relations internationales chinoises

Les théories chinoises des relations internationales : une brève introduction

Au cours de leur cursus, tous les étudiants en relations internationales ont entendu parler du réalisme[1], du libéralisme[2] et du constructivisme[3]. Ces théories sont considérées par défaut comme les grilles de lecture et d’analyse des relations internationales. Elles ont toutes en commun de trouver leur racine dans la philosophie occidentale[4]. Elles ont toutes été théorisées par des savants américains et, dans une moindre mesure, européens. Pourtant des réflexions théoriques sur les relations internationales de la part de spécialistes non occidentaux existent aussi. C’est le cas pour les théories chinoises desquelles nous effectuons une brève présentation ici.

Ces conceptions sont largement méconnues en France. La littérature française sur le sujet est quasiment inexistante[5]. Ce court article essaie avec modestie de combler un manque de recherches sur le sujet. Notre objectif n’est pas de traiter avec exhaustivité l’éventail des théories chinoises. D’une part, un tel travail est difficile pour celui qui ne vit pas en Chine, car la très grande majorité des œuvres essentielles sont disponibles uniquement dans le pays. D’autre part, c’est un champ de recherche très récent et dynamique, dont les contours demeurent encore flous.

Notre intention est seulement de dresser un bref état des lieux de la pensée chinoise sur les relations internationales. Ainsi, nous considérons notre objectif comme accompli, si le lecteur ne doute plus que de telles théories existent. Nous espérons que cette courte synthèse peut éveiller la curiosité et susciter d’autres recherches sur le sujet en France.

En premier lieu, nous évoquons les grandes étapes dans l’apparition d’une École de pensée chinoise des relations internationales. Puis, nous lions la production de ce savoir à un intérêt politique. Par la suite, nous effleurons quelques courants de pensée importants. Ce qui nous amène à examiner les critiques portées à l’encontre des théories occidentales. Enfin, nous clôturons cet article en évaluant l’impact de cette théorisation des relations internationales par les chercheurs chinois.

L’émergence d’une École de pensée chinoise des relations internationales (zhōngguó xuépài 国学)[6]

Jusqu’aux années 1980, le monde universitaire chinois appréhende les relations internationales à travers le prisme du marxisme. Il n’y a pas encore de tentative de décrypter le monde à travers une grille d’analyse reposant sur des concepts chinois. Le leader chinois de l’époque, Deng Xiaoping (邓小平) reconnaît que la Chine doit opérer un sérieux rattrapage dans la recherche en sciences humaines et sociales :

« Nous avons par le passé négligé la recherche en sciences politiques, en droit, en sociologie et en politique internationale. Nous devons maintenant rattraper au plus vite les cours. »[7]

Pour la chercheuse Lin Xiaojiao (林小娇) de l’université des communications de Shanghai, il faut distinguer deux périodes dans l’apparition d’une conceptualisation proprement chinoise des relations internationales[8]. D’abord, une première période qui se caractérise par l’édification de « théories des relations internationales aux caractéristiques chinoises » (zhōngguó tèsè guójì guānxì lǐlùn 中国特色国际关系理论), puis une deuxième qui amorce l’établissement d’une « école de pensée chinoise des théories des relations internationales » (guójì guānxì lǐlùn zhōngguó xuépài 国际关系理论中国学派).

La distinction entre théorie et école de pensée est importante. Pour Zhang Qi (张旗), professeur de l’université centrale de finance et d’économie, et Bai Yunzhen (白云真), professeur de l’université de Pékin de la langue et de la culture, il faut faire la différence entre théorie et école de pensée[9]. La théorie repose au fondement d’une école de pensée. L’école de pensée invoque un concept social. La création d’une école de pensée nécessite un programme de recherche, l’approbation ou la réprobation du monde académique, la création de sociétés et de réseaux de la connaissance ainsi qu’un soutien institutionnel.

En un mot, une école de pensée est un savoir institutionnalisé et reconnu socialement. Toutefois, Zhang et Bai reconnaissent que les écoles de pensée chinoises des relations internationales existent même si elles sont encore dans une forme rudimentaire. Pour Lin Xiaojiao, les écoles de pensée chinoises se distinguent par une théorisation plus poussée du fait d’une prise de conscience de la spécificité chinoise et d’échanges théoriques entre les chercheurs[10].

En 1980, l’universitaire Jin Yingzhong (金应忠), devant l’association chinoise pour la recherche en relations internationales, nouvellement créée, publie un article dont le titre pourrait se traduire par « Discussion sur la recherche en relations internationales, objet et champ[11] »[12]. Puis, en 1987 à Shanghai, se tient une toute première conférence sur les théories chinoises des relations internationales[13]. L’objectif est clairement annoncé de conceptualiser des théories des relations internationales aux caractéristiques chinoises. Ce colloque signale une première période, marquée par des travaux se rapportant à une théorisation primitive des relations internationales en Chine.

Dans le même temps, les théories occidentales des relations internationales commencent à être introduites en Chine[14]. Le monde académique chinois, par le biais de traductions, commence à s’initier à l’outillage théorique des trois grandes écoles de pensée des relations internationales : le réalisme, le libéralisme et le constructivisme. De plus, les chercheurs chinois commencent à s’intéresser à d’autres théories occidentales comme la théorie critique, l’école anglaise, le féminisme, etc. En outre, les universitaires chinois commencent à prospecter sur l’histoire et la pensée de la Chine antique afin d’en extraire des concepts se rapportant à la diplomatie et à la politique étrangère[15].

Il faut attendre le début des années 2000 pour que se formalise la création d’écoles de pensée chinoises des relations internationales[16]. En 2000, deux jeunes universitaires Mei Ran (梅然) et Ren Xiao (任晓) lancent l’initiative « Édifier une école de pensée chinoise des théories des relations internationales[17] »[18]. Cette proposition capte l’attention du monde universitaire chinois. En décembre 2004, la troisième édition d’un colloque national sur les relations internationales se tient à Shanghai[19]. Il suggère de « Créer des théories chinoises, édifier des écoles de pensée chinoises[20] ». Cette annonce structure l’émergence d’écoles de pensée chinoises des relations internationales.

Pour Zhang Qi et Bai Yunzhen, nous ne sommes plus dans une deuxième, mais dans une troisième phase de l’émergence d’un savoir authentiquement chinois sur les relations internationales[21]. Les académiciens chinois ne se contentent plus d’importer des connaissances occidentales pour les traduire, les commenter et susciter le débat. Ils arrivent à théoriser de nouveaux concepts voire des systèmes normatifs d’un point de vue autonome[22].

L’intérêt d’une conceptualisation nationale des relations internationales

La formulation d’une école de pensée chinoise des relations internationales ne répond pas uniquement à une quête de la connaissance et à une volonté de la faire profiter au plus grand nombre. L’expression de ce besoin de connaissances répond à des intérêts politiques et nationalistes. Elle n’est donc pas neutre. Tout d’abord, il y a l’idée que les théories occidentales des relations internationales et leur application ne sont pas adaptées aux circonstances historiques et culturelles de la Chine[23]. Il s’agit d’un argument civilisationnel qui relativise la pertinence de l’apport théorique occidentale concernant la trajectoire de développement de la Chine. De surcroît, la constitution d’un tel savoir de manière nationale participe à l’indépendance du pays et à l’autonomie de sa recherche scientifique[24].

Ensuite, dans le prolongement de cette idée d’inadaptation, figure également une critique de ces théories. Elles ne sont pas seulement inadaptées. Qui plus est, elles ne revêtent pas de praticité pour aiguiller la réflexion dans le cadre de la montée en puissance de la Chine[25]. Pire, cet édifice théorique occidental incite subrepticement à freiner le développement du pays. Selon les mots du chercheur chinois Xu Jin (徐进) de l’Académie chinoise des sciences sociales :

« Sur la base de leur propre mémoire historique et de leur héritage théorique, les universitaires occidentaux spécialisés dans les relations internationales ont intégré la Chine dans le cadre théorique de “la puissance émergente en confrontation avec la puissance établie” et se sont efforcés d’exagérer des hypothèses tragiques telles que le “piège de Thucydide”[26]. Indépendamment de leurs propres inclinations théoriques et de la logique explicative qu’ils adoptent, un grand nombre d’universitaires occidentaux soutiennent à peu près les mêmes positions politiques sur cette question [de la montée en puissance de la Chine], c’est-à-dire qu’ils n’accueillent pas favorablement la montée de la Chine et appellent le monde occidental à s’unir pour y faire face ensemble. »[27]

Il est à noter que, si Xu est très critique envers les théories occidentales, il ne les rejette pas pour autant[28]. Comme nous l’abordons plus loin, nombre de théoriciens chinois se basent sur des théories occidentales tout en les étoffant avec des concepts dérivés de la culture chinoise.

Ce même chercheur évoque le bien-fondé des écoles de pensée pour éclairer la décision politique[29]. Les élites politiques chinoises et l’appareil diplomatique du pays ont besoin de ces connaissances spécialisées pour prendre les meilleures initiatives et développer des stratégies de politique étrangère[30]. En d’autres termes, toutes ces élaborations conceptuelles doivent servir à faciliter la gestion par la Chine de ses relations avec autrui. Dans le même temps, elles soutiennent l’influence grandissante de la Chine sur la scène internationale par l’imagination de solutions chinoises à des problèmes affectant les relations internationales. En définitive, elles doivent permettre de consolider le soft power ou ruǎn shílì (软实力) de la Chine[31].

En d’autres termes, le lien entre connaissance scientifique et intérêt politique confirme l’un des postulats essentiels de l’école de Francfort[32], et par-extension la pertinence de la théorie critique des relations internationales[33]. La recherche scientifique n’est pas neutre, elle n’a pas pour unique objectif l’établissement de vérités scientifiques. A contrario, elle est subordonnée à la décision politique. Dès les années 1960, le philosophe allemand Jürgen Habermas, grande figure de l’école de Francfort, note que :

« Il est bien évident que cette thèse d’un développement autonome du progrès technique est fausse. L’orientation du progrès technique dépend de nos jours dans une large mesure des investissements publics : aux États-Unis, le ministère de la Défense et la N.A.S.A. sont les deux plus importants commanditaires en matière de recherche scientifique. Je suppose qu’on a une situation analogue en Union soviétique. »[34]

Les différentes écoles de pensée

Toutes ces écoles que nous évoquons ont en commun de puiser leurs références dans l’histoire et la philosophie de l’antiquité chinoise. Toutefois, ces écoles ne se présentent pas en rupture totale avec les théories occidentales qu’elles critiquent. En effet, plusieurs courants de pensée reprennent les courants de pensée dominants en matière de relations internationales tout en y ajoutant de nouveaux concepts élaborés avec des éléments de la civilisation chinoise[35].

En outre, elles divergent dans leur approche. Si certaines se contentent de décrire et d’expliquer des phénomènes, d’autres ont une visée normative en promouvant un ordre international alternatif. Étant encore un champ d’études en pleine gestation, il n’y a pas de typologie unificatrice des différentes écoles de pensée. Néanmoins, en parcourant la littérature, quatre grands courants de pensée reviennent souvent : le relationnel, le réalisme moraliste, le symbiotique et le tianxia. Il faut noter qu’il existe nombres d’autres théories chinoises des relations internationales, moins connues et moins formalisées, nous ne les aborderons pas ici[36].

Le courant de pensée relationnel (guānxì xuépài )

Le meilleur représentant de ce courant est le chercheur Qin Yaqing (秦亚青). Dans son livre, A Relational Theory of World Politics[37] publié en langue anglaise en 2018, le chercheur reprend le courant constructiviste des théories occidentales et y insère le concept de « relationnalité » (guānxì xìng 关系性) en relation avec le concept de « rationalité » (lǐxìng 理性)[38]. Il y dégage une logique du « choix relationnel » propre à la théorie relationnelle. Elle mêle rationalité de la culture occidentale et relationnalité de la culture chinoise[39]. D’un côté, ce rationalisme occidental repose sur une ontologie, épistémologie et méthodologie individualiste. D’un autre côté, la relationnalité repose sur une ontologie, épistémologie et méthodologie mettant l’accent sur les relations et le collectif.

Pour Qin Yaqing, les relations internationales ont totalement fait l’impasse sur le concept de relationnalité[40]. Les relations sont une composante essentielle de la pensée confucéenne. Empruntant au constructivisme, il perçoit les relations internationales comme un processus où la relationnalité enfante les normes, favorise le sentiment collectif et l’identification collective[41]. Ce qui importe ce ne sont pas les caractéristiques des unités d’un système, mais ce sont les relations entre ces unités. Ces relations modulent les formes de gouvernance et les principes sous-tendant l’ordonnancement du système. C’est parce qu’un pays connaît sa position et son identité au sein d’un réseau social qu’il est à même de considérer ce qui est rationnel[42]. La rationalité est donc postérieure à la relationnalité.

Même si elle emprunte à la pensée traditionnelle chinoise, Qin estime que sa théorie revêt une certaine universalité[43]. Certes, toutes les sociétés n’ont pas la même compréhension des relations. Toutefois, elles ne peuvent faire l’impasse des relations dans la compréhension qu’elles ont d’elles-mêmes.

Cette école de pensée a une certaine influence en Chine dans l’analyse de la politique internationale. Elle suscite d’autres recherches dans le prolongement des travaux de Qin, mais aussi des débats et des critiques[44]. Les thèmes de recherche majeurs s’articulent autour de la création de l’identité étatique et la gouvernance régionale, en faisant usage de la théorie relationnelle[45]. En matière de politique étrangère, elle peut servir à soutenir le slogan officiel d’une « ascension pacifique de la Chine » (zhōngguó hépíng juéqǐ 中国和平崛起), en insistant sur l’établissement de relations mutuellement bénéfiques[46].

Le théoricien et diplomate, Qin Yaqing en 2015, pendant un discours à l’université des affaires étrangères de Chine
Le théoricien et diplomate, Qin Yaqing en 2015, pendant un discours à l’université des affaires étrangères de Chine. Wen Xiyu (闻夕语), 2015, Wikimedia Commons

Le réalisme moraliste (dàoyì xiànshí zhǔyì 义现实)

Originellement conceptualisée par des chercheurs de la prestigieuse université Tsinghua, elle est aussi connue sous son appellation d’école de Tsinghua. La grande figure de cette école est le chercheur Yan Xuetong (阎学通). Yan est connu pour son ouvrage publié en 2015 en langue chinoise La transition de la puissance mondiale – leadership politique et compétition stratégique[47] et son livre publié en langue anglaise en 2019 intitulé Leadership and the Rise of Great Powers[48]. Yan se place dans une perspective réaliste des relations internationales en s’intéressant aux transitions de puissance dans l’ordre international[49]. Il se réfère à des penseurs politiques de la Chine antique, notamment de la première dynastie impériale des Qin[50] (秦)[51].

Yan Xuetong remarque que le réalisme occidental a omis une variable très importante dans l’explication des transitions de puissance : le binôme moralité-justice (dàoyì 道义)[52]. C’est cette variable qui reflète la puissance politique d’un pays et donc représente la prégnance de son leadership. Il élabore ainsi une typologie du leadership sur le plan interne et international[53]. Le style du leadership d’une grande puissance façonne les attributs de l’ordre international comme sa configuration ou ses normes ou encore son centre[54]. Un leadership présentant un haut niveau de moralité-justice favorise la confiance et la coopération internationale. Inversement, un défaut de moralité-justice entraîne la perte du leadership, engendre divisions et confrontations au sein du système international.

En définitive le réalisme moraliste souligne les insuffisances du réalisme qui se focalise sur une conception matérielle de la puissance en omettant la moralité. Les ressources de la puissance ne peuvent expliquer à elles seules l’ascension et le déclin des puissances[55]. Il faut prendre en compte aussi le degré de moralité-justice dont dispose un pays. Cette priorité donnée à la qualité du leadership a une importance pour la pratique de la politique étrangère chinoise. En effet, cette théorie est à rapprocher de formules diplomatiques tels que ceux de « nouveau type de relations entre les grandes puissances » (xīnxíng dàguó guānxì 新型大国关系), ou de « nouvelles routes de la soie » (yīdài yīlù 一带一路)[56].

Le professeur Yan Xuetong, responsable de la faculté des relations internationales de l’université Tsinghua, s’exprime au Forum économique mondiale de 2013
Le professeur Yan Xuetong, responsable de la faculté des relations internationales de l’université Tsinghua, s’exprime au Forum économique mondiale de 2013. World Economic Forum, 2013, Wikimedia Commons

 Le courant de pensée symbiotique (gòngshēng xuépài 共生)

Théorisée par un groupe d’universitaires de Shanghai, cette école de pensée est également appelée école de Shanghai. Originairement, la symbiose est un terme appartenant à la biologie. Des académiciens comme Hu Shoujun (胡守钧) et Jin Yingzhong (金应忠) ont introduit la symbiose dans l’étude de la politique internationale[57]. Les penseurs de l’école de Shanghai se réfèrent à la civilisation chinoise en affirmant que la notion de symbiose remonte à la philosophie chinoise antique[58]. Ils appliquent ce concept de symbiose au système de l’Asie orientale dans les temps anciens. Ils reprennent cette notion de symbiose dans le cadre de la politique étrangère chinoise contemporaine.

Les postulats théoriques de cette école sont les suivants :

  • La symbiose est l’existence de base des pays et des organisations internationales. Ce sont les relations symbiotiques qui déterminent les attributs des pays et les relations entre eux[59].
  • La symbiose à l’échelle internationale est maintenue grâce aux concepts d’unité, d’égalité, de justesse et de symbiose[60]. Elle dépasse la logique du binarisme. Elle met l’accent sur la diversité des valeurs et la réconciliation. La symbiose approuve et respecte les différences, l’égalité de traitement, l’unification des contradictions.
  • La formulation d’un système international symbiotique est un axe de recherche essentiel. L’avènement d’un tel système se déroulerait selon trois phases[61]. De la coexistence pacifique à l’harmonie symbiotique, en passant par la paix symbiotique.
  • La symbiose internationale est ancrée dans l’actualité par son rapprochement avec la politique étrangère chinoise qui met en avant la construction d’une « communauté de destin de l’humanité » (rénlèi mìngyùn gòngtóngtǐ 人类命运共同体)[62].

En résumé, le courant symbiotique projette une vision normative par l’édification d’une harmonie symbiotique. C’est-à-dire une société internationale dont ses membres interagissent entre eux positivement et sont orientés vers le développement pacifique. Si cette école affiche un objectif louable de pacification et d’unification de la société internationale, nous estimons qu’elle demeure très abstraite, sans étayer concrètement des implications pratiques de ce qu’elle propose. C’est le problème de nombre de systèmes philosophiques à visée normative.

La théorie du Tianxia (Tiānxià lǐlùn 天下理)

Développé par le philosophe chinois Zhao Tingyang (赵汀阳), c’est sans doute la théorie chinoise des relations internationales la plus connue en France, du fait de la publication en 2018 d’une traduction française[63] de son œuvre centrale. À travers une enquête historique sur l’ancienne dynastie des Zhou[64] (周), Zhao avance que les Zhou ont conçu et mis en œuvre le premier système politique mondial[65]. Le point de référence n’est pas la tribu ni la cité, c’est la terre entière. Ce système du Tianxia est la clé pour parvenir à un ordre mondial ordonné, cette théorie a donc un objectif normatif.

Même si, dans les temps anciens, les difficultés de communication et les connaissances géographiques du monde sont une réalité, les Zhou sont parvenus à mettre en place un système mondial fonctionnel. Premièrement, parce que le Tianxia repose sur des principes d’intérêts partagés bénéfiques à tous. Deuxièmement, parce qu’il assure à chaque pays la conservation de son pouvoir et de ses intérêts. Enfin, parce ce système instaure des relations d’interdépendance et mutuellement bénéfiques.

L’objet d’études du philosophe se rapporte à la médiation des conflits entre des pays composés d’ethnies différentes comme c’est le cas pour la dynastie des Zhou. Pour Zhao, les Zhou ont réussi à concevoir et à appliquer un tel système Tianxia de gestion des conflits interethniques. En effet, le Tianxia est un système englobant qui prend le monde comme référence. De cette découverte, le penseur critique la pensée politique occidentale qui ne prend pas l’échelle du monde comme point de départ de la réflexion. Les penseurs occidentaux pensent la politique à partir du pays. De plus, la pensée politique occidentale considère la politique comme une dualité ami-ennemi. Le philosophe chinois critique cette conception schmittienne de la politique et défend une approche de la politique très inclusive[66]. Littéralement, Tianxia signifie « tout sous un même ciel ». Il n’y a donc pas d’entités extériorisées.

Pour Zhao, le Tianxia, ultimement, produit un ordre mondial pacifié et harmonieux[67]. L’administrateur du Tianxia ne sacrifie pas l’intérêt du système au profit d’un seul pays. C’est donc un bon gouvernement. Un pays hégémonique n’a pas de légitimité pour représenter le Tianxia car il n’œuvre pas pour l’intérêt du monde[68]. Le Tianxia étant un système socialement efficace et centré sur le monde, il revêt une universalité et s’applique à tous[69]. Ce système ne s’impose pas par la coercition. Les relations entre pays et régions se fondent sur le respect de l’attachement au Tianxia[70].

La théorie du Tianxia a trouvé un large écho en Chine et, dans une moindre mesure, dans les pays occidentaux. Cependant, elle n’a pas été exempte de reproches. Par-exemple, Ge Zhaoguang (葛兆光) de l’université Fudan a émis une longue critique de l’interprétation historique par Zhao Tingyang du règne des Zhou. Cette critique a même été traduite en langue française[71]. À travers un réexamen historique des sources, Ge avance qu’il y a une dichotomie persistante entre le « dedans » et le « dehors », la « splendeur » et la « barbarie », le « noble » et le « vil »[72]. Ge est inquiet de l’utilisation politique de cette théorie fantasmée du Tianxia dans son pays, dans le but de justifier des projets impérialistes[73].

L’ancrage territorial de la dynastie des Zhou en 1000 av. J.-C.
L’ancrage territorial de la dynastie des Zhou en 1000 av. J.-C. Ian Kiu, 2011, Wikimedia Commons

Critiques des théories occidentales des relations internationales

Comme nous l’avons vu, ces théories chinoises sont élaborées en prenant en compte les théories occidentales dans une dimension comparative et critique. C’est justement sur les insuffisances et la vision partielle de ces théories occidentales que les théoriciens chinois mettent en avant les apports conceptuels de leurs théories[74]. Nous pouvons reconnaître que tous ces travaux ont abouti sur la création d’un flot de concepts nouveaux étrangers aux approches dominantes des relations internationales. En cela, ils élargissent la réflexion et permettent le décentrement d’un savoir trop souvent américano-centré et eurocentré. Pour les universitaires chinois, ce travail intellectuel ne peut être que positif.

Zhang Qi et Bai Yunzhen critiquent les biais ontologiques, méthodologiques et normatifs des théories occidentales[75]. Ils réprouvent les présupposés individualistes et la dualité moi-autrui donnant lieu à des antagonismes[76]. Les théoriciens occidentaux considèrent l’individu ou le pays comme point de départ de leur réflexion. Pour Zhang et Bai, cette réflexion engendre un jeu à somme nulle dans lequel chacun cherche à maximiser ses intérêts aux dépens du bien commun[77]. Les unités politiques sont en confrontation les unes avec les autres. Les concepts de « piège de Thucydides », de « dilemme de sécurité »[78], de « dilemme du prisonnier »[79] fréquemment rencontrés dans littérature occidentale sur les relations internationales le prouvent.

Au contraire, les théoriciens chinois attachent davantage d’importance aux relations et au collectif[80]. Par-exemple les courants de pensée relationnel et symbiotique mettent en valeur le dialogue, la coopération, la diversité et l’harmonie.

Sur le plan normatif, les deux universitaires désapprouvent sévèrement les théories occidentales[81]. Ils y dénoncent l’impérialisme des valeurs occidentales sous-jacent aux théories de « la fin de l’Histoire »[82] et de « la paix perpétuelle »[83]. Elles ne sont que des projets d’expansion des valeurs occidentales dans le reste du monde[84]. Par-exemple, l’ordre libéral d’après-guerre n’est qu’une manifestation de l’hégémonie américaine et participe à son maintien[85]. A contrario, les théories chinoises soutiennent la construction d’un ordre mondial véritablement harmonieux et respectueux des autres cultures[86]. Un ordre dans lequel les intérêts, les valeurs et la gouvernance sont communs[87].

En somme, Zhang et Bai énoncent l’inadaptation des outils analytiques et des propositions de l’Occident pour faire face aux vicissitudes de notre monde et le lot de problèmes qu’elles apportent[88]. Le monisme des théories occidentales n’est plus adéquat dans un monde post-occidental, car elles n’ont rien à proposer pour édifier un ordre diversifié de civilisations et de puissances. Il ne s’agit pas d’une opinion isolée des auteurs, car de telles idées se retrouvent assez fréquemment dans la littérature chinoise[89].

En guise de conclusion, quel impact de l’École de pensée chinoise des relations internationales ?

Comme nous l’avons mentionné en introduction, les efforts de théorisation des relations internationales par des spécialistes chinois sont méconnus en France. La pensée de Zhao Tingyang commence à peine à être introduite. Dans le monde anglo-saxon, les travaux en la matière sont un peu plus connus. D’une part, d’éminents spécialistes comme Yan Xuetong et Qin Yaqing sont parvenus à faire publier leurs travaux en anglais. D’autre part, les échanges universitaires et scientifiques restent très nourris entre les pays anglo-saxons et la Chine.

Cependant, d’une manière générale, les théories chinoises des relations internationales sont très loin d’avoir la même influence que les théories occidentales. Leur influence reste cantonnée aux frontières du pays. Nous pensons que les principales difficultés pour ces théories, de gagner une plus large audience à l’international, sont dues aux barrières linguistiques et culturelles. La très grande majorité de ces travaux sont disponibles uniquement en langue chinoise. En outre, leur lecture demande une certaine familiarité avec l’histoire et la pensée chinoise. Par exemple, nous n’aurions pas pu écrire cet article si nous ne pouvions pas lire le chinois académique.

Les chercheurs chinois reconnaissent eux-mêmes que ces théories n’ont pas le poids de celles de leurs homologues occidentaux[90]. Ils évoquent plusieurs obstacles au développement de ces théories. Par-exemple, Qin Yaqing s’interroge sur l’acquisition d’une universalité dépassant l’expérience chinoise[91]. Il interpelle aussi sur la manière d’engager un dialogue constructif et critique avec le monde universitaire occidental. Il questionne sur les façons d’aboutir à une théorisation plus poussée en tirant parti des éléments de la culture chinoise. En résumé, sur ces aspects-ci, la route est encore longue pour le chercheur[92].

Pour Xu Jin, il y a un double problème[93]. D’un côté, la formalisation de ces théories est lacunaire[94]. Il n’y a pas de large consensus sur les problèmes étudiés. La théorisation doit encore être améliorée. D’un autre côté, la Chine n’a pas de système discursif de dimension mondiale pour transmettre ses idées[95]. Les grandes plateformes du discours académique comme les journaux universitaires sont américaines. Plus globalement, l’Occident a un avantage énorme, car c’est l’Occident qui a imposé au reste du monde sa définition de la modernité[96]. En cela, il a façonné l’environnement idéel des pays du monde entier.

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[1] Le réalisme est historiquement le courant de pensée dominant par lequel les relations internationales ont été étudiées. En quelques mots, il se focalise sur l’analyse des rapports de force entre États dans un environnement anarchique, c’est-à-dire dépourvu d’une autorité suprême surplombant les États. Les thèmes de la guerre et de la paix, les déterminants de la puissance matérielle (armée, économie, population, territoire, industrie, etc.) sont des objets d’études classiques du réalisme. Ses racines philosophiques proviennent de la pensée de l’historien grec Thucydide (Ve siècle av. J.-C.), de l’homme d’État florentin Machiavel (1469-1527), du philosophe anglais Thomas Hobbes (1588-1679)… Dans le domaine des relations internationales à proprement parler, ses théoriciens sont, entre autres, Hans Morgenthau (1904-1980), Raymond Aron (1905-1983), Kenneth Waltz (1924-2013) et John Mearsheimer (1947-). L’école réaliste des relations internationales est principalement dominée par les politistes américains. Elle a connu son âge d’or pendant la guerre froide. Elle a depuis été sévèrement remise en question par bon nombres d’autres approches (libéralisme, théorie critique, constructivisme, féminisme, etc.). La tendance aujourd’hui est à la diversification des approches pour analyser les relations internationales.

[2] Le libéralisme est le deuxième grand courant de pensée parmi les différentes écoles des relations internationales. Originellement, il puise ses idées fondatrices dans la philosophie de John Locke (1632-1704), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Emmanuel Kant (1724-1804), etc. Les penseurs libéraux s’attachent à défendre la liberté et les droits des individus et croient indubitablement au progrès de la condition humaine. Dans le domaine des internationales, cette école accepte les postulats du réalisme (les relations interétatiques prédominent, l’anarchie est une donnée des relations interétatiques avec pour corollaire l’éruption de la guerre). Cependant, elle projette une vision plus optimiste des relations internationales en poussant la réflexion sur les conditions nécessaires pour l’avènement d’une paix durable entre États. L’école libérale a la conviction que la pacification des relations internationales peut s’opérer par le biais du resserrement de relations commerciales, le droit international qui officie en tant que régulateur, les organisations internationales formant une communauté d’États et surtout par les prédispositions pacifiques entre démocraties. En effet, la paix démocratique est une proposition majeure de cette école. Elle attache donc une certaine importance à l’étude des institutions internes des États. La démocratie, plus respectueuse des droits des individus serait moins disposée à faire la guerre que les régimes autocratiques et autoritaires, parce que le peuple pose sa sanction. Le libéralisme a connu une immense popularité pendant l’entre-deux-guerres avec les propositions du président américain Woodrow Wilson (1856-1924) instituant la Société des Nations. Puis, après avoir perdu sa popularité du fait de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide, il connaît un moment de gloire à l’effondrement de l’Union soviétique. Le politiste américain Francis Fukuyama (1952-) perçoit la clôture de la guerre froide comme un triomphe des idées libérales qui sont parvenus à s’imposer face à leurs concurrents idéologiques. Le libéralisme a depuis été très discuté du fait des évènements de ces dernières décennies (attaques terroristes, renouveau des régimes autoritaires, persistance des guerres civiles et des guerres interétatiques, compétition entre les États-Unis et la Chine, etc.). Aujourd’hui, ni le libéralisme, ni le réalisme s’arrogent une position de domination dans l’étude des relations internationales. D’autres approches, comme le constructivisme, ont acquis une certaine notoriété.

[3] Le constructivisme est le dernier courant de pensée majeur des relations internationales. Le théoricien Alexander Wendt (1958-) est une grande figure de cette école. Le constructivisme critique le réalisme et le libéralisme sur plusieurs points. Il rompt avec l’attachement au matérialisme de ces deux écoles. Inversement, il met l’accent sur le rôle des idées, des croyances et la constitution des identités. Les idées sont plus importantes que la richesse économique ou la puissance militaire. Par-exemple, pour les constructivistes, l’anarchie n’est pas une condition inhérente au déroulement des relations internationales. C’est parce que les États ont été socialisés d’une certaine manière qu’ils considèrent l’anarchie comme une donnée. Ainsi, la construction de l’identité d’un acteur reflète son comportement. Pour donner un autre exemple, si le Luxembourg ne se sent pas menacé par son puissant voisin français, c’est parce que le Luxembourg et la France ont été socialisés au sein du processus de la construction européenne. Ainsi, l’édification de l’Union européenne a façonné les identités de ses membres. Ils se voient comme partenaires avant tout et non comme adversaires.

[4] L’auteur de cet article n’aime pas le terme occidental, car il considère qu’il conduit à amalgamer des peuples et des cultures différentes malgré un socle civilisationnel commun. Comme il l’a déjà indiqué dans d’autres articles. Les Chinois ont tendance à avoir une représentation mentale d’un ensemble monolithique qualifié d’occidental. Toutefois, par souci de commodité et de simplicité, nous nous résignons à employer une telle terminologie dans cet article.

[5] Le sujet est tellement inconnu que l’existence même de telles théories est questionnée. ATEBA Bertrand, « Existe-t-il une théorie chinoise des relations internationales ? », dans Recherches Internationales, n°125, Paris, Association Paul Langevin, 2023, 196 p., pp. 71-90, [en ligne] https://www.persee.fr/doc/rint_0294-3069_2023_num_125_1_3371 (dernière consultation le 03/03/2024)

[6] Nous employons « École » en majuscule pour englober au sens large les élaborations théoriques plus ou moins formalisés ou systématisés. L’école en minuscule désigne ici un courant de pensée particulier dans la galaxie des théories chinoises des relations internationales.

[7] ZHUANG Junju 庄俊举, « Jìn shí niánlái zhōngguó guójì zhèngzhì yánjiū de fǎ zhǎn yǔ chuàngxīn——jīyú guójì zhèngzhì lèi qíkān kān wén de fēnxī » 近十年来中国国际政治研究的发展与创新——基于国际政治类期刊刊文的分析 (« Le développement et l’innovation de la recherche en politique internationale en Chine au cours des dix dernières années : une analyse basée sur les articles publiés dans les revues de politique internationale »), dans Kējì yǔ chūbǎn 科技与出版 (« Science-technologie & Publication »), n°2023/11, Beijing, Qīnghuá dàxué chūbǎn shè yǒuxiàn gōngsī, 2023, 177 p., p. 104, [en ligne] https://chn.oversea.cnki.net/KCMS/detail/detail.aspx?dbcode=CJFD&dbname=CJFDLAST2024&filename=KJYU202311010&uniplatform=OVERSEA&v=W6K6op2PPN4HWPRMxkLijHAL8_6HIlyVJSAffKLquwHYEfFLHwuUvi_3OoJDE2H_ (dernière consultation le 02/03/2024) (traduction personnelle)

[8] LIN Xiaojiao 林小娇, « Zhōngguó guójì guānxì lǐlùn de fǎ zhǎn yǔ tèsè biànxī » 中国国际关系理论的发展与特色辨析 (« Analyse du développement et des caractéristiques de la théorie chinoise des relations internationales »), dans Juécè yǔ xìnxī 决策与信息 (« Décision & Information »), n°2022/11, Wuhan, Wǔhàn juécè xìnxī yánjiū kāifā zhōngxīn; wǔhàn dàxué, 2022, 96 p., pp. 36-37, [en ligne] https://chn.oversea.cnki.net/KCMS/detail/detail.aspx?dbcode=CJFD&dbname=CJFDLAST2022&filename=JCYX202211004&uniplatform=OVERSEA&v=beXPDmyLocM9GAgBBacsnL5i6cm5gOe_l8ujD94YW6V76wVFeoiBBBx7OG6ttAOj (dernière consultation le 02/03/2024) (traduction personnelle)

[9] BAI Yunzhen 白云真 et ZHANG Qi 张旗, « Zhōngguó xuépài de xīn tànsuǒ yǔ zhōngguó guójì guānxì zhīshì tǐxì gòujiàn » 中国学派的新探索与中国国际关系知识体系构建 (« La nouvelle exploration de l’école chinoise et la construction du système de connaissances en relations internationales de la Chine »), dans Guójì guānchá 国际观察 (« Observation internationale »), n°2022/04, Shanghai, Shànghǎi wàiguóyǔ dàxué guójì guānxì yǔ wàijiāo shìwù yán jiù yuàn, 2022, 156 p., p. 40, [en ligne] https://chn.oversea.cnki.net/KCMS/detail/detail.aspx?dbcode=CJFD&dbname=CJFDLAST2022&filename=GJGC202204002&uniplatform=OVERSEA&v=u2uAiXpnEnOwcn6MFBhLRboSmxlHVe4hl517JIWQxDlOXgW7ghS66nXoKvXB-OTG (dernière consultation le 02/03/2024) (traduction personnelle)

[10] LIN Xiaojiao, art. cit., p. 36

[11] Le titre en chinois est le suivant : Shìlùn guójì guānxì xué de yánjiū rènwù, duìxiàng hé fànwéi (试论国际关系学的研究任务、对象和范围)

[12] Ibid., p. 36

[13] Ibid., p. 36

[14] ZHUANG Junju, art. cit., p. 104

[15] Ibid., p. 105

[16] LIN Xiaojiao, art. cit., p. 37

[17] En chinois : Gòujiàn guójì guānxì lǐlùn zhōngguó xuépài (构建国际关系理论中国学派)

[18] Ibid., p. 37

[19] Ibid., p. 37

[20] En chinois : Chuàngjiàn zhōngguó lǐlùn, gòujiàn zhōngguó xuépài (创建中国理论,构建中国学派)

[21] BAI Yunzhen 白云真 et ZHANG Qi 张旗, « Zhōngguó guójì guānxì guīfàn lǐlùn yǔ duōyuán shìjiè de zhìxù gòujiàn » 中国国际关系规范理论与多元世界的秩序构建 (« La théorie normative chinoise des relations internationales et la construction de l’ordre dans un monde pluraliste »), dans Guójì guānchá 国际观察 (« Observation internationale »), n°2023/06, Shanghai, Shànghǎi wàiguóyǔ dàxué guójì guānxì yǔ wàijiāo shìwù yán jiù yuàn, 2023, 157 p., pp. 40-43, [en ligne] https://chn.oversea.cnki.net/KCMS/detail/detail.aspx?dbcode=CJFD&dbname=CJFDLAST2024&filename=GJGC202306003&uniplatform=OVERSEA&v=wcuo1-NTaCI62-YbI43f17IUNUzYojEbxdwDQoD7HZ64NMxzpQ2S0GrRRCowyVcv (dernière consultation le 02/03/2024) (traduction personnelle)

[22] Ibid., p. 42

[23] FAN Leyi 范乐怡, « Shì lùn guójì guānxì lǐlùn zhōng de “zhōngguó xuépài” » 试论国际关系理论中的“中国学派” (« Sur « l’école chinoise » en théorie des relations internationales »), dans Guójì gōngguān 国际公关 (« Relations publiques internationales »), n°2022/18, Beijing, Zhōngguó guójì gōnggòng guānxì xiéhuì, 2022, 196 p., pp. 96-97, [en ligne] https://chn.oversea.cnki.net/KCMS/detail/detail.aspx?dbcode=CJFD&dbname=CJFDLAST2023&filename=GGGJ202218036&uniplatform=OVERSEA&v=Kmk8qldE_AVSx3if1mDds4Fcr97JWfkYhWrzXpQNciiid4frVLOENkPfHxwFpNZE (dernière consultation le 02/03/2024) (traduction personnelle)

[24] Ibid., pp. 96-97

[25] XU Jin 徐进, « Xīn shídài zhōngguó guójì guānxì xué fāzhǎn de nèi shēng dònglì, xuéshù jīchǔ yǔ xuékē kuàngjià » 新时代中国国际关系学发展的内生动力、学术基础与学科框架 (« Dynamique endogène, fondement académique et cadre disciplinaire pour le développement des relations internationales chinoises dans la nouvelle ère »), dans Guójì guānchá 国际观察 (« Observation internationale »), n°2023/02, Shanghai, Shànghǎi wàiguóyǔ dàxué guójì guānxì yǔ wàijiāo shìwù yán jiù yuàn, 2023, 156 p., p. 23, [en ligne] https://chn.oversea.cnki.net/KCMS/detail/detail.aspx?dbcode=CJFD&dbname=CJFDLAST2023&filename=GJGC202302002&uniplatform=OVERSEA&v=wcuo1-NTaCLAIYSitMVtwSqkNeXoEuXPVq_5FE5kzyc-38MYtBOJK0XjFiGOPCFE (dernière consultation le 02/03/2024) (traduction personnelle)

[26] Le politiste américain Graham Allison dans son livre paru en 2017, Destined for War. Can America and China escape Thucydide’s trap?, avance que la compétition géopolitique sino-américaine présente des similarités avec les tensions entre Athène et Sparte au Ve siècle av. J.-C. Dans une approche prospective, il présente des scénarios hypothétiques donnant lieu à une confrontation ouverte entre les États-Unis et la Chine. Ce livre a eu une large réception et a suscité de nombreux débats dans les deux pays. ALLISON Graham, Destined for War. Can America and China escape Thucydide’s trap?, Boston, Houghton Mifflin Harcourt, 2017, 384 p.

[27] XU Jin, art. cit., p. 23 (traduction personnelle)

[28] Ibid., p. 24

[29] Ibid., p. 24

[30] Ibid., p. 24

[31] FAN Leyi, art. cit., p. 97

[32] L’école de Francfort se réfère à un groupe de philosophes marxistes allemands comme Theodor Adorno (1903-1969), Max Horkheimer (1895-1973) ou encore Jürgen Habermas (1929-). Ils ont en commun de remettre en cause le positivisme scientifique. L’objet étudié n’est pas indépendant de l’observateur. La recherche scientifique prend place dans un contexte historique, social, politique, économique. De plus, l’usage de la Raison et le progrès scientifique n’est pas synonyme d’amélioration linéaire de la condition humaine. En outre, le système capitaliste est critiqué avec virulence. L’objectif programmatique des penseurs de Francfort est de libérer la condition humaine. Les travaux de cette école demeurent peu accessibles aux non-philosophes, du fait de leur caractère hautement théorique et abstrait pour beaucoup d’entre eux. Nous ne nous attarderons pas plus sur la description de ce courant de pensée post-positiviste.

[33] La théorie critique reprend les fondations philosophiques de l’École de Francfort pour les appliquer à l’étude des relations internationales. Comme leur nom l’indique, elles s’intéressent moins à théoriser, que de s’interroger sur le processus de production du savoir dans l’étude des relations internationales. Pour Robert Cox (1926-2018), politiste canadien et représentant central de ce courant de pensée, la théorie critique « ne considère pas comme allant de soi les institutions et les relations sociales et de pouvoir mais les remet en question en s’intéressant à ses origines et en se demandant si et comment elles pourraient entrer en changement ». Cité dans BARANETS Élie, BATTISTELLA Dario et CORNUT Jérémie, Théories des relations internationales, Les presses de Sciences Po, 2019, 800 p., p. 281

[34] HABERMAS Jürgen, La technique et la science comme « idéologie », Paris, Gallimard, 1990, 266 p., p.92

[35] ZHUANG Junju, art. cit., p. 105

[36] Les sinisants qui désirent approfondir leur connaissance des théories chinoises des relations internationales peuvent orienter leurs recherches vers les théories du culturalisme international (wénhuà guójì zhǔyì 文化国际主义), du conformisme (héhū zhǔyì 合乎主义) et du nouveau mondialisme (xīn shìjiè zhǔyì 新世界主义).

[37] QIN Yaqing, A Relational Theory of World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, 412 p.

[38] BAI Yunzhen et ZHANG Qi, « Zhōngguó xuépài de xīn tànsuǒ yǔ zhōngguó guójì guānxì zhīshì tǐxì gòujiàn », art. cit., pp. 40-41

[39] Ibid., pp. 40-41

[40] XU Jin, art. cit., p. 28

[41] Ibid., p. 28

[42] Ibid., p. 28

[43] Ibid., p. 28

[44] BAI Yunzhen et ZHANG Qi, Zhōngguó xuépài de xīn tànsuǒ yǔ zhōngguó guójì guānxì zhīshì tǐxì gòujiàn, art. cit., pp. 41-42

[45] Ibid., pp. 41-42

[46] LIN Xiaojiao, art. cit., p. 42

[47] YAN Xuetong 阎学通, Shìjiè quánlì de zhuǎnyí: Zhèngzhì lǐngdǎo yǔ zhànlüè jìngzhēng 世界权力的转移:政治领导与战略竞争 (« La transition de la puissance mondiale – leadership politique et compétition stratégique»), Beijing, Běijīng dàxué chūbǎn shè, 2015, 296 p.

[48] YAN Xuetong, Leadership and the Rise of Great Powers, Princeton, Princeton University Press, 2019, 280 p.

[49] BAI Yunzhen et ZHANG Qi, Zhōngguó xuépài de xīn tànsuǒ yǔ zhōngguó guójì guānxì zhīshì tǐxì gòujiàn, art. cit., p. 42

[50] Qin Shihuang (秦始皇) unifie la Chine et fonde la première dynastie des Qin qui perdure de 221 av. J.-C. à 206 av. J.-C.

[51] XU Jin 徐进 et YAN Xuetong 阎学通, Zhōngguó xiānqín guójiā jiān zhèngzhì sīxiǎng xuǎndú 中国先秦国家间政治思想选读 (« Lectures choisies sur les pensées politiques interétatiques chinoises des premiers Qin»), Shanghai, Fùdàn dàxué chūbǎn shè, 2008, 290 p.

[52] XU Jin, art. cit., p. 26-27

[53] Ibid., pp. 26-27

[54] Ibid., pp. 26-27

[55] Ibid., pp. 26-27

[56] LIN Xiaojiao, art. cit., p. 42

[57] BAI Yunzhen et ZHANG Qi, Zhōngguó xuépài de xīn tànsuǒ yǔ zhōngguó guójì guānxì zhīshì tǐxì gòujiàn, art. cit., pp. 43-44

[58] Ibid., pp. 26-27

[59] XU Jin, art. cit., p. 29-30

[60] Ibid., pp. 29-30

[61] Ibid., pp. 29-30

[62] Ibid., pp. 29-30

[63] ZHAO Tingyang, Tianxia tout sous un même ciel : l’ordre dans le passé et pour le futur, Paris, Les éditions du Cerf, 2018, 344 p.

[64] La dynastie des Zhou règne sur la Chine durant le premier millénaire av. J.-C.

[65] XU Jin, art. cit., pp. 31-32

[66] ZHAO Tingyang, art. cit., pp. 249-251

[67] XU Jin, art. cit., pp. 31-32

[68] Ibid., pp. 31-32

[69] Ibid., pp. 31-32

[70] Ibid., pp. 31-32

[71] GE Zhaoguang, L’Empire-Monde fantasmé, cité dans CHENG Anne (dir.), Penser en Chine, Paris, Gallimard, 1990, 560 p., pp. 58-105

[72] Ibid., p. 67

[73] Ibid., pp. 103-105

[74] BAI Yunzhen et ZHANG Qi, Zhōngguó xuépài de xīn tànsuǒ yǔ zhōngguó guójì guānxì zhīshì tǐxì gòujiàn, art. cit., p. 46

[75] Ibid., pp. 47-48

[76] Ibid., pp. 47-48

[77] Ibid., pp. 47-48

[78] Le dilemme de sécurité est un concept central de la théorie réaliste des relations internationales. Il énonce que les relations interétatiques se déroulent dans un climat de méfiance qui a des incidences sur la sécurité d’un État. Supposons qu’un État A entreprenne des mesures pour renforcer sa sécurité, par-exemple en augmentant la taille de son armée. L’État B, ignorant l’intention défensive derrière le renforcement du dispositif de sécurité de A, considère que A projette de mener une politique expansionniste agressive. B se sentant menacé, décide donc de muscler son outil militaire. A réagi en faisant de même. Ainsi, se met en place un cycle vicieux caractérisé par une course aux armements. Chaque État n’a que deux options. Soit, il choisit de renforcer son outil militaire pour être plus dissuasif et parer à toute éventualité. Soit, il décide de ne rien faire et se place en position de faiblesse. Au bout du compte, aucune des deux options n’est optimale. Parce que, d’un part, aucun des deux États n’améliore sa sécurité. D’autre part, ils doivent assumer le poids de dépenses militaires croissantes. La solution pour s’extirper d’un tel dilemme est de coopérer bilatéralement en clarifiant ses intentions.

[79] Le dilemme du prisonnier est un exemple de scénario hypothétique fréquemment rencontré dans la théorie des jeux. Imaginons deux prisonniers respectivement placés dans deux cellules séparées. Les deux prisonniers ne peuvent communiquer. Si un prisonnier dénonce l’autre, il est libéré aux dépens de l’autre qui échoppe d’une lourde peine. Si les deux prisonniers se dénoncent mutuellement, ils sont condamnés à une peine moyenne. Enfin, si les deux prisonniers refusent de coopérer, ils doivent tous les deux s’acquitter d’une peine légère. Finalement, la meilleure solution optimale pour les deux prisonniers est de refuser de coopérer. Cependant, ils sont dans l’impossibilité de se coordonner. Le dilemme de sécurité est un cas plus concret de situation similaire au dilemme du prisonnier.

[80] Ibid., pp. 47-48

[81] BAI Yunzhen et ZHANG Qi, Zhōngguó guójì guānxì guīfàn lǐlùn yǔ duōyuán shìjiè de zhìxù gòujiàn, art. cit., pp. 47-51

[82] La fin de la guerre froide et le triomphe des États-Unis comme seule superpuissance à la tête des démocraties libérales et de l’économie de marché capitaliste, amène les libéraux de manière très optimiste à déclarer une « fin de l’Histoire ». Le monde s’oriente vers l’adoption généralisée de la démocratie libérale et de l’économie capitaliste, car il n’y a pas de meilleure manière d’organiser la société afin de préserver la liberté et les droits fondamentaux de chacun. Ce régime permet à chacun d’avoir les conditions permettant la réalisation de ses projets de vie personnels, et donc d’apporter la prospérité et le bonheur. C’est le sens de la célèbre thèse du livre La fin de l’Histoire et le dernier homme du politiste américain Francis Fukuyama publié peu après l’effondrement de l’Union soviétique. Elle a largement été commentée et remise en cause. Fukuyama réinterprète la philosophie de l’Histoire du philosophe allemand Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) qui, de son temps, montrait de l’empathie envers les guerres napoléoniennes susceptibles de répandre les principes de la Révolution française et les droits de l’Homme. L’Histoire est un long cheminement dans la dialectique des idées, une idée s’affirme et entre en opposition avec une autre. De la résolution de ces contradictions et de la synthèse de ces idées, apparaît l’étape suivante dans le processus historique, qui engendre à nouveau une lutte des idées. Fukuyama en conclut que le libéralisme politique et économique a successivement triomphé du monarchisme, de l’absolutisme, du fascisme et du marxisme. Ayant triomphé de tous ses concurrents doctrinaires, il représente la dernière étape du processus historique. Cela présage une unification prochaine de l’Humanité régulée par les États-Unis, avec pour corollaire une décroissance des hostilités et un rapprochement des peuples.

[83] Le projet de « paix perpétuelle » paru en 1795 du philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804) a inspiré la fondation de la Société des Nations. Il n’est que le prolongement de réflexions philosophiques qui se sont écoulées sur des siècles, pour aboutir à la paix. Kant postule trois idées pour amener le monde à un état de paix perpétuelle. Premièrement, l’universalisation de la forme républicaine du gouvernement, c’est-à-dire la manière d’exercer le pouvoir, qu’il distingue de la forme de l’État qui se rapporte au nombre de personnes détenant le pouvoir. C’est-à-dire, un standard constitutionnel où la liberté des citoyens et les droits de l’Homme sont respectés, où la loi est la même pour tous et les citoyens entretiennent des relations d’égalité entre eux, il est l’avatar du droit. Deuxièmement, Kant avance l’idée de la création d’une fédération universelle de républiques pour mettre définitivement fin à la guerre. Cette fédération n’est pas imposée, mais consenti par chacun des États avec comme centre et point de départ, un État puissant et avisé qui montre la voie. Dans cette fédération, la liberté des États est garantie. Troisièmement, il imagine la promulgation d’un « droit cosmopolitique » ou « droit à l’hospitalité ». C’est-à-dire le droit universel de chacun à se rendre en visite, où il le désire sans être traité avec hostilité, afin d’établir des relations pacifiques sans arrières pensées colonisatrices ou dominatrices.

[84] Ibid., pp. 47-48

[85] Ibid., pp. 52-53

[86] Ibid., pp. 47-48

[87] Ibid., p. 55

[88] Ibid., p. 57

[89] LIN Xiaojiao, art. cit., p. 41

[90] FAN Leyi, art. cit., p. 98

[91] ZHUANG Junju, art. cit., p. 106

[92] Ibid., p. 106

[93] XU Jin, art. cit., pp. 33-34

[94] Ibid., p. 33

[95] Ibid., p. 34

[96] Ibid., p. 34

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