Né le 31 août de l’an 12[1] à Antium, Caligula était le fils de Germanicus et petit-fils de Tibère[2]. C’est durant l’année 31 qu’il a revêtu la toga virilis[3] à Capri, devenant aux yeux des Romains et du droit un homme. Il accéda au pouvoir à l’âge de 26 ans, succédant à Tibère sur le trône impérial.

Selon Suétone[4], les premiers mois de son règne se déroulèrent assez bien :
« En devenant maître de l’empire, il combla les vœux du peuple romain, je dirai même de l’humanité tout entière, car il était le prince rêvé pour la majorité des provinciaux et des soldats, dont la plupart l’avaient connu tout enfant, mais aussi pour toute la plèbe de Rome, qui gardait le souvenir de son père Germanicus et s’apitoyait sur cette famille presque anéantie. »[5]
L’empereur cherchait avant tout à coopérer avec les institutions traditionnelles (le Sénat et les comices). Néanmoins, il tomba gravement malade au mois d’octobre 37 et sa politique changea rapidement.
Sans nous appesantir sur l’ensemble des réformes effectuées sous son règne, notons qu’aujourd’hui encore, Caligula est surtout connu pour avoir été un gouvernant cruel et vicieux.
Suétone s’exprime notamment en ces termes à son sujet : « Jusqu’ici nous avons parlé d’un prince ; il nous reste à parler d’un monstre »[6]. Voilà la réputation que garda en mémoire les Romains du règne de cet empereur, qui avait déjà un caractère versé dans la cruauté quand il était jeune :
« Toutefois, même à cette époque [s. c. quand il avait une vingtaine d’années], il ne pouvait contenir sa nature cruelle et vicieuse : il assistait avec le plus vif plaisir aux exécutions et aux supplices des condamnés, courait la nuit à la débauche et à l’adultère, coiffé d’une perruque et dissimulé sous un long manteau, et se passionnait pour les arts de la scène, la danse et le chant. »[7]
Une liste conséquente des actes, que nous pourrions qualifier de barbares, est rapportée par Suétone et afin d’illustrer le climat de terreur qui devait régner en son temps, en voici un exemple :
« Dans un brillant festin, il [Caligula] se mit tout à coup à rire aux éclats, et comme les consuls, qui se trouvaient à ses côtés, lui demandaient avec douceur pourquoi il riait : “C’est tout simplement, leur répondit-il, à la pensée que d’un signe de tête je puis vous faire égorger tous deux à l’instant.” »[8]
Après seulement trois ans de règne, la situation devint invivable pour l’ensemble de la population romaine, qui vivait dans la peur. Ce fut parmi les proches de l’empereur que se forma l’idée d’une conjuration. Caligula fut assassiné le 24 janvier 41[9]. L’immensité et l’horreur des actes de l’empereur lui valurent par ailleurs de subir la damnatio memoria, c’est-à-dire la suppression, après son décès, de toute trace de son règne : son nom fut retiré des monuments publics, ses actes abolis, son règne oublié[10].
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Bibliographie
Blochmann Simonne, « Legitimation von Gewalt in der frühen Kaiserzeit : die Ermordung Caligulas » (« Légitimation de la violence durant le Haut Empire : l’assassinat de Caligula »), dans Hermes: Zeitschrift für Klassische Philologie (« Hermes : Revue de philologie classique »), vol. 145, n°2, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2017, pp. 122-247, pp. 122‑142, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/26650392 (dernière consultation le 02/03/2023)
Chazal Benoît, « Caligula, la fabrication d’un mythe : la théâtralisation de la figure du tyran dans la biographie de Suétone, éclairée par quelques passages de l’”Histoire Auguste” », dans Nova Tellus : Anuario del Centro de Estudios Clásicos (« Nova Tellus : Annuaire du Centre des études classiques »), vol. 36, n°2, México, Universidad Nacional Autónoma de México, 2018, 170 p., pp. 53-68, [en ligne] https://www.scielo.org.mx/scielo.php?pid=S0185-30582018000200053&script=sci_arttext_plus&tlng=fr (dernière consultation le 06/03/2023)
Daguet-Gagey Anne, « La mémoire et sa condamnation dans le monde romain : L’éloquence de l’oubli ? », dans e-Spania. Revue interdisciplinaire d’études hispaniques médiévales et modernes, no38, Paris, Civilisations et Littératures d’Espagne et d’Amérique du Moyen Âge aux Lumières, 2021, [en ligne] https://journals.openedition.org/e-spania/37776#quotation (dernière consultation le 08/03/2023)
Kienast Dietmar, Römische Kaisertabelle : Grundzüge einer römischen Kaiserchronologie (« Chronologie des empereurs romains : fondamentaux d’une chronologie des empereurs romains »), Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1990, XXVI & 377 p.
Suétone, Caligula, Paris, Les Belles Lettres, 1989, LXXV & 214 p., édité et traduit par Ailloud Henri
[1] Toutes les dates sont entendues « de notre ère ».
[2] Suétone, Caligula, VIII, 5, Paris, Les Belles Lettres, 1989, LXXV & 214 p., édité et traduit par Ailloud Henri ; Kienast Dietmar, Römische Kaisertabelle : Grundzüge einer römischen Kaiserchronologie (« Chronologie des empereurs romains : fondamentaux d’une chronologie des empereurs romains »), Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1990, LXXV & 214 p., p. 85
[3] La toga virilis, remplaçant la toga praetexta, était l’habit que revêtaient les jeunes Romains entrant dans la phase adulte de la vie (autour de dix-sept ans). En laine, elle était généralement de couleur blanche.
[4] Sur l’écriture de la Vie de Caligula par Suétone et sur la prudence à apporter dans l’interprétation, voir Chazal Benoît, « Caligula, la fabrication d’un mythe : la théâtralisation de la figure du tyran dans la biographie de Suétone, éclairée par quelques passages de l’”Histoire Auguste” », dans Nova Tellus : Anuario del Centro de Estudios Clásicos (« Nova Tellus : Annuaire du Centre des études classiques »), vol. 36, n°2, México, Universidad Nacional Autónoma de México, 2018, 170 p., pp. 53-68, [en ligne] https://www.scielo.org.mx/scielo.php?pid=S0185-30582018000200053&script=sci_arttext_plus&tlng=fr (dernière consultation le 06/03/2023)
[5] Suétone, Caligula, XIII, 1, op. cit., pp. 69-70 : « Sic imperium adeptus, P.R., vel dicam hominum genus, voti compotem fecit, exoptatissimus princeps manimae parti provincialium ac militum, quod infantem plerique cognoverant, sed et universae plebi urbanae ob memoriam Germanici patris miserationemque prope afflictae domus ».
[6] Ibid., p. 77 : « Hactenus quasi de principe, reliqua ut de monstro narranda sunt ».
[7] Ibid., p. 68 : « Naturam tamen saeuam probrosam ne tunc quidem inhibere poterat, quin et animadversionibus poenisque ad supplicium datorum cupidissime interesset et ganeas atque adulteria capillamento celatus et veste longa noctibus obiret ac scaenicas saltanti canendique artes studiosissime appeteret ».
[8] Ibid., p. 87 : « Lautiore convivio effusus subito in cachinnos, consulibus, qui iuxta cubabant, quidnam rideret blande quaerentibus : “Quid”, inquit, “nisi uno meo nutu iugulari utrumque vestrum statim posse ?” »
[9] Sur les hypothèses à propos de ce meurtre, voir par exemple Blochmann Simonne, « Legitimation von Gewalt in der frühen Kaiserzeit : die Ermordung Caligulas » (« Légitimation de la violence durant le Haut Empire : l’assassinat de Caligula »), dans Hermes: Zeitschrift für Klassische Philologie (« Hermes : Revue de philologie classique »), vol. 145, n°2, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2017, pp. 122-247, 122‑142, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/26650392 (dernière consultation le 02/03/2023)
[10] D’autres empereurs, comme Néron, subirent le même sort. Voir par exemple Daguet-Gagey Anne, « La mémoire et sa condamnation dans le monde romain : L’éloquence de l’oubli ? », dans e-Spania. Revue interdisciplinaire d’études hispaniques médiévales et modernes, no38, Paris, Civilisations et Littératures d’Espagne et d’Amérique du Moyen Âge aux Lumières, 2021, [en ligne] https://journals.openedition.org/e-spania/37776#quotation (dernière consultation le 08/03/2023)