Insurrection : Théorie et Pratique, est une référence en la matière. David Galula, officier de l’armée française, fait parti de ces hommes qui connurent une carrière militaire pour le moins étonnante18. Juif, il est radié de l’armée mais n’hésite pas à rejoindre l’Afrique du Nord pour continuer la lutte. Réintégré par le général Giraud avec le grade de lieutenant, il participe à la campagne de France puis d’Allemagne.

Après la guerre, en tant qu’attaché, il assiste à plusieurs insurrections, en Chine ou en Grèce, lui permettant d’approfondir encore plus sa pensée et de percevoir cette nouvelle forme de guerre qui allait bientôt s’imposer majoritairement : la guerre révolutionnaire19. Lors de la guerre d’Algérie, il mit en œuvre ses principes et parvint à pacifier parfaitement son secteur.

Ce sont ces principes de contre-insurrections qu’il couche sur papier dans Contre-Insurrection : Théorie et Pratique. Publié d’abord en 1964 aux États-Unis par la Rand Corporation, il faut attendre 2008 pour voir une parution en France. Véritable icône de la contre-insurrection outre-Atlantique, il est alors un quasi-inconnu dans sa propre patrie. Son ouvrage théorise la guerre de contre-insurrection révolutionnaire et propose des exemples de mise en application. Action à la fois militaire et civile (l’action militaire pouvant être subordonnée à celle civile), elle est étalée dans le temps, et vise à séparer les insurgés de la population et acquérir le soutien de cette dernière. L’un de ces moyens est de criminaliser les insurgés, de souligner l’immoralité et l’illégalité de leurs actions, notamment en les désignant comme terroristes.

Néanmoins, le contexte de la guerre froide n’a plus grand chose à voir avec celui d’aujourd’hui. Galula indique d’ailleurs que les principes relatés dans son ouvrage ne sont valables que face à un mouvement « révolutionnaire »20. Les causes d’insurrection ont changé. Ce fait est stipulé dans le Field Manual 3-24 de l’armée américaine, « chaque insurrection est unique, bien qu’il y ait des similitudes parmi celles-ci […] peu d’insurrections s’inscrivent parfaitement dans une classification rigide »21. Les résultats mitigés retirés du Surge en Afghanistan montrent bien les limites ou la mauvaise utilisation de ces préceptes22 .

Le terrorisme fait partie de l’éventail des moyens à disposition des insurgés, ce que sous-entend d’ailleurs Jean-Luc Marret dans Techniques du terrorisme « Substitut de la guérilla, moyen d’expression des faibles, usage alternatif de la diplomatie d’un état, il désigne encore ceux qui sont vus par d’autres comme des résistants »23. L’énoncé est direct et évite les manipulations syntaxiques et sémantiques héritées de la War on Terror déclarée par l’administration Bush après les attentats du 11 septembre 2001 (postérieurs à la première version de l’ouvrage).

En soit, ces attaques n’ont d’ailleurs pas constitué la consécration d’une menace toute nouvelle et jusqu’alors inconnue : Al Qaïda existait déjà depuis plusieurs années, des menaces avaient été proférées et le groupe reposait sur une idéologie propre. Les éléments qui ont durablement encré ces attaques dans la mémoire collective sont la méthode employée, le nombre important de victimes et les images largement diffusées par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. La propagande demeure une arme de choix.

On peut d’ailleurs parler aujourd’hui de guerre révolutionnaire – à l’image de celles de la Décolonisation ou des conflits périphériques de la Guerre Froide – pour caractériser les affrontements pour éliminer ce genre de groupes24. Les idées d’Al-Qaïda ont en effet pour base une idéologie religieuse, mais à but politique. Ainsi, Oussama Ben Laden porte un regard très critique sur l’Arabie Saoudite dominée selon lui par un « roi menteur » 25, un régime qui « viole la loi de dieu et corrompt ainsi tous les domaines économiques et sociaux de l’état »26 et les États-Unis. Aux côtés de la référence religieuse trônent des conceptions sur la propriété des ressources par une poignée d’individus corrompus ou par une puissance étrangère qu’il faut donc combattre notamment pour retrouver la liberté : ils considéreront alors leurs actions comme des actes de résistance, là où ceux qui les subissent n’y verront qu’actes de guerre et de terrorisme.

Ernesto Guevara prit en photo en 1958 (Perfecto Romero). Dans son ouvrage La guerre de Guérilla, Guevara précise la différence qu'il conçoit entre terrorisme et guérilla : tout dépend de la nature des cibles, si elles sont militaires il s'agit d'un acte de guérilla, au contraire, si elles ne le sont pas, il s'agit d'un acte terroriste. Le but d'une telle action aussi est important pour sa compréhension : usure des forces adverses ou message à diffuser / effet à provoquer ?
Ernesto Guevara prit en photo en 1958 (Perfecto Romero). Dans son ouvrage La guerre de Guérilla, Guevara précise la différence qu’il conçoit entre terrorisme et guérilla : tout dépend de la nature des cibles, si elles sont militaires il s’agit d’un acte de guérilla, au contraire, si elles ne le sont pas, il s’agit d’un acte terroriste. Le but d’une telle action aussi est important pour sa compréhension : usure des forces adverses ou message à diffuser / effet à provoquer ?

à propos des groupes dits terroristes

Au sens large, les groupes pratiquant majoritairement le terrorisme n’agissent pas que localement mais aussi au niveau international voir même transnational comme précisé par Jean-Luc Marret. Leur cause est globale et la recherche de conquête territoriale n’est pas forcément une priorité. Les frontières n’ont que peu, voire aucune, importance à leurs yeux27, ce qui n’est pas le cas des groupes de guérilleros qui eux, cherchent une base territoriale (la campagne puis la ville) pour renverser le statu quo. Les méthodes développées lors des conflits irréguliers du début de la seconde moitié du XXe siècle peuvent être utiles mais ne sont pas suffisantes.

Actuellement, des forces occidentales combattent dans des conflits de contre-insurrection à l’étranger en soutien aux gouvernements locaux. Ils sont alors considérés par la population et les insurgés comme les « révolutionnaires » qui veulent transformer la société ou des contre-révolutionnaires souhaitant maintenir l’ordre ancien. Quoiqu’il en soit, ils paraissent donc illégitimes.

De plus, la lutte contre de tels groupes nécessite énormément d’effectifs, pour surveiller le théâtre d’opération, mais aussi la métropole d’origine, qui peut être touchée par des attaques28 : le terrorisme devient alors une véritable arme expéditionnaire, nécessitant peu de moyens29. La vigilance des loyalistes doit donc être à son maximum puisque les organisations non-étatiques ont la faculté de frapper partout, par surprise, notamment en se fondant parmi la population.

Sur la zone de conflit aussi, la situation est dangereuse, la création de postes pour saturer et sécuriser les territoires éparpillant des garnisons, constituant ainsi autant de cibles loyalistes isolées. Que ce soit sur les grands itinéraires ou dans les centres urbains, le « langage de la bombe »30 s’exprime alors grandement. En Afghanistan et en Irak, de nombreuses pertes des différentes Coalitions ont été infligées par le recours massif aux Engins Explosifs Improvisés (EEI) par les insurgés31. En effet, les attaques menées par ces derniers le sont souvent contre des symboles des instances régaliennes ou des zones de fortes affluences pour propager la terreur et entraîner une réponse répressive plus intense du gouvernement.

La population peut donc être plus ou moins touchée et c’est ce point-là qui peut aussi servir de différence entre un guérillero et un terroriste. De telles actions ont pour but de mobiliser la population contre l’état qui pourra dès lors sembler soit impuissant, soit illégitime. Le guérillero va donc faire en sorte d’épargner la population en s’attaquant à des cibles militaires par des tactiques de guérilla (ce qui n’empêche pas les victimes civiles collatérales et les purges) alors que le terroriste aura plutôt tendance à viser celle-ci en particulier pour intensifier le sentiment d’insécurité. L’armement des deux types d’acteurs varient, les terroristes pouvant improviser des armes32 (camions béliers, cutters, bombes, outils…), tandis que les guérillero disposent plus généralement d’un armement militaire, plus adapté à la guérilla33 .

La sphère médiatique est aussi un théâtre d’opération à ne plus négliger dans les deux camps. Les nouvelles technologies sont aussi un outil dans le métier de terroriste ou de guérillero. Par exemple, l’internet tel que nous le connaissons aujourd’hui n’avait rien à voir avec celui de la fin des années 90. Jean-Luc Marret n’a donc pu parler de son rôle de plus en plus grandissant dans le recrutement et la diffusion des idées de ces groupes voire l’avancement de leur lutte.

Toucher le plus grand monde, c’est mettre sur le devant de la scène internationale les actes effectués et marquer les consciences. S’attaquer aux civils est aujourd’hui un moyen efficace mais qui est à double tranchant : si la société visée fait preuve de cohésion et de résilience, l’organisation terroriste responsable de l’attaque n’en tirera aucun gain et la réponse régalienne pourrait être au contraire très violente. La différenciation entre terroristes et guérilleros serait donc surtout visible par les méthodes employées. Mais il ne faut aussi pas oublier que ces notions et même celle de « résistant » restent subjectives et varient selon le point de vue, le terroriste de l’un pouvant être le résistant de l’autre.


Malgré des éléments dépassés, ce livre reste tout de même un excellent exposé des méthodes d’actions terroristes, tout en proposant un large éventail de groupes ayant essaimés au XXe siècle. Le terrorisme ne se limite pas à une affaire de fanatisme religieux, il s’agit avant tout de la finalité d’une action, utilisable donc dans de nombreuses configurations. Il est ainsi possible de trouver un terrorisme d’État, des groupes terroristes politiques, allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, ou combattant même pour des causes globales, comme les écoterroristes. Les terroristes et leurs adversaires se retrouvent généralement dans une surenchère de moyens pour toujours réussir à s’adapter aux actes de l’autre.

Cet ouvrage permet de comprendre l’organisation et l’utilité de certains modes d’action des groupes qualifiés de terroristes, clés de compréhension essentielles pour les parer et les neutraliser. Il est donc recommandé pour tout individu, s’intéressant de près comme de loin au domaine de la défense ou des relations internationales, de le lire.

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1 MARRET Jean-Luc, Techniques du Terrorisme : Méthodes et pratiques du « métier terroriste », PUF, 2002 (1re éd. 2000),188 p., p. 22
2 Ibid., p. 13
3 FONTANELLAZ Adrien, Évolutions organisationnelles et tactiques terrestres du LTTE, un exemple d’hybridation, dans Défense & Sécurité Internationale, Areion Group, 2016, n°126, pp. 32-37, p. 32
4 MARRET Jean-Luc, Techniques du Terrorisme : Méthodes et pratiques du « métier terroriste », op. cit., p. 35
5 FONTANELLAZ Adrien, Évolutions organisationnelles et tactiques terrestres du LTTE, un exemple d’hybridation, op. cit., p. 37
6 Signifie « Infiltrés » en arabe.
7 MANTOUX Stéphanie, Hayya Inghamis-Les inghimasiyyi de l’EI au combat, Historicoblog [en ligne], 2 décembre 2016 , consulté le 20 décembre 2016. http://historicoblog3.blogspot.fr/2016/ … e-lei.html
8 MANTOUX Stéphane, Voitures et camions kamikazes: les véhicules suicides de daech dans la bataille de mossoul, dans France Soir, [en ligne], vendredi 28 octobre 2016, mise à jour le 02 novembre, consulté le 03 décembre 2016. http://www.francesoir.fr/politique-mond … -islamique
9 MANENTI Boris, Le drone piégé “fait maison”, nouvelle arme de Daech, dans L’Obs [en ligne], 22 novembre 2016, consulté le 12 décembre 2016. http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20 … daech.html
10 Ibid.
11 LAGNEAU Laurent, Irak : Un drone piégé tue deux Peshmergas et blesse deux commandos des forces spéciales françaises, dans Opex360 [en ligne], 11 octobre 2016, consulté le 05 décembre 2016. http://www.opex360.com/2016/10/11/irak- … rancaises/
12 MARRET Jean-Luc, Techniques du Terrorisme : Méthodes et pratiques du « métier terroriste », op. cit., p. 117
13 Autre nom du LTTE.
14 Ibid., p. 32
15 Ibid., pp. 58 et 65
16 CHALIAND Gérard, interviewé par HOLEINDRE Jean-Vincent, TESTOT Laurent, La Guerre, des Origines à nos Jours, Éditions Sciences Humaines, 2014, 271 p., pp. 217-223
17 Henrotin, J., Vers le citoyen-soldat 2.0, entretien avec Bernard Wicht, Défense, Sécurité Internationale, 2015, n°120, pp. 38-42
18 MONTENON P. (de), 45 ans après, le couronnement de David Galula, p. XVII, dans GALULA David, Contre-Insurrection :Théorie et Pratique, Economica, 2006, 215 p.
19 Ibid., pp. XVIII-XIX
20 GALULA David, Contre-Insurrection :Théorie et Pratique, op. cit., p. 210
21 US.Army, PETRAEUS David (Lt Général) , AMOS James (Lt Général), Counterinsurgency : FM 3-24, Headquarters Department of the Army, 2006, 284 p., p. 5
22 DORRONSORO, G. ; OLSSON C. ; POUYÉ R., Insurrections et contre-insurrections : éléments d’analyse sociologique à partir des terrains irakiens et afghan, Etudes de l’IRSEM, 2012, n°20
23 MARRET Jean-Luc, Techniques du Terrorisme : Méthodes et pratiques du « métier terroriste », op. cit., p. 5
24 MALIS Christian, Le terrorisme révolutionnaire : accélérateur de l’Histoire et de la transformation militaire français, Défense & Sécurité Internationale, 2016, Hors-série 47, pp. 22-25
25 BEN LADEN Oussama, interviewé par ISMAIL Jamal, Al-jazira, décembre 1998 dans KEPEL Gilles, Al-Qaida dans le texte, Puf, 2008 (1re éd. 2005), 496 p., p. 75
26 BEN LADEN Oussama, interviewé par ARNETT Peter, BERGEN Peter, CNN, 12 mai 1997, dans KEPEL Gilles, Al-Qaida dans le texte, op. cit., p. 59
27 BLIN Arnaud, CHALIAND Gérard, Histoire du terrorisme, de l’Antiquité à Daesh, Pluriel, 2016, 864 p., p. 34
28 MALIS Christian, Le terrorisme révolutionnaire : accélérateur de l’Histoire et de la transformation militaire français, op. cit.
29 BLIN Arnaud, CHALIAND Gérard, Histoire du terrorisme, de l’Antiquité à Daesh, op. cit., p. 35
30 MARRET Jean-Luc, Techniques du Terrorisme : Méthodes et pratiques du « métier terroriste », op. cit., p. 77
31 LAFAYE Christophe, Le génie et la transformation permanente (1992-2016), Défense & Sécurité Internationale, Septembre-Octobre 2016, n°152, pp. 58-65
32 BLIN Arnaud, CHALIAND Gérard, Histoire du terrorisme, de l’Antiquité à Daesh, op. cit., p. 36
33 Ibid.

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