Arthur Griffith et des sympathisants républicains irlandais à Londres pour la Conférence de paix irlando-britannique 22 octobre 1921, Underwood & Underwood

Le Traité anglo-irlandais et la naissance de l’État libre d’Irlande

Londres, 6 décembre 1921. Le Premier ministre anglais David Lloyd George rencontre au 10 Downing Street les délégués irlandais Michael Collins et Arthur Griffith pour mettre fin à la guerre d’indépendance irlandaise, commencée en 1919. Collins et Griffith signeront le traité sans se douter qu’il déclenchera la guerre civile irlandaise. Comment et pourquoi ce traité a-t-il mené à la guerre civile irlandaise ? Quelle est l’histoire cachée de ce document si important pour l’histoire irlandaise ?

Après trois tentatives en 1886, 1893 et 1903, le roi George V signe enfin une loi accordant l’autonomie à l’Irlande (Home Rule) mais, au même moment, la Première Guerre mondiale éclate et la mise en vigueur du document est repoussée jusqu’à sa fin. Rapidement, la tension monte en Irlande, qui se voit déchirée entre les partisans d’une union au Royaume-Uni de Grande Bretagne et les indépendantistes nationalistes. Cette animosité se cristallise en 1916 lors de l’insurrection de Pâques (Easter Rising) menée par les nationalistes. Bien que cette dernière ait été matée en moins d’une semaine, l’opinion publique irlandaise est profondément marquée par la brutalité de la répression britannique.

De plus, le clivage entre les deux factions est aggravé deux ans plus tard lorsque les autorités britanniques mettent en place un service militaire obligatoire pour faire face à l’offensive du Printemps allemande (Kaiserschlacht). Ce mécontentement croissant se traduit dans les élections générales de 1918, où le Sinn Féin, parti politique irlandais fondé par Arthur Griffith, remporte 70 % des voix, écrasant la liste britannique. Celui-ci jure de ne pas siéger au Parlement britannique à Westminster préférant créer un Parlement proprement irlandais : le Dáil. Celui-ci adopte la Déclaration d’indépendance de l’Irlande le 21 janvier 1919. En parallèle, les anciens nationalistes irlandais prennent le nom de l’armée républicaine irlandaise (IRA) et s’organisent en forces armées. S’ensuit alors la guerre d’indépendance irlandaise qui éclate en 1919 et se poursuit jusqu’à la trêve de juillet 1921.

Peu après la trêve, les négociations commencent entre David Lloyd George et Éamon de Valera, président de la République d’Irlande depuis le 26 août 1919. Toutefois, les négociations s’enlisent. En effet, le Premier ministre britannique aurait laissé entendre qu’il n’accorderait pas une pleine indépendance à l’Irlande. Rapidement, de Valera délègue la tâche des négociations du traité à Michael Collins et Arthur Griffith qui sont délégués plénipotentiaires (représentants accrédités par l’État) chargés d’aller à Londres pour obtenir l’indépendance. Mais sous les menaces d’une reprise de guerre immédiate par David Lloyd George, le traité est signé par les plénipotentiaires le 6 décembre, créant ainsi la République d’Irlande sous condition de prêter serment d’allégeance, d’adhérer au Commonwealth et laissant par ailleurs l’Irlande du Nord (à majorité protestante) sortir du nouvel État.

Une fois de retour en Irlande, les délégués sont convoqués en réunion avec le président de Valera qui se prononce ouvertement contre le traité signé comme tel. Commence alors une grande division au sein du cabinet présidentiel et du Dáil opposant d’un côté Collins, Griffith et leurs alliés et de l’autre le président et les siens. Finalement, le traité est ratifié à 64 voix contre 57, entraînant la démission de Éamon de Valera et son remplacement par Griffith. Cette ratification aggrave la division entre les anti-traité et les pro-traité, menant ainsi à la guerre civile irlandaise qui sévit entre 1922 et 1923. Faisant entre 1000 et 4000 morts, elle se solde par la victoire des forces pro-traité.

Lors du 90e anniversaire du traité, les archives nationales irlandaises ont ouvert leurs portes pour consacrer une exposition à ce document historique. À cette occasion, les archives ont fait de nombreuses révélations concernant la valeur « plastique » de celui-ci. En effet, il n’a pas été retrouvé de copie du traité dans les archives anglaises, la seule copie du traité a été envoyée en Irlande, où elle à été scellée à la cire et oubliée dans les archives avant d’être redécouverte par un archiviste irlandais en 2002. Ce dernier parle ouvertement d’un traité fait à la hâte et sans grande importance. Le papier n’était pas particulièrement noble et le contenu du traité était écrit à la machine à écrire. Il aurait été originellement intitulé « proposition d’accord du traité » avant d’être tamponné, après sa signature, par dessus « approuvé ».

Malgré les débats qu’il a pu engendrer, ce document est à la fois historique et sentimental pour les Irlandais. Grâce à ce traité, qui n’a certes pas fait consensus en 1921, l’Irlande à pu avoir sa propre armée, son propre drapeau, son propre système scolaire et beaucoup d’autres éléments qui lui ont permis de s’affranchir peu à peu de la souveraineté britannique.

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