Contre-Insurrection, Théorie et pratique

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La 317e Section, Pierre Schœndoerffer, France/Espagne/Italie, 1964, 1h30

Le XXIe siècle est marqué par un changement profond des crises. Alors que les conflits inter-étatiques étaient encore la norme jusqu’au milieu du XXe siècle, les années de l’après seconde guerre mondiale ont vu l’apparition d’un nouveau type de conflit : les guerres asymétriques, celles du faible au fort, de manière non conventionnelle, c’est à dire ne s’appuyant pas sur le droit à/de la guerre. C’est bien ce dernier point sur la conventionnalité qui est le plus important. L’histoire est marquée de conflits conventionnels ayant opposé de grandes puissances à de plus petites, comme en septembre 1939 lorsque la Pologne fut attaquée par l’Allemagne, puis à partir du 17, par l’URSS.

Mais ces conflits inter-étatiques conventionnels se font de plus en plus rares. Non pas que les conflits armés ne soient plus de mise au profit du dialogue. Au contraire. De plus en plus éclatent aux marges de l’Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, opposant des États à des groupuscules et autres organisations non-étatiques. Ces derniers, ne bénéficiant généralement pas des avantages numériques et/ou technologiques de leurs adversaires, s’appuient sur une cause pour s’octroyer le soutien populaire, leur objectif prioritaire, et mènent des actions de guérilla pour éviter l’affrontement de masse, frontal, qui leur serait sûrement fatal. Ce genre de tactiques « low-cost, low-tech »1 peut d’ailleurs se révéler redoutable.

L’histoire militaire française n’est pas étrangère à ce domaine. Loin de là. Nous pouvons remonter d’abord à la « pacification », avec des figures emblématiques tels Galliéni ou Lyautey dans les colonies, que ce soit au Tonkin, à Madagascar, en Algérie ou au Maroc. Il s’agissait de quadriller le territoire nouvellement conquis, afin de mater toutes rébellions et poches de résistance restantes. Puis le terme de contre-insurrection se substitua à celui de Pacification, le contexte international changeant énormément.

La Seconde Guerre mondiale renforça le nationalisme et la volonté d’indépendance dans certains pays colonisés. Les puissances colonisatrices d’antan, à savoir France et Royaume-Uni, ont en effet montré leurs faiblesses lors du conflit et de nouvelles puissances opposées au colonialisme se substituèrent à celles-ci : l’URSS et les États-Unis d’Amérique. Sur fond de guerre froide, de nombreux conflits éclatèrent, que ce fut en Indochine, en Malaisie ou en Algérie. Les troupes occidentales furent alors déroutées lorsqu’elles s’aperçurent que les doctrines de guerre conventionnelles n’étaient pas adaptées à ce type de conflit.

C’est dans ce contexte qu’apparurent de nouveaux penseurs français tels Hogard, Trinquier ou encore Galula, qualifié de « Clausewitz de la Contre-Insurrection » par le Général américain David H. Petraeus dans la préface de Contre-Insurrection, Théorie et Pratique. Sur le terrain, ceux-ci mirent en pratique leur pensée tout en restant dans la droite lignée de leurs prédécesseurs de la pacification. David Galula est le plus connu de ces théoriciens, redécouvert récemment en France après avoir conquis l’armée américaine et avoir fait partie des références du Field-Manual 3-24 de l’Armée des états-Unis2 .

Je me propose donc d’établir une fiche de lecture de son ouvrage majeur Contre-Insurrection : Théorie et Pratique aux éditions Economica. David Galula, officier de l’armée française, fait partie de ces hommes qui connurent une carrière militaire pour le moins étonnante. Né à Sfax en Tunisie en 1919, il rentre à Saint-Cyr en 1939. Juif, il est radié de l’armée mais n’hésite pas à rejoindre l’Afrique du Nord pour continuer la lutte. Réintégré par le général Giraud avec le grade de lieutenant, il participe à la campagne de France puis d’Allemagne.

Après la guerre, en tant qu’attaché, il assiste à plusieurs insurrections, en Chine ou en Grèce, lui permettant d’approfondir encore plus sa pensée et de percevoir cette nouvelle forme de guerre qui allait bientôt s’imposer majoritairement : la guerre insurrectionnelle. Lors de la guerre d’Algérie, il mit en œuvre ses principes et parvint à pacifier parfaitement son secteur. Ce sont ces principes de contre-insurrection qu’il couche sur papier dans Contre-Insurrection : Théorie et Pratique. Publié d’abord en 1964 aux États-Unis par la Rand Corporation, il fallut attendre 2008 pour voir une parution en France. Véritable icône de la contre-insurrection outre-Atlantique, il est alors un quasi-inconnu dans sa propre patrie.

Découpé en sept chapitres, le livre décrit les étapes de l’insurrection et celles de la réaction des loyalistes aussi bien sur le plan stratégique que tactique.

Après une introduction dans laquelle Galula explique ses choix lexicaux quant à la guerre révolutionnaire, le premier chapitre, intitulé Nature et traits généraux de la guerre révolutionnaire, en ancre les principes. Contexte de la guerre froide oblige, Galula emploi le terme de guerre révolutionnaire, par analogie avec la révolution en Chine à laquelle il a assisté. La guerre révolutionnaire est un conflit intérieur, opposant une partie insurgée de la population (avec ici à sa tête un parti politique) pouvant avoir des soutiens extérieurs, au pouvoir établi possédant forces armées, police et administration, dont les partisans sont les « loyalistes ».

Mais l’insurrection n’est ni un complot, ni une révolution. Elle est un processus long, contrairement à la révolution qui est une explosion soudaine, et de masse, à l’inverse du coup d’état qui n’implique qu’un petit groupe de conjurés dans la clandestinité. L’insurrection est une guerre civile, opposant des concitoyens. Cependant, une asymétrie existe entre eux : les loyalistes disposent de nombreux avantages parmi lesquels la légitimité, la reconnaissance diplomatique, les forces armées, les infrastructures. Les insurgés, quant à eux, ne disposent que de deux avantages, leur cause et l’initiative du conflit.

En effet, la contre-insurrection est la réaction à l’insurrection. Le passage de la paix à la guerre peut varier. Dans les pays où l’opposition politique est tolérée, les partis révolutionnaires peuvent s’attacher les masses pacifiquement avant de recourir à la force. Dans les pays où l’opposition est muselée, les partis agissent dans l’ombre et leur passage à l’action est une véritable surprise si l’État ne les avait pas surveillé.

En effet, l’État loyaliste peut voir des signes avant-coureurs et des mesures anticipatives peuvent entraver les insurgés, hormis si ceux-ci s’organisent sous couvert de la légalité. Le passage à la phase active de l’insurrection marque le début des hostilités. Celle-ci ne vise pas à la destruction des forces armées ennemies, mais à l’acquisition du soutien de la population. Affaiblis par l’asymétrie du conflit, les insurgés ont besoin de la population pour accroître la légitimité de leur cause, se cacher, obtenir plus d’effectifs, de ravitaillement ou tout simplement de renseignements. Leur cause et la propagande adéquate peuvent les aider fortement. Mais les loyalistes ont aussi besoin de la population pour se maintenir et éviter de la voir passer aux insurgés.

La guerre est donc avant tout politique. La stratégie du loyaliste est chère et semble difficile face à un adversaire flexible qui n’a rien à prouver envers la population. Les loyalistes sont donc eux aussi désavantagés et plus l’insurrection gagnera en puissance et en soutien, plus ils s’affaibliront proportionnellement.

Le chapitre 2, Conditions de la victoire de l’insurrection, s’intéresse aux prérequis d’une insurrection. Le plus important est la cause. Avec une cause, des individus dotés de leadership peuvent s’attirer les foules pour contrecarrer les avantages des loyalistes. La cause doit être séduisante et large, pour englober le maximum de supporters. Il faut aussi que cette cause ne puisse être reprise par les loyalistes comme l’indique Galula, prenant l’exemple de la réforme agricole pour les Hukbalahaps aux Philippines, que le Royaume-Uni s’octroya en offrant les terres aux partisans potentiels des Huks, rendant caduc la cause brandit et mettant ainsi en échec l’insurrection3.

La cause peut être de plusieurs natures : politique, économique, sociale, raciale ou même virtuelle. Il faut seulement qu’elle soit large pour fédérer les individus et amoindrir l’opposition. Rien n’empêche d’ailleurs d’en supporter plusieurs ou même d’en changer en cours de route.

Galula s’intéresse ensuite aux forces et faiblesses des loyalistes. En fonction du régime politique en vigueur, l’insurrection a plus ou moins de chances de passer à l’action. Dans un état d’anarchie totale, elle ne connaît pas vraiment d’obstacles, tandis que dans un état totalitaire où l’opposition est muselée, elle devra agir dans l’ombre, sans grand espoir de victoire. La bureaucratie aussi est une arme. Une bureaucratie efficace secondée d’une administration forte est un obstacle majeur pour l’insurrection, qui aura le plus grand mal à faire usage de sa propagande et à agir clandestinement.

Cependant, comme ce fut le cas en Algérie, s’il existe un vide administratif, les insurgés en profiteront, commençant par le bas de l’appareil avant de remonter. Ainsi, c’est dans le plus petit échelon administratif, le douar, que le FLN agissait, un seul représentant du gouvernement français y étant présent4 .

Enfin, la force armée d’un régime peut aussi être un handicap pour les loyalistes. Il lui faut des effectifs nombreux, de l’ordre de 10 à 20 contre 1 pour surveiller la population et le territoire, il faut aussi que les troupes ne soient pas attirées par la cause des insurgés. L’infanterie redevient la reine des batailles et les moyens lourds doivent être utilisés judicieusement, ainsi l’aviation sera avant tout utile pour le soutien au sol, avec une aviation lente (par rapport aux avions à réaction), type Thunderbolt, T6 Texan ou Corsair. Il faut aussi que les troupes soient rapidement mobilisable quand l’insurrection éclate, pour agir le plus efficacement possible.

La géographie du territoire devient alors cruciale. Un vaste territoire étant plus difficile à contrôler et à parcourir. Les frontières sont des zones favorisées par les insurgés, qui peuvent les franchir pour se réfugier hors de la portée des loyalistes. Le climat est un avantage pour les loyalistes, plus celui-ci est rude, plus les insurgés auront du mal à le supporter, n’ayant pas les moyens adéquates pour s’en protéger. Un territoire fermé par des barrières naturelles est aussi un terrain défavorable pour les insurgés, puisqu’il peut facilement être compartimenté par les loyalistes. Enfin, les voisins frontaliers peuvent soutenir l’insurrection moralement, politiquement, techniquement, financièrement ou militairement.

Le chapitre 3Doctrine de l’insurgé, présente les deux modèles d’insurrections existant :

• Le modèle orthodoxe (communiste) : Il débute avec la création d’un parti, fort, uni, régulièrement purgé pour assurer sa viabilité et doté d’une organisation de surface et une autre clandestine. Vient ensuite la création d’un front uni, avec des alliances politiques, mais jamais de fusion. Le projet défendu doit être accepté de tout les partis. En même temps, l’organisation clandestine prépare la lutte à venir en essayant d’entraver une éventuelle réaction loyaliste, en cherchant à éviter une fissure dans le front politique et en tentant de mobiliser les masses.

Cette étape prépare la suivante, celle de la guérilla. Celle-ci permet de lancer l’insurrection, tout en protégeant ses forces d’un combat frontal trop risqué. Il s’agit de harceler les loyalistes, de gagner en expérience et en soutien. La population sert à la fois de vivier, de soutien et de cachette pour les insurgés. Le front uni ne disparaît pas durant cette phase, il se renforce pour permettre de passer à la phase de la guerre de mouvement.

Avec la création de force régulière, les insurgés peuvent affronter les loyalistes sur leur propre terrain. Le territoire est divisé entre zones de guérilla, zones ennemies (loyalistes donc) bases des forces de guérilla et bases régulières. La population est encadrée verticalement (par catégories) et horizontalement (organisation géographique) pour accroître leur implication dans la lutte. Ainsi la lutte s’amplifie et les loyalistes s’affaiblissent, permettant l’étape finale, celle de la campagne d’annihilation. Il s’agit d’anéantir les moyens militaires loyalistes, tout en cherchant à négocier avec lui.

• Le modèle bourgeois : Beaucoup plus rapide, celui-ci débute par une campagne de terrorisme aveugle pour faire connaître le mouvement et attirer d’éventuels supporters. Le terrorisme sélectif succède à celui aveugle. Il a pour objectif de séparer les loyalistes de la population et de ses alliés. Les personnes modérées, cherchant un compromis, ou des représentants du régime à de bas échelons (donc proches de la population) sont des cibles de choix. De l’argent est d’ailleurs demandé à cette dernière, pour mesurer son taux d’adhésion à l’insurrection et financer le mouvement. A partir de cette étape, le modèle bourgeois reprend le modèle orthodoxe. Il est néanmoins plus vulnérable au départ puisqu’il agit de manière clandestine et violente. Mais à partir de l’étape 3, ce modèle est moins vulnérable que le modèle orthodoxe, les insurgés ayant déjà tenu le choc de la réaction des loyalistes.

Les chapitres 4 et 5 détaillent les types de contre-insurrection en fonction du modèle choisi par les insurgés. Galula distingue la guerre révolutionnaire froide et la guerre révolutionnaire chaude.

• La guerre révolutionnaire froide correspond aux deux premières étapes du modèles orthodoxe, l’action des insurgés est non violente et dans les limites de la légalité. Le loyaliste peut tuer l’insurrection dans l’œuf en agissant contre les leaders du mouvement, qui ont encore peu de soutien populaire. Il peut essayer de les arrêter, restreindre leurs capacités ou interdire leur publications et mouvements. Mais pour cela, il faudrait soit que la cause des insurgés n’intéresse pas la population, que des moyens légaux soient disponibles ou que les loyalistes disposent d’outils pour empêcher les insurgés de faire leur publicité.

Les loyalistes peuvent aussi s’attaquer aux conditions de l’insurrection, en s’attaquant aux problèmes sur lesquels repose la cause des insurgés, en renforçant ses failles qu’elles soient administratives, judiciaires, militaires ou politiques ou en consolidant l’appareil politique notamment en se rapprochant des masses. Cela permettra qu’elle n’en vienne pas à soutenir l’insurrection lorsque celle-ci éclatera. Enfin, le mouvement insurgé peut aussi être infiltré pour le détruire de l’intérieur, notamment en créant des dissensions internes ou en renseignant sur ses projets.

• La guerre révolutionnaire chaude correspond aux trois dernières étapes du modèle orthodoxe et à l’intégralité de celui bourgeois. Les insurgés sont sortis au grand jour, les loyalistes sont débarrassés des contraintes juridiques. Mais leur réaction est limitée, il leur faut le temps de mobiliser leurs troupes et de savoir quels citoyens leur sont favorables ou non. Des zones sont acquises à l’insurrection, d’autres sont en cours de renversement et d’autres sont toujours loyales. Les doctrines de la guerre conventionnelles ne sont pas adaptées. L’ennemi est partout et nulle part, le territoire doit donc être saturé, ce qui pose des problèmes d’effectifs. Il faut à la fois tenir le terrain et envoyer des colonnes mobiles harceler et annihiler les forces adversaires.

Mais le but principal de la contre-insurrection est la population. Celle-ci est vitale à la fois aux insurgés et aux loyalistes. Ces derniers doivent garder leur mobilité et ne peuvent rester longtemps dans les zones sécurisées, il faut que la population prenne le relais pour éviter le retour des insurgés. Pour s’attirer le soutien de la population, il faut s’appuyer sur la minorité active, afin qu’elle se renforce par la masse et restreigne l’opposition. Une contre-cause doit alors être trouvée.

Avant de lancer des réformes, la stratégie des loyalistes est donc de chasser les insurgés d’une zone (initiative), y installer des troupes, nouer des liens avec la population, briser l’organisation politique insurgée, organiser des élections locales, tester la fiabilité des nouveaux dirigeants et créer des forces locales fiables (économie des forces et irréversibilité du processus), regrouper ces dirigeants dans un front uni et viable, s’occuper des derniers insurgés puis passer à une autre zone. Par délégation de responsabilité à des éléments fiables, il est possible de s’occuper d’une autre zone en même temps. Le procédé est simple dans la forme mais dans le fond il doit s’exécuter dans la durée et demande de nombreux moyens.

Le chapitre 6de la stratégie à la tactique, se veut plus précis. Soldats et civils doivent agir conjointement. La primauté du pouvoir politique est essentielle. L’action militaire y est subordonnée. Les efforts doivent donc être concentrés au sein soit de comités (comme en Malaisie) ou au sein d’états-majors civilo-militaires. Les deux peuvent être complémentaires, le comité aux échelons les plus élevés et l’état-major aux échelons subordonnés pour plus de réactivité.

Au niveau des troupes, des formations statiques devront protéger la population et être le bras armé de l’action politique, tandis que des troupes mobiles combattront les insurgés de manière conventionnelle. Il s’agit surtout d’infanterie légère et mobile, appuyées par des avions lents, bien armés et à long rayon d’action. La marine se cantonnera à un blocus et des embarcations légères pourront remonter les cours d’eau comme en Indochine5. Les soldats doivent aussi agir auprès de la population et oublier la manière conventionnelle de faire la guerre, excepté dans les unités mobiles. Une certaine fiabilité politique est recherchée.

Au plan stratégique, la reconquête du territoire peut se faire des zones les plus difficiles aux plus faciles, ou bien l’inverse. La quantité des efforts requis changeant en fonction. Une analyse est nécessaire, comment se présente le territoire, son climat, sa topographie, la mentalité de sa population ? Quels moyens engager ? A partir de ce raisonnement, il est possible de repérer une région test d’où commencera la contre-insurrection. Le loyaliste doit, avant de se lancer, trouver une contre-cause ou trouver le moyen de faire ressentir à la population ce qu’elle aurait à perdre si jamais l’insurrection l’emportait (rationnement de la nourriture, importance des infrastructures présentes…).

Le dernier chapitre, opérations, décrit les étapes de la contre insurrection et ses limites. Pour chasser les forces insurgées d’un secteur, les troupes mobiles doivent s’y cantonner jusqu’à ce que les troupes statiques s’établissent suffisamment. Une propagande à l’intention des troupes, de la population et des insurgés est déployée sans cesse : les bavures doivent être évitées, toute aide envers les insurgés entraînera plus de destructions, les insurgés doivent être poussés à l’affrontement…

Il faut dès lors encadrer, surveiller et protéger les populations pour acquérir leur soutien et des renseignements sur les insurgés. Pour cela, l’autorité du loyaliste doit être ré-établie, notamment en aidant la population, en la déplaçant dans des villages sécurisés et s’en servir pour démanteler l’organisation politique adverse sur la base de ses renseignements. Un mouvement politique pro-loyaliste peut alors être crée. Il devra être mis à l’épreuve en lui fournissant des missions précises dont l’issue décidera de la fiabilité des dirigeants élus. Les différents dirigeants pourront alors être réunis en un parti politique. Cette tache est longue. Les derniers insurgés seront alors acculés et certains rejoindront sûrement les loyalistes.

Toutes les guerres ne visent pas à l’éradication des forces ennemies, la contre-insurrection en est la preuve criante. C’est pour cela que je recommande cet ouvrage, véritable petit manuel pratique d’un auteur précis, s’appuyant sur bon nombre d’exemples souvent vécus. Néanmoins, Galula indique que les principes relatés dans son ouvrage ne sont valables que face à un mouvement révolutionnaire « communiste ».

Or, bien qu’il soit une inspiration majeure pour l’armée américaine, les résultats mitigés retirés du Surge en Afghanistan montre bien les limites ou la mauvaise utilisation de ses préceptes.6 Depuis la fin de la guerre froide, la cause des insurgés a beaucoup évolué. Des motifs religieux ou anticapitalistes (voir anti-occidentaux/anti-américains) sont désormais les principales causes de ces nouvelles insurrections. Les pratiques évoquées précédemment sont donc plus difficiles à appliquer.

En effet, Comment avoir un impact sur la conception que certaines personnes ont de telle ou telle religion ? Par quels moyens agir contre le rejet d’un modèle économique ou d’une façon de penser ? Voilà donc quelques questions qui entravent la doctrine de contre-insurrection actuellement. Néanmoins, le livre n’est pas totalement dépassé et certains de ses préceptes restent de vigueur, notamment au sujet de la population qui demeure l’objectif majeur dans ce type de conflits, plus politique et social que militaire, mais également du découpage du territoire, crucial, et des troupes qui doivent être réparties entre forces statiques et forces mobiles. 48 ans après sa mort, Galula reste donc toujours d’actualité.

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1 Henrotin, J. (2015) Vers le citoyen-soldat 2.0, entretien avec Bernard Wicht, Défense, Sécurité Internationale, n°120, pp 38-42
http://usacac.army.mil/cac2/Repository/ … FM3-24.pdf, consulté le 28 décembre 2015
3 GALULA David, Contre-Insurrection :Théorie et Pratique, Economica, 2006, 215 p., p. 34
4 GALULA David, Contre-Insurrection :Théorie et Pratique, Economica, 2006, 215 p., p. 49
5 Major Jackson P. (2005), French Ground Force Organizational development for Counterrevolutionnary Warfare between 1945 and 1962, Master Thesis : Military History, Faculty of the US Army Command and General Staff College.
6 DORRONSORO, G. ; OLSSON C. ; POUYÉ R. (2012), Insurrections et contre-insurrections : éléments d’analyse sociologique à partir des terrains irakiens et afghan, Etudes de l’IRSEM, n°20.

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