Carte représentant la zone d'opération des pirates somaliens entre 2005 et 2010, Sémhur, 2012, Wikimedia Commons

La présence japonaise dans le Golfe d’Aden

Depuis plusieurs années, le Golfe d’Aden est en proie à la piraterie, principalement originaire de la Somalie, où guerres civiles et famines étant monnaie courante depuis la décolonisation, le désespoir pousse des individus à prendre la mer pour commettre raids et pillages. L’appât du gain est en effet juteux, puisque 40 % du trafic maritime mondial transite chaque année dans cette région qui alimente en énergie une grande partie du globe.

Face au risque, de nombreux pays de la communauté internationale allouent à la sécurité de cette région une place importante dans leurs agendas internationaux. Ainsi, ces pays sont contraints de devoir assurer la sécurité de leurs navires : trois coalitions navales de lutte contre la piraterie somalienne ont été mises en place par l’Union européenne, l’OTAN et les États-Unis. Un schéma de sécurité auquel se sont plus ou moins associés Chinois, Indien, Russes et d’autres. Présence non moins active dans la région, mais plus surprenante : celle du Japon.

Carte représentant la zone d'opération des pirates somaliens entre 2005 et 2010, Sémhur, 2012, Wikimedia Commons
Carte représentant la zone d’opération des pirates somaliens entre 2005 et 2010, Sémhur, 2012, Wikimedia Commons

Surprenante puisque le Japon est encadré par le strict pacifisme de l’article 9 de sa constitution promulguée au sortir de la guerre en 1946, énonçant que l’archipel « renonce […] à l’usage de la force »[1] et qu’il « ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales ou aériennes »[2]. Dès lors, la présence japonaise dans les eaux du Golfe d’Aden peut être déconcertante.

Les autorités japonaises ont cependant une multitude de raisons d’invoquer – et elles n’y manquent pas – l’impérieuse nécessité de veiller à la sécurité de ses navires, puisqu’un dixième des 20 000 bateaux qui passent le détroit de Bab el Mandeb, qui sépare Djibouti et le Yémen et relie la mer Rouge au Golfe d’Aden, arborent le pavillon au soleil rouge. Et, de fait, ces navires japonais ont fait les frais de l’insécurité de la zone : le chimiquier Golden Nori en 2007, le pétrolier Takayama en 2008 ou le tanker Socotra Island en 2009 ont été attaqués par des pirates.

Ainsi, dès 2009, le Conseil de sécurité du gouvernement japonais avait décidé de déployer des navires dans l’océan Indien. Également, depuis 2011 et pour la première fois depuis sa défaite en 1945, le Japon bénéficie d’installations militaires à Djibouti, pays auquel il accordait une aide civile au développement depuis plus de 20 ans.

Ces troupes déployées dans le Golfe d’Aden et à Djibouti sont les Forces d’Auto-Défense japonaises (FAD). Instituées en 1954, elles constituent l’objet d’un débat profondément clivant : pour certains, elles représentent le premier écart du gouvernement japonais vis-à-vis de l’article 9 de sa constitution ; pour d’autres, elles garantissent la sûreté nationale et doivent participer à la sécurité internationale. Quoiqu’il en soit, rien d’inconstitutionnel dans les FAD si l’on s’en tient au cadre légal : la création de ces dernières ouvre seulement une série d’avancées mesurées, conçues par les juristes japonais, pour rester dans les limites de la constitution dont l’exégèse est ainsi prolongée.

Partant de ce principe, les raisons sous-jacentes de cet engagement dans le Golfe d’Aden – au-delà de la sécurisation d’une voie d’approvisionnement vitale pour l’économie japonaise – apparaissent plus claires, puisqu’il permet aux dirigeants politiques en place de poursuivre le processus de normalisation de la défense japonaise. Et il ne s’agit pas ici de la première tentative du gouvernement dans ce domaine d’action précis : Tōkyō persistait dans ses propositions d’aide à la sécurisation des routes maritimes du détroit de Malacca, une aide rejetée en 2005 par les gouvernements indonésiens et malaisiens. Le contexte était alors moins favorable, puisque les États riverains du détroit avaient encore en mémoire l’impitoyable impérialisme japonais de la Seconde Guerre mondiale.

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Bibliographie

LUCKEN Michael (dir.), LOZERAND Emmanuel (dir.) et BAYARD-SAKAI Anne (dir.), Le Japon après la guerre, Arles, Philippe Picquier, 2007, 406 p.


[1] LUCKEN Michael (dir.), LOZERAND Emmanuel (dir.) et BAYARD-SAKAI Anne (dir.), Le Japon après la guerre, Arles, Philippe Picquier, 2007, 406 p., p. 374

[2] Ibid.

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