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Japon, 1945 : l’inefficacité stratégique de la bombe atomique

En France, lorsque la Seconde Guerre mondiale est étudiée en cours d’Histoire dans l’enseignement primaire et secondaire, les thèmes abordés sont, de manière générale, vus de manière européo-centrée : la Shoah, la résistance française et l’appel du général de Gaulle (1890-1970), le débarquement de Normandie… Quand la guerre du Pacifique est évoquée, trois attaques ou batailles sont parfois mises en avant : Pearl Harbor, Iwo Jima et Okinawa. Néanmoins, les deux éléments se trouvant constamment dans nos manuels scolaires, sur les frises chronologiques ou listes de dates ayant marquées l’Histoire, sont les bombardements atomiques des villes de Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945. Il est rare que soit mentionné tout autre sujet concernant la période d’impérialisme et de colonialisme que fit subir le Japon à ses pays voisins à partir de la fin du XIXe siècle.

À l’école en France, nous apprenons que les bombes atomiques ont causé la défaite japonaise. De manière générale, le scénario de la reddition nous est ainsi narré : après une multitude de raids aériens, un embargo et plusieurs défaites meurtrières pour les deux partis – les États-Unis et le Japon -, mais surtout après deux bombardements atomiques, l’empire du Japon capitule à travers une allocution radio de l’empereur Hirohito 裕仁, également connu sous son nom posthume d’empereur Shōwa 昭和天皇 (1901-1989), le 15 août 1945 et signe les actes de capitulation le 2 septembre suivant, évitant aux Américains d’avoir à envahir l’archipel et subir des pertes considérables. En faisant capituler le Japon, les bombes auraient donc sauvé des vies. Durant des décennies, cette version fut pratiquement laissée indiscutée.

Pourtant, et cela est désormais connu de la majorité des historiens et politologues spécialistes de cette période, ce récit est particulièrement incomplet, voire mensonger. Ce que nous pouvons considérer comme étant l’évènement majeur ayant provoqué la décision de capituler n’était pas un bombardement atomique, mais bel et bien l’invasion de la Mandchourie – terre conquise japonaise – par l’Union soviétique (URSS) de Joseph Staline (1878-1953), qui fut déclenchée durant la nuit du 8 au 9 août 1945. Cependant, ce point est éludé dans nos programmes scolaires et Hiroshima est omniprésente malgré sa faible importance stratégique.

« Champignons atomiques Hiroshima (gauche) et Nagasaki (droite) », CARON George (gauche) et LEVY Charles (droite), 1945
« Champignons atomiques Hiroshima (gauche) et Nagasaki (droite) », CARON George (gauche) et LEVY Charles (droite), 1945, Wikimedia Commons

Cette vision scénarisée de la fin de la guerre du Pacifique oubliant la présence de l’Union soviétique fut, durant la vingtaine d’années suivant Hiroshima, la version « officielle » présentée par le monde occidental et le Japon[1]. Néanmoins, à partir des années 1960, la question de la moralité des bombardements et des véritables motivations américaines fut mise en avant. Dès 1965, l’historien Gal Alperovitz affirmait que le Japon aurait capitulé avant la date prévue d’invasion et que les bombes n’étaient donc pas nécessaires.

Deux écoles s’affrontèrent alors sur la question : ceux qui suivaient l’avis d’Alperovitz (surnommés les « révisionnistes »), et ceux qui continuaient de penser que les bombes avaient sauvé des vies. Cependant, à partir des années 1990, avec l’ouverture des archives américaines, mais aussi soviétiques et japonaises, une nouvelle version de l’Histoire commença à réapparaître, et le rôle de l’URSS fut redécouvert en Occident.

Beaucoup d’historiens spécialistes de la Seconde Guerre mondiale, et notamment de la guerre du Pacifique, ont remis en cause l’efficacité stratégique de la bombe atomique dans le cas de la capitulation japonaise et ont réussi à prouver ces trente dernières années que les bombes n’ont causé ni la défaite, ni la décision de reddition inconditionnelle. Néanmoins, cela n’est toujours pas connu du grand public et la bombe a toujours une place centrale dans nos manuels scolaires. Une remise en question internationale de la vision populaire, mais aussi politique, de ces évènements nous semble particulièrement nécessaire.

Ainsi, l’objectif de cet article ne sera pas d’explorer la question de la moralité ou de la nécessité de la bombe comme a pu le faire Alperovitz, mais bien d’analyser les véritables raisons de cette capitulation et de déterminer le rôle concret qu’eurent ces bombardements atomiques. Nous commencerons donc ce travail par l’observation des stratégies américaines et japonaises, afin d’y entrevoir leurs plans respectifs concernant le dénouement de la guerre. Nous entrerons ensuite dans la face cachée des intrigues diplomatiques pour tenter de comprendre de quelles manières les États-Unis, l’Union soviétique et le Japon s’efforcèrent de prévaloir les uns sur les autres et d’en tirer avantage, ce qui amena l’archipel à sa capitulation finale.

Puis, nous reviendrons sur le bombardement de Hiroshima et examinerons les réactions des différents dirigeants face à cette nouvelle arme. Une arme qui, force est de le constater, ne provoqua pas la reddition. Un autre événement incita l’Empire à s’incliner : l’invasion de la Mandchourie par l’URSS le 9 août 1945. Enfin, nous terminerons notre propos en abordant les raisons de cette omission du rôle de l’URSS, de l’amplification de celui de la bombe, ainsi que de leurs conséquences.

Olympic et la théorie de l’otage : les plans américains contrés

Le 7 décembre 1941, les forces aéronavales japonaises attaquèrent par surprise la base de Pearl Harbor dans le but d’anéantir la principale flotte des États-Unis, et ainsi de les empêcher de potentiellement s’opposer à l’expansionnisme de l’Empire. Considérée comme un véritable désastre national pour les Américains, elle ne s’avéra pourtant pas si destructrice pour leur flotte et fut la première cause de représailles inimaginables pour le Japon. Avec Pearl Harbor – mais aussi le débarquement en Malaisie et en Thaïlande des Japonais – débuta ainsi la guerre du Pacifique, qui mit fin, en été 1945, à plusieurs décennies d’impérialisme japonais et de colonialisme en Asie.

« Vue aérienne de l’attaque de Pearl Harbor depuis un avion japonais », Marine impériale japonaise, 1941, Wikimedia Commons
« Vue aérienne de l’attaque de Pearl Harbor depuis un avion japonais », Marine impériale japonaise, 1941, Wikimedia Commons

Durant cette guerre, les États-Unis appliquèrent trois principales combinaisons de mesures coercitives[2] afin d’obtenir la capitulation sans condition demandée par le président Franklin Roosevelt (1882-1945). Tout d’abord, l’implantation d’un blocus naval et sous-marin accompagné de bombardements stratégiques ou de précision sur des cibles industrielles. Puis, à partir du printemps de l’année 1945, ils changèrent la cible de leurs bombardements en suivant la doctrine Douhet, qui met en avant la supériorité des forces aériennes, et déclenchèrent des bombardements de masse sur les villes afin d’infliger le maximum de dégâts à la population civile[3]. Enfin, à partir de l’été 1945, ils incorporèrent à leur plan stratégique une menace d’invasion des îles principales[4] et centrèrent leur stratégie sur la bombe atomique, souhaitant affirmer leur supériorité, faire preuve de leur puissance afin de forcer l’ennemi à négocier, et ce grâce à la suprématie de leurs forces aériennes, notamment atomiques.

De toutes ces différentes mesures coercitives, nous sommes en mesure d’affirmer que seul le blocus a réellement fonctionné. De fait, l’économie japonaise reposant en grande partie sur les importations de matières premières venant des colonies, les effets de ce blocus se ressentirent dès janvier 1945, soit avant-même le début des bombardements de masse, et ce malgré l’existence de réserves de matières premières sur l’archipel[5]. La campagne de bombardements stratégiques, quant à elle, eut lieu de juin 1944 à mars 1945, et fut un véritable échec provoqué… par l’efficacité du blocus américain, fonctionnant si bien que la production industrielle était déjà extrêmement ralentie, et ne put donc pas être impactée par ces attaques.

« Le président Roosevelt signant la déclaration de guerre contre le Japon », ROWE Abbie, 1941, Wikimedia Commons
« Le président Roosevelt signant la déclaration de guerre contre le Japon », ROWE Abbie, 1941, Wikimedia Commons

La deuxième étape, soit l’usage de la doctrine Douhet, fut mise en pratique de manière officielle à partir du 9 mars 1945 avec le bombardement de Tōkyō[6], premier véritable raid incendiaire – soit au napalm – de masse des États-Unis sur l’archipel et qui fit entre 80 000 et 197 000 morts, détruisit environ 261 000 habitations et généra 1,15 million de sans-abris[7]. Ce raid est, encore de nos jours, considéré comme l’un, si ce n’est le, raid aérien le plus meurtrier de l’Histoire. Seule la bombe atomique de Hiroshima a provoqué environ autant de morts[8].

Du 11 au 19 mars 1945, les États-Unis larguèrent du napalm sur Nagoya, Ōsaka et Kōbe. Entre mars et août 1945, soixante-six villes subirent les bombes incendiaires américaines, plusieurs centaines de milliers de civils perdirent la vie, et des millions devinrent sans-domicile. Durant les trois semaines précédant Hiroshima, vingt-cinq villes japonaises furent touchées, et huit d’entre elles subirent plus de dégâts que Hiroshima[9]. Toutefois, malgré cela, le Japon n’a pas capitulé. La doctrine Douhet a échoué.

En 1945, les États-Unis étaient persuadés de pouvoir gagner la guerre uniquement grâce à leur force aérienne[10]. Mais que nous citions le Blitz[11] en 1940-1941 ou encore la campagne de bombardements des Alliés sur l’Allemagne en 1942, plusieurs contre-exemples montrent qu’à elle seule, elle ne suffisait pas à faire plier un ennemi. Qu’il s’agisse de bombardements de masse ou stratégiques n’y changea rien. Dans la nuit décisive du 9 au 10 août 1945, le chef d’État-Major de l’armée, le général Umezu Yoshijirō 梅津美治郎 (1882-1949), l’a également confirmé pour le Japon : « l’armée […] ne capitulerait jamais à cause de raids aériens »[12]. Nous précisons également qu’il se référait ici à la bombe atomique et non pas « seulement » à des raids incendiaires.

Enfin, en ce qui concerne notre troisième étape, une stratégie centrée autour de la bombe atomique, le politologue Robert Pape précise dans son article « Why Japan Surrendered » que, si les États-Unis souhaitaient l’utiliser dans ce cadre d’affirmation de la supériorité par la preuve de la force, elle nécessitait d’être employée pour menacer de plus amples destructions, et d’avoir un espace de temps suffisamment long entre deux détonations pour permettre d’en comprendre les effets et donc de demander la capitulation[13].

Néanmoins, cela ne fut pas le cas. D’une part, comme nous l’avons précisé, d’autres bombardements précédents furent tout autant destructeurs et, d’autre part, Fat Man fut larguée sur Nagasaki bien avant que les dirigeants japonais acceptent tous la nature du raid sur Hiroshima. En outre, qu’il s’agisse des raids incendiaires ou des bombes atomiques, les dirigeants ne se souciaient que très peu des attaques américaines sur la population civile[14], et encore moins des menaces du président Harry Truman (1884-1972) lorsqu’il promit le 7 août, soit au lendemain de Hiroshima, encore plus de destruction si le Japon ne capitulait pas[15].

Mais que restait-il à détruire sur l’archipel ? Le 7 août 1945, il ne subsistait que dix villes de plus de 100 000 habitants au Japon. Neuf lorsque nous soustrayons Nagasaki. Quatre de ces villes se trouvaient sur l’île de Hokkaidō, elles étaient donc particulièrement difficiles à attaquer par la voie des airs pour les Américains. À la suite des demandes insistantes du secrétaire à la Guerre Henry Stimson (1867-1950), une autre de ces villes, l’ancienne capitale impériale Kyōto, fut exclue de la liste des cibles potentielles pour une attaque à la bombe atomique de par son caractère religieux et symbolique[16]. Stimson avait, en effet, peur que les Japonais en viennent à détester les Américains et se tournent vers le « communisme » de l’URSS si Kyōto était détruite.

Après le bombardement de Nagasaki, il ne restait donc que quatre villes sur cette liste de cibles. À la toute fin de sa campagne de bombardements, le paysage urbain japonais était dans un si pitoyable état que les États-Unis attaquaient des villes de moins de 60 000 habitants[17]. Une ville de seulement 60 000 habitants n’était déjà plus considérée comme « grande » sur un archipel de 71 millions d’habitants à cette époque. L’otage que menaçait Truman ce 7 août 1945 était déjà mort. La guerre ne pouvait être gagnée par la voie des airs.

« Avions B-29 larguant des bombes incendiaires sur le Japon », USAAF, 1945, Wikimedia Commons
« Avions B-29 larguant des bombes incendiaires sur le Japon », USAAF, 1945, Wikimedia Commons

Néanmoins, cette troisième étape centrée autour de la bombe n’était pas le plan originel des États-Unis. En effet, lorsque Truman devint président après le décès de Roosevelt le 12 avril 1945, il réaffirma dès le 16 avril suivant devant le Congrès cette volonté initiale de faire capituler le Japon sans condition[18], malgré le fait que lui et ses conseillers savaient qu’une reddition serait obtenue plus rapidement s’ils annonçaient autoriser la conservation du système impérial.

Cependant, Truman semblait souhaiter venger Pearl Harbor[19], les prisonniers de guerre alliés et les populations colonisées[20]. Il voulait également garder la tête haute devant l’opinion publique en ne cédant pas sur ce point. Enfin, il espérait aussi tester la bombe atomique une fois que son efficacité fut confirmée en juillet 1945. Néanmoins, avant cette confirmation lors de l’essai Trinity au Nouveau-Mexique le 16 juillet, notre troisième étape consistait en une opération nommée Downfall et construite en deux temps : le débarquement sur l’île de Kyūshū durant l’opération Olympic, et l’invasion de la plaine de Tōkyō lors de l’opération Coronet.

« Carte prévisionnelle de l’opération Downfall », US Army, Wikimedia Commons
« Carte prévisionnelle de l’opération Downfall », US Army, Wikimedia Commons

La décision finale d’envahir Kyūshū se fit environ en même temps que Truman prêta serment, et elle fut fixée au 1er novembre 1945[21]. Le général Douglas MacArthur (1880-1964) devait en être à la tête. Olympic devait se dérouler en trois phases : un bombardement stratégique du pouvoir industriel et des moyens de communication sur Kyūshū, une isolation du sud de l’île par un blocus naval et aérien, et un assaut mené par quatorze divisions de l’armée et de la marine[22]. Puis, le 1er mars 1946, durant l’opération Coronet, les troupes américaines devaient débarquer dans la plaine de Tōkyō[23].

Lors de leurs préparatifs stratégiques, les États-Unis envisagèrent d’utiliser des armes de destruction massive à base de gaz ou encore d’anthrax durant cette invasion[24], effrayés à l’idée que le Japon ne le fasse en premier[25]. Les Américains souhaitaient, à vrai dire, éviter cette opération qui aurait causé un grand nombre de morts. Les pertes subies à Okinawa ont fortement influencé leur réflexion stratégique[26], ils souhaitaient avant tout éviter une nouvelle bataille aussi mortelle pour leurs troupes.

Initialement, afin d’éviter un massacre des troupes américaines, Roosevelt souhaitait que l’URSS rallie la bataille et attaque le Japon[27]. Ainsi, durant la conférence de Yalta[28], il se mit d’accord en secret avec Churchill et Staline afin que l’URSS déclare la guerre au Japon trois mois après la défaite allemande. Cette alliance, bien qu’initiatrice de nombreuses tensions diplomatiques, aurait permis de dominer complètement les troupes japonaises qui, par ailleurs, étaient bien plus nombreuses sur Kyūshū que ce qu’avaient prévu les Américains.

« Carte de l’estimation américaine des troupes japonaises sur l’île de Kyūshū au 2 août 1945 », CIA
« Carte de l’estimation américaine des troupes japonaises sur l’île de Kyūshū au 2 août 1945 », CIA, Wikimedia Commons

En parallèle, la situation n’était pas glorieuse sur l’archipel. En effet, au Japon, la future défaite était apparue dans de nombreux esprits dès 1943, et l’idée qu’il devenait nécessaire d’utiliser l’URSS comme médiateur afin d’obtenir de bonnes conditions de capitulation prenait de plus en plus d’importance dans les esprits[29]. Néanmoins, ces personnes, affiliées à ce que nous pourrions nommer « parti de la paix », n’élevaient pas leurs voix par peur des militaires[30].

De fait, le Cabinet ministériel japonais était à cette époque divisé en deux : les ministres civils, plutôt engagés pour mettre fin à la guerre ; et les ministres militaires, refusant absolument toute idée de reddition. Le Cabinet ne pouvant fonctionner sans ministre de la Guerre ou ministre de la Marine, l’armée disposait d’un pouvoir de veto : si un de ces deux ministres était contre une décision, il pouvait démissionner et le Cabinet était dissous sans que la décision ne soit votée. En outre, il fallait l’unanimité pour qu’une décision soit prise.

En plus du Cabinet ministériel, l’armée dominait également le Saikō sensō shidō kaigi 最高戦争指導会議, le Conseil suprême pour la direction de la guerre. Créé en août 1944, il s’agissait plus ou moins d’un cabinet intérieur de guerre composé du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères, du ministre de la Guerre, du ministre de la Marine, du chef de l’État-major de l’Armée, et du chef de l’État-major de la Marine. Tout comme pour le Cabinet ministériel, l’armée dominait la prise de décision qui devait être unanime.

Nous remarquons que l’empereur pouvait assister à la réunion de ces « Six Grands », et pouvait aussi convoquer une réunion de ce Conseil. Ainsi, en 1945, même si une partie « civile » prenait part à la prise de décision au sein du gouvernement japonais, les militaires étaient ceux qui disposaient du réel pouvoir. Et les militaires ne souhaitaient pas capituler malgré la clarté de la défaite approchante.

« Cabinet ministériel du Premier ministre Suzuki », 1945
« Cabinet ministériel du Premier ministre Suzuki », 1945, Wikimedia Commons

Quand le Japon se lança dans la guerre du Pacifique, son objectif était de conquérir des territoires pour la production de matières premières[31]. Ainsi, sa stratégie initiale consistait à prendre rapidement les Indes orientales en Asie du Sud-Est et à créer un cercle défensif allant du nord de l’Océan Pacifique à la Birmanie (Myanmar), formant alors un périmètre disposant de points stratégiques pour contrer les offensives américaines.

Néanmoins, lorsqu’il tenta d’étendre ce cercle aux îles Midway en juin 1942 en essayant de détruire les forces aéronavales américaines, le Japon subit une défaite qui se révéla décisive pour la suite des combats : sa stratégie avait échoué. L’armée japonaise se concentra alors sur la défense de son cercle face aux contre-attaques américaines.

Toutefois, après avoir subi de nombreuses défaites et en retenant la leçon de la perte d’Okinawa en avril-juin 1945, l’archipel imagina un nouveau type de stratégie : le ketsugō 決号作戦[32]. Celui-ci consistait à préparer une « bataille finale » contre l’invasion américaine à Kyūshū. Dans ce but, de nombreuses forces furent rappelées de Mandchourie afin de stationner sur l’île. Des unités kamikaze 神風 furent préparées, des forces de guérilla ou des milices civiles[33] implantées, les plages fortifiées de mines, d’obstacles, de tranchées remplies de soldats et d’artillerie… Le ketsugō avait pour objectif, non pas de gagner, mais d’infliger le plus de pertes possibles aux Américains afin de les pousser à négocier la fin de la guerre. Le Japon voulait absolument éviter une capitulation, d’autant plus si elle était sans condition comme l’exigeait le président américain.

« Carte des forces terrestres de l’armée japonaise sur les quatre îles principales de l’archipel au 18 août 1945 », U.S. Army, 1950
« Carte des forces terrestres de l’armée japonaise sur les quatre îles principales de l’archipel au 18 août 1945 », U.S. Army, 1950, Wikimedia Commons

En parallèle cependant, plusieurs personnes, notamment le ministre des Affaires étrangères, Tōgō Shigenori 東郷茂徳 (1882-1950), cherchaient de manière plus ou moins officielle des intermédiaires neutres afin qu’ils négocient avec les Alliés au nom du Japon une capitulation avec conditions avant cette bataille finale. L’intermédiaire privilégié était l’URSS[34], à qui le Japon hésitait entre demander de l’aide militaire ou bien négocier pour le Japon auprès des États-Unis. L’ambassadeur du Japon en URSS, Satō Naotake 佐藤尚武 (1882-1971), œuvra considérablement à cet effet à la demande de Tōgō. Leur correspondance par messages cryptés avec les machines PURPLE[35] fut, par ailleurs, interceptée par le programme d’écoute et de décryptage des États-Unis Magic. Une fois traduits, leurs échanges furent transcrits dans ce qui fut nommé « MAGIC Diplomacy Summary » (« résumé diplomatique MAGIC»)[36].

« Fragment d’une machine PURPLE, utilisée par le ministère des Affaires étrangères japonais et ses ambassades afin d’encoder leurs messages diplomatiques », 2005
« Fragment d’une machine PURPLE, utilisée par le ministère des Affaires étrangères japonais et ses ambassades afin d’encoder leurs messages diplomatiques », 2005, Wikimedia Commons

Ainsi, les hauts-gradés américains savaient en grande partie ce qu’il se passait au sein de ce gouvernement japonais divisé en un « parti de la guerre »[37], souhaitant aller jusqu’au bout dans l’accomplissement du ketsugō, et un « parti de la paix »[38], qui tentait vainement de négocier avec l’URSS une médiation auprès des Américains, ou tout du moins une « neutralité bienveillante »[39], soit une non-entrée dans la guerre.

À la fin du printemps de l’année 1945, le Japon savait qu’il avait perdu. La question subsistante était : de quelle manière se déroulerait cette défaite ? Cette division du gouvernement entraîna de nombreuses répercussions sur les tentatives de discussions avec l’URSS, les partisans de la paix ne pouvant lui demander ouvertement de négocier une finalité meilleure que la reddition inconditionnelle des États-Unis avec des demandes explicites par crainte de répercussions de la part des militaires. Le Japon se trouvait dans une impasse. Et cela, Staline et Truman ne le savaient que trop bien.

« Beaucoup de gens semblent croire que l’idée vraiment épouvantable de tuer des centaines, des milliers, voire des millions de civils innocents, dissuaderait obligatoirement les dirigeants. Mais ce postulat n’a jamais été examiné en détail. […] Au fur et à mesure que les enjeux augmentent, l’importance des atrocités et de la moralité diminue ; l’accent est mis sur la nécessité ; et ceux qui prennent les décisions deviennent plus disposés à laisser des innocents souffrir. […] Aucune guerre […] n’a été gagnée en tuant des civils ou en détruisant des villes. »[40]

Négocier, mentir et trahir : la diplomatie dans toute sa splendeur

Le 13 avril 1941, le pacte de neutralité russo-japonaise fut signé par le Japon et l’URSS, cette dernière souhaitant pouvoir se concentrer sur le front européen et ne pas avoir à conserver d’importantes troupes à la frontière de la Mandchourie – État officiellement indépendant, mais contrôlé dans les faits par l’archipel – pour contrer toute tentative d’offensive japonaise. Cependant, dès décembre 1941, Staline évoquait son intention de rejoindre la guerre contre l’Empire. Après sa victoire à Stalingrad le 2 février 1943, il se mit à préparer sérieusement le futur conflit.

Lors de la troisième conférence de Moscou (19 au 30 octobre 1943), qui réunit les ministres des Affaires étrangères du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’URSS, son intention d’attaquer le Japon environ trois mois après la défaite allemande fut transmise aux Alliés[41] et Staline le confirma de manière directe à Roosevelt et Winston Churchill (1874-1965) lors de la conférence de Téhéran le 28 novembre de la même année. Nous notons alors que, dès cette première rencontre entre les trois dirigeants, Staline prit soin de signaler qu’il avait des désidératas en contrepartie de cette future entrée en guerre. En effet, Staline avait des intérêts géopolitiques propres à contrer l’impérialisme japonais. Il souhaitait (re)conquérir des terres afin de protéger les frontières de l’URSS, notamment avec la (re)prise des îles Kouriles et du sud de Sakhaline.

« Staline, Roosevelt et Churchill à la conférence de Téhéran », U.S. Army, 1943
« Staline, Roosevelt et Churchill à la conférence de Téhéran », U.S. Army, 1943, Wikimedia Commons

Durant la conférence de Yalta, du 4 au 11 février 1945[42], Churchill, Roosevelt et Staline se mirent d’accord : l’URSS entrerait en guerre contre le Japon et recevrait en échange les terres demandées. De ce fait, l’URSS se vit dans l’obligation d’attaquer si elle souhaitait les obtenir. Lors d’une rencontre non-officielle entre Roosevelt et Staline, les deux hommes abordèrent les conditions soviétiques et le président américain les accepta rapidement[43] malgré les tensions naissantes causées par l’administration communiste de la Pologne orchestrée par Staline[44]. Roosevelt imposa simplement à Staline d’avoir l’accord du chef du gouvernement chinois, Tchang Kaï-chek 蔣介石 (1887-1975), les demandes de l’URSS empiétant sur la souveraineté chinoise.

Ainsi, pour obtenir ses gains de guerre promis à Yalta, l’URSS devait attaquer le Japon environ trois mois après la défaite allemande et la Chine devait accepter l’accord. Staline lança alors les préparatifs militaires, déplaçant progressivement ses troupes du front européen à la frontière avec la Mandchourie, et entama les négociations avec le gouvernement chinois.

Néanmoins, sachant l’archipel au bord de la défaite, l’URSS commença également à mettre en œuvre une stratégie dilatoire[45], donnant l’impression au Japon que leurs relations étaient toujours amicales tout en leur faisant perdre du temps afin de préparer l’attaque. De cette manière, lorsque le 5 avril 1945 l’URSS informa le Japon que le traité de neutralité ne serait pas renouvelé[46], le ministre des Affaires étrangères soviétique Viatcheslav Molotov (1890-1986) promit à l’ambassadeur japonais Satō que ce traité serait respecté jusqu’à sa fin – soit en avril 1946. Toutefois, la préparation de l’attaque était déjà en cours.

Le 28 mai 1945, Truman, nouvellement devenu président à la mort de Roosevelt, apprit que Staline comptait attaquer le Japon en août et s’en réjouit[47]. Les forces armées de l’URSS étaient alors la clef pour battre rapidement le Japon, mais surtout pour éviter un grand nombre de pertes du côté américain[48]. Toutefois, la politique de Truman envers Staline fut particulièrement variable, notamment à cause de la question de la Pologne et de la peur croissante d’une expansion de l’URSS[49]. Truman était conseillé à l’époque par, entre autres, le notoirement sévère envers l’URSS et ambassadeur des États-Unis en Union soviétique, William Harriman (1891-1986).

Ainsi, même si les États-Unis savaient que l’entrée en guerre des Soviétiques faciliterait grandement la capitulation japonaise et empêcherait de nombreuses pertes humaines, ils avaient également conscience du fait que cette aide n’était pas non plus nécessaire pour gagner la guerre[50]. Truman a changé la demande américaine de « capitulation sans condition » pour une « capitulation sans condition des forces armées » afin de pousser le Japon à se rendre avant l’entrée en guerre de l’URSS[51].

Rien n’étant dit sur le statut de l’empereur et sur « l’essence nationale », kokutai 国体[52], cette modification fut relevée par le « parti de la paix » japonais, mais ne changea rien à sa politique. Le « parti de la guerre » ne souhaitant pas même aborder la question de la capitulation à cette époque, les termes employés par Truman l’influencèrent encore moins.

Staline, quant à lui, insistait plutôt pour conserver le « sans condition »[53]. Conscient du fait que cette incertitude quant au statut du kokutai ferait renoncer le Japon à ne serait-ce que considérer ce type de reddition, il souhaitait en profiter pour allonger la guerre. La politique de Truman étant quelque peu capricieuse, Staline craignait que le président des États-Unis ne revienne sur la parole de son prédécesseur donnée lors de la conférence de Yalta, et souhaitait donc conquérir militairement les terres promises afin de ne pas avoir à compter sur les États-Unis[54].

« Portrait de Viatcheslav Molotov », 1945
« Portrait de Viatcheslav Molotov », 1945, Wikimedia Commons

Lorsque l’envoyé spécial de Truman à Moscou et ancien conseiller extrêmement influent de Roosevelt, Harry Hopkins (1890-1946), rencontra Staline à Moscou en mai-juin 1945, ce dernier lui annonça que l’URSS serait prête à entrer en guerre avec l’archipel pour le 8 août suivant[55]. Staline savait que le Japon ne tiendrait pas jusqu’au terme du pacte de neutralité (avril 1946)[56]. Du fait du climat de la région, le seul moment propice à cette attaque serait donc l’été 1945. Staline réunit le Politburo[57] les 26 et 27 juin 1945, et il y fut décidé pour stratégie officielle que le Japon serait attaqué à travers une offensive tous azimuts en Mandchourie pour le mois d’août[58]. La préparation à l’invasion – effectuée dans le but de prendre par la force les territoires demandés durant la conférence de Yalta – s’intensifia afin d’être finalisée pour la fin du mois de juillet ou au début du mois suivant.

Nous notons alors que le Japon prit connaissance dès la fin du mois d’avril 1945 de l’envoi de troupes soviétiques vers l’est[59]. Néanmoins, l’État-Major général avait un avis divisé sur l’URSS : la cinquième division (spécialiste du renseignement sur l’armée rouge) estimait que la Russie déclarerait la guerre tôt ou tard, mais la douzième division (en charge de la planification des opérations) rejetait complètement cette idée.

Ainsi, choisissant d’ignorer ces manœuvres militaires, le Japon proposa à l’URSS de renouveler le pacte de neutralité en contrepartie de bénéfices[60]. Toutefois, ces derniers étaient bien inférieurs aux promesses américaines, et l’URSS était déjà bien avancée dans ses préparatifs de guerre. Les négociations échouèrent, mais les Soviétiques, et plus particulièrement Molotov, en profitèrent pour faire perdre encore plus de temps aux Japonais, leur faisant croire qu’il existait une possibilité qu’ils acceptent, avant de finalement refuser.

En parallèle sur l’archipel, et plus précisément le 8 juin 1945, l’empereur tint une conférence impériale durant laquelle il confirma son intention de continuer la guerre[61]. Toutefois, son avis changea en l’espace de quelques jours. En effet, le lendemain de cette conférence, le chef d’État-Major de l’armée, Umezu, de retour de Mandchourie, vint faire son rapport à l’empereur et lui révéla les défaillances importantes de l’armée du Kwantung[62]. Si les principales forces de l’armée semblent incapables de continuer, dans quel état se trouvaient les forces sur l’archipel destinées au ketsugō ?

Puis, le 12 juin, l’amiral à la retraite Hasegawa Kiyoshi 長谷川清 (1883-1970) lui fit un rapport alarmiste sur l’état des districts militaires et des dépôts d’armes sur les quatre îles principales de l’archipel : la production industrielle et militaire était particulièrement basse en raison du manque de matières premières dû au blocus naval américain[63]. Face à cette situation, l’empereur, persuadé jusqu’alors de la force de son armée, reçut un choc : la stratégie du ketsugō semblait inexécutable.

Ainsi, dès le 20 juin 1945, l’empereur signala à Tōgō que ce rapport reçu de Hasegawa (entre autres) le poussait à demander la fin de la guerre. Le 22, les Six Grands furent convoqués chez l’empereur pour une audience[64]. Mais contrairement aux habitudes, aucun ordre du jour ne fut produit. Durant cette audience, l’empereur demanda aux Six leur opinion quant à un arrêt éventuel de la guerre. Tous étaient d’accord : il fallait entamer des négociations avec l’URSS.

Néanmoins, la nature de ces négociations différait d’un membre à l’autre, certains souhaitant demander une aide militaire, d’autres de servir de médiateur auprès des États-Unis. Finalement, l’empereur décida d’envoyer à Moscou un émissaire officiel, l’ancien Premier ministre Konoe Fumimaro 近衛文麿 (1891-1945), afin de demander la médiation de Staline. Nous remarquons alors qu’aucune condition précise ne fut donnée à Konoe : il avait carte blanche sur les concessions proposées lors des négociations avec l’URSS[65]. Toutefois, ce projet d’envoyer un émissaire officiel rencontra un obstacle : les Soviétiques continuant leur stratégie dilatoire, refusaient depuis juin d’autoriser la venue de Konoe tant que les raisons précises de l’arrivée de cette délégation ne seraient dévoilées[66]. Le 11 juillet, Tōgō envoya ainsi à Satō un message à transmettre à Molotov :

« Sa Majesté l’Empereur, consciente du fait que la guerre en cours cause tous les jours plus de mal et exige plus de sacrifices des peuples de toutes les puissances belligérantes, désire du fond du cœur qu’elle puisse se terminer rapidement. Mais tant que l’Angleterre et les États-Unis exigent une capitulation sans conditions, l’Empire japonais n’a d’autre option que de lutter de toutes ses forces pour l’honneur et l’existence de la Mère patrie. »[67]

« Portrait du ministre des Affaires étrangères Tōgō Shigenori »
« Portrait du ministre des Affaires étrangères Tōgō Shigenori », Wikimedia Commons

Ce message ne pouvait être plus clair : le Japon souhaitait capituler, mais ne pouvait accepter une reddition sans condition. Il est, par ailleurs, probable que Tōgō espérait que son message serait transmis ou intercepté par le Royaume-Unis ou les États-Unis. En tout cas, l’URSS en retarda la diffusion[68]. Nous notons également le manque de concret dans les demandes japonaises envers l’URSS, ce qui profita à la stratégie dilatoire soviétique.

Toutefois, à cette époque, les Six ne pouvaient s’accorder sur des demandes[69], l’armée risquait à tout moment d’utiliser son droit de veto, ce qui anéantirait tout espoir de négociations pour la paix. De plus, MAGIC a effectivement intercepté les échanges entre Satō et Tōgō à propos de cette tentative de négociations avec l’URSS et de l’intention d’arrêter la guerre par l’empereur[70]. Cependant, pour certains conseillers de Truman, ce n’était pas parce que l’empereur souhaitait la paix que cela signifiait que le gouvernement japonais était en accord avec lui[71].

Ainsi, du 13 au 16 juillet, les conseillers de Truman et le président lui-même furent progressivement mis au courant de l’interception de ce message, mais diverses interprétations en furent tirées[72] : certains souhaitaient négocier la paix, d’autres préféraient conserver la demande de reddition inconditionnelle. Ce second choix n’était généralement pas anodin, notamment dans le cas du secrétaire d’État de Truman, James Byrnes (1882-1972). Dans ses mémoires, il nota que « Si le gouvernement japonais […] avait capitulé sans conditions, il n’aurait pas été nécessaire de larguer la bombe atomique »[73].

Mais Byrnes était conscient que le Japon refuserait une telle demande. Insister pour une reddition inconditionnelle était ici une stratégie dilatoire : une excuse pour faire durer la guerre et ainsi pouvoir tester la bombe atomique. De la même manière que Staline devait faire durer la guerre pour avoir le temps d’attaquer et de conquérir les territoires qu’il convoitait, les Américains devaient trouver une justification à l’utilisation de la bombe atomique. Un refus de capitulation sans condition par le Japon était une excuse légitime. En outre, Byrnes craignait que l’URSS ne trompe les États-Unis en aidant le Japon si l’Empire proposait aux soviétiques des gains intéressants au cours des négociations[74]. Il en conclut qu’il fallait obtenir la capitulation en utilisant la bombe atomique avant l’entrée en guerre de l’URSS.

Cette réflexion sur la capitulation sans condition se retrouva alors au cœur de la conférence de Potsdam qui se déroula du 17 juillet au 2 août 1945 et dont l’un des objectifs officieux était de produire un ultimatum co-signé par les Alliés afin d’obtenir la reddition japonaise[75]. La création de ce texte subit plusieurs revers à Potsdam. En effet, comme nous venons de le remarquer, les États-Unis et l’URSS furent mis au courant des intentions japonaises officielles de mettre fin à la guerre, et les deux partis savaient que signaler au Japon dans l’ultimatum qu’il pourrait garder son système impérial faciliterait la capitulation.

Cependant, aucun des deux partis ne souhaitait cela. L’URSS souhaitait avoir le temps d’entrer en guerre afin d’assurer les terres promises ; et les États-Unis attendaient les résultats du projet Manhattan[76] pour avoir un objet de pression militaire sur les soviétiques lors des négociations. Lorsque ceux-ci arrivèrent, la stratégie américaine devint dilatoire : il fallait utiliser la bombe avant la capitulation[77].

« Churchill, Truman et Staline à la conférence de Potsdam », 1945
« Churchill, Truman et Staline à la conférence de Potsdam », 1945, Wikimedia Commons

Le 17 juillet 1945 à Potsdam, une première rencontre eut lieu le midi entre Staline et Truman. Toutefois, deux versions de ces discussions subsistent[78]. Selon l’interprète de Truman à Potsdam, Charles Bohlen (1904-1974), dès le début de la réunion, Staline assura à Truman que son armée serait prête pour la mi-août, mais qu’il lui fallait encore finaliser les négociations avec la Chine. Cependant, selon les archives soviétiques, Truman fut celui qui aborda le sujet en mettant en avant le fait que les États-Unis avaient besoin de l’URSS pour vaincre le Japon, et Staline lui répondit qu’il serait prêt pour la mi-août. Puis, Truman aurait interrogé son interlocuteur sur l’état des négociations avec Tchang Kaï-chek.

Ces différences ne sont pas le seul point de divergence entre les notes de Bohlen et les archives soviétiques. Nous notons principalement qu’elles indiquent ici que l’URSS souhaitait être invitée par Truman à prendre part à la guerre, mais que les États-Unis n’y montraient pas un grand intérêt[79]. L’historien Tsuyoshi Hasegawa estime ainsi que l’URSS a modifié son compte-rendu afin de légitimer le fait que Staline brisa le pacte de neutralité avec le Japon : dans sa version, il entre en guerre à la demande des États-Unis et non pas de manière illégale.

Le lendemain, soit le 18 juillet, Staline informa Truman que le Japon tentait d’utiliser l’URSS comme médiateur dans les négociations pour la fin de la guerre et lui montra les messages que s’envoyaient Tōgō et Satō[80]. Les deux hommes décidèrent alors de demander plus de détails aux Japonais sur leur volonté d’arrêter la guerre afin de gagner du temps[81].

Et Staline et Truman voulaient, comme nous l’avons déjà souligné, faire durer les combats. Staline afin de finaliser les préparatifs de son attaque et pouvoir obtenir ses trophées de guerre, Truman pour attendre les résultats des tests atomiques, obtenir une reddition inconditionnelle et venger Pearl Harbor en imposant sa volonté aux dirigeants japonais. Néanmoins, Staline lui ayant signalé que son armée serait prête pour la mi-août, et ne voulant pas que ce dernier obtienne les lauriers des dures années de guerre que subirent les États-Unis après seulement quelques jours de combats, Truman se voyait dans l’obligation de faire capituler l’archipel avant cette date.

« Photographie en couleur de du premier essai nucléaire, Trinity, à Alamogordo dans le Nouveau-Mexique », AEBY Jack, 1945
« Photographie en couleur de du premier essai nucléaire, Trinity, à Alamogordo dans le Nouveau-Mexique », AEBY Jack, 1945, Wikimedia Commons

Le 16 juillet 1945, la première bombe atomique explosa à Alamogordo et Truman en fut informé[82]. Le 24, il annonça à Staline que les États-Unis disposaient d’une bombe spéciale, mais sans préciser qu’il s’agissait d’une bombe atomique. Toutefois, Staline disposant d’espions au sein du projet Manhattan, il était déjà partiellement au courant des avancées américaines[83]. De par cette annonce du président américain, Staline comprit que les États-Unis souhaitaient probablement faire capituler le Japon grâce à l’usage de cette bombe avant l’entrée en guerre de l’URSS, ce qui leur permettrait de ne pas respecter les promesses de Roosevelt à Yalta[84].

De fait, les Alliés, notamment Churchill, hésitaient même à prévenir Staline de la réussite de la bombe[85]. Truman n’était alors plus vraiment intéressé par l’entrée en guerre de l’URSS : il souhaitait récolter seul les honneurs de la victoire et s’imposer comme omnipotent sur la scène internationale. Ses conseillers et lui-même changèrent alors leur ébauche de la déclaration de Potsdam afin d’en enlever la participation de l’URSS et les lignes concernant la possibilité pour les Japonais de garder leur système impérial (même si, dans les faits, les Américains ne souhaitaient pas renverser l’empereur). L’objectif de l’ultimatum de Potsdam avait changé pour les Américains : il ne devait plus servir à faire capituler le Japon avant l’invasion, mais constituer un dernier avertissement avant l’usage des bombes atomiques[86].

Par ailleurs, Truman était certain que le Japon refuserait cet avertissement[87] et il ne dit jamais qu’il espérait le contraire. Les Américains firent ainsi en sorte de créer une déclaration que le Japon rejetterait afin de légitimer leur utilisation de la bombe. Les États-Unis pensaient donc qu’ils n’avaient plus besoin de l’URSS ou de négocier avec le Japon grâce à l’arrivée de la bombe. Comme le précisa Tsuyoshi Hasegawa, une « course avait commencé entre la bombe atomique et l’entrée des Soviétiques dans la guerre contre le Japon »[88].

La déclaration, signée par la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni, fut publiée presque immédiatement après, le 26 juillet au soir[89]. Elle demandait une capitulation sans condition des forces armées japonaises, ne donnait pas de précision quant au sort de l’empereur[90] et fut envoyée à la presse avant que l’URSS ne puisse seulement y avoir accès[91]. Staline espérait être signataire de cette déclaration afin de pouvoir se joindre aux Alliés ouvertement, légitimement briser le traité de neutralité avec le Japon et faire pression sur la Chine avec qui les négociations prenaient une tournure défavorable[92].

Les Soviétiques avaient, par ailleurs, préparé leur propre version d’une déclaration commune, incluant l’URSS et demandant une reddition inconditionnelle. Lorsque la déclaration de Potsdam fut publiée et qu’un exemplaire fut envoyé à Staline, ce fut pour lui un grand revers. Il demanda aux États-Unis de retarder la publication afin d’y être inclus de manière officielle. Mais les Américains refusèrent, d’autant que l’ultimatum était déjà publié.

Les intérêts de Staline à attaquer le Japon étaient géopolitiques et non pas idéologiques. Il ne souhaitait pas ici diffuser son « communisme », cela transparaît notamment dans son soutien au gouvernement de Tchang plutôt qu’aux communistes chinois. Ainsi, pour « Staline, l’objectif principal de la conférence de Potsdam était d’assurer la reconnaissance des gains du temps de guerre qu’il avait eu tant de mal à obtenir, tout en arrivant à l’accord le plus avantageux pour les intérêts soviétiques sur l’occupation de l’Allemagne après la guerre »[93]. Cependant, trois obstacles se dressaient face à lui :

  • le traité de neutralité – mais il comptait sur l’invitation à signer l’ultimatum comme légitimation de sa violation ;
  • le calendrier – il fallait que les troupes soviétiques se battent au moins un jour et soient victorieuses, mais cette attaque ne pouvait ni être prématurée (risque de défaite si les préparatifs n’étaient pas finalisés), ni trop tardive (risque que le Japon capitule si les États-Unis faisaient usage de la bombe atomique)[94] ;
  • l’accord de la Chine – Staline voulait utiliser Truman pour faire pression sur elle et ainsi faciliter les négociations devenues compliquées pour l’URSS.

Ce refus des États-Unis d’inclure l’URSS comme cosignataire de l’ultimatum de Potsdam compliquait donc fortement les plans de Staline, fut également une humiliation et lui prouva que les États-Unis souhaitaient terminer la guerre avant l’entrée de l’URSS[95]. Par l’intermédiaire de Molotov, il demanda alors aux Américains et aux Britanniques des raisons officielles et légales afin qu’il puisse déclarer la guerre au Japon[96]. Les États-Unis étaient embarrassés et ne proposèrent qu’une justification facilement réfutable[97].

Truman était particulièrement contre l’ajout de l’URSS, considérant que cela en revenait à désigner les Soviétiques comme des sauveurs gagnant la guerre en très peu de temps, à contrario des Américains qui ne réussissaient pas à faire capituler le Japon. Il dit ainsi « Je n’avais pas envie de laisser la Russie cueillir les fruits d’efforts longs, âpres et courageux auxquels elle n’avait pris aucune part »[98]. D’autant plus que lui et ses conseillers, notamment le secrétaire d’État Byrnes, étaient convaincus que la bombe atomique ferait capituler le Japon[99]. Toutefois, à cause de ce refus d’inclure officiellement l’URSS, Staline décida d’accélérer les préparatifs de guerre afin de lancer son attaque plus tôt et empêcher une victoire unilatérale de Truman[100]. L’assaut fut donc avancé et prévu pour la nuit du 10 au 11 août 1945.

« Portrait du secrétaire d’État James Byrnes », Harris & Ewing, 1941-1942
« Portrait du secrétaire d’État James Byrnes », Harris & Ewing, 1941-1942, Wikimedia Commons

Lorsque les Six prirent connaissance de la déclaration de Potsdam, ils décidèrent de l’ignorer (et non pas de la refuser) pour deux raisons : elle demandait une reddition inconditionnelle et l’URSS n’étant pas signataire. Il subsistait toujours la possibilité d’obtenir leur médiation pour de meilleures conditions. Tōgō notamment estimait que des points restaient à clarifier dans cette déclaration (principalement l’incertitude quant au sort de l’empereur). Il souhaitait donc consulter Moscou avant de tenter de convaincre les cinq autres « Grands » de l’accepter[101].

Le Conseil Suprême pour la direction de la guerre se réunit donc pour en parler. Le ministre de la Guerre et général Anami Korechika 阿南惟幾 (1887-1945), le chef d’État-Major de l’armée et général Umezu, et le Chef d’État-Major de la marine et amiral Toyoda Soemu 豊田副武, soit les principales voix du « parti de la guerre », souhaitaient refuser directement l’ultimatum de Potsdam. Toutefois, Tōgō insista sur l’importance de ne pas répondre tant que l’URSS n’avait pas donné son avis. Il était convaincu que Staline avait refusé de ratifier la déclaration malgré une demande américaine.

Le fait que Staline ne soit pas signataire impacta le Japon et le poussa à continuer d’essayer d’obtenir la médiation soviétique plutôt que de stopper la guerre[102]. Le Conseil Suprême décida donc d’ignorer l’ultimatum en attendant la réponse de l’URSS[103]. Néanmoins, face à l’insistance de la presse, le Premier ministre et amiral, Suzuki Kantarō 鈴木貫太郎 (1868-1948) n’eut d’autre choix que de faire une déclaration le 28 juillet et, ne pouvant ni officiellement accepter ni refuser à cause de la division entre les deux partis au sein même du Conseil Suprême, il fit savoir que le gouvernement ignorerait (mokusatsu suru 黙殺する) la déclaration de Potsdam[104].

Les États-Unis prirent alors cette déclaration comme un rejet, et cela non pas à cause d’une erreur d’interprétation, mais bien parce qu’ils désiraient obtenir un refus. Dans ses mémoires, Truman mit l’accent sur le fait que le Japon aurait refusé l’ultimatum pour justifier l’ordre de bombardements atomiques[105]. Toutefois, le Japon n’a jamais refusé la déclaration de Potsdam : le gouvernement n’était pas décidé sur sa réponse, il souhaitait avant tout obtenir l’avis soviétique.

Les Américains ont utilisé le prétexte de cette déclaration d’ignorance pour larguer leurs bombes atomiques. D’autant plus que les États-Unis interceptaient les communications entre Satō et Tōgō, ils ne pouvaient donc ignorer le fait que ce dernier avait demandé à l’ambassadeur de consulter le gouvernement soviétique sur la question et que la décision n’était pas encore prise[106]. En outre, le seul ordre direct de larguer une bombe atomique fut donné le 25 juillet 1945, soit un jour avant que la déclaration de Potsdam ne soit publiée[107] ! Dire que Hiroshima fut bombardée à cause du refus du Japon de céder face à cet ultimatum ne peut donc être correct. Potsdam fut utilisée afin de justifier et légitimer l’usage de la bombe, mais n’en fut pas sa cause.

« S’ils souhaitaient obtenir la capitulation du Japon au moindre coût en vies américaines, s’ils désiraient empêcher l’entrée en guerre des Soviétiques et s’ils voulaient éviter l’utilisation de la bombe atomique, comme ils le prétendirent dans leurs mémoires d’après-guerre, pourquoi ignorèrent-ils les informations obtenues grâce aux interceptions Magic ? »[108]

La bombe atomique : une surprise sans surprise

Le 27 avril 1945, huit villes japonaises furent sélectionnées comme potentielles cibles d’un bombardement atomique par un comité américain[109]. Ce choix fut réduit à quatre les 12-13 mai suivants : Kyōto, Hiroshima, Yokohama et Kokura. Une cinquième option, Niigata, fut gardée au cas où. Le 28 mai, l’ordre des cibles fut décidé par priorité : Kyōto, Hiroshima puis Niigata.

Néanmoins, comme nous l’avons mentionné précédemment, le secrétaire à la Guerre, Stimson, protesta vivement contre la sélection de l’ancienne capitale impériale de peur qu’un sentiment anti-américains ne se développe encore plus sur l’archipel[110]. Il dut en appeler directement au président Truman pour que ses arguments soient écoutés et que Kyōto soit retirée de cette liste. Hiroshima devint alors la cible prioritaire et, le 6 août 1945, à 8 heure 16 minutes et 2 secondes, la bombe atomique Little Boy, larguée par le B-29 Enola Gay, explosa à 580 mètres d’altitude du centre de l’agglomération de Hiroshima.

Lorsque Truman l’apprit, sa première réaction fut de la joie[111]. Dans son annonce informant le public de l’utilisation de la bombe atomique, il cita Pearl Harbor[112], impliquant que ce bombardement était effectué en représailles de l’attaque de la base américaine. Il mentionna également Potsdam et le « rejet rapide » de la déclaration par le Japon afin de légitimer la bombe. Toutefois, comme nous l’avons constaté précédemment, cela n’était pas le cas et Truman en était conscient. Après la guerre, Truman insista sur le fait qu’il ne souhaitait pas larguer cette bombe, mais cela ne peut être considéré comme vrai[113].

En plus de ce probable souhait de vengeance, Truman était pressé d’utiliser sa nouvelle arme avant que l’URSS n’entre en guerre. La joie qu’il exprima était ainsi relative au fait que ses plans fonctionnaient : les Japonais allaient accepter la reddition inconditionnelle, l’URSS ne pourrait lorgner sur les lauriers mérités des États-Unis, et Truman arriverait à éviter une invasion estimée fort coûteuse en vies américaines… Néanmoins, la réalité fut quelque peu différente de ses prévisions.

« La ville de Hiroshima, dévastée après l’impact de la bombe atomique », U.S. Navy, 1945
« La ville de Hiroshima, dévastée après l’impact de la bombe atomique », U.S. Navy, 1945, Wikimedia Commons

Une quinzaine de minutes après l’explosion, l’arsenal naval de Kure, Kure kaigun kōshō 呉海軍工廠, situé à l’extérieur de la ville, envoya un message au ministre de la Marine : « trois B-29 ont survolé Hiroshima à une haute altitude et ont largué plusieurs bombes vers 8 h 25 […]. Environ 80 % de la ville a été anéanti, détruit ou brûlé… Le nombre de victimes est estimé à 100 000 personnes »[114]. En moins de trente minutes, la coupure des communications par radio et télégraphe fut également notifiée. Un jeune officier fut rapidement envoyé faire un rapport officiel, mais ce n’est que vers la fin de l’après-midi que l’armée réalisa plus ou moins l’ampleur de l’attaque effectuée avec « ce qui est considéré comme étant une bombe spéciale de grande puissance »[115].

Les ministres furent alors progressivement informés et certains d’entre eux supposèrent immédiatement qu’il s’agissait d’une bombe atomique[116]. Le 7 août, vers 1 h du matin, le Japon intercepta l’allocution de Truman qui annonçait la première utilisation de l’arme atomique. Vers 3 h 30, Tōgō fut averti, puis, petit à petit, l’empereur et les autres ministres furent mis au courant. Nombre d’entre eux refusèrent d’y croire ou le nièrent, y compris parmi les scientifiques chargés des programmes nucléaires japonais[117]. L’armée insista qu’il s’agissait, certes, d’une bombe puissante, mais qu’elle n’était pas si spéciale et qu’il n’y avait donc pas de raison de s’inquiéter.

Toujours le 7 août, dans l’après-midi, le Premier ministre Suzuki convoqua une réunion du Cabinet ministériel et Tōgō y présenta les propos de Truman et y exprima son souhait que le gouvernement effectue une proposition de paix basée sur la déclaration de Potsdam[118]. Le ministre de la Guerre, Anami, mit en doute le président américain, et précisa que l’armée avait envoyé une équipe enquêter à Hiroshima afin de déterminer s’il s’agissait réellement d’une bombe atomique.

Anami alla, dès le soir du 7 août, consulter Nishina Yoshio 仁科芳雄 (1890-1951), le scientifique en charge du principal programme nucléaire japonais[119], afin de se renseigner sur l’éventualité de l’usage d’une bombe atomique par les Américains et sur les effets d’une telle attaque[120]. Néanmoins, les scientifiques japonais estimaient impossible pour l’Empire d’obtenir une quantité d’uranium suffisante pour faire une bombe atomique dans l’immédiat, ils considéraient que les États-Unis étaient dans le même cas et ne pouvaient donc pas posséder l’arme atomique.

Anami suggéra ainsi au cabinet d’attendre les résultats de cette enquête avant d’agir et sa proposition fut acceptée, même par Tōgō. Cette enquête prit environ deux jours. Nous constatons alors que, le 8 août, la partie civile des Six Grands tenta de convoquer un Conseil Suprême pour la direction de la guerre afin de parler de l’attaque de Hiroshima[121]. Néanmoins, les représentants de l’armée refusèrent : ils avaient de plus urgentes choses à traiter. Le ministre de la Guerre, Anami, a tenté jusqu’au bout de minimiser la bombe.

« Portrait du ministre de la Guerre, Anami Korechika », 1945
« Portrait du ministre de la Guerre, Anami Korechika », 1945, Wikimedia Commons

Vingt-quatre heures après la bombe, personne au sein de l’organe décisionnel japonais ne souhaitait changer de politique ou de stratégie. Ni le « parti de la paix », ni celui de « la guerre », ni même l’empereur[122]. Le 7 août, Tōgō, toujours accroché à l’espoir de la médiation soviétique, envoya un message à Satō : « La situation devient de plus en plus urgente […]. Nous devons connaître tout de suite l’attitude des Soviétiques »[123]. Le lendemain, à midi, il reçut la réponse de Satō : l’ambassadeur devait rencontrer Molotov à 17 h ce 8 août.

En outre, Tōgō rencontrait l’empereur ce jour-là, et celui-ci le poussa à mettre fin à la guerre, mettant en avant la situation militaire ainsi que l’impact de la bombe ; toutefois, il ne demandait pas à Tōgō d’accepter l’ultimatum de Potsdam, mais de trouver une solution à la situation. La bombe rendit pressante la réponse de l’URSS, mais n’imposa pas d’accepter une reddition inconditionnelle.

Après le rapport de Hasegawa de juin sur l’état des forces armées sur l’archipel, la bombe fut pour l’empereur un second choc qui le poussa à appuyer sa demande du mois de juin d’en finir avec la guerre[124]. À la suite de la capitulation, certains de ses conseillers indiquèrent aux Américains que l’empereur demandait la paix afin de sauver son peuple, qu’importe le sort qu’il subirait. Toutefois, leur version des faits est régulièrement questionnée par les historiens. Il semblerait qu’ils aient alors voulu donner une « bonne » image à l’empereur.

Au soir du 8 août toujours, le groupe d’enquêteurs dépêché par l’armée arriva à Hiroshima[125]. Après la capitulation, plusieurs de ses membres avouèrent avoir immédiatement réalisé que la ville avait subi une attaque atomique. Néanmoins, ils n’envoyèrent leurs premières observations à Tōkyō par télégramme que le lendemain, mais elles n’étaient pas concluantes : une division existait au sein des scientifiques, certains avaient pour théorie, par exemple, que la bombe était au magnésium et non pas à l’uranium ou au plutonium.

Le soir du 10 août, le rapport final de cette commission d’enquête arriva à Tōkyō. Il déterminait que l’arme utilisée à Hiroshima était bien atomique, et donnait des arguments allant à l’encontre d’autres théories. Un autre comité scientifique conclut de manière identique le même soir. Toutefois, des rapports contradictoires sur la nature du bombardement de Hiroshima continuèrent d’être envoyés aux dirigeants japonais durant les jours qui suivirent, et le gouvernement reçut des informations relativement incomplètes. La confirmation qu’il s’agissait bien d’une bombe atomique arriva donc trop tard pour réellement influencer la décision de capitulation qui fut prise le 9 août.

Ainsi, qu’il s’agisse des propos rapportés, ou des notes prises dans les journaux personnels de la majorité des dirigeants japonais, nous constatons que la possibilité d’un bombardement atomique effectué par l’ennemi ne changea pas leurs intentions de négocier une fin de guerre grâce à l’URSS. La bombe fut presque secondaire, elle n’était pas au centre des conversations ou des inquiétudes, elle n’a pas provoqué de situation de crise particulière. La personne semblant avoir la plus forte réaction – l’empereur – ne fit que renouveler sa demande de juin d’en finir avec la guerre.

Pourtant, le 9 août au matin, le Conseil Suprême en vint à envisager une capitulation sans condition. Ce changement de décision ne fut pas causé par les raids sur Hiroshima et Nagasaki. Grand détracteur de la théorie de la capitulation causée par les bombes atomiques, Ward Wilson a de nombreuses fois exposé plusieurs arguments prouvant qu’elles ne causèrent pas ce changement de politique concernant l’arrêt de la guerre[126].

Tout d’abord, celui du calendrier. Nagasaki ayant été bombardée au début du premier conseil « de capitulation », son attaque ne pouvait en être à l’origine. En outre, les journaux personnels et rapports narrant les évènements du 9 août et de son « interminable nuit » ne mentionnent que très rarement ce bombardement en lui-même. Le bombardement de Hiroshima, quant à lui, s’était déroulé trois jours plus tôt. En période de guerre, organiser une réunion de crise trois jours après les évènements, alors qu’en plus l’ensemble des partis se trouve au même endroit, nous paraît particulièrement improbable. Serait-ce parce que les responsables n’avaient pas réalisé la gravité de l’affaire plus tôt ? Le rapport concluant à une bombe atomique n’arrivant que le lendemain soir[127], cette hypothèse nous semble également douteuse.

En outre, comme nous l’avons signalé auparavant, le 8 août, soit la veille de ce conseil de crise, Tōgō et Suzuki avaient essayé de réunir le Conseil Suprême pour la direction de la guerre afin d’aborder la question de Hiroshima, mais l’armée avait refusé, et ne reçut pas d’informations supplémentaires suffisamment importantes concernant la bombe pour justifier un changement d’avis[128]. Le calendrier de cette réunion initiant le processus de capitulation ne correspond pas à celui des bombes.

« Les effets de l’attaque aérienne sur le complexe urbain “Tōkyō - Kawasaki - Yokohama” la nuit du 9 au 10 mars 1945 », United States Strategic Bombing Survey, Urban Areas Division, 1947
« Les effets de l’attaque aérienne sur le complexe urbain “Tōkyō – Kawasaki – Yokohama” la nuit du 9 au 10 mars 1945 », United States Strategic Bombing Survey, Urban Areas Division, 1947, Wikimedia Commons

Un autre argument avancé par, entre autres, Wilson est celui de l’échelle[129]. En effet, comme nous l’avons précédemment mis en avant, le bombardement de Hiroshima ne fut, sur le coup, pas si différent en termes de victimes et de destruction que les bombardements « conventionnels » ou « incendiaires », soit des raids aériens au napalm. Entre mars et août 1945, soixante-six villes furent bombardées de cette manière sur l’archipel. Cette campagne aérienne engendra des millions de sans-abris, au très grand minimum 300 000 morts, et plus du double de blessés. Sur le court terme, certains de ces raids eurent plus de potentiel destructeur que les bombes atomiques, notamment celui de la nuit du 9 au 10 mars 1945 sur la capitale, Tōkyō.

Hiroshima ne fut ainsi, « que » le deuxième raid en termes de nombre de morts civils[130], le quatrième pour la surface détruite, le dix-septième si nous comparons les pourcentages de destruction que subirent les villes touchées par les bombardements américains[131]. Durant les trois semaines précédant le raid sur Hiroshima, vingt-six villes furent attaquées, huit furent autant, si ce n’est plus, détruites que celle atomisée[132]. Le but ici n’est évidemment pas de minimiser la destruction qu’apportèrent les bombes atomiques ou de comparer de tels désastres, mais de montrer que, pour la population et les dirigeants, cette attaque était différente de par sa nature, mais pas dans sa finalité. Les résultats immédiats d’une bombe atomique et d’un raid « conventionnel » ne différaient que de peu.

Bien sûr, si nous comparons le ratio tonnage des différents raids, Hiroshima sort des « normes » ; mais nous notons également qu’une bombe atomique ou un raid aérien au napalm suffisait généralement à détruire plus de 80 % d’une ville à l’époque. Utiliser une bombe plus puissante, ou plusieurs d’un coup, n’aurait que peu changé le résultat. La bombe de Hiroshima fut, en effet, trois à quatre fois plus puissante qu’un raid aérien « conventionnel », mais une bombe atomique touche un point central et son effet se diffuse et perd en puissance avec la distance, contrairement à un raid incendiaire qui provoque des dégâts relativement équivalents sur une étendue généralement plus large.

Ainsi, si Hiroshima fut la cause de la capitulation, pourquoi les soixante-six villes qui la précédèrent ne le furent pas ? Durant toute la campagne de raids aériens américains, le gouvernement japonais a clairement montré que le bien-être des civils n’était pas sa priorité[133]. Estimant, au contraire, que la population s’habituerait à vivre sous les bombes et que leur motivation et l’unité nationale n’en seraient que renforcées. L’impact des bombardements ne fut, par ailleurs, abordé que deux fois durant les réunions du Conseil Suprême pour la direction de la guerre : en mai 1945 et durant la nuit du 9 août[134]. De manière générale, les dirigeants japonais ont constaté une différence entre la première bombe atomique et les raids « conventionnels », mais n’y ont porté qu’un intérêt scientifique.

Selon le politologue Robert Pape dans son article « Why Japan Surrendered », si la vulnérabilité des civils impactait les décisions du gouvernement, l’idée qu’il devenait nécessaire de mettre un terme à la guerre se serait développée dès mars[135]. Si elle n’était due qu’à la bombe atomique, elle ne serait apparue qu’en août. Or, elle émergea principalement en parallèle de la bataille d’Okinawa. Rappelons aussi les mots d’Umezu de la nuit du 9 août : « l’armée […] ne capitulerait jamais à cause de raids aériens »[136]. Comme l’a constaté Pape, « l’armée n’a absolument pas porté d’attention à la vulnérabilité des civils, même après la bombe atomique »[137].

« La ville de Shizuoka peu après son bombardement le 19 juin 1945 », AC/AS Intelligence, 1945
« La ville de Shizuoka peu après son bombardement le 19 juin 1945 », AC/AS Intelligence, 1945, Wikimedia Commons

Enfin, un autre argument que nous pouvons mettre en avant afin de démontrer que la bombe atomique ne fut pas la cause de la décision de capitulation japonaise, est qu’elle n’avait absolument aucun impact sur les deux stratégies parallèles que le Japon avait à cette époque[138]. En effet, au 9 août 1945, les conditions économiques et militaires rendaient la guerre impossible à gagner, et les dirigeants le savaient. Les Alliés souhaitaient imposer une reddition inconditionnelle, mais le Conseil Suprême ne pouvait accepter cela et était divisé entre ceux qui voulaient ajouter une condition (la préservation de l’empereur et du kokutai) et ceux qui ne pouvaient accepter la capitulation sans trois conditions supplémentaires (le Japon s’occuperait de lui-même de son désarmement, mais aussi de juger ses criminels de guerre, et les quatre îles principales ne seraient pas occupées par les Alliés).

Depuis juin, deux stratégies avaient été élaborées afin d’entamer des négociations avec les Alliés : utiliser l’URSS comme médiateur, ce qui était une stratégie cohérente si Staline n’avait pas entamé des manœuvres pour briser le pacte de neutralité ; ou infliger des pertes si sévères aux Américains lors de leur invasion de Kyūshū qu’ils en seraient amenés à vouloir négocier la capitulation afin d’écourter la guerre (le ketsugō). Après le 6 août, ces deux stratégies étaient toujours possibles du point de vue des dirigeants japonais. Le bombardement de Hiroshima n’a pas impacté les possibilités qu’avait le Japon et ne lui a donc pas donné de raison considérée comme suffisamment importante pour provoquer une capitulation sans condition soudaine.

« Il n’existe pas de preuve convaincante que la bombe d’Hiroshima ait eu un effet direct et immédiat sur la décision du Japon de capituler. »[139]

Le déclenchement d’August Storm et la capitulation

Staline fut averti du bombardement atomique de Hiroshima peu après les faits, soit, avec le décalage horaire, dans la nuit du 5 au 6 août[140]. Le 6, il ne vit personne[141], probablement défait de cette victoire américaine dans la course à la capitulation japonaise. Le lendemain, Molotov était persuadé que le Japon allait capituler. Mais non. L’annonce de la reddition ne vint pas et, au contraire, l’ambassadeur Satō lui demanda un entretien dans l’espoir d’aborder le sujet de la mission Konoe et la médiation de l’URSS. Le Japon n’envisageait pas de capituler dans l’immédiat et comptait toujours sur l’aide soviétique.

Staline réagit immédiatement à cette nouvelle : à 16 h 30, il ordonna l’invasion de la Mandchourie à minuit heure transbaïkale dans la nuit du 8 au 9 août[142]. Cependant, un obstacle se dressait toujours devant lui : il devait obtenir l’accord de la Chine. Staline essaya de conclure en urgence un accord avec la délégation chinoise le 7 au soir, mais n’y parvint pas[143]. Tant pis. L’attaque serait tout de même lancée, rien ne se dresserait entre l’URSS et son dû.

Le 8 août à 17 h, Molotov reçut donc Satō. Ce dernier s’attendait à pouvoir aborder le sujet des négociations et de l’arrivée de la délégation de l’ancien Premier ministre Konoe, mais, à peine entré, Molotov lui lut une déclaration de guerre. Dans celle-ci, l’URSS annonça que la guerre commencerait le 9 août à minuit, sans préciser de fuseau horaire, laissant croire à Satō qu’il disposait de plusieurs heures pour tenter, en vain, de contacter son gouvernement, alors qu’en réalité les troupes soviétiques lanceraient l’assaut à peine une heure plus tard.

De plus, afin de légitimer cette déclaration, l’URSS précisa : « Ayant pris en considération le refus du gouvernement japonais d’accepter cet ultimatum, les Alliés ont adressé au gouvernement soviétique la proposition de participer à la guerre contre le Japon »[144]. Comme nous l’avons remarqué précédemment, cela n’était pourtant pas le cas. Après que Truman annonça à la presse américaine que l’URSS avait déclaré la guerre au Japon durant « la conférence de presse la plus courte jamais recensée par la Maison-Blanche »[145], le secrétaire d’État Byrnes fit une déclaration quelque peu plus longue dans laquelle il rectifia les propos soviétiques, justifiant leur entrée en guerre via la charte des Nations unies, qui avait alors bien moins de valeur qu’une demande officielle des Alliés. L’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon violait leur pacte de neutralité et pouvait être considérée de la même manière que le fut l’opération Barbarossa d’Hitler contre l’URSS en 1941.

Enfin, dans cette même déclaration de guerre, l’URSS mentionna le refus de l’ultimatum de Potsdam comme autre justification. Tout comme pour les Américains, il s’agissait ici d’une autre invention utilisée pour briser le traité de neutralité. Néanmoins, nous notons que, à l’exception des mémoires de Truman, le camp américain ne protesta pas publiquement du fait que Moscou était entrée en guerre sans avoir conclu un accord avec la Chine.

« Les principaux mouvements des troupes soviétiques lors de l'opération offensive stratégique en Mandchourie », Cécile Dauvergne, 2021
« Les principaux mouvements des troupes soviétiques lors de l’opération offensive stratégique en Mandchourie », Cécile Dauvergne, La Revue d’Histoire Militaire 2021

Ainsi, le 9 août à minuit et une minute, heure transbaïkale, l’URSS envahit la Mandchourie sur trois fronts différents avec un million et demi d’hommes. L’opération offensive stratégique en Mandchourie (Mantchjourskaïa strateguitcheskaïa nastoupatelnaïa operatsia), surnommée August Storm (« Tempête d’août ») par l’historien David Glantz, était lancée. La progression des troupes fut extrêmement rapide malgré les conditions climatiques et topographiques peu clémentes[146].

En effet, le désordre régnait au sein de l’armée du Kwantung, surprise de cette attaque[147], recevant parfois des ordres contradictoires sur la manière de réagir, et affaiblie par les manques de moyens et par la réaffectation d’une partie de ses troupes sur l’île de Kyūshū en préparation du ketsugō. Vers une heure du matin, le QG de l’armée du Kwantung reçut l’information que l’armée soviétique était entrée en Mandchourie tous azimuts[148]. Trente minutes plus tard, l’agence de presse japonaise Dōmei (Dōmei Tsūshinsha 同盟通信社) intercepta l’émission de Radio-Moscou (Radio Moskva) de la diffusion de la déclaration de guerre. L’information commença à circuler petit à petit au sein des dirigeants japonais.

Tôt le matin, une réunion fut tenue entre quatre très hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères (dont Tōgō) : ils arrivèrent très rapidement à la conclusion que l’Empire devait accepter la déclaration de Potsdam. Le Premier ministre Suzuki, quant à lui, fut prévenu à l’aube de l’invasion. Il sut immédiatement que l’armée ne tiendrait pas et aurait déclaré « L’armée du Kwantung est-elle si faible ? Alors c’en est fini »[149]. La majorité des forces japonaises ayant été déplacée sur Kyūshū pour contrer une potentielle invasion américaine, la Mandchourie, mais surtout les îles du nord (le sud de Sakhaline et les Kouriles) étaient presque sans défense. Incapable de résister si l’URSS attaquait par le nord, le Japon risquait sa souveraineté sur ses îles principales en moins de dix jours. D’autant plus si les Américains attaquaient simultanément au sud.

Vers 8 h du matin, Tōgō se rendit chez Suzuki et lui proposa d’accepter la déclaration de Potsdam tout en y ajoutant la condition de sauvegarder le système impérial et de ne pas intenter de procès ou d’exécuter l’empereur[150]. Le Premier ministre lui répondit qu’il allait consulter l’empereur afin de savoir s’il souhaitait que le Japon capitule ou continue la guerre. Tōgō alla ensuite dans le bureau du ministre de la Marine et amiral Yonai Mitsumasa 米内光政 (1880-1948) et lui tint un discours similaire. Yonai se rangea de son côté. Puis, le ministre des Affaires étrangères rencontra par hasard le prince Takamatsu 高松宮 (1905-1987), un frère cadet de l’empereur qui, de même, accepta la proposition de Tōgō.

À 9 h 55, l’empereur convoqua Kido Kō.ichi 木戸幸一 (1889-1977), le Gardien du sceau privé du Japon et proche conseiller de l’empereur, et lui aurait annoncé : « L’Union soviétique nous a déclaré la guerre dès ce jour. Pour cette raison, il est nécessaire d’examiner et de décider de la fin de la guerre »[151]. Kido transmit le souhait impérial à Suzuki qui convoqua le Conseil Suprême pour la direction de la guerre.

L’historien Tsuyoshi Hasegawa nous dit ainsi dans son ouvrage Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire[152] que les « preuves sont contraignantes de l’impact fort qu’exerça l’entrée en guerre de l’URSS sur le parti de la paix. C’est de fait l’offensive soviétique, et non la bombe d’Hiroshima, qui convainquit les dirigeants politiques de mettre fin à la guerre en acceptant la proclamation de Potsdam »[153], avant de continuer : « jusqu’au tout dernier moment avant l’offensive, non seulement l’armée ne s’attendait pas à une invasion soviétique mais elle continuait à croire qu’elle pourrait soit préserver la neutralité des Soviétiques soit les impliquer dans la guerre contre les États-Unis et la Grande-Bretagne »[154].

Et, en effet, l’armée fut prise par surprise par l’attaque soviétique. Le Quartier général impérial fut informé de l’attaque vers 5 h 30 du matin, mais ne sut pas quels ordres donner à l’armée du Kwantung qui se fit rapidement déborder. Néanmoins, tous les membres du Conseil Suprême n’étaient pas pour autant prêts à capituler. Le ministre de la Guerre, Anami, déclara notamment peu avant la tenue de la séance qu’il ne souhaitait pas capituler et était prêt à démissionner (ce qui empêcherait toute décision d’être prise) si les autres membres n’allaient pas dans son sens[155].

« Portrait du Gardien du sceau privé du Japon Kido Kō.ichi », 1940-1945
« Portrait du Gardien du sceau privé du Japon Kido Kō.ichi », 1940-1945, Wikimedia Commons

Les dirigeants japonais étaient donc particulièrement choqués par cette entrée en guerre lorsque, entre 10 h 30 et 11 h le 9 août, une première séance du Conseil Suprême pour la direction de la guerre commença à la demande de Suzuki. À l’ouverture de cette séance, le Premier ministre avança que le Japon devait accepter la déclaration de Potsdam[156]. Yonai répondit alors en présentant les deux solutions qu’avait le Japon selon lui : accepter la reddition inconditionnelle, ou ajouter jusqu’à quatre demandes. Celles-ci étaient, comme nous l’avons mentionné auparavant, la sauvegarde de l’empereur et du kokutai, le jugement et le châtiment des criminels de guerre par les autorités japonaises, le désarmement autonome de ses propres forces, et le fait de ne pas avoir de troupes d’occupation sur les quatre îles principales de l’archipel.

À sa suite, Anami exposa son avis et, sans surprise, il refusait tout type de capitulation. Puis, Tōgō exprima son souhait d’accepter la déclaration de Potsdam, mais en préservant la maison impériale (il distinguait ici celle-ci du kokutai). À la fin des délibérations, Umezu et Anami en venaient à accepter l’idée de capitulation, mais insistaient sur la demande des quatre conditions exposées par Yonai. Ce dernier et le Premier ministre hésitaient entre demander une ou quatre conditions. Enfin, Toyoda, estimant inutile de demander la non-occupation, ne souhaitait solliciter que les trois autres conditions.

Vers 11 h 30, le Conseil fut informé qu’une seconde bombe atomique avait touché la ville de Nagasaki à 11 h 02. Cependant, cette annonce n’eut que très peu d’influence sur les débats. Dans leurs descriptions de la réunion, Tōgō et Toyoda ne la mentionnent même pas, montrant de nouveau à quel point ces bombardements n’avaient, à leurs yeux, que très peu de valeur. À 13 h, cette première réunion fut suspendue. Le Conseil Suprême savait qu’il accepterait la déclaration de Potsdam, mais ne pouvait s’accorder sur le nombre de conditions qu’il souhaitait y ajouter.

Sous l’influence de Konoe, Kido s’entretint avec l’empereur pour lui demander de prendre une « décision sacrée » (seidan 聖断) afin de départager le débat et de ne solliciter qu’une seule condition (la préservation de la maison impériale et du kokutai). La réunion du Conseil reprit de 14 h 30 à 17 h 30. Durant cette deuxième session, Yonai se décida à soutenir l’ajout d’une seule condition. Anami, quant à lui, défendait toujours la sollicitation de quatre demandes, mais, désespéré, son argumentation s’emmêlait et il perdit en crédibilité. Tout comme la première session, cette réunion se termina sans conclusion.

 « Portrait de l’empereur Hirohito », 1934
« Portrait de l’empereur Hirohito », 1934, Wikimedia Commons

À 18 h 45, une nouvelle réunion débuta, mais cette fois l’entièreté du Cabinet ministériel était présente et écouta les arguments des Six Grands qui opposèrent l’ajout d’une condition à celui de quatre. Seuls quatre ministres sur quinze prirent le parti d’Anami. Le « parti de la paix » supplantait pour la première fois celui de la guerre. Néanmoins, l’unanimité n’étant toujours pas obtenue à 22 h, Suzuki décida de convoquer de nouveau le Conseil Suprême pour la direction de la guerre. Toutefois, il demanda à ce que la session se déroule devant l’empereur, devenant ainsi une conférence impériale[157].

Celle-ci fut convoquée et commença à 23 h 30 par une lecture de la déclaration de Potsdam, puis par un résumé de la journée et des quatre conditions par Suzuki[158]. À sa suite, Tōgō argumenta que le Japon n’avait d’autre choix que d’accepter la déclaration de Potsdam, mais que le maintien de la maison impériale n’était pas négociable. Yonai le soutint. Puis, Anami exprima son désaccord, demandant à maintenir la stratégie du ketsugō. Umezu, peu inquiété par l’URSS, appuya son opinion. Alors que Yoshida devait prendre la parole, le président du Conseil privé et proche conseiller de l’empereur, Hiranuma Kiichiro 平沼騏一郎 (1867-1952), invité exceptionnellement par l’empereur, posa de nombreuses questions à Tōgō, Umezu, Toyoda et Suzuki, notamment sur les capacités de l’armée à stopper de nouveaux raids aériens américains (bombes atomiques), ou encore sur les raisons empêchant l’ajout de trois conditions à celle demandée par Tōgō.

Finalement, Hiranuma exprima qu’il souhaitait suivre l’avis du ministre des Affaires étrangères, mais changer les termes exacts de la proposition afin d’y inclure une définition nationaliste du kokutai que le Japon souhaitait conserver[159]. Enfin, Toyoda prit la parole et défendit à son tour la stratégie du ketsugō[160]. Vers 2 h 30 du matin, le 10 août 1945, Suzuki demanda à l’empereur de prendre sa décision. Hirohito se rallia à Tōgō et Hiranuma, mettant en avant la vulnérabilité militaire de son armée et sa volonté d’épargner son peuple.

Les Six Grands ne pouvaient qu’approuver l’acceptation de la déclaration de Potsdam amendée de l’ajout de la condition modifiée par Hiranuma. Aux environs de 6 ou 7 h du matin, le projet de capitulation traduit en anglais fut envoyé aux ambassadeurs en Suède et en Suisse afin d’être transmis aux Alliés[161]. La reddition restait tout de même précaire : l’armée n’était pas totalement convaincue et une tentative de coup d’État se fomentait en son sein. Le ministre de la Guerre, Anami, lui-même hésitait à s’y joindre[162].

« Portrait du Premier ministre Suzuki Kantarō », avant 1946
« Portrait du Premier ministre Suzuki Kantarō », avant 1946, Wikimedia Commons

Néanmoins, lorsque les Américains reçurent le projet de capitulation japonais, ils ne purent s’empêcher de remarquer la terminologie de la condition ajoutée par Hiranuma :

« Le gouvernement japonais est prêt à accepter les termes listés dans la déclaration commune qui a été délivrée à Potsdam le 26 juillet 1945 par les Chefs d’États des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Chine, et plus tard souscrite par le gouvernement soviétique, et étant entendu que ladite déclaration ne comprend aucune demande qui porterait préjudice aux prérogatives de Sa Majesté en tant que souverain. »[163]

Les « prérogatives » de l’empereur étant alors considérées comme divines et absolues au Japon, le souverain serait placé au-dessus du commandant suprême des forces Alliées occupant l’archipel après la capitulation et pourrait continuer d’exercer sa loi, notamment sur l’armée. La condition énoncée allait à l’encontre des objectifs des États-Unis. Après des débats entre les hauts fonctionnaires conseillers de Truman, il fut décidé qu’une réponse proposant une alternative à ce projet de capitulation serait envoyée au Japon[164]. Celle-ci, rédigée par Byrnes et surnommée « note Byrnes », comprenait cinq articles. Le premier stipulait ainsi :

« Immédiatement après la capitulation, l’autorité de l’empereur et celle du gouvernement japonais seront soumises [à] l’autorité supérieure du commandement suprême allié qui pourra prendre toutes les décisions qui lui sembleront nécessaires pour faire appliquer les conditions de la capitulation. »[165]

Et le quatrième :

« La forme définitive du gouvernement japonais devra être établie par la volonté librement exprimée du peuple japonais, conformément aux stipulations de la déclaration de Potsdam. »[166]

Contrairement à ce qu’affirmèrent plusieurs américains, notamment Truman, dans leurs mémoires d’après-guerre ou autres interviews[167], la note Byrnes ne comprenait pas de promesse quant au sort de l’empereur et de la maison impériale, mais son quatrième article n’excluait pas que le choix de la population pouvait être de conserver son régime impérial.

Cette note fut, par la suite, envoyée au Royaume-Unis, en Chine et en URSS peu avant 16 h (heure de Washington) le 11 août. Une fois approuvée par les autorités britanniques et chinoises, elle fut transmise au Japon qui la reçut le 12 vers 2 h du matin (heure de Tōkyō). Voyant son contenu, Tōgō eut peur que le « parti de la guerre » ne remonte en puissance.

Néanmoins, cela ne fut pas le cas. Les ministres et dirigeants militaires continuèrent d’exprimer leur désaccord avec la capitulation, mais ne démissionnèrent pas et ne prirent pas part au coup d’État que fomentaient quelques officiers[168]. Et, de nouveau après moult délibérations et revirements de situation, le 14 août au matin, Kido pria l’empereur de convoquer une conférence impériale comprenant et le Conseil Suprême et le Cabinet ministériel – ce qui était sans précédent – afin d’imposer sa décision d’accepter la note Byrnes[169]. L’empereur accepta et la conférence se tint à partir de 10 h 50 devant les vingt-trois participants convoqués.

Devant l’empereur, Suzuki demanda aux opposants à l’acceptation de la note, soit Anami, Umezu et Toyoda, d’exprimer leurs avis, ce qu’ils firent ; mais, sans même solliciter l’opinion du camp adverse, celui de Tōgō, l’empereur prit la parole et annonça qu’il avait pris la décision d’arrêter la guerre[170], soit d’accepter la note de Byrnes. Il mit plusieurs fois en avant le fait qu’il souhaitait éviter la souffrance des civils, qu’importe son propre sort. Toutefois, son argument principal était qu’à cause de la vulnérabilité militaire, si le Japon « continu[ait] la guerre, [la] patrie serait réduite en cendres »[171].

Nous remarquons, par ailleurs, qu’entre le 10 et le 14 août, date de cette seconde seidan, décision impériale, les États-Unis continuaient leurs bombardements incendiaires, faisant ainsi 15 000 victimes[172] ; et l’opération de l’URSS se poursuivait, augmentant jour après jour le risque que les Soviétiques atteignent les îles principales et les occupent après la capitulation. L’empereur et le gouvernement japonais savaient pertinemment qu’une occupation soviétique signifiait de manière « automatique » la fin du régime impérial, contrairement à l’ambiguïté du discours américain sur ce sujet.

Ainsi, le 14 août 1945, le Japon accepta la déclaration de Potsdam annotée par Byrnes. Toutefois, malgré la capitulation du Japon, le discours diffusé le 15 août de l’empereur l’annonçant à sa population, le véritable ordre de cessez-le-feu aux forces japonaises donné le 17 août et la signature du document de capitulation le 2 septembre, l’URSS continua et intensifia son assaut jusqu’au 5 septembre 1945, notamment dans les îles Kouriles, afin de sécuriser ses gains de guerre promis à Yalta, et ainsi ses intérêts géopolitiques.

« L’entrée en guerre des soviétiques fut décisive pour la décision japonaise de capituler, elle eut plus d’influence que les deux bombes atomiques combinées. »[173]

Pour conclure : l’excuse de la bombe

À l’été 1945, le Japon avait deux stratégies afin de mettre fin à la guerre : la médiation de l’URSS et le ketsugō. Ces deux plans étaient relativement incertains, mais toujours réalisables après le bombardement atomique de Hiroshima. Ils devinrent impossibles après la déclaration de guerre de l’URSS. La neutralité soviétique était décisive pour leur accomplissement, le Conseil Suprême le savait[174], et a tout fait pour la conserver[175].

La vulnérabilité militaire, provoquée notamment par le blocus naval américain, a rendu l’invasion des îles principales inévitables : au sud par les Américains après la perte d’Okinawa, et/ou au nord après l’assaut soviétique. La capitulation était devenue la seule issue. Dans son interrogatoire d’après-guerre, le Chef d’État-Major de la marine Toyoda aurait ainsi déclaré « Je pense que la participation de la Russie à la guerre contre le Japon a fait plus pour précipiter la capitulation que les bombes atomiques »[176].

Nous notons néanmoins que, même si les bombes n’influencèrent pas la prise de décision de capitulation en elle-même, elles occasionnèrent un changement de date de début de l’opération soviétique. De même, les interventions de l’empereur, qui « facilitèrent » les décisions finales, furent partiellement motivées par les bombes, et de manière générale par la situation des civils. Toutefois, il ne disposait pas de l’autorité nécessaire pour mettre fin à la guerre seul, il avait besoin du soutien du Conseil Suprême pour empêcher un coup d’État militaire[177] ou une révolte populaire ou communiste.

Ainsi, comme nous avons pu le souligner, les bombes atomiques ne furent pas à l’origine de la capitulation, et n’influencèrent que très partiellement son timing[178]. Néanmoins, l’offensive soviétique ne fut pas non plus la seule cause de cette reddition. La défaite japonaise ne fut pas immédiate et la décision d’accepter une reddition inconditionnelle suivit un processus qui dura plusieurs mois, et plus ou moins longtemps selon les différents acteurs principaux.

Une question subsiste donc. Si les bombes n’influencèrent que légèrement ce processus, pourquoi sont-elles si mises en avant encore de nos jours ? Pourquoi les Américains et les Japonais affichèrent les bombes atomiques comme raison principale – si ce n’est unique – de la reddition ?

En premier lieu, nous constatons que, dans son annonce de la capitulation au public le 15 août, l’empereur mentionna uniquement les bombes et la sauvegarde du monde comme motif. Alors que dans sa déclaration à l’armée, produite le même jour, mais seulement diffusée le 17 août, il cita l’entrée en guerre de l’URSS et la préservation du kokutai[179]. Ce premier discours est généralement celui qui est pris pour argent comptant, tandis que le second est ignoré.

Cette mise en avant de la bombe atomique et de ses effets désastreux par les Japonais a plusieurs raisons possibles. L’une d’entre elles était qu’elle changeait la justification de la défaite : la guerre était perdue non pas à cause de la faiblesse de l’armée ou des fautes des dirigeants, mais à cause d’un progrès scientifique miraculeux de l’adversaire. L’armée préservait sa dignité, et les responsables n’étaient plus coupables. En outre, l’adversaire qui s’apprêtait à occuper les terres japonaises et à juger les criminels de guerre ne pouvait qu’être flatté – et donc potentiellement plus sympathique – par la louange de sa puissance.

De même, en tenant un discours tel que celui du 15 août, l’empereur en sortait grandi : il se fabriquait une « image d’un empereur soucieux du peuple »[180]. Il conservait sa légitimité et le soutien de la population. De manière générale, la mise en avant de la bombe a permis la construction d’une victimisation des Japonais dans l’imaginaire occidental, mais aussi sur l’archipel. Les crimes de guerre étaient oubliés, seule l’horreur de la bombe restait. Le Japon obtint la sympathie de la communauté internationale. Dans l’introduction à sa traduction du Rescrit impérial sur la fin de la guerre de la Grande Asie Orientale[181], le spécialiste de la pensée politique japonaise et traducteur Jacques Joly dit ainsi :

« Mais c’est surtout une stratégie de dérobade à toute forme de responsabilité dans la guerre qui est ici mise en œuvre. L’usage par les Américains de la bombe atomique permet d’abord à Hirohito (et maintenant encore à certains japonais) de s’exempter de la responsabilité de sévices infligés aux autres nations en retournant l’accusation de cruauté contre les vainqueurs. »[182]

Nous remarquons alors que les Américains ont participé à la construction de cette apparence de victime. En effet, les États-Unis souhaitaient remodeler la société japonaise, « convertir le Japon en une démocratie à l’occidentale »[183], et « Pour aider l’image du Japon, ils ont supprimé des données du renseignement à propos de l’utilisation japonaise de gaz toxiques et d’armes biologiques en Chine, et sur les expériences sur des victimes humaines, y compris des prisonniers de guerre alliés »[184]. Ils ont également « empêché l’introduction de preuves de ces activités lors des procès pour crimes de guerre »[185]. Nous notons, par exemple, que Ishii Shirō 石井四郎 (1892-1959), l’homme à la tête de la tristement célèbre unité 731, obtint une immunité totale en échange des résultats de ses expériences.

Cependant, le Japon ne fut pas le seul pays à bénéficier de cette mise en avant de la bombe. En effet, dire que cette dernière a fait capituler le Japon amenait du prestige aux États-Unis. Cela flattait la fierté nationale américaine, justifiait les deux milliards de dollars investis dans le projet[186], et leur influence militaire et politique à l’international en sortait grandie, notamment face à Staline qui a estimé que la bombe avait été créée pour intimider l’URSS et non pas le Japon. La perception de la puissance américaine en sortit renforcée, ils gagnèrent en influence diplomatique en Asie et dans le monde de manière générale.

Comment seraient vus les États-Unis si s’était imposée l’idée que l’URSS avait réussi à faire capituler le Japon en l’espace de quelques jours, voire quelques heures, alors que les Américains n’y étaient pas arrivés après quatre années de guerre ? Alors que les tensions aux origines de la guerre froide se développaient, mettre la puissance nucléaire en avant et oublier le rôle décisif de l’URSS permettait aux États-Unis de s’imposer davantage sur la scène internationale face à leur ennemi.

De nouveau, une question se pose alors. Comment se fait-il que les « Américains continuent à s’accrocher au mythe selon lequel les bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki ont porté le coup de grâce au gouvernement japonais »[187] ? En effet, de nos jours encore, une division existe au sein de la communauté scientifique américaine entre ceux qui relativisent le rôle de la bombe et ceux qui croient en son mythe. Nous notons, par exemple, Norman Polmar et Allen Thomas qui, en 1996, dans leur ouvrage Codename Downfall, pourtant si fiable sur d’autres points, ne prirent pas en compte l’invasion de la Mandchourie par l’URSS lorsqu’ils décrivirent et analysèrent la réunion décisive pour la capitulation[188]. Quelques pages plus loin, ils nous disent ainsi :

« La déclaration de Potsdam n’a pas été acceptée par les Japonais. La bombe atomique larguée sur Hiroshima n’a pas engendré de capitulation. Les Six Grands ne commencèrent à envisager sérieusement la capitulation qu’après le largage de la seconde bombe sur Nagasaki et l’invasion soviétiques de terres sous l’emprise japonaise. […] La décision d’utiliser la bombe du président Truman a mis fin à la guerre et sauvé [des] vies [américaines][189] »[190].

Les deux auteurs associèrent Nagasaki à l’offensive, mais n’envisagèrent pas les répercussions de cette dernière. Ils assurèrent que Hiroshima ne fit pas capituler, avant d’affirmer que son effet conjoint à celui de Nagasaki et de l’invasion fut ce qui mit fin à la guerre. Mais comme nous l’avons signalé, Nagasaki n’eut absolument aucun impact sur cette décision. S’ils affirment que « Hiroshima n’a pas engendré de capitulation », et que nous savons que Nagasaki ne le fit pas non plus, n’est-il pas plus logique de mettre en avant l’offensive plutôt que la bombe ?

Parmi les historiens ou autres spécialistes de la guerre du Pacifique qui croient encore de nos jours à la capitulation causée par la bombe, nous pouvons remarquer cette tendance à ne pas aborder en détail ou à ne pas analyser les conséquences potentielles de l’attaque soviétique. Certains, comme Richard Frank dans son ouvrage – pourtant de référence – Downfall – The End of the Imperial Japanese Empire par exemple, s’arrêtent au fait qu’elle provoquait la perte de la Mandchourie[191], sans prendre en compte les conséquences potentielles : une invasion de l’archipel principal par l’île sans défense de Hokkaidō, une occupation soviétique, le renversement de la maison impériale par un régime communiste…

Cette focalisation sur le point de vue américain perpétue la transmission de ce mythe, presque nationaliste, de la capitulation par la bombe. Les dirigeants américains de cette époque, notamment Truman, étaient persuadés que le Japon capitulerait après Hiroshima[192]. Malgré avoir fait subir défaite après défaite à l’armée japonaise, organisé un blocus naval extrêmement efficace, et réduit soixante-six villes en cendres, l’Empire ne capitulait pas. Mais après les deux bombes il offrait presque immédiatement une reddition ?

Si nous nous limitons à ces éléments, il semble logique d’affirmer que les bombes firent capituler le Japon. D’autant plus que, selon Wilson, « les dirigeants japonais ont fait exprès de tromper les Américains sur les raisons de la capitulation »[193]. Néanmoins, à partir du moment où nous nous concentrons ne serait-ce qu’un peu sur les conséquences qu’eurent l’invasion de la Mandchourie par l’URSS sur les deux stratégies japonaises de sortie de guerre, il n’est plus possible de perpétuer ce mythe. Notre vision « purement occidentale » de l’Histoire doit être remise en question.

Un dernier point demeure. Hiroshima et Nagasaki constituent encore de nos jours l’un des socles de notre réflexion sur la dissuasion nucléaire[194]. Pourtant, notre vision est faussée. Le premier effet reconnu à la bombe nucléaire – la capitulation du Japon – est un mythe. Et, lorsque nous nous intéressons un tant soit peu à la dissuasion nucléaire de manière pragmatique et logique sans vision nationaliste ou révisionniste, comme le fit Ward Wilson dans son ouvrage Five Myths about Nuclear Weapons[195] par exemple, nous pouvons constater que ce socle n’est pas le seul qui puisse être brisé. Ainsi, dès 1988, dans son article « The Essential Irrelevance of Nuclear Weapons – Stability in the Postwar World », le politologue John Mueller explique :

« bien que les armes nucléaires ont pu influencer considérablement la rhétorique politique, le discours public, les budgets et la planification de la défense, il n’est pas du tout manifeste qu’elles aient eu un impact significatif sur l’histoire des affaires mondiales depuis la Seconde Guerre mondiale. Elles ne semblent pas avoir été nécessaires pour dissuader une Troisième Guerre mondiale, pour déterminer les modèles d’alliances, ou pour motiver les États-Unis et l’Union soviétique à se comporter avec prudence »[196]

Mueller était persuadé que la Seconde Guerre mondiale constituait déjà un souvenir suffisamment horrifiant sans/avant l’usage des bombes pour s’assurer une cessation des disputes. Les seuls États alors en mesure de déclencher une Troisième Guerre mondiale étaient les États-Unis et l’URSS, mais ils avaient plus de raisons de garder un statu quo que de déclencher une guerre. Ils avaient notamment des intérêts économiques à la paix. De manière générale, un pays n’entre pas en guerre uniquement pour la gagner, mais pour obtenir quelque chose, il y voit un intérêt, qu’il soit économique, géopolitique, ou encore qu’il s’agisse d’une vendetta.

En outre, lorsque ces deux États se sont engagés dans des conflits durant cette période de guerre froide, la dissuasion nucléaire n’a pas impacté leurs décisions finales. Staline ne se serait pas inquiété de la différence entre la quantité d’armes nucléaires qu’il possédait et celle des États-Unis lorsqu’il s’est engagé dans la guerre de Corée. Quant aux États-Unis, entre une « simple » déclaration de guerre et l’ajout du terme « nucléaire » à celle-ci ne changerait presque rien pour leurs opposants.

Comme l’a démontré Wilson, dans une menace, le moyen n’importe pas, c’est la finalité qui compte[197]. Qu’il s’agisse du napalm ou du nucléaire, la mort reste atroce pour la personne touchée. La possibilité d’utilisation de la bombe atomique par l’ennemi ne semblerait pas avoir empêché un pays de déclarer la guerre à un autre[198]. Ainsi, bien plus que le problème de l’enseignement de l’Histoire à l’école, ne devrions-nous pas remettre entièrement en question notre vision généralisée de l’arme nucléaire et notre manière de traiter et les pays la possédant, et les pays tentant de la posséder ?

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Bibliographie indicative

Sources primaires :

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WILSON Ward, « The Winning Weapon? Rethinking Nuclear Weapons in Light of Hiroshima », dans International Security, vol. 31, n°4, Cambridge, The MIT Press, 2007, 191 p., pp. 162-179, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/4137569?seq=1#metadata_info_tab_contents (dernière consultation le 23/07/2021)


[1]Ce n’est pas le cas pour la Russie qui met en avant le rôle de sa déclaration de guerre. WILSON Ward, Five myths about Nuclear Weapons, New York, First Mariner Books, 2014, 187 p., p. 132

[2]PAPE Robert, « Why Japan Surrendered », dans International Security, vol. 18, n°2, Cambridge, The MIT Press, 1993, 220 p., pp. 154-201, p. 156-157, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/2539100?seq=1#metadata_info_tab_contents (dernière consultation le 23/07/2021)

[3]MENDIGAL, « Les thèses du général Douhet et la doctrine française », dans Stratégique, n°59, Paris, Institut de stratégie comparée, 1995, [en ligne] http://www.institut-strategie.fr/strat_059_Mendigal.html (dernière consultation le 10/07/2021)

[4]Honshū, Shikoku, Kyūshū et Hokkaidō.

[5]PAPE Robert, op. cit., pp. 159-160

[6]Nous remarquons cependant que quelques raids de masse eurent lieu dès la fin de l’année 1944. Ibid., p. 162

[7]FRANK Richard, Downfall – The End of the Imperial Japanese Empire, New York, Random House, 1999, 484 p., pp. 17-18

[8]Sur le court terme.

[9]Mais pas autant de morts. WILSON Ward, Five myths about Nuclear Weapons, op. cit., p. 34

[10]POLMAR Norman et THOMAS Allen, Codename Downfall: the Secret Plan to Invade Japan, Londres, Headline, 1996, 408 p., p. 79

[11]Campagne de bombardements stratégiques par les forces aériennes allemandes sur certaines villes britanniques.

[12]« the army […] would never surrender as a result of air raids », WILSON Ward, « The Winning Weapon? Rethinking Nuclear Weapons in Light of Hiroshima », dans International Security, vol. 31, n°4, Cambridge, The MIT Press, 2007, 191 p., pp. 162-179, p. 170, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/4137569?seq=1#metadata_info_tab_contents (dernière consultation le 23/07/2021)

[13]PAPE Robert, op. cit., p. 166

[14]L’impact des bombardements, par exemple, fut à peine abordé durant les conseils, seulement deux fois : en mai 1945 et durant la nuit du 9 août. Le gouvernement montra clairement que le bien-être des civils n’était pas sa priorité, il pensait que le peuple allait s’habituer à vivre sous les bombes et que cela augmenterait la motivation et l’unité nationale. WILSON Ward, « Ce n’est pas la bombe atomique qui a poussé le Japon à capituler », dans Slate, Paris, E2J2, 2013, traduit par BOURGUILLEAU Antoine, [en ligne] http://www.slate.fr/story/73421/bombe-atomique-staline-japon-capituler (dernière consultation le 10/07/2021)

[15]Ibid.

[16]LONG Doug (éd.) et STIMSON Henry, « Hiroshima: Henry Stimson’s Diary and Papers », dans LONG Doug (éd.), Hiroshima: Was it Necessary?, 10 p., p. 5 et 8, [en ligne] http://www.doug-long.com/stimson.htm (dernière consultation le 25/07/2021)

[17]Nous remarquons également qu’il ne restait que six villes d’entre 60 000 et 100 000 habitants qui n’avaient pas été bombardées préalablement, et trois d’entre elles étaient hors de portée. WILSON Ward, Five myths about Nuclear Weapons, op. cit., pp. 46, 137-138

[18]« Our demand has been, and it remains-Unconditional Surrender!» (« Notre exigence fut, et reste, la capitulation sans conditions ! »), « Premier discours du nouveau président américain devant le Congrès », dans Perspective Monde, Sherbrooke, Université de Sherbrooke, [en ligne] https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1957 (dernière consultation le 03/07/2021)

[19]Truman semblait être convaincu qu’obtenir réparation pour cette attaque était un droit des États-Unis. Par exemple, il cita l’attaque lorsqu’il justifia l’usage de la bombe durant son discours du 9 août 1945, mais aussi à plusieurs autres reprises. « Discours radiodiffusé du président américain Harry S. Truman (9 août 1945) », dans CVCE.eu, Esch-sur-Alzette, Université du Luxembourg, 2016, 7 p., p. 6, traduit par l’Université du Luxembourg, [en ligne] https://www.cvce.eu/content/publication/1999/1/1/3e2b3dbb-54f5-4329-b641-ac6f97c0ce28/publishable_fr.pdf (dernière consultation le 04/07/2021) ; LONG Doug (éd.) et TRUMAN Harry, « Hiroshima: Harry Truman’s Diary and Papers », dans LONG Doug (éd.), Hiroshima: Was it Necessary?, [en ligne] http://www.doug-long.com/hst.htm (dernière consultation le 26/07/2021)

[20]Les Japonais torturaient et massacraient les prisonniers de guerre et les populations colonisées. Dans leur ouvrage Codename Downfall: the Secret Plan to Invade Japan, Norman Polmar et Allen Thomas comparent le pourcentage de décès au sein des prisonniers de guerre de l’Axe : « seulement » 4 % de morts parmi les prisonniers Américains et Britanniques des Allemands et Italiens, mais 27 % de décès au sein des prisonniers Américains, Australiens et Britanniques capturés par les troupes japonaises. Par ailleurs, ce chiffre ne comprend pas les populations colonisées comme les Chinois et les Coréens, victimes, entre autres, de multiples massacres par l’armée japonaise. POLMAR Norman et THOMAS Allen, op. cit., p. 187 ; « Discours radiodiffusé du président américain Harry S. Truman (9 août 1945) », op. cit., p. 6

[21]FRANK Richard, op. cit., pp. 117-118 ; HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2014 (1re éd. en langue anglaise, 2005), 337 p., p. 46, traduit par MAT Michèle

[22]PAPE Robert, op. cit., p. 169

[23]Ibid., p. 168

[24]POLMAR Norman et THOMAS Allen, op. cit., pp. 203-204 et 355

[25]Les Japonais avaient des programmes scientifiques avancés sur ce sujet et utilisaient ce type d’armes en Chine (entre autres). Néanmoins, l’Empire avait décidé de ne pas en utiliser contre les Alliés de peur des rétributions potentielles. Il est intéressant de noter que les États-Unis ont caché ces faits lors des procès pour crimes de guerre afin de protéger l’image du Japon qu’ils voulaient convertir en démocratie « à l’occidentale ». Ibid., pp. 204 et 221

[26]Sur 183 000 soldats envoyés à Okinawa par les États-Unis, 12 520 furent tués et 37 000 blessés. POLMAR Norman et THOMAS Allen, op. cit., p. 119

[27]Ibid., p. 122

[28]Tenue du 4 au 11 février 1945.

[29]BUTOW Robert, Japan’s Decision to Surrender, Stanford, Stanford University Press, 1965 (1re éd., 1954), 259 p., p. 21

[30]Suzuki, par exemple, semblait vouloir terminer la guerre au moment où il fut nommé Premier ministre (probablement à la demande de l’empereur), mais son approche fut inconsistante. Avait-il peur d’être assassiné ?

[31]PAPE Robert, op. cit., pp. 171-174

[32]Le 6 juin 1945, le Conseil Suprême pour la direction de la guerre vota l’application d’un plan : faire le plus de victimes possible durant l’invasion américaine afin de forcer les Alliés à engager une négociation. Le 8, le plan fut présenté à l’empereur qui l’accepta. Les dirigeants japonais savaient qu’il était très probable que les États-Unis débarquent sur l’île de Kyūshū puis sur celle de Honshū et se préparèrent en conséquence. Ils étaient persuadés de pouvoir gagner une première victoire sanglante avant d’être défaits. POLMAR Norman et THOMAS Allen, op. cit., pp. 196-197

[33]Corps combattants des citoyens patriotiques (kokumin giyū sentōtai 国民義勇戦闘隊). Peu armés et sans véritable entraînement, ces civils (hommes et femmes) devaient être positionnés dans des tranchées ou mettre en place des cellules de guérilla sur l’ensemble du territoire.

[34]Le 12 septembre 1944, le Conseil Suprême décida de maintenir la neutralité avec l’URSS et de s’appuyer sur elle pour faire médiation. En 1945, le Japon était prêt à concéder certains points géopolitiques ou économiques à l’URSS afin qu’elle accepte de négocier, mais cela ne suffit pas à Staline. Le Japon souhaitait profiter des tensions entre les États-Unis, les Britanniques et l’URSS à propos de l’Europe de l’Est afin que les Soviétiques défendent l’archipel face aux deux autres nations. HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 26 et 62

[35]Surnom par les Américains de la machine servant à encoder les messages diplomatiques entre le ministère des Affaires étrangères japonais et ses ambassades.

[36]Nom donné aux traductions et résumés des messages diplomatiques japonais décryptés par le programme PURPLE.

[37]Composé du ministre de la Guerre Anami Korechika, du chef d’État-Major de l’armée Umezu Yoshijirō et du Chef d’État-Major de la marine Toyoda Soemu.

[38]Le ministre des Affaires étrangères Tōgō Shigenori, le ministre de la Marine Yonai Mitsumasa et le Gardien du sceau privé du Japon Kido Kō.ichi.

[39]Ibid., p. 62

[40]« Many people seem to believe that the truly appalling thought of killing hundred of thousands or even millions of innocent civilians would necessarily deter leaders. But this assumption has not been closely examined. […] as the stakes rise, the importance of horror and morality decreases ; the emphasis on necessity rises ; and decisionmakers become more willing to allow innocents to suffer. », « no war […] was won by killing civilians or destroying cities. », BASRUR Rajesh, COHEN Michael et WARD Wilson, « Do Small Arsenals Deter? », dans International Security, vol. 32, n°3, Cambridge, The MIT Press, 2007-2008, 214 p., pp. 202-214, p. 213, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/30130523?seq=1#metadata_info_tab_contents (dernière consultation le 23/07/2021)

[41]Il s’agissait alors d’une monnaie d’échange pour l’ouverture d’un second front en Europe. HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp . 22-23

[42]La question de l’Extrême Orient fut abordée le 8. Ibid., p. 31

[43]Nous remarquons que Roosevelt les accepta sans même consulter la Chine alors que certaines terres accordées lui appartenaient. Ibid., pp. 31-32

[44]Ibid., p. 54 ; LONG Doug (éd.) et STIMSON Henry, « Hiroshima: Henry Stimson’s Diary and Papers », op. cit., p. 2

[45]Utiliser des manœuvres afin de faire perdre du temps à son ennemi ou le faire ralentir, notamment à travers une attitude ambiguë.

[46]Si la volonté de ne pas renouveler le traité n’était pas signalée au moins un an avant sa fin, il était renouvelé automatiquement. En outre, cette annonce montrait aux États-Unis que l’URSS comptait bel et bien entrer en guerre comme elle l’avait promis à Yalta.

[47]Truman, alors vice-président de Roosevelt, avait été « exclu à dessein » des « délibérations en matière de politique étrangère et militaire », il n’était pas préparé à gérer les relations internationales et la diplomatie lorsqu’il prêta serment. Il apprit les informations nécessaires au fur et à mesure. Il était cependant déterminé à respecter les accords de Yalta et à maintenir la demande de reddition inconditionnelle. HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 45-46 ; LONG Doug (éd.) et TRUMAN Harry, « Hiroshima: Harry Truman’s Diary and Papers », op. cit.

[48]POLMAR Norman et THOMAS Allen, op. cit., p. 236

[49]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 54-55 ; LONG Doug (éd.) et STIMSON Henry, « Hiroshima: Henry Stimson’s Diary and Papers », op. cit., p. 2

[50]Ibid., p. 8

[51]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 50 et 61

[52]Soit « l’expression ultime de l’identité propre et immarcescible du Japon impérial, s’incarnant dans l’existence d’une « lignée impériale unique et ininterrompue », et dont les militaires prétendaient en être les gardiens attitrés, au nom des liens privilégiés entre l’institution militaire et le souverain. », SEIZELET Eric, « Sauver la lignée impériale. Les plans militaires japonais en 1945 », dans Sciences de l’Homme et Société, vol. 145, Paris, Presses de Sciences Po, 232 p., pp. 63-75, p. 3, [en ligne] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02493883/document (dernière consultation le 17/07/2021)

[53]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 71

[54]Ibid., p. 75

[55]HASEGAWA Tsuyoshi, « Soviet Policy toward Japan during World War II », dans Cahiers du Monde russe, vol. 52, n°2/3, Paris, Editions de l’EHESS, 2011, 524 p., pp. 245-271, p. 250, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/41708322?seq=1#metadata_info_tab_contents (dernière consultation le 17/07/2021)

[56]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 50

[57]Politburo (bureau politique) du Comité Central du Parti communiste de l’Union soviétique, organe suprême déterminant la ligne directrice de l’URSS.

[58]Ibid., p. 98 ; HASEGAWA Tsuyoshi, « Soviet Policy toward Japan during World War II », op. cit., p. 251

[59]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 51

[60]Ibid., pp. 92-93

[61]Ibid., p. 87

[62]Ou armée du Guandong ou kantōgun 関東軍, du nom de la région où ce groupe d’armées était basé en Mandchourie. Il s’agissait de l’une des forces armées japonaises principales. Nous notons que la tristement célèbre Unité 731 en faisait partie.

[63]PAPE Robert, op. cit., p. 184

[64]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 90-91

[65]Ibid., pp. 102-103

[66]Konoe ne fut jamais autorisé à entrer sur le territoire soviétique.

[67]« His Majesty the Emperor, mindful of the fact that the present war daily brings greater evil and sacrifice upon the peoples of all the belligerent powers, desires from his heart that it may be quickly terminated. But so long as England and the United States insist upon unconditional surrender, the Japanese Empire has no alternative but to fight on with all its strength for the honor and existence of the Motherland. », Ibid., p. 105 ; « “Magic” – Far East Summary », n°1204, dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2005 (1re éd. 1945), 12 p., p. 2, [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/sites/default/files/documents/3913502/Magic-Diplomatic-Summary-War-Department-Office.pdf (dernière consultation le 24/07/2021)

[68]« “Magic” – Far East Summary », n°1204, op. cit. ; HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 105-106

[69]Tōgō l’admit lui-même dans l’un de ses messages à Satō. « “Magic” – Far East Summary », n°1225, dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2005 (1re éd. 1945), 3 p., p. 2, [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/sites/default/files/documents/3913519/Magic-Diplomatic-Summary-War-Department-Office.pdf (dernière consultation le 24/07/2021)

[70]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 106-107

[71]« Memorandum for the Deputy Chief of Staff », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 1974 (1re éd. 1945), 1 p., [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/documents/atomic-bomb-end-world-war-ii/040.pdf (dernière consultation le 24/07/2021)

[72]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 114-115

[73]« Had the japanese government […] surrendered unconditionally, it would not have been necessary to drop the atomic bomb. », BYRNES James, Speaking frankly, New York, Harper & Brothers, 1947, 324 p., p. 212, [en ligne] https://archive.org/details/speakingfrankly00byrn (dernière consultation le 25/07/2021)

[74]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 115

[75]LONG Doug (éd.) et TRUMAN Harry, « Hiroshima: Harry Truman’s Diary and Papers », op. cit.

[76]Nom de code du projet de recherche américain visant à produire une bombe atomique.

[77]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 67-68

[78]Ibid., pp. 116-177

[79]Les Américains n’auraient plus réellement besoin de quémander l’aide soviétique, non pas car ils possédaient la bombe, mais parce qu’ils étaient conscients que l’URSS entrerait d’elle-même en guerre afin d’obtenir ses gains territoriaux. Ibid., p. 129

[80]Truman était déjà au courant grâce au programme Magic qui interceptait ces messages. « “Magic” – Far East Summary », n°1205, dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2005 (1re éd. 1945), 22 p., [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/sites/default/files/documents/3913504/Magic-Diplomatic-Summary-War-Department-Office.pdf (dernière consultation le 24/07/2021) ; BROWN Walter, « Postdam Peace Conference; journal entries », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 1945, 13 p., p. 3, [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/sites/default/files/documents/3913513/Walter-Brown-Diaries-July-10-August-3-1945.pdf (dernière consultation le 24/07/2021)

[81]L’URSS envoya un message à Satō lui indiquant que son message manquait de clarté. L’ambassadeur répondit le 25 juillet avec un message plus détaillé (après des échanges très houleux avec Tōgō : l’ambassadeur semblait avoir compris que son gouvernement n’obtiendrait rien de l’URSS et fit connaître ses opinions au ministre des Affaires étrangères), mais les soviétiques continuaient de délayer leur réponse. HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 121 ; « Sokichi Takagi: Diary and Documents », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2000 (1re éd. 1945), 3 p., p. 1, [en ligne] https://nsarchive2.gwu.edu/NSAEBB/NSAEBB162/37.pdf (dernière consultation le 25/07/2021)

[82]LONG Doug (éd.) et STIMSON Henry, « Hiroshima: Henry Stimson’s Diary and Papers », op. cit., p. 7

[83]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 108

[84]Ibid., p. 131

[85]LONG Doug (éd.) et STIMSON Henry, « Hiroshima: Henry Stimson’s Diary and Papers », op. cit., p. 7

[86]Nous remarquons notamment que la dernière phrase de la déclaration est « The alternative for Japan is prompt and utter destruction. » (« L’alternative pour le Japon est une destruction rapide et totale. »), « Potsdam Declaration », dans AtomicArchives, San Diego, AJ Software & Multimedia, [en ligne] https://www.atomicarchive.com/resources/documents/hiroshima-nagasaki/potsdam.html (dernière consultation le 12/06/2021)

[87]BERNSTEIN Barton et TRUMAN Harry, « Truman at Potsdam: His Secret Diary », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 1980, 5 p., p. 4, [en ligne] https://nsarchive2.gwu.edu/NSAEBB/NSAEBB162/38.pdf (dernière consultation le 24/07/2021)

[88]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 66

[89]Notamment à cause du fait que Churchill venait de perdre sa réélection en tant que Premier ministre et devait démissionner et céder sa place à Clement Attlee (1883-1967). Étant donné que Churchill avait déjà signé la déclaration, celle-ci devait être publiée avant son départ. BROWN Walter, op. cit., p. 8

[90]« Potsdam Declaration », op. cit.

[91]BYRNES James, op. cit., p. 207

[92]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 131

[93]Ibid., p. 113

[94]Staline chercha d’ailleurs à avancer l’attaque, lorsqu’il arriva à Potsdam le soir du 16 juillet. Il appela son maréchal commandant du front d’Extrême-Orient, Alexandre Vassilievski, et lui demanda s’il était possible d’avancer l’attaque prévue initialement aux 20-25 août d’une dizaine de jours, Vassilievski lui répondit par la négative. Nous notons que, à la fin de la conférence de Potsdam, Staline lui ordonna de le faire tout de même, et l’invasion fut prévue pour les 5-10 août. Ibid., pp. 113 et 149

[95]Ibid., p. 139

[96]BYRNES James, op. cit., pp. 207-209

[97]Fondée sur la déclaration de Moscou de 1943 et sur la charte des Nations unies, mais il s’agissait ici d’une base légale très fragile : la déclaration n’incluait pas le Japon et la charte n’était pas encore ratifiée.

[98]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 138

[99]Par exemple : BYRNES James, op. cit., p. 206 et 208

[100]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 149-150

[101]Ibid., p. 140 ; « “Magic” – Far East Summary », n°1221, dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2005 (1re éd. 1945), 6 p., p. 2, [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/sites/default/files/documents/3913517/Magic-Diplomatic-Summary-War-Department-Office.pdf (dernière consultation le 24/07/2021)

[102]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 136

[103]« “Magic” – Far East Summary », n°1221, op. cit., p. 3

[104]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 141

[105]Ibid., pp. 142-143

[106] Ibid., p. 145 ; « “Magic” – Far East Summary », n°1221, op. cit., pp. 2-3

[107]GROVES Leslie, « Official Bombing Order, July 25, 1945 », dans DANNEN Gene, Leo Szilard Online, Corvallis, Dannen.com, [en ligne] http://www.dannen.com/decision/handy.html (dernière consultation le 18/07/2021) ; TRUMAN Harry, « Harry S. Truman, Diary, July 25, 1945 », dans DANNEN Gene, Leo Szilard Online, Corvallis, Dannen.com, [en ligne] http://www.dannen.com/decision/hst-jl25.html (dernière consultation le 18/07/2021)

[108]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 145

[109]Le Target Committee, « Comité des Cibles ». « Notes on Initial Meeting of Target Committee », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 1975 (1re éd. 1945), 5 p., [en ligne] https://nsarchive2.gwu.edu/NSAEBB/NSAEBB162/4.pdf (dernière consultation le 24/07/2021)

[110]LONG Doug (éd.) et STIMSON Henry, « Hiroshima: Henry Stimson’s Diary and Papers », op. cit., p. 8

[111]Cette joie fut cependant de courte durée, le président exprima à plusieurs reprises ce qui pourrait être considéré comme des remords. HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 151-152 ; WALLACE Henry, « Diary Entry, Friday, August 10, 1945, Henry Wallace Diary », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 1945, 3 p., [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/documents/atomic-bomb-end-world-war-ii/078.pdf (dernière consultation le 24/07/2021) ; LONG Doug (éd.) et TRUMAN Harry, op. cit.

[112]Ibid. ; « Discours radiodiffusé du président américain Harry S. Truman (9 août 1945) », op. cit.

[113]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 152-153

[114]ASADA Sadao 麻田貞雄, « The Shock of the Atomic Bomb and Japan’s Decision to Surrender – A Reconsideration », dans Pacific Historical Review, vol. 67, n°4, Oakland, University of California Press, 1998, 659 p., pp. 477-512, p. 477 [en ligne] https://www.jstor.org/stable/3641184 (dernière consultation le 12/06/2021)

[115]« what is thought to be a special high-power bomb » ; GRUNOW Tristan, « A Reexamination of the « Shock of Hiroshima »: The Japanese Bomb Projects and the Surrender Decision », dans The Journal of American-East Asian Relations, vol. 12, n°3/4, Leiden, Brill, 2003, 256 p., pp. 155-189, p. 10, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/23613228?seq=1#metadata_info_tab_contents (dernière consultation le 21/07/2021)

[116]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 154-155

[117]Le Japon entreprit trois différents programmes nucléaires durant la Seconde Guerre mondiale : deux par l’armée (successivement) et un par la marine. Ce dernier servit principalement à la recherche sur les hydrocarbures pour les navires. Nishina Yoshio 仁科芳雄 (1890-1951) dirigea les deux programmes successifs de l’armée et conclut, en juin 1945, qu’il ne serait pas possible pour le Japon d’obtenir suffisamment d’uranium pour concevoir une bombe atomique. Il estima alors que les États-Unis seraient dans la même impasse et la course à la bombe tomba au point mort sur l’archipel.

[118]GRUNOW Tristan, op. cit., p. 15

[119]WILSON Ward, Five myths about Nuclear Weapons, op. cit., p. 30

[120]BASRUR Rajesh, COHEN Michael et WARD Wilson, op. cit., p. 211

[121]PAPE Robert, op. cit., p. 187

[122]Hiroshima en conforta certains dans l’idée qu’il fallait mettre fin à la guerre, mais en cherchant une médiation soviétique ou grâce au ketsugō, pas par l’acceptation d’une reddition inconditionnelle. « Tōgō’s Meeting with the Cabinet and the Emperor, August 7-8, 1945 », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2007 (1re éd. 1945), 2 p., p. 2, traduit par HIGUCHI Toshihiro, [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/documents/atomic-bomb-end-world-war-ii/067a.pdf (dernière consultation le 24/07/2021) ; HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 155

[123]Ibid., p. 155

[124]PAPE Robert, op. cit., p. 185

[125]COURMONT Barthélémy, Pourquoi Hiroshima ? – La décision d’utiliser la bombe atomique, Paris, L’Harmattan, 2007, 461 p., p. 51

[126]Notamment WILSON Ward, « Ce n’est pas la bombe atomique qui a poussé le Japon à capituler », op. cit. et id., Five myths about Nuclear Weapons, op. cit., pp. 21-53

[127]Ibid., p. 29

[128]Id., « Ce n’est pas la bombe atomique qui a poussé le Japon à capituler », op. cit.

[129]Ibid. ; Id., Five myths about Nuclear Weapons, op. cit., pp. 31-40

[130]Sur le court terme.

[131]Nous remarquons néanmoins pour ce dernier point que nombre de ces villes étaient moins étendues que Hiroshima. Id., « Ce n’est pas la bombe atomique qui a poussé le Japon à capituler », op. cit.

[132]Ibid.

[133]Nous notons par exemple que certains stocks de nourriture étaient conservés pour les militaires, tandis que les rations quotidiennes des civils ne cessaient de diminuer.

[134]Ibid.

[135]PAPE Robert, op. cit., p. 180-182

[136]« the army […] would never surrender as a result of air raids ». Umezu, ainsi que d’autres militaires, avaient des arguments supplémentaires : ils estimaient possible d’attaquer les B-29 américains avant qu’ils ne puissent bombarder, pensaient que les États-Unis ne disposaient pas d’un grand stock de bombes atomiques, que la menace importait peu étant donné que la capitale n’était pas visée, que l’impact ne serait pas important car la population était déjà habituée aux raids aériens, que l’opinion mondiale empêcherait leur ennemi d’en larguer abusivement, etc. L’armée disposait de nombreuses excuses afin de minimiser la destruction apportée par cette nouvelle arme et montrait clairement qu’elle restait confiante en sa stratégie de bataille finale : la bombe atomique n’était pas différente d’un raid aérien au napalm pour elle. WILSON Ward, « The Winning Weapon? Rethinking Nuclear Weapons in Light of Hiroshima », op. cit., p. 170,

[137]« The Army paid absolutely no attention to civilian vulnerability even after the atomic bomb. » PAPE Robert, op. cit., p. 190

[138]WILSON Ward, « Ce n’est pas la bombe atomique qui a poussé le Japon à capituler », op. cit. ; id., Five myths about Nuclear Weapons, op. cit., pp. 42-47

[139]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 156

[140]Ibid., p. 156

[141]Alors que son agenda de la veille était chargé.

[142]Il avança donc la date de 48 heures. « Directive from the Supreme Command Headquarters to the Commander-in-Chief of the Soviet Forces in the Far East on the Start of Combat Operations », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 1945, 1 p., traduit par MELYAKOVA Anna, [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/documents/atomic-bomb-end-world-war-ii/065.pdf (dernière consultation le 25/07/2021)

[143]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 157-159

[144]Le Monde, « L’U.R.S.S. déclare la guerre au Japon – Les troupes russes attaquent sur la frontière du Mantchoukouo », dans Le Monde, Paris, Société Editrice du Monde, 1945, [en ligne] https://www.lemonde.fr/archives/article/1945/08/10/l-u-r-s-s-declare-la-guerre-au-japon-les-troupes-russes-attaquent-sur-la-frontiere-du-mandchoukouo_3140258_1819218.html (dernière consultation le 04/07/2021)

[145]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 162

[146]Certaines troupes furent stoppées non pas à cause de la résistance, mais à cause d’un manque d’essence. WILSON Ward, « Ce n’est pas la bombe atomique qui a poussé le Japon à capituler », op. cit. ; GLANTZ David, Leavenworth Papers: August Storm: Soviet Tactical and Operational Combat in Manchuria, 1945, n°8, Fort Leavenwort, Combat Studies Institute, 1983, 215 p., pp. 35-36, [en ligne] https://www.armyupress.army.mil/Portals/7/combat-studies-institute/csi-books/Glantz-lp8.pdf (dernière consultation le 18/07/2021)

[147]Pourtant, le 26 juillet les dirigeants militaires japonais reçurent un rapport mettant en avant l’augmentation des troupes à la frontière en Mandchourie et précisant notamment qu’elles ne disposaient pas d’équipement d’hiver, laissant présager une attaque rapide cet été. Néanmoins, personne ne s’en préoccupa réellement. « “Magic” – Far East Summary », n°1226, dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2005 (1re éd. 1945), 18 p., [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/sites/default/files/documents/3913520/Magic-Diplomatic-Summary-War-Department-Office.pdf (dernière consultation le 24/07/2021) ; HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 136

[148]Ibid., pp. 163-165

[149]« Is the Kwantung Army that weak ? Then the game is up. », PAPE Robert, op. cit., p. 183

[150]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 165-166

[151]Ibid., p. 166

[152]Ibid.

[153]Ibid., p. 166

[154]Ibid., p. 167

[155]Ibid., p. 168

[156]Ibid., pp. 170-174

[157]Ibid., pp. 175-176

[158]HOSHINA Zenshiro, « The Emperor made go-seidan », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 1975, 9 p., pp. 1-7, [en ligne] https://nsarchive2.gwu.edu/NSAEBB/NSAEBB162/62.pdf (dernière consultation le 25/07/2021)

[159]Par ailleurs, nous notons que cette nouvelle définition influença fortement les Américains dans leur décision de refuser cette première capitulation. Ibid., p. 7

[160]Ibid., p. 8

[161]« Translation of intercepted Japanese messages, circa 10 August 10, 1945, Top Secret Ultra », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2005 (1re éd. 1945), 1 p., [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/documents/atomic-bomb-end-world-war-ii/077b.pdf (dernière consultation le 25/07/2021)

[162]Umezu refusa immédiatement de rejoindre le coup d’État, ce qui le voua à l’échec. Après un temps d’hésitation, Anami refusa également. Néanmoins, nous notons qu’aucun des deux hommes n’entreprit d’action préventive contre ce coup. HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., pp. 202-204

[163]« The Japanese Government is ready to accept the terms enumerated in the joint declaration which was issued at Potsdam, July 26, 1945, by the Heads of Government of the United States, Great Britain, and China, and later subscribed by the Soviet Government, with the understanding that said declaration does not comprise any demand which prejudices the prerogatives of His Majesty as a sovereign ruler. », « “Magic” – Far East Summary », n°1233, dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 2005 (1re éd. 1945), 13 p., p. 2, [en ligne] https://nsarchive.gwu.edu/sites/default/files/documents/3913551/The-First-Japanese-Offer-Intercepted-Magic.pdf (dernière consultation le 24/07/2021)

[164]LONG Doug (éd.) et STIMSON Henry, « Hiroshima: Henry Stimson’s Diary and Papers », op. cit., p. 10

[165]Le Monde, « Les conditions Alliées à la capitulation japonaise », dans Le Monde, Paris, Société Editrice du Monde, 1945, [en ligne] https://www.lemonde.fr/archives/article/1945/08/14/les-conditions-alliees-a-la-capitulation-japonaise_1860645_1819218.html (dernière consultation le 14/07/2021)

[166]Ibid.

[167]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 186

[168]Nous remarquons cependant qu’Anami hésita longuement à s’y joindre.

[169]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 200

[170]SHIMOMURA Hiroshi, « The Second Sacred Judgement », dans National Security Archive, Washington D.C., National Security Archives, 1948, 4 p., pp. 3-4, [en ligne] https://nsarchive2.gwu.edu/NSAEBB/NSAEBB162/74.pdf (dernière consultation le 25/07/2021)

[171]« If we continue the war, the result will be that our homeland will be reduced to ashes. », ibid., p. 3

[172]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 197

[173]« the Soviet entry into the war was decisive for Japan’s decision to surrender, with greater influence than the two atomic bombs combined », ibid., p. 264

[174]WILSON Ward, « The Winning Weapon? Rethinking Nuclear Weapons in Light of Hiroshima », op. cit., p. 175

[175]Id., « Ce n’est pas la bombe atomique qui a poussé le Japon à capituler », op. cit.

[176]« I believe the Russian participation in the war against Japan rather than the atom bombs did more to hasten the surrender. » PAPE Robert, op. cit., p. 187

[177]Par ailleurs, une tentative de coup d’État eut tout de même lieu.

[178]Les bombes atomiques, « bien qu’utilisées comme une excuse par les Japonais pour sortir de la guerre, n’ont en réalité accéléré la capitulation que de quelques jours » (« while seized upon by the Japanese as an excuse for getting out of the war, actually speeded surrender by only a few days. »), selon certains Américains ayant débarqué à Tōkyō peu après la capitulation. DOWER John, Embracing Defeat: Japan in the Wake of World War II, Londres, Allen Lane, 1999, 676 p., p. 44

[179]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 209

[180]LUCKEN Michael, Les Japonais et la guerre : 1937-1952, Paris, Fayard, 2013, 398 p., p. 183

[181]Texte ayant servi de support pour le discours radiodiffusé de capitulation de l’empereur.

[182]BAYARD-SAKAI Anne (dir.), LOZERAND Emmanuel (dir.) et LUCKEN Michael (dir.), Le Japon après la guerre, Ales, Picquier, 2007, 406 p., p. 348

[183]« After the war, US occupation officials were determined to convert Japan into a Western-style democracy » POLMAR Norman et THOMAS Allen, op. cit., p. 204

[184]« To help Japan’s image, they suppressed intelligence data about Japan’s use of poison gas and germ warfare in China and experiments on human victims, among them Allied prisoners of war. », ibid., p. 204

[185]« US officials also kept evidence of these activities from being introduced at war-crimes trials. », ibid., p. 204

[186]WILSON Ward, « The Winning Weapon? Rethinking Nuclear Weapons in Light of Hiroshima », op. cit., p. 167

[187]HASEGAWA Tsuyoshi, Staline, Truman et la capitulation du Japon – La course à la victoire, op. cit., p. 250

[188]POLMAR Norman et THOMAS Allen, op. cit., pp. 330-333

[189]L’auteur parle ici des vies des soldats devant originellement participer à l’invasion du Japon.

[190]« The Potsdam Proclamation was not accepted by the Japanese. The atomic bomb dropped on Hiroshima did not produce a surrender. Not until the dropping of the second bomb on Nagasaki and the Soviet invasion of Japanese-held territory did the Big Six began to seriously contemplate surrender. […] President Truman’s decision to use the bomb ended the war and saved those lives. », ibid., p. 364

[191]FRANK Richard, op. cit., pp. 347-348

[192]POLMAR Norman et THOMAS Allen, op. cit., p. 330

[193]« Japan’s leaders purposely misled America’s leaders about why they surrendered. » WILSON Ward, Five myths about Nuclear Weapons, op. cit., pp. 7-8

[194]Ibid., pp. 52-53

[195]WILSON Ward, Five myths about Nuclear Weapons, op. cit.

[196]« while nuclear weapons may have substantially influenced political rhetoric, public discourse, and defense budgets and planning, it is not at all clear that they have had a significant impact on the history of world affairs since World War II. They do not seem to have been necessary to deter World War III, to determine alliance patterns, or to cause the United States and the Soviet Union to behave cautiously. », MUELLER John, « The Essential Irrelevance of Nuclear Weapons: Stability in the Postwar World », dans International Security, vol. 13, n°2, Cambridge, The MIT Press, 1988, 191 p., pp. 55-79, p. 56, [en ligne] https://www.jstor.org/stable/2538971 (dernière consultation le 23/07/2021)

[197]BASRUR Rajesh, COHEN Michael et WARD Wilson, op. cit., p. 211

[198]Ibid., p. 212

7 réflexions sur “Japon, 1945 : l’inefficacité stratégique de la bombe atomique

  1. Bonjour,
    Je prends connaissance avec un très grand intérêt de votre excellent article.
    Une question néanmoins : dispose-t-on d’éléments permettant d’affirmer que – si le Japon n’avait pas capitulé – Staline aurait poussé son offensive au-delà de la Mandchourie jusque vers les îles principales du Japon ?
    Cette menace était-elle réelle (et documentée désormais) ?
    Merci par avance.

    1. Bonsoir, je vous remercie pour ce commentaire ! Capitulation ou pas, Staline souhaitait envahir l’île de Hokkaidô afin de diviser la zone d’occupation (comme en Allemagne par exemple), il en a même fait une demande officielle à Truman qui la rejeta complètement. Staline ordonna tout de même les préparatifs d’une invasion de l’île, mais retira cet ordre quelques jours plus tard. La menace fut donc bien réelle. Ne lisant pas le russe, je ne peux vous conseiller de source primaire (en dehors des messages que s’échangèrent Staline et Truman durant la seconde moitié du mois d’août qui se trouvent très probablement sur ce site : https://nsarchive.gwu.edu/ ), mais l’historien Tsuyoshi Hasegawa a rapporté de manière détaillé l’opération soviétique et les tensions géopolitiques et diplomatiques dans son ouvrage « Staline, Truman et la capitulation du Japon » (il s’agit ici de la traduction en français d’un de ses textes) et cite de nombreuses sources primaires dans ses notes par exemple.

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