Cortège funéraire

Le dernier voyage du général W. Sikorski

Décollant au soir du 4 juillet 1943 de la base militaire britannique de Gibraltar, l’avion de type « Libérator » transportant le Général Sikorski, figure emblématique et politique polonaise en cette période de guerre, ainsi que son chef d’état-major, la propre fille du général Sikorski et d’autres passagers, s’écrase en pleine mer peu après le décollage. Seul le pilote en réchappera.

Accident ou attentat, la question est toujours ouverte à l’heure actuelle, 65 ans après les faits. C’était le seul homme politique polonais pouvant tenir tête à Churchill, Roosevelt et Staline. Son influence était grande sur les troupes polonaises en exil.

Loin d’entrer dans la polémique, nous aborderons ici les péripéties du dernier voyage de ce grand soldat, après l’accident.

Le « Liberator », avion de type anglais B-24 et immatriculé AL523, s’écrase donc en mer le 4 juillet 1943 à 23h06. Rapidement le corps du général est retrouvé, à demi-habillé, lui qui s’était couché afin de se reposer pendant le trajet du retour vers Londres. En effet, revenant d’une tournée d’inspection au Moyen-Orient des troupes polonaises de l’armée du Général Anders, il souhaitait reprendre des forces.

Son corps est ramené à terre à bord d’une vedette de la Royal Navy, dépêchée immédiatement sur les lieux du crash. Les autres personnes décédées seront ramenées au fur et à mesure, à l’exception de Madame Zofia Lesnioswka, fille du Général et chef d’état-major des volontaires féminines polonaises, qui ne sera elle jamais retrouvée.
Ceux-ci seront ensuite conduits vers la morgue de la base anglaise.

Malgré l’heure tardive, les autorités britanniques du Rocher préviennent leurs supérieurs, ainsi que le gouvernement polonais à Londres. Beaucoup croient à la fin de la Pologne, mais il en sera heureusement tout autrement. L’émotion est vive parmi les troupes en exil. Une cérémonie de recueillement sera organisée.

 

Cérémonie de recueillement dans les troupes polonaises
Cérémonie de recueillement dans les troupes polonaises (Coll.G.Lapers)

Bien que Sikorski présente une forte plaie à la tête, aucune autopsie ne sera autorisée. Les autorités anglaises souhaitaient faire incinérer les corps au plus vite, mais les Polonais s’y opposent farouchement. Ce n’est pas dans leurs traditions.

Pendant ce temps, les plongeurs sont cependant toujours à pied d’œuvre pour récupérer la cargaison et la carcasse de l’avion détruit, afin de commencer l’enquête. Celle-ci est confiée à l’armée britannique.

Tandis que le Général Mac Farlane, ami personnel de Sikorski, prend les premières dispositions d’urgence en envoyant chercher des cercueils préalablement recouverts de zinc, les autorités polonaises en exil prennent également les choses en main.

Elles envoient un destroyer de leur flotte, l’ORP « ORKAN », qui rallie le lieu de l’accident au plus vite, afin d’emporter les deux corps, celui de Sikorski et de celui de son chef d’état-major, le Général-Major Klimecki.

Le lendemain de l’accident, un cortège solennel traverse les rues de Gibraltar en direction de la Cathédrale Sainte-Marie la Couronnée, escorté par une haie d’honneur polonaise et anglaise. Une garde d’honneur sera également de faction pour veiller sur les catafalques qui seront installés dans l’église.

 

Cortège funéraire
Photo du Cortège funéraire (Archives W.Kimber)

Cependant, au fil des heures, la chaleur se fait de plus en plus torride, et malgré les précautions prises, fait éclater les cercueils des deux généraux s’y trouvant, répandant par la même occasion une odeur épouvantable dans ce lieu saint.
La garde ne sait que se ruer vers la sortie, tellement les craquements et les émanations sont nauséabonds.

Le Lieutenant Lubienski, qui supervise les opérations du coté polonais, prend l’initiative de faire déplacer les cercueils à la morgue, et de faire mettre les corps dans de nouvelles bières. En effet, il restait des cercueils en réserve, tous les occupants de l’avion n’ayant pas encore été retrouvés.

Mais l’odeur est telle que même les employés espagnols de la morgue s’enfuient ! Les officiers polonais sont donc obligés de faire eux-mêmes le travail. Les cercueils seront de nouveau garnis de zinc soudé, mais également mis dans des caisses en bois soigneusement vissées. Le tout rempli de glaçons réquisitionnés dans tous les mess militaires du site !

Les corps de Sikorski et de son chef d’état-major sont descendus encore une fois en marche funèbre, mais cette fois vers le Port, où les attend l’« Orkan », le tout ponctué de coups de canons et du glas.

 

ORP Orkan
Photo de l’ORP Orkan (Coll.G.Lapers)

Cependant, les marins ne seront pas heureux d’accueillir les corps à bord, car selon une vieille superstition, cela porte malheur à l’équipage et au navire les transportant. Hasard ou coïncidence, ce bâtiment sera porté disparu quelques mois plus tard.

Le 10 juillet, le destroyer arrive au Port de Plymouth en Angleterre où attend un train spécial entouré d’une garde d’honneur polonaise. Seul le cercueil de Sikorski sera exposé à Kensington Palace Garden jusqu’au 14 juillet, date à laquelle il sera déposé en la Cathédrale de Westminster à Londres. Toujours sous la garde des soldats polonais, une messe de funérailles sera célébrée le lendemain.

Le 16 juillet enfin, sa dépouille est emmenée vers le cimetière militaire polonais des aviateurs de Newark, (Comté de Nottingham), où il est enterré avec les honneurs militaires. De nombreuses personnalités assistent à cette cérémonie.

 

cérémonie
Photo de la cérémonie (Coll.G.Lapers)

On a toutefois promis à sa veuve que son corps sera rapatrié en Pologne, une fois la guerre terminée. Mais avec l’instauration du gouvernement communiste à Varsovie, soutenu par l’URSS, ce ne fut possible qu’en 1993.

Date à laquelle, Sikorski fut exhumé de Newark, pour être enterré au Château de Wawel à Cracovie, dernière demeure des rois de Pologne.

 

Tombe du Général Sikorski à Newark
Tombe du Général Sikorski à Newark (Coll. G.Lapers)

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Bibliographie :

La fin mystérieuse du Général Sikorski de David Irving
Editions Robert Laffont 1969

Photos : Collection privée Gilles Lapers

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